22 septembre 2009

La Naissance du jour


«La mûrissante couleur de la pénombre marque la fin de ma sieste. Infailliblement, la chatte prostrée va s'allonger jusqu'au prodige, extraire d'elle-même une patte de devant dont personne ne connaît la longueur exacte, et dire, d'un baîllement de fleur: "Il est quatre heures bien passées."»

Les premiers chapitres de ce récit autobiographique de Colette sont tout simplement époustouflants. Elle y parle de sa mère décédée et de sa maison en Provence, et l'écriture est si belle que j'en ai été soufflée.

Malheureusement, cela se gâte un peu par la suite. Je montre peut-être mes limites de lectrice en disant cela, mais j'ai parfois de la difficulté à la suivre; lorsqu'elle entre dans des abstractions sur les relations hommes-femmes ou d'autres sujets, cela me passe dix pieds par-dessus la tête. Peut-être que je suis un peu trop paresseuse comme lectrice, finalement. Mais dès qu'elle revient à des thèmes plus prosaïques, lorsqu'elle parle de son jardin, de ses animaux, d'un repas entre amis, là je la trouve vraiment formidable.

Elle trace d'elle-même un portrait sans complaisance, ce qui est louable en soi mais nous la rend peu sympathique. Je l'ai même trouvée presque méprisante envers ceux qui n'ont pas pu se défaire des conventions imposées par la société, ou qui ont une conception différente des relations amoureuses. C'est sans doute pour cela que le récit de sa relation d'amitié-amour avec son voisin plus jeune qu'elle m'a laissée un peu indifférente.

Ce fut donc pour moi une expérience en dents de scie que cette lecture. Ce qui est sûr c'est que j'ai trouvé l'écriture de Colette très moderne, tant par la forme que par le contenu; je n'en reviens pas que ce livre ait été publié en 1928! Du même auteur, j'ai lu il y a fort longtemps Dialogues de bêtes, dont je garde un excellent souvenir. Je n'hésiterai donc pas à tenter de nouveau l'expérience, et si vous avez des titres à me suggérer qui correspondraient à mes goûts, je suis toute ouïe!

La Naissance du jour de Colette, 1928. L'édition illustrée ici a été publiée chez Garnier Flammarion en 1969 et compte 185 pages, incluant chronologie et préface.

21 septembre 2009

Humour littéraire

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(Traduction pour ceux qui ne parlent pas l'anglais: «J'ai trouvé Narnia! Et des croûtes de pizza.»)

20 septembre 2009

La Princesse de Clèves

Quand j'étais petite, et durant une grande partie de mon adolescence, nous passions nos étés dans un petit chalet de Lanaudière. Dans une bibliothèque construite par mon frère se trouvaient, parmi les casse-tête et autres jeux, de nombreux livres à lire les jours de pluies: des Agatha Christie, des Simenon, et un tout petit dont je soulevais chaque été la couverture pour lire le premier paragraphe:


La magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant d'éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. Ce prince était galant, bien fait et amoureux; quoique sa passion pour Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, eût commencé il y avait plus de vingt ans, elle n'en était pas moins violente, et il n'en donnait pas des témoignages moins éclatants.

À chaque fois je me disais que ça avait l'air vraiment bien, que je le lirais quand j'aurais fini les livres de la bibliothèque municipale que j'avais amenés de la ville. Mais comme j'en apportais toujours plus que moins, de peur d'en manquer, ce jour n'arrivait jamais. Et bien des années plus tard je n'avais toujours pas lu La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette!

Et bien voilà, c'est chose faite! Je dois dire que j'ai eu quelques hésitations dans les dix ou quinze premières pages. On y énumère tous les protagonistes, avec leurs qualités et leurs défauts, et surtout les allégeances politiques et liens familiaux qui les unissent ou les opposent. C'est un peu barbant, faut-il l'avouer, et on peut facilement s'y perdre dans ces personnages nommés la plupart du temps par leur titre plutôt que par leur nom. Par exemple il y a la Reine, la Dauphine et la Reine dauphine, il y a Madame la soeur du Roi et Madame la fille du Roi, il y a le duc de Guise, le Cardinal de Guise et le Chevalier de Guise, et le père du Prince de Clèves s'appelle le Duc de Nevers. Vous me suivez? En bonne lectrice de Dumas je suis déjà un peu habituée à ces subtilités, mais là on aurait dit que l'accumulation de titres en quelques paragraphes me donnait un peu le tournis.

