14 octobre 2024

The Crucible (Les Sorcières de Salem)

Première constatation: cette édition de la célèbre pièce du dramaturge américain Arthur Miller comprend des remarques de l'auteur qui sont bizarrement intégrées au texte de la pièce, comme si elles en faisait partie.  Cela m'a pris un moment pour comprendre qu'il ne s'agissait pas d'un texte qui serait dit en scène par un narrateur, ce qui me semblait assez particulier comme procédé.

Toujours est-il que dans ces remarques, Miller parle des faits et des personnages historiques qui ont inspiré la pièce.  J'ai tout de suite remarqué qu'il ne mentionnait pas du tout le côté misogyne des événements, comme on le fait généralement dès qu'il est question de chasse aux sorcières.  Il fait plutôt le parallèle avec le Maccarthysme, ce qui est normal puisque la chasse aux communistes bat son plein au moment de la création de la pièce.  D'ailleurs, le titre de la traduction française est trompeur.  Dans l'histoire, il n'y a pas que des femmes qui sont accusées.  Cela crée de fausses attentes par rapport à l'interprétation du texte. 

Une fois que mon cerveau a pu se réajuster, j'ai vraiment apprécié cette pièce qui démontre parfaitement comment les mécanismes de vengeance et de dénonciation se mettent en place dans cette petite société, avec en plus le rôle que jouent l'ignorance, la religion et les superstitions.  Brillant!


The Crucible d'Arthur Miller, 1952, 145 p.  Titre de la traduction: Les Sorcières de Salem.

13 octobre 2024

Les nouveaux classiques québécois

Avez-vous vu dans le journal La Presse cette liste de titres considérés comme les nouveaux classiques du XXIe siècle, regroupant des œuvres québécoises publiées entre 2000 et 2024 «qui ont laissé leur marque sur notre culture et notre imaginaire collectif»?  Je suis un peu surprise de ne pas y retrouver La trilogie du bonheur de Marie Laberge, qui a pourtant connu un immense succès; je me demande s'il n'y a pas là un certain snobisme, des œuvres plus «pointues» ayant été choisies.  Aussi, dans le cas de quelques œuvres très récentes, je trouve qu'il est un peu tôt pour juger l'impact qu'elles auront sur la culture québécoise.  Peut-être aurait-on dû se concentrer seulement sur les deux premières décennies du siècle?

D'autres absents: Le Plongeur de Stéphane Larue, Borderline de Marie-Sissi Labrèche (que je n'ai pas lu toutefois), les recueils de chroniques de Serge Bouchard, Un dimanche à la piscine à Kigali de Gil Courtemanche, pour ne nommer que ceux-là.

L'exercice reste tout de même intéressant (je suis toujours friande de ce type de listes!).  Voici la liste en question:


Le Podium:

  1. Putain, Nelly Arcand
  2. La Femme qui fuit, Anaïs Barbeau-Lavalette
  3. Là où je me terre, Caroline Dawson


Positions 4 à 10, en ordre alphabétique

  • Le ciel de Bay City, Catherine Mavrikakis
  • L’énigme du retour, Dany Laferrière
  • Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier
  • Kuessipan, Naomi Fontaine
  • Kukum, Michel Jean
  • Que notre joie demeure, Kev Lambert
  • Ru, Kim Thúy


Positions 11 à 25, en ordre alphabétique:

  • 1984, Éric Plamondon
  • Au péril de la mer, Dominique Fortier
  • La ballade de Baby, Heather O’Neill
  • Bâtons à message/Tshissinuatshitakana, Joséphine Bacon
  • Le boys club, Martine Delvaux
  • Ce que je sais de toi, Éric Chacour
  • La constellation du lynx, Louis Hamelin
  • La fiancée américaine, Éric Dupont
  • L’habitude des ruines, Marie-Hélène Voyer
  • Mille secrets mille dangers, Alain Farah
  • L’orangeraie, Larry Tremblay
  • Le poids de la neige, Christian Guay-Poliquin
  • Paul à Québec, Michel Rabagliati
  • Une réunion près de la mer, Marie-Claire Blais
  • Les villes de papier, Dominique Fortier


Que pensez vous de cette liste?  Lesquels avez-vous lus?  Êtes vous d'accord avec leur présence dans cette liste?  Vous y auriez vu d'autres titres?

