28 décembre 2012

La Fiancée américaine

Dès les premières pages de cette brique (557 p., mais avec une police de taille normale, on aurait facilement atteint les 800!), j'ai été happée par cette saga familiale des plus originales, voire déjantées, une saga familiale pour ceux qui détestent les sagas familiale!  J'avais l'impression de lire un John Irving qui aurait grandi dans le bas du fleuve.  Le personnage de Louis «Cheval» Lamontagne, cet homme fort qui se produit dans les foires en Nouvelle-Angleterre, est particulièrement irvingesque. Quant au personnage de la grand-mère, dont le fantôme habite chez son petit-fils entrepreneur de pompes funèbres en attendant sa deuxième mort, il m'a fait penser à Gabriel Garcia Marquez. D'ailleurs, Cent Ans de solitude n'est-il pas aussi une saga familiale pour ceux qui détestent les sagas familiales?

En deuxième moitié, j'ai été un peu déstabilisée par un changement de cap un peu brusque. Sous forme épistolaire, les deux jumeaux de la quatrième génération des Lamontagne, l'un à Berlin-Est, l'autre à Rome, échangent leurs souvenirs d'enfance. On abandonne le côté un peu fantaisiste de la première partie, qui ressemblait presque à un conte de Fred Pellerin, pour un ton plus cynique, moins bon enfant.  J'ai tout de même trouvé intéressant de comparer le point de vue de chacun des jumeaux sur leur famille et sur divers événements de leur enfance.

C'est le personnage de la vieille Allemande qui raconte à un des jumeaux ses souvenirs de la Deuxième Guerre mondiale qui m'a de nouveau passionnée, et à partir de là j'ai été accrochée jusqu'à la fin.  J'ai particulièrement apprécié les éléments qui reviennent tout au long du récit: La Tosca de Puccini, la scène de la mise au tombeau de la Vierge, les amoureux qui se rencontrent à des cours de chants, les petites croix en or, etc.  Bien sûr, il y a énormément de coïncidences dans l'intrigue, mais sont-ce des coïncidences ou le jeu du Destin?

Fait amusant, je pense avoir relevé un petit anachronisme: selon moi, la station de métro Outremont n'était pas construite en 1980. Bien sûr, il n'y a que moi pour remarquer ce genre de détails insignifiants, qui ne gâchent en rien le plaisir de la lecture!

Je ne connaissais pas Éric Dupont, mais ce roman fait de lui un écrivain à suivre désormais!

(Merci aux éditions Marchand de feuilles pour l'envoi.)

La Fiancée américaine d'Éric Dupont, 2012, 557 p.

06 décembre 2012

My Brilliant Career (Ma Brillante Carrière)

Houlala, je suis vraiment très en retard pour le Blogoclub!  Il ne faudrait pas en conclure que la sélection de ce trimestre ne m'a pas plu, bien au contraire.  En fait, j'ai bien aimé découvrir cette écrivaine australienne du début du XXe siècle dont je n'avais jamais entendu parler. Ayant appris qu'elle a écrit ce roman largement autobiographique à l'âge de vingt et un ans, je n'en ai que plus d'admiration pour elle!

Je dois dire qu'au début j'ai eu un peu de difficulté à accrocher.  La narratrice, jeune fille d'une famille aisée tombée dans la dèche à cause des mauvais choix et de l'alcoolisme du père, me semblait geignarde. Lorsque dans le deuxième tiers elle va habiter chez sa grand-mère où elle retrouve l'abondance et une vie plus facile, elle devient capricieuse, égocentrique, mais on sent qu'elle a un bon fond et l'on se prend d'affection pour elle. Différents événements la feront évoluer jusqu'à ce qu'elle quitte l'enfance et trouve sa voie, celle d'une femme indépendante qui sait qu'elle peut aspirer à autre chose qu'être une épouse et une mère.

J'ai apprécié la description de la vie quotidienne dans un ranch du bush australien.  Noël en plein été, c'est original!  Le dictionnaire Oxford intégré à ma liseuse a d'ailleurs été des plus utiles, puisqu'il donnait la définition d'expressions typiquement australiennes et de noms de plantes, d'oiseaux, inconnus ici.  Par exemple, to be on the wallaby signifie être en chômage, et des poddies sont des veaux!

 
Pour connaître l'avis des autres membres du Blogoclub, suivez les liens chez nos aimables organisatrices Lisa et Sylire

My Brilliant Career de Miles Franklin, 1901, 260 p.  Titre de la version française: Ma Brillante Carrière.

14 novembre 2012

Bonne nouvelle...

1500 titres québécois offerts en version numérique en Europe.

Voilà qui va réjouir les Européens amateurs de littérature québécoise...  Presque une raison suffisante pour s'acheter une liseuse!

07 novembre 2012

Mr. Peanut



Lorsque sa femme allergique aux arachides est trouvée morte d'un choc anaphylactique, David Pepin est rapidement considéré comme le principal suspect, particulièrement lorsqu'on apprend qu'il écrivait justement un roman mettant en scène un écrivain voulant tuer sa femme!  Un polar donnant du couple une image plutôt noire, surtout que les deux flics chargés de l'enquête ont eux-mêmes des vies conjugales plutôt compliquées. Mais ces policiers ne font-ils pas plutôt partie du roman écrit par le suspect? Flash-backs, mises en abyme, rêves, faux-semblants, on en vient à douter de tout, surtout que des éléments sont repris subrepticement d'une partie à l'autre du récit. Une intrigue fort intelligente, dont la construction est inspirée de l'oeuvre d'Escher Rencontre qui orne d'ailleurs les pages liminaires.  L'influence d'Hitchcock se fait aussi sentir, ce qui m'a donné le goût d'aller faire une virée dans la section des classiques de mon club vidéo! 

À lire à tête reposée car cela demande tout de même un certaine niveau d'attention...


M.C. Escher, Rencontre


L'avis d'InColdBlog, et (en anglais) l'entrevue de l'auteur chez Booklady.


Mr Peanut d'Adam Ross, 2010, 335 p.  Le titre de la version française est inchangée.

18 octobre 2012

Reçu en service de presse...



La Fiancée américaine d'Éric Dupont (Éditions Marchand de feuilles).  Après la chronique de Foglia  la semaine passée, j'ai très hâte de le lire!

Lu en marge du communiqué qui accompagne l'envoi:

Liste non exhaustive des desserts
utilisés comme armes
dans La Fiancée américaine

Gâteau renversé à l'ananas
Pudding chômeur
Tarte au sirop
Galaktoboureko (flan grec)

À la fois intrigant et alléchant, non?  Je vous en reparle très bientôt!

17 octobre 2012

La Librairie des ombres

L'avocat Jon Campelli, enquêtant sur la mort suspecte de son père, libraire à Copenhague, s'aperçoit que celui-ci faisait partie d'une société secrète dont les membres possèdent d'étonnants pouvoirs paranormaux reliés à la lecture.

Dommage que la traduction de ce roman ne soit pas parfaite (j'ai repéré plusieurs expressions boiteuses, et les dialogues ne sonnent pas toujours juste); sans ce petit agacement, on aurait pu se trouver devant un vrai coup de coeur! La Librairie des ombres reste malgré tout un excellent thriller fantastique. L'idée de départ est épatante (et très attirante pour les lecteurs passionnés!) et l'intrigue fort bien ficelée nous tient en haleine jusqu'au bout.  J'ai adoré le concept des livres chargés d'énergie par leurs lecteurs successifs, et j'ai maintenant envie de visiter la nouvelle Bibliothèque d'Alexandrie, reconstruite au même endroit que sa mythique ancêtre!


Les billets de Laurence du Biblioblog (beaucoup moins positif que le mien!), de Keisha (qui a failli l'abandonner!), d'Ys (décidément, suis-je la seule de la blogosphère à avoir apprécié ce roman?)


La Librairie des ombres de Mikkel Birkegaard, traduit du danois en 2010, 451 p.  L'oeuvre originale, Libri di Luca, date de 2007.

