30 août 2016

Soudain, seuls

Tout d'abord, disons que cette couverture est vraiment magnifique et que, avec son fini glacé en plus, elle transmet parfaitement l'atmosphère dans laquelle on se trouve plongé après quelques pages.

En effet, Isabelle Autissier nous entraîne sur une île déserte de l'Atlantique Sud, en compagnie d'un couple de trentenaires naufragés, de phoques et de manchots.  Ce qui arrive à leur relation lorsque la faim, le désespoir, l'instinct de survie se manifestent, voilà ce qu'analyse Autissier d'une plume fine,  sobre et d'un grand réalisme, à tel point que je me suis demandé à plusieurs reprises, sachant par ailleurs que l'auteure est navigatrice, s'il ne s'agissait pas d'une histoire vraie!

Il faut avouer aussi que j'ai toujours été fascinée par les histoires où les personnages se retrouvent isolés, confrontés à eux-mêmes et doivent apprendre à se débrouiller avec les moyens du bord, que se soit à cause d'un cataclysme (La Route, Le Mur invisible de Marlen Haushofer), d'un isolement plus ou moins volontaire (La Survivance, D'où viens-tu, berger?) ou d'un naufrage (les romans de Jules Verne quand j'étais enfant, Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier, Lord of the Flies).  Ce qui est un peu absurde, c'est que je n'ai pas lu Robinson Crusoé!

Un roman qui se lit en quelques heures mais dont les personnages restent avec vous bien plus longtemps...


Soudain, seuls d'Isabelle Autissier, 2015, 248 p.

27 août 2016

Avenue of Mysteries (Avenue des mystères)

Bon, j'ai fait un petit accroc à ma résolution de ne lire que des bouquins de ma PAL (papier ou numérique) cet été;  mais comment résister à un nouveau roman d'un de mes auteurs chouchous, mon cher John Irving!

Il faut avouer que mon écrivain chéri n'est pas toujours égal à lui-même.  Malgré ses qualités certaines, Until I Find You ne m'avait pas entièrement convaincue, mais j'avais cru retrouver le Irving des bonnes années avec Last Night in Twisted River.  Je n'ai pas lu le roman suivant, In One Person, dont le sujet, la bisexualité, m'attire peu.

Avenue of Mysteries me laisse ambivalente.  J'ai adoré les parties qui se déroule durant l'adolescence du personnage principal au Mexique.  Il est entouré de plusieurs personnages pittoresques, dont notamment sa petite soeur Lupe, qui sait lire dans les pensées et parle un langage mystérieux que lui seul comprend, ce qui est heureux car elle dit tout ce qui lui passe par la tête!  Comme toujours chez Irving le thème du Destin est fortement présent, auquel s'ajoute ici celui de la religion catholique.

Par contre, les parties qui se déroulent de nos jours m'ont moins plu.  Ce n'est pas inintéressant, mais la passivité du personnage, maintenant un écrivain célèbre dans la cinquantaine, m'a agacée de même que sa confusion et ses tergiversations au sujet des médicaments qu'il prend pour sa pression: a-t-il pris une ou deux pilules hier, devrait-il en prendre une aujourd'hui malgré les effets secondaires, prendra-t-il un demi-comprimé de Viagra pour compenser, etc.  Lors d'un voyage aux Philipines, il fait la connaissance de deux femmes mystérieuses mais peu sympathiques et je n'ai pas aimé les passages où elles figuraient.

C'est du Irving, ça ne peut pas être mauvais!  N'empêche, je suis un peu déçue, même si dans l'ensemble j'ai passé de bons moments. 


Avenue of Mysteries de John Irving, 2016, 454 p. en version numérique.  Titre de la traduction:  Avenue des mystères.

11 août 2016

Le Côté de Guermantes


***Attention, divulgâcheur!***

Encore un plaisir de retrouver mon cher Marcel et son style incomparable.  D'ailleurs, est-ce moi qui s'y habitue?  Ses phrases m'ont semblé moins tarabiscotées dans ce tome-ci.  Par contre, amateurs d'action, s'abstenir: à part le passage (émouvant) de la mort de la grand-maman et une bonne engueulade avec monsieur De Charlus, il ne se passe à peu près rien dans ce tome.  On dirait même que Proust évite volontairement tout ce qui pourrait mettre un peu d'animation!  Ainsi, le narrateur glisse nonchalamment qu'il s'est battu en duel, sans donner plus de détails, simplement pour discuter du vocabulaire utilisé par Albertine pour décrire ses témoins!  Était-ce si banal, un duel, à la fin du XIXe siècle?

Proust continue plutôt sa description de la société qui l'entoure, société maintenant très divisée au plus fort de l'Affaire Dreyfus qui fait ressortir l'antisémitisme presque omniprésent.   Grâce aux rencontre faites à Balbec dans le tome précédent, le narrateur réussit à s'introduire dans le monde de la noblesse, qu'il nous décrit avec humour.  Comme il le remarque lui-même, on s'y perd un peu dans tous ces titres, un même personnage pouvant en changer (ainsi la princesse des Laumes du premier tome est-elle devenue la duchesse de Guermantes à la mort de son beau-père) mais en plus, depuis l'Empire, le même titre a pu être attribué à quelqu'un alors qu'il appartenait déjà à quelqu'un d'autre!  Une chatte y perdrait ses chatons!

En même temps, il poursuit son étude du pouvoir d'évocation des mots et s'amuse du langage coloré de sa bonne Françoise comme de celui de la noblesse, mêlé tour à tour d'expressions bourgeoises à la mode ou  «Vieille France».

Par contre il nous laisse sur un genre de cliffhanger (y a-il un équivalent français à cette expression? L'OLFQ suggère suspens, mais ça ne me semble pas tout à fait la même chose) et sur une révélation-choc au sujet de Swann dans les toutes dernières pages du roman.  J'ai donc déjà hâte de continuer la série, malgré le titre peu invitant du tome suivant: Sodome et Gomorrhe, et si je ne m'étais pas engagé dans une opération PAL estivale (la dite PAL commençant à prendre vraiment trop d'ampleur), je m'y plongerais peut-être tout de suite!


Le Côté de Guermantes (À la recherche du temps perdu, tome 3) de Marcel Proust, 1920-1921, 547 p. en version numérique. L'illustration ci-dessus ne correspond pas à l'édition que j'ai lue.