Personnellement, j'ai lu:

  • Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier (Adoré!)
  • Ru, Kim Thúy (Beaucoup aimé)
  • 1984, Éric Plamondon (J'ai lu seulement le premier tome de la trilogie, je n'y ai rien compris)
  • Au péril de la mer, Dominique Fortier (Surprise que ce soit celui-ci qui ait été choisi, c'est celui que j'ai le moins aimé dans sa bibliographie)
  • La constellation du lynx, Louis Hamelin (Abandonné, je n'ai pas accroché, tout en reconnaissant les qualités littéraires de l’œuvre)
  • La fiancée américaine, Éric Dupont (Adoré!)
  • Mille secrets mille dangers, Alain Farah (Beaucoup aimé)
  • L’orangeraie, Larry Tremblay (Adoré!)
  • Paul à Québec, Michel Rabagliati (Adoré!)
  • Les villes de papier, Dominique Fortier (Adoré!)


12 octobre 2024

The Last Juror (Le Dernier Juré)

Encore un bon petit thriller de John Grisham!

Le personnage principal est un jeune journaliste fraîchement diplômé de l'université qui débarque dans une petite ville du Mississippi et prend en charge le journal hebdomadaire local.  Comme presque toujours chez Grisham, il y aura un crime et un procès, mais l'auteur en profite ici pour dresser un portrait du sud des États-Unis au début des années 70: ségrégation raciale, corruption des autorités, entraide entre voisins, omniprésence de la religion, évolution des mentalités; bref, le bon et le mauvais de la société américaine à l'époque.

L'intérêt principal du roman est la ribambelle de personnages secondaires hauts en couleur, notamment une dame dans la soixantaine très pieuse mais attachante par sa droiture, son courage et son amour de la bonne chère à la mode du Sud (certains passages m'ont mis l'eau à la bouche!), que je n'ai pu m'empêcher d'imaginer sous les traits de la poète afro-américaine Maya Angelou, dont elle possède la dignité et l'élocution parfaite.

Seul petit bémol: dans la deuxième moitié, l'intrigue principale effectue un saut de quelques années, et on dirait que Grisham a voulu faire du remplissage en nous racontant assez longuement des événements ayant peu d'intérêt pour l'histoire: élections municipales, achat et rénovation de la maison du héros, etc. 


The Last Juror de John Grisham, 2004, 487 p.  Titre de la traduction: Le Dernier Juré.

11 octobre 2024

Marcher à Kerguelen

Il y a quelques années, j'ai lu et beaucoup apprécié Ce qu'il advint du sauvage blanc de François Garde, une histoire de naufrage comme je les aime.

Quand j’ai vu par hasard que cet écrivain avait publié un récit de voyage sur sa traversée à pieds de l’île de Kerguelen, au sud de l'océan Indien, cela a attiré mon attention, surtout que je connaissais déjà un peu ce lieu pour l'avoir visité l'an dernier grâce au Voyage aux îles de la Désolation, magnifique roman graphique d’Emmanuel Lepage.

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis vraiment attirée par ces paysages dénudés, désertiques et balayés par le vent.  Si on me donnait le choix entre un séjour dans un quartier animé de New York, dans une jungle grouillante de vie ou sur une de ces îles désolées, je n’hésiterais même pas. 

Bon, j’avoue que je changerais sûrement d’idée après quelques jours à déambuler dans des souliers mouillés ou à ne pas dormir parce que le vent risque d’emporter la tente!  D’ailleurs juste à l’idée de marcher toute la journée pendant 25 jours, ça me tente déjà beaucoup moins.  Vous l’aurez compris, c’est là tout l’intérêt des récits de voyage!

On peut déplorer dans ce récit un certain côté répétitif.  Il est donc préférable de le lire à petite dose, en parallèle avec un autre bouquin bien différent.  Il faut aussi aimer les descriptions de paysages, parce que celles-ci constituent 75% de l’histoire, le reste racontant surtout les interactions entre les quatre membres du groupe. 

Une lecture tranquille mais dépaysante! 


Marcher à Kerguelen de François Garde, 2020, 288 p.