13 octobre 2012

Rowling, les résultats

Je me précipite pour l'acheter:                          10%
J'attends qu'il sorte en poche:                           13%
J'attends qu'il soit disponible à la bibliothèque:   26%
Je ne suis pas plus intéressée que ça:              46%
Il faudrait qu'on me paye, et cher:                      3%

Autres réponses obtenues dans les commentaires: J'attends de voir les critiques, j'attends qu'on me le prête ou qu'on me l'offre en cadeau, je suis une maudite chanceuse qui l'a obtenu en partenariat avec l'éditeur!

Bref quelques curieuses* vont donner rapidement leur avis à celles, nombreuses, qui sont dans l'expectative. Tout de même, près de 50% de mes lectrices se désintéressent de la question, preuve que le battage publicitaire qui a entouré la sortie du bouquin ne les a pas affectées (ou les a mêmes un peu écoeurées? Si c'est le cas, défoulez-vous dans les commentaires ci-dessous!)


* J'ai spontanément mis ces phrases au féminin, j'espère que mes lecteurs masculins ne m'en voudront pas! Je ne veux surtout pas les exclure, mais sur mon blogue comme pour la lecture de romans en général, le féminin l'emporte nettement, désolée M. Grévisse!

09 octobre 2012

Affinity (Affinités)

Dans le Londres enfumé des années 1870, une jeune bourgeoise dépressive devient Lady Visitor, une dame qui visite des prisonnières pour leur donner l'exemple d'une vie vertueuse.  Elle se prend d'affection pour une prisonnière reconnue coupable de fraude et d'agression, qui se dit capable de communiquer avec les esprits.  Supercherie, schizophrénie ou vrai phénomène surnaturel? C'est la question qu'on se pose tout au long de ce roman à l'ambiance gothique à souhait.

La description de la prison donne vraiment froid dans le dos, et je crois qu'elle est assez réaliste. Par la bande, on aborde aussi la question de la situation des femmes célibataires dans l'Angleterre victorienne ainsi que des drogues (morphine, laudanum, etc) dont on bourrait les dames de la bonne société au moindre signe de dépression ou «d'hystérie».  Et comme c'est du Sarah Waters, on parle aussi d'homosexualité féminine, toujours avec délicatesse.

Passionnant, même si j'avais deviné assez rapidement une partie de l'énigme...


Affinity de Sarah Waters, 1999, 351 p. Titre de la traduction française: Affinités.

29 septembre 2012

Le dernier J.K. Rowling...

...vous êtes attirés un peu, beaucoup, à la folie ou pas du tout? Ça m'intrigue!

Participez à mon petit sondage pas du tout scientifique, dans la colonne de droite! ------>

Si les choix offerts ne vous satisfont pas tout à fait, il y a aussi les commentaires ci-dessous, exprimez-vous!


Mise à jour:  Le sondage est terminé, voyez les résultats ici!

20 septembre 2012

La Traversée de la ville

Je l'ai déjà dit souvent en ces pages, je n'aime pas l'utilisation du présent dans les romans historiques. J'aime qu'on me «conte une histoire», pas qu'on tente de me faire croire que cela se passe maintenant! Alors pour que je ne m'en aperçoive qu'à la page soixante du tome 2(!) de la série, c'est la preuve d'un grand talent. Comme si j'avais encore besoin de preuve dans le cas de Michel Tremblay! C'est que contrairement à d'autres écrivains, Tremblay n'essaie pas de nous faire accroire que le passé est le présent. Il arrive plutôt à nous transporter dans le passé, qui devient notre présent pour quelques heures...

La traversée de la ville, il n'y en a pas qu'une en fait, mais plusieurs, effectuées à deux ans d'intervalle par Maria, arrivant de Providence, Rhodes Island, et par sa fille Rhéauna, l'héroine du tome précédent, La Traversée du continent. Ces périples ponctuent le récit comme un refrain et nous font visiter le centre-ville de Montréal du début du XXe siècle.  Plusieurs points de repère sont encore là (le magasin La Baie, que ma mère appelait encore Morgan quand j'étais petite), d'autres se sont transformés (l'église Christ Church sous laquelle on a creusé les Promenades de la Cathédrale) ou ont disparu (Dupuis Frères).  Certaines réalités ont heureusement changé (le centre-ville entièrement anglophone à l'ouest de Saint-Laurent), mais il est bon de se rappeler que ces acquis peuvent être fragiles!

Un délice d'humour et d'émotion et un véritable voyage dans le temps!


Je crois que ce billet devrait clore ma participation au défi Mon Québec en septembre, puisque je n'ai plus rien de québécois dans la PAL. J'ai beaucoup aimé cette expérience, tant par mes propres lectures que par ce que j'ai pu voir sur les blogues des copines. Je vote pour que cela devienne un rendez-vous annuel!


La Traversée de la ville de Michel Tremblay, 2008, 208 p.


18 septembre 2012

Griffintown

Je ne sais trop pourquoi, je croyais me souvenir que Griffintown, dont j'avais entendu parler dans un forum dédié à la lecture et aussi chez Jules, était un roman historique se déroulant à Montréal au temps où on s'y promenait encore à cheval...  En fait, ça se déroule bien à Montréal, plus précisément dans le quartier se trouvant à
 l'embouchure du canal Lachine nommé, justement, Griffintown, mais les chevaux en question sont ceux des calèches qui font visiter la ville aux touristes, l'été!  Et le tout se passe de nos jours, alors que ce quartier fait saliver les promoteurs voulant y développer des condos et en faire le nouveau Plateau!

Avoir réussi à créer une ambiance de western en plein coeur de la ville, il faut le faire! Il y a même un saloon, un duel au pistolet, et une boule d'herbe qui roule comme dans les films! (Ça m'a rappelé que quand j'étais petite, j'avais reçu une de ces plantes en cadeau, elle était toute desséchée, mais dès qu'on l'arrosait elle devenait verte! Tranche de vie.)  Il ne manquait que la musique d'Ennio Morricone...  J'ai bien aimé me retrouver dans le petit monde des cochers, un monde de marginaux, qui vivent à un rythme différent du reste de la société, selon des lois qui leur sont propres.

Il y a bien un ou deux moments où j'ai trouvé que c'était un peu tiré par les cheveux, pour amplifier l'effet «far-west». Par exemple, quand il est dit que la police ne va jamais dans le quartier, qu'elle laisse les conducteurs régler leurs affaires entre eux, selon leurs propres règles, même dans un cas de meurtre!?  Il n'y a jamais non plus de fonctionnaires qui vérifient l'état des lieux, les soins donnés aux chevaux?  Mais dans l'ensemble, et à part quelques longueurs vers la fin,  j'ai bien apprécié ce roman. J'ai aimé surtout l'écriture de Marie-Hélène Poitras, qui est très vivante, imagée et qui dépoussière quelques expressions presque tombées dans l'oubli, comme «lui réserver un chien de sa chienne» et d'autres que j'aurais dû noter.

Un extrait:
Sans quitter sa cabine, le conducteur du camion déverse une montagne de roches grises tout près du buggy de Cendrillon. Armé d’un râteau et d’une pelle, Billy entreprend, comme à chaque début de sai­son, de recouvrir le pudding impur qui tapisse le sol.

  Pour les chevaux vétérans, ce bruit annonce un confort accru. La poussière de pierre absorbe la moi­teur environnante, tempère l’air de l’écurie, offre un climat plus indiqué pour les articulations abîmées et les jarrets sensibles.

