30 mars 2023

Bel-Ami

En général, j'ai de la difficulté à apprécier un roman dont le personnage principal est peu sympathique.  Or, c'est le moins qu'on puisse dire de ce détestable Georges Duroy, fils d'humbles villageois, prêt à tout pour s'élever dans la société, y compris et surtout séduire les femmes de ses amis et collaborateurs.  Et pourtant, j'ai adoré ce roman, que j'ai trouvé très prenant et que j'ai lu en quelques jours.

C'est sûrement en grande partie grâce à la plume de Maupassant, à la fois élégante et limpide.  Qu'il nous décrive un joli paysage campagnard, la chambre d'un mourant ou l'ambiance étouffante de Paris un soir de canicule, on a l'impression d'y être.  Et ses portraits sont si justes que les personnages nous semblent familiers.

Dans ce roman-ci, Maupassant est sans pitié envers le monde du journalisme.  Et j'ai l'impression que le tableau qu'il dresse est assez réaliste!  On sait qu'à l'époque, le concept d'objectivité journalistique n'existait pas, et la plupart des journaux étaient plus ou moins ouvertement l'organe d'un parti politique ou d'un groupe (par exemple la haute finance). (Certains esprits chagrins diront que la situation n'a pas beaucoup évolué, mais passons.)

En tournant la dernière page, j'étais presque déçue par la conclusion de l'intrigue, mais plus j'y pense, plus je trouve que cela fait du sens et reste cohérent avec ce que Maupassant dénonce.

En passant, à moins que vous ne soyez un enfant de douze ans, je vous déconseille l'édition Flammarion (collection Étonnants Classiques), qui comporte une quantité ahurissante de notes. Quatre ou cinq par page, c'est insupportable!  Ça va, je sais ce qu'est une gargote, et des bocks, j'en ai dans mon armoire de cuisine!  Heureusement, il y a plusieurs éditions offertes en prêt numérique à la BAnQ, j'ai pu en choisir une autre avant d'avoir envie de lancer ma liseuse par la fenêtre.  L'édition Folio illustrée ci-dessus est très bien.


Bel-Ami de Guy de Maupassant, 1885, 464 p.

25 mars 2023

Vita Nostra

Les Métamorphoses, tome 1

Lorsque le thème que j’avais suggéré, la science-fiction hors des sentiers battus, a été choisi pour le club de lecture de Livraddict, j’étais enchantée.  Toutefois j’étais moins enthousiaste devant le titre retenu au terme du processus: encore une énième histoire d’école/institution pour enfants/adolescents ayant des pouvoirs spéciaux/magiques?  Bon, j’ai déjà été agréablement surprise lors de ces clubs de lecture, j'ai décidé de lui donner tout de même sa chance.

Cela commençait assez bien: on est en Russie, c’est original.  Le personnage principal est assez attachant au départ.  Malheureusement, plus j’avance, plus mon intérêt s’émousse.  Beaucoup de longueurs, des péripéties répétitives…  On ordonne à l’héroïne de ne pas faire telle chose sous peine qu’un grave malheur n’arrive à sa famille, elle le fait quand même, rien de sérieux n’arrive, on lui ordonne de ne pas faire telle autre chose et ainsi de suite.  On nous explique en long et en large les étranges pratiques qu’on force l’héroïne à apprendre, mais comme c’est complètement abstrait, impossible de s’y intéresser.  J’ai poursuivi ma lecture car je voulais tout de même avoir le fin mot de l’histoire, mais cela m’a semblé long, très long!

 

Vita Nostra (Les Métamorphoses, tome 1) de Marina et Sergueï Diatchenko, traduit du russe, 2019, 525 p.  La version originale, Vita Nostra, date de 2007.


20 mars 2023

Un Chien à ma table

Un jour, une petite chienne apparaît à la porte d'une maison isolée dans la forêt.  De toute évidence, elle a été maltraitée et s'est enfuie, et pourtant elle se laisse facilement apprivoiser et apporte au sein du couple âgé qui décide de l'adopter un renouveau de vie et d'amour. 