Heureusement, on n'a pas besoin de tout se rappeler, car Madame de La Fayette a la bonté de nous glisser des petits indices à chaque fois que revient un personnage secondaire qu'on aurait pu oublier. Si bien que j'ai pu arrêter de m'en faire avec les arbres généalogiques et que j'ai pu savourer cette belle histoire finalement assez intemporelle, car il y aura toujours de la passion amoureuse, de la jalousie, de la vertu et des magouilles politiques. Mais rarement l'éternel triangle amoureux aura-t-il été décrit avec autant de finesse et en de si beaux mots. J'avais beau être assise dans mon salon, hirsute, en pyjama et en pantoufles, je me croyais transportée dans les plus beaux salons de la Cour d'Henri II.

Ce qui a ajouté encore au plaisir, c'est d'avoir trouvé cette édition qui date de 1958, en assez bon état mais aux pages jaunies. Il me semble qu'un exemplaire tout pimpant de blancheur n'aurait pas aussi bien convenu. Par contre, je me serais passée de cette horrible illustration en couverture: on y voit une femme en robe à pompons, présumément la princesse en question, en train de manger délicatement une saucisse ou de fumer un cigare, on ne sait trop, pendant que deux quidams l'espionnent de l'extérieur du cadre. Je suis peut-être bouchée mais je n'ai pas vu le rapport avec l'histoire. Si quelqu'un veut m'expliquer je lui en serais reconnaissante.

Ceci dit, et n'en déplaise à M. Sarkozy qui avait affirmé que des lectures comme La Princesse de Clèves n'étaient pas utiles, je me sens l'âme un peu plus élevée et raffinée de l'avoir lu, ce qui n'est pas rien.


Lu en lecture commune avec Jules (qui malheureusement s'est ennuyée à mourir!), Bladelor (assez d'accord avec Jules), Restling (dont l'avis se rapproche assez du mien) et Hermione (qui se range avec Restling et moi-même!).


La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette, 1678. L'édition du Livre de poche illustrée ci-dessus date de 1958 et compte 242 p.

17 septembre 2009

The Eight

Dès les premiers chapitres, une impression de déjà-vu. Des parties se déroulant en France post-révolutionnaire, avec une héroïne française. Alternées avec d'autres mettant en scène une héroïne américaine en 1973. Un étrange jeu d'échecs aux propriétés maléfiques.

Remplaçons 1792 par 1891, 1973 par 2007 et l'étrange jeu d'échecs aux propriétés maléfiques par un étrange jeu de Tarot aux propriétés maléfiques. J'ai lu ce livre il y a quelques mois, c'est Sepulchre de Kate Mosse! Et le bouquin précédent de cette dernière, Labyrinth, était construit de la même façon. Alors quelle copieuse cette Katherine Neville! Mais non, tout compte fait, malgré ce que laisse croire la couverture de cette édition de poche qui cite Da Vinci Code, ce roman a été écrit il y a plus de vingt ans! Alors, c'est Kate Mosse la copieuse, bouh la vilaine!

Tout de même, j'ai failli laisser tomber. Si ça reste pareil tout le long, je vais m'emm...nuyer! Et puis j'ai décidé de lui donner sa chance. Ce n'est quand même pas la faute de Katherine Neville si on l'a plagiée.

Et grand bien m'en prit car finalement, après un premier tiers un peu lent et décousu, j'ai été passionnée par cette histoire touffue et intelligente, où l'on côtoie David, Robespierre, Marat, Mouammar Khadafi et l'impératrice Catherine de Russie, pour ne nommer que ceux-là. Où l'on est transporté de New York à Saint-Petersbourg en passant par Alger, la Corse, Paris et Londres. Où l'on remonte dans le temps jusqu'à Babylone et Carthage. Où l'on cause mathématiques, musique, alchimie, physique, philosophie grecque et beaux-arts. Et bien sûr échecs, puisque tout le roman est construit comme une grande partie d'échecs à l'échelle planétaire. Qui sont les blancs, qui sont les noirs?