  Recouvrir la souillure environnante, faire rouler les cailloux sur la merde est pour Billy, avec le rou­lage de cennes noires, l’activité qui se rapproche le plus d’une pratique spirituelle. Il le fait chaque année en priant silencieusement pour que l’abondance advienne à Griffintown, pour que souffrance et mal­veillance restent à l’écart. Il prie pour que les che­vaux soient solides sur leurs pattes, pour que les cochers se tiennent sans vaciller, pour que Paul revienne, pour qu’Evan disparaisse… Pour que la radio cesse de gricher ! Il va donner un coup de poing sur l’appareil et revient à sa tâche, se laissant envahir par la gratitude. « Merci pour le lit et l’abri où on me laisse dormir. Merci pour le petit Chinois qui vient livrer de la liqueur, du café instant, des oignons et du steak haché. Merci pour la santé, malgré le mal de dents. Merci, je suis debout et reconnaissant. »

Le billet de Karine, qui y aurait bien mis, elle aussi, une musique à la Ennio Morricone! Celui de GeishaNellie, qui a également trouvé quelques passages tirés par les cheveux!


Griffintown de Marie-Hélène Poitras, 2012, 209 p.
 


14 septembre 2012

Le Cri des oiseaux fous

J'ai beaucoup aimé Le Charme des après-midi sans fin, lu dans le cadre du Blogoclub il y a deux ans déjà. J'ai donc pensé que le défi Mon Québec en septembre serait l'occasion idéale de renouer avec cet auteur que par ailleurs je trouve très sympathique lorsque je le vois à la télévision. Et comme plusieurs de ses romans et essais sont disponibles en prêt numérique à la Grande Bibliothèque, rien de plus facile!

Après l'assassinat de son ami et collègue journaliste par les tontons-macoutes, le jeune Dany se laisse convaincre par sa mère de quitter Haïti au plus vite. Le roman raconte ses dernières vingt-quatre heures sur son île natale, alors qu'il entreprend une tournée de Port-au-Prince pour faire le plein de souvenirs et dire adieu à ses amis et amours.  Des adieux déguisés, silencieux, puisqu'il a promis à sa mère de ne révéler son départ à personne.

J'aime beaucoup quand Laferrière nous décrit la vie quotidienne en Haïti et nous dresse le portrait de ses habitants.  C'est donc cet aspect du roman qui m'a le plus touchée. Il y a aussi de nombreuses réflexions très intéressantes sur la dictature, la liberté, la pauvreté, l'exil.

J'ai trouvé par contre qu'il y avait pas mal de répétitions et de longueurs. Par exemple, à chaque fois qu'il est question de son père, l'auteur nous rappelle que celui-ci est parti en exil quand il avait cinq ans, que donc il ne l'a pas vraiment connu, etc. Cela devient lassant!

Il y a aussi un moment vers la fin où le jeune homme entre dans l'hôtel transformé en prison/salle de torture/bordel qui est le centre d'activité des tontons-macoutes. On ne saisit pas du tout ce qu'il va faire là, dans la gueule du loup. J'ai trouvé ce passage complètement absurde, et je soupçonne qu'il a été ajouté à seule fin d'augmenter le suspense du récit. Personnellement je m'en serais passé.

Un extrait:
(Des amis de Dany montent la pièce Antigone de Sophocle, transposée en créole)
«Ils sont enfermés ici depuis l’annonce de l’internement, pour cette angine de poitrine, du comédien qui joue Créon, le roi intraitable jusqu’à l’aveuglement. Ils veulent qu’Antigone soit malgré tout un succès. C’est important pour le créole et la culture haïtienne. Ils n’entendent pas lâcher la main que nous tend, par-delà les siècles, le vieux Sophocle. Je ne comprends pas comment on peut encore parler d’authenticité quand c’est un vieil auteur qui, par l’entremise de Morisseau-Leroy, nous permet de comprendre les rapports complexes du pouvoir dans la paysannerie haïtienne. Sophocle était peut-être un paysan haïtien. En tout cas, il a l’air d’en savoir, à propos de ma culture, beaucoup plus que moi. Peut-être qu’il n’y a pas une si grande différence entre ma culture et la sienne. Chaque fois que j’essaie de poser le problème sous cet angle, on m’accuse d’être un vendu qui refuse d’accepter la spécificité authentique de la culture haïtienne. Sommes-nous si différents des autres? Généralement, après une telle question, on me tourne le dos et je me retrouve dans ma situation préférée: seul


Le billet de Sylire, qui n'a pas semblé agacée par les défauts que j'ai relevés.


Le Cri des oiseaux fous de Dany Laferrière, 2000, 318 p.


10 septembre 2012

Adieu, Betty Crocker

Un titre vu chez Jessica et qui se trouvait sur ma liste depuis des lustres... En cherchant des livres numériques à télécharger sur ma liseuse en vue d'un petit voyage et du défi Mon Québec en septembre de Karine, j'ai finalement eu l'occasion de passer à l'action!

À la mort de sa tante, femme d'intérieur accomplie qu'il considérait comme la maman parfaite quand il était petit, le narrateur a la surprise d'apprendre qu'elle souffrait en fait d'agoraphobie et n'était pas sortie de chez elle depuis trente ans.  Après avoir interrogé les membres de sa famille, il imagine un dialogue où sa tante lui raconte sa vie, lui explique comment elle s'était accommodée de sa maladie pour finalement avoir une vie relativement heureuse.

 Une réflexion intéressante sur le bonheur, la maladie mentale, la situation de la ménagère dans la société des années pré-70, le tout décrit dans un style léger, humoristique.  Je crois que ce roman plaira surtout aux quarante ans et plus, qui apprécieront les nombreux clins d'oeil rappelant le mode de vie des années 60-70 au Québec.  Car Gravel sait parfaitement trouver ces petits détails authentiques qui nous font nous exclamer: «Ah oui, c'est vrai, je m'en souviens!»

Un extrait:
Arrêtons-nous un peu sur cette table en arborite rouge, et supposons que nous soyons au jour de l’An 1960. J’ai neuf ans. Sur la table, il y a des montagnes de radis frisés et de céleris farcis au Cheez Whiz, une pyramide de carrés aux Rice Crispies, du sucre à la crème, des pailles au fromage, mais surtout, merveille des merveilles, des sandwichs sans croûte. Tandis que les autres invités se pâment sur la dinde qui trône au centre de la table, une belle dinde si uniformément cuivrée qu’elle semble tout droit sortie d’un salon de bronzage, je suis fasciné par ces sandwichs sans croûte, coupés en triangles parfaitement équilatéraux. Si on m’avait demandé à ce moment-là d’échanger ma mère contre tante Arlette, j’aurais accepté sans l’ombre d’un remords: chez nous, les sandwichs avaient toujours une double croûte, et cette croûte était généralement rassie… 
— … Tu aurais échangé ta mère contre ta tante Arlette, dis-tu? 
— N’oublie pas que nous parlons d’un enfant de neuf ans et que nous sommes en 1960. Si les Canadiens de Montréal ont le droit d’échanger Jacques Plante et Doug Harvey aux Rangers de New York, c’est qu’il n’existe plus rien de sacré. J’aurais échangé ma mère contre tante Arlette n’importe quand, oui, sans même essayer de négocier des considérations futures, comme on dit dans le merveilleux monde du sport. Arlette était une excellente cuisinière. Ma mère, non. Ça répond à ta question?


Adieu, Betty Crocker de François Gravel, 2003, 160 p. 
 

05 septembre 2012

Il pleuvait des oiseaux

J'aime bien quand, d'une façon fortuite, des liens se créent entre deux lectures successives. À la fin de Seul dans Berlin, un des personnages découvre que la vraie liberté, au fond, c'est de pouvoir choisir sa mort.  Et au début d'Il pleuvait des oiseaux, je trouve ce dialogue:
— La liberté, c’est de choisir sa vie.
— Et sa mort.

La liberté, la vieillesse, la mort, voilà les thèmes principaux de ce magnifique roman. L'amour et l'amitié aussi.  Et la nature sauvage, puisque l'histoire se déroule en grande partie dans le nord de l'Ontario, région où subsiste encore le souvenir des Grands Feux, qui rasèrent des villages entiers entre 1910 et 1916.

