26 février 2016

À l'ombre des jeunes filles en fleur


Désolée pour ce long hiatus, mais Proust ne se lit pas en criant ciseau.  Pas moyen de tourner les coins ronds avec lui, il faut bûcher.

Je ne pensais pas lire ce roman dès cet hiver, mais ayant branché ma liseuse pour la recharger, j'ai décidé de le télécharger et en lisant  la première phrase, j'ai eu l'impression de me retrouver à Combray et je n'ai pu m'empêcher de continuer.

Ma mère, quand il fut question d'avoir pour la première fois M. de Norpois à dîner, ayant exprimé le regret que le Professeur Cottard fût en voyage et qu'elle-même eût entièrement cessé de fréquenter Swann, car l'un et l'autre eussent sans doute intéressé l'ancien ambassadeur, mon père répondit qu'un convive éminent, un savant illustre, comme Cottard, ne pouvait jamais mal faire dans un dîner, mais que Swann, avec son ostentation, avec sa manière de crier sur les toits ses moindres relations, était un vulgaire esbrouffeur que le marquis de Norpois eût sans doute trouvé selon son expression, «puant».

Je dois avouer que je suis un peu moins emballée par ce deuxième tome d'À la recherche du temps perdu.  La première partie m'a semblé un peu ennuyante, en particulier le passage (attention au divulgâcheur!) où le narrateur s'est disputé avec Gilberte mais continue de visiter Mme Swann.  J'ai trouvé qu'il se grattait un peu trop la gale (ie qu'il se torturait lui-même sans arrêt); je l'aurais giflé!  Aussi, il y a moins de personnages amusants comme les Verdurin, le docteur Cottard et les tantes du narrateur.  Et surtout on n'est plus à Combray mais bien à Paris.  Heureusement, dès qu'on déménage à Balbec, au bord de la mer, (fin du divulgâcheur!) j'ai retrouvé les descriptions magiques du premier tome et j'ai eu l'impression d'être continuellement transportée dans des tableaux impressionnistes: paysages de Normandie, voiliers, jeunes filles se promenant sur la digue ou assises dans l'herbe, etc.  Ce n'est d'ailleurs sûrement pas un hasard si l'on visite l'atelier d'un peintre et que l'on assiste à de nombreuses discussions sur l'art. 

Je me suis presque étouffée à la lecture des propos ouvertement antisémites que Proust met dans la bouche de plusieurs personnages.  Le narrateur (et donc l'auteur) reste plutôt neutre à ce sujet, je me demande s'il prendra position dans les tomes suivants.


À l'ombre des jeunes filles en fleur (À la recherche du temps perdu, tome 2) de Marcel Proust, 1919, 568 p.