****Attention, ce paragraphe contient quelques spoilers! ****
Il y a bien quelques invraisemblances: deux jeunes femmes sensées qui s'aventurent dans le désert en voiture décapotable (dont le toit est brisé), avec seulement quelques gallons d'eau et d'essence, sans nourriture, en vêtements de ville et sandales? Et aussi des coïncidences bizarres: l'héroïne tentant de franchir une barricade à Paris durant une émeute remarque deux jeunes inconnus qui s'avèrent être Napoléon et sa soeur. ET elle décide de leur demander de l'aide. ET ils reviennent justement de l'abbaye où la jeune fille essaie de se rendre. ET la personne qu'elle voulait y rencontrer leur a donné un message pour leur mère qui, tiens donc, détient une partie du secret du jeu d'échecs. Mais ce n'est peut-être pas une coïncidence, après tout, c'est peut-être le Destin... Bah, de toutes façons, ce type de péripéties fait un peu partie du genre, non?


Les billets de Laurence du Biblioblog et de So.


The Eight de Katherine Neville, publié chez Ballantine Books en 1988. L'édition de poche compte 598 pages. Titre de la version française: Le Huit.

05 septembre 2009

Les lectures communes, dernières nouvelles!

  • C'est presqu'une épidémie! On pourrait même parler de pandémie, puisque plusieurs continents sont atteints! Karine dresse un portrait alarmant de la situation, et s'engage à nous tenir au courant des derniers développements!

  • Bladelor se joint à Jules et moi-même pour la lecture de La Princesse de Clèves!

  • Karine et moi lirons ensemble Les Raisins de la colère de Steinbeck; la date reste à déterminer.


Mise à jour (6 septembre) et récapitulation:

  • La Princesse de Clèves (20 septembre): Grominou, Jules, Bladelor, Hermione, Restling

  • La Jeune Fille à la Perle: (5 octobre): Grominou, Jules, Joey, Hermione, Diane, Bookworm

  • Les Raisins de la colère (30 octobre): Grominou, Karine, Restling

04 septembre 2009

Je clèverai, elle clèvera... Clèverez-vous?

Ça a commencé chez Kalistina, s'est répandu chez Bladelor, puis chez Jules et sans doute ailleurs... L'idée est de faire baisser nos PALs (Piles de livres À Lire) respectives en trouvant des titres que chacun possède déjà [sinon on obtiendrait l'effet contraire à celui qui est visé! Déjà qu'en tant que LCA (Lecteur Compulsif Anonyme) on n'a pas trop besoin d'encouragements pour acheter de nouveaux livres...] et en se proposant de les lire en même temps.

Jules et moi avons deux titres en commun: Girl with a Pearl Earring/La Jeune Fille à la perle de Tracy Chevalier et La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette. C'est par ce deuxième roman que nous commencerons, et publierons nos billets le 20 septembre. Que vous soyez blogueurs ou non, vous êtes tous les bienvenus si vous désirez vous joindre à nous!

03 septembre 2009

Champagne

Si vous en avez un peu marre de la ville, plongez-vous dans ce magnifique roman et passez quelques jours au Paradis. C'est-à-dire dans ce petit coin de campagne magnifiquement décrit par Monique Proulx, ce bord de lac des Laurentides où l'Homme s'est fait discret, où les bateaux à moteurs sont interdits, où on a réussi à repousser les promoteurs de tout acabit. L'espace d'un été, il se passe plein de petites choses dans les vies entrecroisées des quelques habitants, mais même s'il ne se passait rien, je ne me serais pas lassée de lire les descriptions de cette Nature presque vierge, de ces champignons qu'on découvre comme un trésor à l'ombre d'un rocher, d'un enfant observant la transformation de la chenille du monarque (que de souvenirs!), des méfaits de Rongeur céleste, cet écureuil têtu qui s'acharne à dévaliser les mangeoires des oiseaux au lieu d'aller à celles réservées à son espèce, malgré tous les stratagèmes utilisés pour tenter de le déjouer... Et puis tous ces personnages, j'avais l'impression de les connaître, de la vieille dame défendant farouchement son territoire à ce petit garçon défiguré, amateur d'Harry Potter et de bibittes...

C'était ma première rencontre avec Monique Proulx, est-ce que ses autres romans sont aussi formidables?


L'avis de Catherine du Biblioblog, de Venise, de Blogueléponge, de Malice.


Champagne de Monique Proulx, publié chez Boréal en 2008, 391 p.