Je craignais que ce soit triste, mais c'est tout le contraire, finalement!  Avec leur humour et leur sagesse, ces vieux ont apprivoisé la mort, elle rôde mais ils ne la craignent pas. Ce livre plaira-t-il plus à ceux qui voient la vieillesse poindre à l'horizon, au loin, et qui s'inquiètent de la voir avancer trop vite, ou à ceux qui doivent déjà s'en accommoder?  Chacun en fera sans doute une lecture différente.  Même les plus jeunes semblent y trouver quelque chose, puisqu'ils lui ont décerné le Prix littéraire des collégiens l'an dernier.

Je n'ai qu'une question: quelqu'un peut me dire ce que représente la photo en couverture?  On dirait un poulet planté sur un pieu, mais je suppose que ce n'est pas ça, ni un sac de soluté sur une tige (la supposition de Gropitou)...


C'était ma première participation au défi Mon Québec en septembre de Karine qui (les grands esprits se rencontrent) vient de publier son billet sur ce roman, elle aussi.  Bien sûr l'histoire ne se déroule finalement pas au Québec, mais ça compte quand même, bon!  J'inclus aussi le lien vers le billet de Jules, puisque c'est elle qui m'a donné le goût de le lire en m'enlevant de l'idée que ce serait déprimant!


Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier, 2011, 179 p. 


02 septembre 2012

Seul dans Berlin

Si, comme j'ai failli le faire, vous avez abandonné ce roman après soixante-quinze pages, reprenez-le, je vous en conjure!

Le début, effectivement, est assez laborieux.  Le sujet, la vie des gens du peuple à Berlin pendant la Deuxième Guerre mondiale, est intrigant, mais il y a de nombreux personnages, la plupart antipathiques, et on ne saisit pas trop où tout cela s'en va. Découragée, mais parce que ce roman avait été nommé parmi les chefs-d'oeuvre du défi Blog-o-trésors il y a quelques années, j'ai décidé d'aller fureter sur la blogosphère pour voir ce qu'on en disait.  C'est Sylvie qui m'a convaincue de continuer.

C'est lorsqu'enfin notre attention se concentre plus particulièrement sur quelques personnages que cela devient enfin intéressant, et éventuellement passionnant.  Blâmant Hitler pour la mort de leur fils à la guerre, le couple Quangel décide de s'opposer aux nazis dans la mesure de leurs moyens, en semant dans tout Berlin des cartes postales dénonçant le régime, tandis que deux mécréants, l'un par faiblesse, l'autre par cupidité, deviennent collaborateurs du commissaire de la Gestapo chargé de l'enquête sur cette affaire de cartes postales.

Certains passages glacent le sang:
«Une demi-heure d'interrogatoire chez nous, et  vous seriez étonnée de voir quel triste tas de chair hurlante est votre corps.  Cette découverte est très désagréable. Bien des gens ne se remettent jamais de cette atteinte à l'idée qu'ils se font d'eux-mêmes. Et ils finissent par se pendre.»

Un extrait montrant le climat d'espionnage et de dénonciations:
«Bavarder était devenu très dangereux. Onze ouvriers, parmi lesquels deux hommes qui avaient plus de vingt ans de présence dans l'usine, avaient disparu sans laisser de traces. Jamais on n'apprenait ce qu'ils étaient devenus; c'était une preuve de plus qu'ils avaient un jour prononcé un mot de trop, qui les avait conduits dans un camp de concentration.
Souvent le contremaître se demandait si les onze nouveaux qui avaient remplacé ces onze hommes n'étaient pas autant d'espions, et si finalement une moitié de l'atelier n'était pas là pour épier l'autre, et inversement.  Dans cette atmosphère de trahison perpétuelle, les gens semblaient devenir de plus en plus indifférents à tout, comme s'ils n'avaient été rien de plus que des pièces de leurs machines.»

Troublant, émouvant, palpitant, parfois même drôle, ce roman est une oeuvre magistrale.


Seul dans Berlin de Hans Fallada, traduit de l'allemand, 1965 (écrit en 1947), 559 p.

01 septembre 2012

Mon Québec en septembre...


 Grâce à l'initiative de Karine et à son défi Mon Québec en septembre, la culture québécoise sera à l'honneur ce mois-ci dans la blogosphère!  Plus, en tous cas, que dans cette campagne électorale, où il en a fort peu été question...

Je vais tenter d'y participer, même si pour l'instant j'ai fort peu de québécois dans ma PAL en ce moment... Je commence avec Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier, sur ma liseuse. (Toutefois mon prochain billet parlera de Seul dans Berlin de Hans Fallada, que je viens de terminer...)

Bonnes lectures à tous les participants!

31 août 2012

The Plague of Doves (La Malédiction des colombes)

Ce roman a été choisi pour la lecture du 1er septembre de notre Blogoclub, sous le thème du roman choral.  Il s'agit donc d'une histoire contée par plusieurs narrateurs. C'est ce qui fait son originalité, mais en ce qui me concerne, ce qui a un peu été cause de sa perte!

J'ai adoré le premier tiers du roman, narré par la jeune Evelina, Métisse qui a passé son enfance dans une réserve près de la ville de Pluto, North Dakota.  J'ai été émue d'apprendre que les Métis de cette région sont des descendants des colons français de l'Ouest canadien et qu'ils ont incorporé des mots français dans leur langue. Ces Métis ont quitté le Canada après la mort de Louis Riel.  J'ai particulièrement aimé les personnages du grand-père Mooshun et de son frère Shamengwa, le violoneux.  Leurs conversations avec le curé blanc qui tente de les ramener dans le giron de l'Église sont de vraies pièces d'anthologie.  Le passage où Moonshun raconte le lynchage des Indiens injustement accusés du massacre d'une famille blanche est un bijou, mélange de comédie et de drame en parfait équilibre, où l'humour vient renforcer l'émotion et l'indignation, et vice-versa.

On change ensuite de narrateur; j'ai continué à bien apprécier l'histoire des premiers colons blancs venus s'établir en plein hiver dans cette région et dont la vie fut sauvée par le talent de chasseur de leur chien et par la débrouillardise de leurs guides métis.  C'est par la suite que cela se gâte: j'ai été frustrée par toutes les digressions amenées par les narrateurs suivants, chacun contant  son histoire avec comme seuls liens cette région et quelques personnages qui reviennent d'un chapitre à l'autre, descendants des premiers colons et des deux frères métis.  Lorsqu'on revenait à la trame principale, je me réjouissais, pour être de nouveau dépitée lorsqu'on s'en éloignait.

 Finalement, une lecture en dents de scie, alternant les éclats de rire et les claquements de langue exaspérés.


Pour connaître l'avis des autres membres du Blogoclub, suivez les liens chez nos infatigables organisatrices Sylire et Lisa!  Aussi les billets de Sylvie, Choco (qui m'apprend que l'édition française contient un arbre généalogique, ç'aurait été bien pratique, ça. tiens!) et de Fashion.



The Plague of Doves de Louise Erdrich, 2008, 314 p. Titre de la traduction française: La Malédiction des colombes.

29 août 2012

C'était au temps des mammouths laineux

Dans ces chroniques sur des sujets divers, allant des autobus de Montréal à la Révolution mexicaine, Serge Bouchard se fait tour à tour drôle (lorsqu'il raconte ses démêlés avec Skype pour parler à sa famille en voyage),  émouvant (lorsqu'il parle de la maladie de sa première femme ou du déclin de sa vieille mère), passionnant et instructif (lorsqu'il déboulonne le mythe de Christophe Colomb ou nous fait découvrir des personnages colorés oubliés par l'Histoire avec un grand H), voire quasi  prophétique (lorsque, dans un texte écrit en janvier 2001, il prédit que cette année pourrait nous réserver des surprises après que les catastrophes annoncées pour 2000 ne se soient pas réalisées...). Il y en a pour tous les goûts! Les passages plus philosophiques sont moins ma tasse de thé, mais même là j'y ai trouvé des perles qui me donnent envie d'avoir meilleure mémoire pour les réutiliser à l'occasion, histoire d'épater la galerie!