Il y a un côté très décousu à ce roman, le fil n'est pas toujours facile à suivre, et de plus je n'ai pas saisi plusieurs des très nombreuses références littéraires qui sont données sans explication (ce que je préfère, on peut toujours googler celles qu'on ne comprend pas...).  Mais il y a des passages magnifiques sur la nature, le couple, la vieillesse...  Les scènes mettant en vedette l'animal sont vraiment mignonnes.  Et il règne dans ce lieu pourtant paisible un léger climat d'angoisse très bien évoqué: on craint toujours de voir apparaître l'ancien maître de la chienne, sûrement un salaud de la pire espèce.

À cause des petits bémols énoncés ci-haut, ce roman n'a pas été un immense coup de cœur comme l'avait été La Survivance, qui s'était retrouvé dans le Top 3 de mon bilan annuel, mais j'ai quand même beaucoup apprécié cette lecture.


Un Chien à ma table de Claudie Hunzinger, 2022, 288 p.

06 mars 2023

Le Premier Quartier de la lune

Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, tome 5

Plus je lis Michel Tremblay, plus je me rends compte d'un fait: parmi son immense bibliographie, mes œuvres préférées sont celles qui mettent en scène des femmes ou des enfants.  Celles où les hommes sont au premier plan me paraissent souvent presque glauques ou déprimantes.  C'est d'ailleurs pourquoi, il y a bien des années, j'avais abandonné la série des Chroniques du Plateau, après les tomes 3 et 4 que je n'avais que moyennement appréciés.

Après avoir terminé (et généralement adoré) la série de la Diaspora des Desrosiers, j'ai décider de donner une deuxième chance aux Chroniques, et grand bien m'en fit!  Dans ce tome-ci, on suit les deux cousins de treize et dix ans, Marcel et «le fils de la grosse femme» (qui  n'est jamais nommé mais dont on comprend qu'il est l'alter ego de l'auteur) ainsi que leurs mères.  On retrouve aussi le petit côté «réalisme magique» avec la découverte du «jardin enchanté» de Marcel et avec le retour des voisines fantômes, maintenant accompagnées du fantôme du chat Duplessis.

Et bien sûr, il y a toujours les dialogues savoureux de Tremblay.  Un délice!


Le Premier Quartier de la lune (Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, tome 5) de Michel Tremblay, 1989, 283 p.

02 mars 2023

Glaise

Des personnages attachants ou détestables, une bonne intrigue, un cadre historique original (une ferme de la France profonde durant la Première Guerre mondiale) et une ambiance du tonnerre (terme de circonstance puisque la foudre joue un rôle dans l'histoire!), ce roman a décidément beaucoup de qualités.

Là où le bât blesse, c'est concernant la plume de Frank Bouysse.  Dès les premières pages, l'adjectif qui m'est venu en tête est «laborieux».  En effet, on sent que le texte a été travaillé et retravaillé.  Effort louable, mais justement on le perçoit trop, cet effort!  La surabondance de qualificatifs, de comparaisons et de métaphores m'a fait lever les yeux au ciel plusieurs fois. 

Ces petits défauts m'ont souvent fait décrocher du roman.  Vous savez, quand on se met à remarquer quelque chose, on dirait qu'on ne voit plus que ça par la suite.  Ça vous arrive?  C'est très dommage, car l'histoire en elle-même est vraiment intéressante, en particulier la fin, et le mélange des genres terroir/noir est bien équilibré.  En toute honnêteté, il a peut-être souffert de la comparaison avec ma lecture précédente, Les Cavaliers de Joseph Kessel, à la plume impeccable.  D'ailleurs, je vous invite à vous faire votre propre idée puisque les commentaires sur Glaise sont généralement très élogieux.  Attention toutefois aux cœurs sensibles, il y a quelques scènes assez violentes dont une avec des détails scabreux dont on aurait pu se passer.


Glaise de Frank Bouysse, 2017, 426 p.