02 octobre 2024

Méduse

Ce roman, qui narre les tribulations d'une jeune fille dont les yeux frappent d'horreur tous ceux qui les aperçoivent, m'a rendue pour le moins perplexe...  J'ai aimé ou pas?

J'ai aimé: la finesse de la plume, le vocabulaire recherché, les variations autour du thème de Méduse et des méduses, qu'on reconnaisse la ville de Québec à travers les indices donnés ici et là, le message sur la puissance féminine, sur la réappropriation du corps.

J'ai moins aimé: l'ambiance vraiment trop glauque, et parfois un manque de subtilité dans la transmission du message mentionné ci-dessus, en particulier à la fin (on avait compris la métaphore, ce n'était pas nécessaire de l'appuyer de façon aussi littérale).

Alors, quel côté l'emporte?  Je crois bien que c'est 50-50!


Méduse de Martine Desjardins, 2020, 216 p.

30 septembre 2024

Le Restaurant des recettes oubliées

Ce roman du japonais Hisashi Kashiwai comporte deux gros points forts:

  1. Il y est beaucoup question de cuisine japonaise, ça met l'eau à la bouche!  D'ailleurs, j'ai lu un des chapitres en mangeant le restant des sushis de notre repas précédent (Gropitou en achète toujours trop!), j'étais vraiment dans l'ambiance!
  2. Il y a un chat nommé Roupillon!

Est-ce suffisant pour en faire un excellent roman?  Malheureusement non.  Tout se déroule très rapidement, on effleure à peine les différents thèmes abordés (le deuil, la nostalgie, la mémoire, etc) et les personnages ne sont qu'esquissés.  La structure n'est pas d'une grande originalité.  Il s'agit d'une suite de petites histoires séparées dans lesquelles le cuisinier du restaurant et sa fille tentent chaque fois de retrouver une recette perdue pour le compte d'un client.  L'idée est intéressante, mais la construction m'a donné une impression de déjà-vu en littérature japonaise.

Cela reste tout de même une lecture divertissante (et appétissante!), parfaite pour se reposer les neurones si c'est ce qu'on recherche (par exemple, après une grosse brique de Hard SF bien dense; oui, Liu Cixin, c'est à toi que je pense!), mais je commence déjà à mélanger les histoires entres elles alors que je l'ai terminée hier; c'est vous dire à quel point ce bouquin ne sera pas inoubliable.


Le Restaurant des recettes oubliées de Hisashi Kashiwai, 2023, 252 p.  Titre de la version originale: Kamogawashokudo (2013).

28 septembre 2024

La Mort immortelle

Trilogie des trois corps, tome 3

Troisième et dernier tome de cette trilogie de Hard SF, écrite par le Chinois Liu Cixin.  Qui dit Hard SF dit beaucoup de détails scientifiques et ce tome-ci n'y échappe pas!  Il y a même quelques notions qui font presque mal au cerveau quand on essaye de visualiser ce que ça donne concrètement...

Comme dans les deux premiers tomes, on peut déplorer quelques longueurs et une narration qui ne laisse pas beaucoup de place à l'émotion.  Par contre, il y a beaucoup moins de personnages, on se concentre principalement sur une jeune scientifique, qui tiendra le destin du système solaire entre ses mains, rien de moins! 

Mon principal bémol concernant cette fin de trilogie est qu'un pan de l'histoire reste en suspens: on ne sait pas ce qui est arrivé à l'un des personnages secondaires.  Enfin, on sait comment il finit, mais comment il en arrive là, ça reste très flou.  Je me suis même demandé si Liu Cixin n'avait pas volontairement omis toute cette partie-là pour en faire un roman à part!  En fouillant un peu, j'ai découvert qu'il y a en fait un roman écrit par un autre Chinois, d'abord une fan-fiction sur le Net mais maintenant traduit et publié officiellement chez Actes Sud/Babel, qui raconte justement cette histoire.  Selon ce que j'ai lu sur un blogue, Liu Cixin aurait approuvé cette publication, mais cela n'exclut pas qu'il ait d'abord eu l'idée de l'écrire lui-même et qu'il se soit fait damer le pion...  Allez savoir!


La Mort immortelle (Trilogie des trois corps, tome 3) de Liu Cixin, traduit du chinois, 2018, 944 p.  Titre de la version originale: Sǐshén yǒngshēng (2010)