Extrait:


«Je grogne, je grommelle, comme celui qui s'apprête à écrire un gros livre intitulé La Liste complète de tout ce que je hais.  Un jour je l'écrirai, ce livre, comme j'ai d'ailleurs l'impression de l'écrire un peu tous les jours.  Je hais la face cachée de mon ordinateur. Je connais bien ses dimensions bénéfiques, son côté dactylographique, sa mémoire qui traite le texte, qui est le paradis de l'écrivain qui fait, refait, défait, efface, coupe, refait une autre fois, ampute,  ajoute, déplace, ajuste, révise, revisite, reprend, se bat jusqu'à la folie pour le juste mot. Je hais les gens qui ne savent pas savourer une belle phrase écrite comme on savoure une belle composition musicale.Mais il y a tant de gens qui ne savent pas faire la différence entre un bon et un mauvais hamburger.

Je hais l'intelligence artificielle de mon ordinateur, lorsqu'il prétend bêtement m'en imposer, alors qu'il fait lui-même des liens stupides. Je l'adore quand je le fais plier, et que je l'oblige à faire ce que je veux.  Mon ordinateur s'ennuie, il est au bagne de l'ancienne écriture, il se demande pourquoi mes courriels ont 10 000 caractères, pourquoi il doit enregister des textes originaux alors qu'il pourrait enregistrer des tounes et des jeux .  Pourquoi je n'ai pas d'amis sur Facebook, pourquoi je suis sans twitt, pourquoi je ne fais pas confiance à Wikipédia, pourquoi je ne trouve rien sur Youtube, pourquoi je n'utilise jamais les milliards d'applications qui le rendraient si performant?»

Son ordinateur et le mien devraient fonder un club...

Dans la catégorie Néologismes à faire entrer au Robert au plus sacrant:
Gougouler: faire une recherche sur Google. 

Je ne sais pas vous, mais moi je ne peux qu'aimer d'amour un homme qui finit un paragraphe par une phrase telle que: Mais où donc va cet homme avec un coyote sur le toît de son pick-up?


Le billet de GeishaNellie, celui de Suzanne.  


C'était au temps des mammouths laineux de Serge Bouchard,  2012, 226 p.



09 août 2012

Les Bûchers de Bocanegra

(Les Aventures du Capitaine Alatriste, tome 2)

 Je vous ai déjà parlé de cette série ici.  C'est avec grand plaisir que j'ai retrouvé les personnages introduits dans le tome 1, bons et méchants. La magie a opéré de nouveau! Dès les premières lignes, on se retrouve transporté dans l'Espagne du XVIIe siècle, cette Espagne minée par la corruption et les guerres, par l'anti-sémitisme et l'Inquisition.  Ah, l'Inquisition, c'est épouvantable, mais quel formidable creuset à méchants pour la littérature et le cinéma! Pensez par exemple à Bernardo Gui dans Le Nom de la Rose...

Alatriste a donc encore maille à partir avec l'Inquisition, et son jeune protégé Inigo se retrouve dans un foutu pétrin!  Le tour de force ici, c'est qu'on a beau savoir que ce dernier s'en sortira, puisqu'il est le narrateur et évoque des événements qui se produiront quand il sera adulte, on se ronge les sangs quand même! Ce qui est admirable aussi, c'est à quel point il sait nous faire aimer le personnage d'Alatriste, qui pourrait sembler hautain et détaché. L'affection qu'ils éprouvent l'un pour l'autre est tangible et communicative.

Mais ce que j'aime avant tout de cette série, je le répète, c'est son romantisme. APR se prend pour Dumas, et ça fonctionne!  Vivement le tome 3!


Les Bûchers de Bocanegra d'Arturo Pérez-Reverte, traduit de l'espagnol, 1997, 289 p.  Titre original: Limpieza de Sangre.

25 juillet 2012

Le Goût des pépins de pomme

Après tout le tintouin que la traduction française de ce roman allemand a provoqué dans la blogosphère, je m'attendais à quelque chose de formidable.  C'est sans doute pour cela que je suis un peu déçue de le trouver juste «bien». C'est l'histoire d'une jeune femme qui revient dans la maison de campagne que lui a légué sa grand-mère et qui voit tous ses souvenirs de famille remonter à la surface. C'est intéressant et agréable à lire, cela parle de mémoire et d'oubli, des lieux qui nous ont marqués, mais jamais je ne me suis sentie emportée, je suis toujours restée observatrice extérieure. Je pense que la traduction n'a pas aidé, j'ai trouvé le rythme saccadé, le style banal, les dialogues artificiels. D'habitude j'adore les description de jardins et de bouffe, mais là je suis restée indifférente, sauf durant quelques passages plus réussis.

Bref, déception.  D'ailleurs, ai-je imaginé cet engouement universel, est-ce que tout le monde a adoré ce livre sauf moi?  J'ai peut-être été surtout attirée par la magnifique couverture...


P.S. Après un rapide tour non exhaustif de la blogoboule, il semble que les avis soient très partagés, soit on a adoré, soit on n'a pas accroché.  Je ne mets aucun lien, il y en a trop!


Le Goût des pépins de pomme de Katharina Hagena, traduit de l'allemand, 2008 (trad. en 2010), 268 p.

21 juillet 2012

La Chambre

Adolescente je me souviens avoir lu un roman sur l'emprisonnement de la famille royale dans la Tour du Temple après la Révolution française, mais quels en étaient le titre et l'auteur? Dumas peut-être? Cet auteur ne se gênait pas pour prendre parti: les nobles étaient nobles, les autres étaient des rustauds ou des brutes. Le seul parti que Françoise Chandernagor prend ici, c'est en faveur de l'enfant, le petit Louis-Charles qui vécut un véritable calvaire.

Se basant sur des documents d'époque, notamment les archives du Temple, l'auteure a tenté de reconstituer les dernières années de celui qui aurait pu devenir Louis XVII. Arraché à sa mère, il fut quasiment emmuré dans une chambre isolée où il mourut deux ans plus tard, abruti par les privations, le manque de stimulation, les souvenirs de plus en plus vagues «d'avant» et le syndrome de Stockholm qui le fit accuser sa mère des pires vices pour plaire à ses geôliers. Cette chambre se trouvait au coeur d'une machine bien huilée mais déréglée, où chaque mouvement s'accomplissait de façon quasi automatique, indépendamment des autres.  Cette chambre était aussi dans l'oeil d'une tornade politique, secouée par les vagues successives de magouilles et de nettoyages idéologiques dont l'enfant ne prenait vaguement conscience que par les changements de gardiens et d'inspecteurs qu'il remarquait à peine à travers sa torpeur.  Dans cette chambre, il n'est plus un petit garçon mais, selon le point de vue, un symbole, un otage, un fardeau.

Une histoire fascinante, mais à ne pas lire dans un de ces moments où l'Humanité nous décourage, à moins de vouloir enfoncer le clou encore plus...


Le billet de Laurence du Biblioblog.


La Chambre de Françoise Chandernagor, 2002, 290 p.

16 juillet 2012

Les Champs d'honneur

 Comme il y a fort longtemps que j'ai noté ce titre (merci au blogueur inconnu!), je croyais me rappeler qu'il s'agissait d'un roman sur la Première Guerre mondiale. La photo de la couverture m'avait d'ailleurs confortée dans cette idée.  Finalement, il n'en sera vraiment question que vers la fin, en un poignant passage d'une trentaine de pages.

C'est plutôt un livre sur la mémoire, une tentative de rendre immortels ceux qui pourraient tomber dans l'oubli. Car s'il se présente comme un roman, c'est en fait de sa propre famille dont l'auteur nous parle, vue à travers le filtre de ses souvenirs.

J'avoue avoir eu quelques craintes dans le premier chapitre, lorsque l'auteur nous décrit pendant une dizaine de pages les différentes sortes de pluie affectant la région de Nantes et leurs effets sur la population... Un peu plus je me croyais revenue au temps où les écrivains étaient rémunérés à la page et où donc les longues descriptions étaient payantes! Heureusement, le récit reprend par la suite et l'intérêt ne fléchit plus.

Humour et émotion sont au rendez-vous, servis par une belle plume classique, intemporelle donc indémodable.  J'ai particulièrement aimé le personnage de la grande-tante, vieille fille pieuse auteur d'un catalogue des saints permettant de savoir à qui s'adresser pour chaque type de tracas (objets perdus, sécheresse, maladie d'un cochon, etc). Seul petit défaut, on a parfois de la difficulté à s'y retrouver parmi tous les membre de la famille; un arbre généalogique n'aurait pas été de trop.

L'histoire se poursuit dans Des Hommes illustres, où l'on se concentre sur le personnage du père; je l'inscris de suite sur ma liste!


Les Champs d'honneur de Jean Rouaud, 1990, 189 p.

11 juillet 2012

Anansi Boys

À la lecture d'American Gods l'an passé (quoi? C'était en 2009?!? Mon doux que le temps file...), j'avais bien compris qu'entre Neil et moi c'était le début d'une belle amitié. J'avais adoré son humour et son intelligence, et aussi le fait qu'il respecte mon intelligence à moi, ma capacité de faire des liens (et d'utiliser des ouvrages de référence à bon escient là où ma culture mythologique faisait défaut).  Le seul petit hic, ce qui avait empêché ce roman d'être cité dans mes coups de coeur annuels, c'est que le personnage principal n'était pas vraiment sympathique, ayant un caractère un peu froid et détaché (ce qui était voulu, on en apprenait la raison à la fin du bouquin).

Dans Anansi Boys, on retrouve un peu le même style d'histoire et les mêmes qualités, mais avec une atmosphère beaucoup plus chaleureuse et des personnages qu'on aimerait connaître «dans la vraie vie».  Apprenant qu'il est en fait le fils du défunt dieu-araignée Anansi, Fat Charlie est entraîné dans une suite d'aventures rocambolesques par l'arrivée d'un frère, Spider,  dont il ignorait l'existence.  J'ai ri, je me suis exclamée devant certains revirements de situation (ces temps-ci je lis souvent sur mon balcon, mes voisins doivent me penser folle à entendre mes couinements!), et moi qui suis arachnophobique, j'ai jubilé à l'arrivée d'une armée d'araignées! C'est vous dire la force de cette écriture!

Vraiment, j'ai beau me forcer, je ne trouve qu'un seul défaut à ce livre. Quelqu'un pourra dire à Neil de se laver les cheveux avant sa prochaine séance de photos promotionnelles? J'ai beau tenter de me persuader que, non non, c'est juste qu'il y avait une petite bruine ce jour-là à Londres, ça ne marche pas...



Les billets de Tamara, Cachou, Hydromielle (dont l'avis est à l'opposé du mien!), Thom (idem!!).  Décidément, des avis très contrastés!


Anansi Boys de Neil Gaiman, 2005, 336 p. Le titre de la version française est inchangé, bizarrement.

06 juillet 2012

La Porte du ciel

Tout à fait par hasard, après ma lecture de The Help, je continue sur le thème de la condition des Noirs américains, cette fois au XIXe siècle, avant et pendant la Guerre de sécession.

Comme Du Bon Usage des étoiles, lu l'an dernier, avait été un gros coup de coeur, j'avais peur d'être déçue en lisant une des oeuvres suivantes de Dominique Fortier.  Et comme de fait, la barre était peut-être trop haute et je n'ai pas ressenti l'émerveillement vécu lors de la lecture du premier roman.

Pourtant je ne me suis pas ennuyée et j'ai aimé retrouver la belle plume de Fortier, même s'il y manque un petit je-ne-sais-quoi, peut-être un brin de folie. J'ai trouvé quelques-unes des métaphores sur les couleurs (le jeu d'échecs, la crème dans le café) un peu trop appuyées, même si d'autres sont plus réussies, notamment tout ce qui a trait à l'art de la courtepointe (quilting).  D'ailleurs, saviez-vous que des courtepointes accrochées dans des fenêtres indiquaient aux esclaves en fuite les maisons où ils pourraient trouver refuge, et même que leurs  motifs étaient utilisés comme code?

Même si quelques scènes sont dures, c'est une lecture plutôt légère et agréable; on est loin du Beloved de Toni Morrison!  Je continuerai à lire Mme Fortier avec plaisir, j'aime sa façon d'assembler des éléments disparates, et j'ai toujours sur ma liste son deuxième roman, Les Larmes de saint Laurent (et non Les Larmes du Saint-Laurent, comme je l'avais d'abord distraitement écrit!!)


Les billets de Jules, Suzanne et Venise.


La Porte du ciel de Dominique Fortier, 2011, 286 p.

01 juillet 2012

The Help (La Couleur des sentiments)

J'adore ces romans qui présentent un équilibre entre l'émotion, l'humour et une tension dramatique qui monte au fur et à mesure qu'on avance. Et qui, sans en avoir l'air, vous font réfléchir un brin.

Alors même que je cherchais un roman choral (à narrateurs multiples) pour la prochaine édition du Blogoclub, sans le savoir j'en avais un dans la liseuse! En effet, ce sont les voix distinctes des trois personnages principaux qui se font entendre tour à tour: Skeeter, une jeune femme blanche issue d'une famille relativement aisée de Jackson, Mississipi, et Minnie et Aibileen, deux domestiques noires.  On est au début des années soixante et le Sud des États-Unis est en ébullition.  Lorsque Skeeter décide d'écrire un livre sur les relations entre les bonnes noires et les familles blanches qui les emploient, c'est peut-être au péril de leur vie que Minnie et Aibileen acceptent d'y participer en racontant leur histoire. Une amitié qui semblait impossible se développera peu à peu. On mesure tout le chemin accompli en quelques décennies, même si tout n'est pas encore réglé, loin de là! Qu'on pense seulement qu'à l'époque, les lois empêchaient les Noirs de boire aux mêmes fontaines que les blancs, d'acheter des timbres aux mêmes comptoirs postaux, de fréquenter les mêmes cinémas, pharmacies et bibliothèques publiques...

Un roman qui pourrait bien se retrouver dans mes coups de coeur de 2012!


The Help de Kathryn Stockett, 2009, 451 p. Titre de la version française: La Couleur des sentiments.

18 juin 2012

Naked Heat (Mise à nu)

Avec ce bouquin, j'ai eu l'impression de participer aux Chaînes de lecture chères à Flo, cette manière de relier ses lectures par une idée, un thème, un détail... Mais ici le choix s'est fait de manière accidentelle, donc ça ne compte pas vraiment! Contre toute apparence, il y a bien un lien entre le grand Auster et ce roman-ci, n'en déplaise aux puristes que ce rapprochement va faire frémir! Si Auster aime souvent jouer avec la relation entre l'écrivain et son personnage, le personnage-écrivain et l'écrivain personnage de son propre roman, ici se jeu se transpose dans la réalité, puisque le personnage de la série télévisée Castle, écrivain de son métier, devient ici l'auteur, «dans la vraie vie», des livres dont il est question dans la série!

Pour ceux qui ne connaissent pas la série Castle, elle met en scène un écrivain de polars à grands tirages qui suit une policière de l'escouade des homicides de New York pour s'en inspirer dans l'écriture de ses romans. Le personnage de Nikki Heat qu'il a créé est directement inspiré de la détective Kate Beckett, au grand dam de cette dernière.

Dans le roman (en fait la suite de Heat Wave/Vague de chaleur, mais on peut les lire séparément), on suit les aventures de Nikki Heat, flanquée du personnage de Jameson Rook, alter ego de Castle.

Tout le long de cette lecture, je me suis demandé si cela plairait seulement aux amateurs de la série télévisée. Je crois que oui. Sans cette connaissance, il y a tout un deuxième degré qui passe inaperçu.  Il est très drôle, par exemple, de voir Rook avoir des relations sexuelles passionnées avec Heat, ce qui permet à Castle d'assouvir ses fantasmes par procuration!  Comme l'écriture est assez laborieuse, voire maladroite, si on n'a pas tous ces clins d'oeil pour maintenir l'intérêt, l'on risque de s'ennuyer un peu, selon moi.  Surtout que l'intrigue elle-même est assez classique (on a presque l'impression d'assister à un long épisode de la série télé):  on a droit à une succession d'interrogations de suspects et de témoins, avec de temps en temps une poursuite ou une bagarre pour relancer l'action...

Par contre, les dialogues sont amusants et spirituels, particulièrement ceux entre les collègues de Heat, Ochoa et Raley (inspirés de Esposito et Ryan).  Cela me donne l'impression que le vrai auteur derrière Castle-l'écrivain est peut-être celui qui écrit les dialogues de la série télévisée; on y retrouve le même esprit, les mêmes réparties du tac au tac. Cet aspect du roman est assez réussi.


Mais surtout, le fait de connaître la série nous permet d'imaginer Rook sous ces traits:


Ce qui par extrapolation, pour ceux et surtout celles qui ont suivi la carrière antérieure du jeune homme et notamment la série de SF Firefly, nous mène à ceci:


Avouez que c'est pas rien! 

Bref, oui, un roman réservé aux amateurs de la série, pour passer un moment amusant entre deux lectures plus demandantes!



Naked Heat de Richard Castle, 2010,290 p.  Titre de la traduction française: Mise à nu.

08 juin 2012

The New York Trilogy (La Trilogie new-yorkaise)

Cette trilogie regroupe trois courts romans: City of Glass, Ghosts et The Locked Room (Cité de verre, Revenants et La Chambre dérobée).  Cette lecture me laisse un peu perplexe. De nombreux passages sont très intéressants d'un point de vue intellectuel, mais jamais je ne me suis sentie interpellée émotivement.  Comme ces oeuvres figurent dans les premières de Paul Auster, il est sans doute normal qu'elles soient moins fignolées, moins abouties (cela dit, je ne suis pas une grande spécialiste d'Auster, qu'on me pardonne donc ce jugement peut-être sans fondement!). On y retrouve déjà de nombreux thèmes et motifs qui lui sont chers: le pouvoir des mots, la marche dans New York, le cahier de l'écrivain, et surtout le personnage principal lui-même écrivain,  ce qui permet un tissage de liens entre l'écrivain et le personnage, et le personnage créé par l'écrivain-personnage, jusqu'à ce qu'Auster devienne lui-même un personnage de son propre roman... Sur le pouvoir des mots et du langage, j'ai trouvé passionnant le passage du premier roman où il est question de la langue originelle et de la tour de Babel, et j'aurais aimé qu'il développe encore plus ce sujet.

Bref une lecture que je conseille surtout aux fans de l'auteur, pour comprendre l'évolution de son oeuvre. Quant à moi, je ne me suis pas ennuyée mais je suis contente d'avoir suivi les suggestions de mes lecteurs lorsque vint le temps de choisir une première oeuvre pour découvrir cet écrivain!


The New York Trilogy de Paul Auster, 1985, 282 p. en version numérique. Titre de la traduction française:  Trilogie new-yorkaise.

31 mai 2012

Le Bouchon de cristal

 Aaaah! Je retombe en adolescence! (Comment, ça ne se dit pas? Et pourquoi donc, d'abord?)

Ce cher Arsène Lupin a été un de mes premiers crushs* littéraires. J'ai lu et relu toute la série quand j'avais 12-13 ans.  J'admirais son audace et son intelligence, et son romantisme me faisait soupirer.

Alors quand les organisatrices du Blogoclub nous ont suggéré de lire un Maurice Leblanc de notre choix, j'étais à la fois contente et anxieuse. Et si mon Arsène me décevait, s'il avait mal vieilli, s'il était devenu ridicule?

Dès les premières pages, mes craintes se sont calmées, et j'ai été entraînée dans un véritable voyage dans le temps!  Si je me souvenais bien du côté romantique de Lupin, j'avais oublié que ses aventures étaient à ce point remplies de péripéties palpitantes et de revirements de situation inattendus.  C'est abracadabrant et pourtant on embarque et on y croit!  Il faut dire que l'intrigue avance à un rythme d'enfer. Maurice Leblanc ne s'embarrasse pas de longues descriptions et la psychologie des personnages est campée en quelques mots. Il faut résoudre l'énigme, ridiculiser les méchants/la police, sauver la (plus ou moins) jeune femme du sort affreux qui l'attend.  Je vous l'ai dit que c'est terriblement romantique?


*Excusez l'anglicisme, je n'ai pas trouvé d'équivalent convenable... L'OQLF propose «coup de coeur», mais ce n'est pas vraiment la même chose, selon moi.


Lu dans le cadre du Blogoclub. Pour lire les billets des autres participants, suivez les liens chez nos deux gentilles organisatrices Sylire et Lisa!



Le Bouchon de cristal de Maurice Leblanc, 1912, 201 p. dans la version numérique.

25 mai 2012

La Traversée du continent

Ce que j'aime le plus chez Tremblay, ce sont ses dialogues. Ça sonne tellement vrai, tellement «nous autres»!

«C'est ta tante Bebette! Comment ça va, pauvre tite-fille?J'espère que je te dérange pas dans ton souper? Hein? Comment ça, t'as fini depuis longtemps! Hein! Comment ça y est une heure plus tard chez vous! C'est quoi, ça le décollage horaire? Y fait déjà noir chez vous? Voyons donc, toi!»

Pour notre plus grand bonheur, nous retrouvons ici un personnage important des Chroniques du Plateau Mont-Royal, celui de Nana, la fameuse «grosse femme d'à côté», mais une Nana de 10 ans qui, au début du XXe siècle, quitte en pleurant la sécurité de la maison de ses grands-parents en Saskatchewan pour rejoindre à Montréal une mère dont elle se souvient à peine. La Traversée du continent, c'est donc l'histoire de ce voyage de trois jours en train, entrecoupé de trois escales où elle est hébergée chez des membres de la famille tous plus originaux les uns que les autres...  Pour cette enfant qui ne connaît que son village et les champs de céréales à perte de vue, chaque découverte, chaque nouveau paysage est un choc.

Jusqu'à l'arrivée à Montréal, jusqu'au punch final qui me donne déjà le goût de lire la suite!


La Traversée du continent de Michel Tremblay, 2007, 284 p.

16 mai 2012

La Fille du tanneur

Cet intéressant roman historique nous fait passer du présent au passé, plus spécifiquement à la période de la Nouvelle-France.  Dans la partie contemporaine, une archéologue française en visite au Québec participe à l'identification du corps d'une jeune fille datant de la fin du XVIIe siècle, et qui semble avoir un lien mystérieux avec elle-même.  Et dans la partie du passé, on se transporte à cette époque-là pour apprendre peu à peu qui était cette jeune fille et ce qu'il lui est arrivé.

J'ai beaucoup aimé la reconstitution de la vie en Nouvelle-France, en particulier la description de la ville de Montréal, qui s'appelait alors Ville-Marie. D'ailleurs j'aurais apprécié quelques cartes pour mieux saisir l'état des lieux. Saviez-vous par exemple que l'île était sillonnée de ruisseaux qui n'existent plus maintenant? Comme c'est dommage qu'ils aient été remblayés, est-ce que ce ne serait pas magnifique, de temps en temps, de franchir un petit pont enjambant un cours d'eau? Saviez-vous aussi qu'un moulin avait été construit au début du XVIIIe siècle à l'endroit où se trouve maintenant le métro Côte-des-Neiges? Je trouve ce genre de détails émouvant, surtout lorsqu'il s'agit d'un lieu que je fréquente régulièrement.  Cet aspect du roman est très réussi, on sent que l'auteure, archéologue elle-même, connaît bien son affaire.

Dans la partie actuelle, j'ai bien aimé tout ce qui touchait à l'archéologie, je pense même qu'on aurait pu pousser encore plus le côté scientifique du récit, en particulier en ce qui a trait aux fouilles archéologiques sur le terrain, qui ne sont qu'évoquées.  Je ne peux m'empêcher de faire la comparaison avec la série policière de Kathy Reichs et son anthropologue judiciaire Tempe Brennan, où on ne recule devant aucun détail technique, ce qui en fait, selon moi, l'originalité et le succès.

Principal défaut du roman, il y a plusieurs digressions qui alourdissent le récit avec des personnages supplémentaires qui finalement n'apportent rien à l'intrigue.  Et ce savant qui a l'étrange pouvoir d'imaginer des scènes du passé comme s'il y était, cela sent un peu trop l'artifice permettant d'apporter certains indices qu'on ne savait pas comment intégrer autrement.

Un premier roman imparfait, donc, mais prometteur. J'imagine fort bien une suite, où cette archéologue reviendrait effectuer d'autres enquêtes, résoudre d'autres énigmes.
  

La Fille du tanneur d'Hélène Buteau, 2011, 587 p.

12 mai 2012

La non-fiction à l'honneur!

 (Je le sais, non-fiction est un anglicisme que j'avais tenté jusqu'à maintenant d'éviter dans ce blogue, mais un billet complet à parler d'«oeuvres non romanesques» comme le voudrait l'Office de la langue française, c'est un peu lourd...)

Une initiative intéressante chez Flo: le Projet non fiction... Constatant que bien des blogueurs hésitent à parler des oeuvres non fictionnelles qu'ils lisent, croyant que leurs lecteurs ne seront pas intéressés, elle a décidé de les encourager à le faire grâce à un projet qu'elle refuse de nommer un défi ou challenge (bien que c'en sera un pour certains participants, je pense).  Les blogueurs inscrits s'engagent à publier un billet par mois sur une oeuvre de non-fiction: biographies, beaux livres, récits de voyages, essais, documentaires, tous les genres non fictionnels sont acceptés.  Une récapitulation de tous les billets sera publié chaque mois, ce qui explique que Flo a limité à dix le nombre de participants (aux dernières nouvelles il restait une place, si quelqu'un est intéressé!).

J'avoue que j'ai été tentée, mais un par mois c'est un peu trop contraignant pour moi, qui en ai lu six ou sept l'an passé...  Je vais toutefois suivre le projet avec grand intérêt.  J'ai déjà pris des notes dans les passionnantes listes de livres préférés que certains participants ont publiées, et j'ai décidé de me prêter à l'exercice moi aussi.  Voici donc une liste de dix livres de non-fiction que j'ai beaucoup aimés.

Comme j'ai une mémoire d'éléphant amnésique, je pensais me rappeler de peu de titres pré-blogue, et puis, un souvenir en amène un autre...  Pour les titres qui ont fait l'objet d'un billet, il m'a semblé plus simple de vous mettre le lien, plutôt que de tenter un résumé!

1) Ô Jérusalem de Dominique Lapierre et Larry Collins. Se basant sur des centaines d'entretiens avec des témoins et de documents d'époque, les deux auteurs racontent la création de l'État d'Israël et les évènements qui s'ensuivirent. Une bonne façon de comprendre l'origine de ce problème complexe. J'aurais pu choisir aussi bien Cette nuit la liberté, des deux mêmes, qui parle de l'accession de l'Inde à l'indépendance et du gâchis qui en résulta, mais celui sur le Moyen-Orient m'a semblé plus d'actualité.

2) Le Journal d'Anne Frank.  Est-il besoin de le présenter?  Mon premier contact avec le nazisme, mais non le dernier... Je dois bien lire en moyenne un livre par année sur le thème de la deuxième guerre mondiale, fiction ou non!

3) Il parlait avec les mammifères, les oiseaux et les poissons de Konrad Lorenz. Comme j'avais adoré ce livre (et aussi Tous les chiens, tous les chats, du même), j'ai été choquée d'apprendre par la suite que Lorenz avait été membre du parti nazi et avait exprimé des idées racistes. Peut-on aimer l'oeuvre de quelqu'un qui est un parfait salaud?  La question s'est posée pour de nombreux écrivains et artistes. Je n'ai pas de réponse, mais la petite oie Martha a toujours eu une place spéciale dans mon coeur...

4) Les Chimpanzés et moi de Jane Goodall. En étudiant ces animaux, elle a révolutionné notre définition de l'être humain.  Si vous avez aimé le film Gorilles dans la brume (Gorillas in the Mist), ce livre est pour vous!

5) Un Ange cornu avec des ailes de tôle de Michel Tremblay.

6) Si c'est un homme de Primo Levi.

7) D'où viens-tu, berger de Mathias Lefébure.

8) A Primate's Memoir de Robert Sapolsky. Quoi, encore une histoire de singes? Elle est obsédée par les singes, direz-vous!  Ce n'est rien, j'ai bien failli vous mettre aussi Le Singe nu de Desmond Morris, mais j'ai eu peur que ce soit un peu désuet... J'ai hésité à mettre celui-ci car il n'est pas traduit, ce qui est bien dommage. J'avais beaucoup aimé ce récit d'un neurologue et biologiste américain qui a passé plusieurs années au Kénya à étudier les babouins (et les humains!).  Très drôle et touchant.

9) Une Histoire de la lecture d'Alberto Manguel. Pas très original puisqu'au moins deux participantes au projet l'ont mis dans leur liste, mais je ne pouvais pas m'en empêcher...

10) Une Histoire de tout, ou presque de Bill Bryson. Que peut-on demander de plus?


Et vous, lisez-vous de la non-fiction, un peu, beaucoup, passionnément? Quelles sont vos oeuvres préférées?


05 mai 2012

The Gunslinger (Le Pistolero)

(The Dark Tower/La Tour sombre, tome 1)


Depuis que j'ai découvert Stephen King il y a quelques années, j'ai toujours été attirée par sa série de la Tour sombre, sachant qu'il s'agit de fantasy, un genre que j'adore. Mais le volume impressionnant des sept bouquins me faisait hésiter -- certains sont de vrais pavés! Finalement j'ai décidé de tâter du premier tome, qui est tout court avec ses 200 et quelques pages, pour décider ensuite si je voulais continuer.

Hé bien, le poisson est ferré! J'ai déjà hâte d'aller à la bibliothèque municipale chercher la suite. J'ai beaucoup aimé ce mélange de fantasy et d'horreur à saveur western (King en a eu l'idée après avoir visionné un film de Sergio Leone!).  Le personnage principal est énigmatique à souhait, ce chevalier-cowboy à la poursuite d'un inquiétant homme en noir, et on découvre le monde qui l'entoure peu à peu, sans que ce dernier nous soit livré tout cuit dans le bec, comme c'est parfois le cas.  De toute évidence, King respecte l'intelligence de ses lecteurs et ne se sent pas obligé de tout expliquer. On reste un peu perplexe à la fin car celle-ci soulève plus de questions qu'elle ne donne de réponses, ce qui est certainement voulu! Un excellent début!


Le billet de Chimère.


The Gunslinger (The Dark Tower, tome 1) de Stephen King, 1982, 231 p. Titre de la traduction française: Le Pistolero (La Tour sombre, tome 1)

27 avril 2012

Les Braises

Dans un manoir isolé de la campagne hongroise, deux vieillards se retrouvent après quarante et un ans de séparation. Après le souper, assis devant l'âtre et éclairés de quelques bougies, les anciens amis discuteront toute la nuit des événements qui ont poussé l'un à s'enfuir au bout du monde, l'autre à rester enterré dans ce coin de pays, entouré seulement de quelques vieux domestiques. Il ne se passe rien et pourtant c'est passionnant. Une écriture magnifique, une ambiance de fin de règne, un roman poignant sur l'amitié, la trahison et le temps qui passe. Superbe.


Les Braises de Sandor Marai, traduit du hongrois, 1942, 189 p. Titre original: A Gyertyak Csonkig Égnek.