26 avril 2017

Train de nuit pour Lisbonne

Je ne sais pas si vous êtes comme moi: quand je vais à la bibliothèque municipale, j'ai toujours les yeux plus grands que la panse!  J'aime emprunter plus de livres que ce que je pourrai lire dans le temps imparti.  Ainsi j'ai toujours le luxe du choix.  Mais quand un bouquin se retrouve plusieurs fois dans la catégorie des «remis sans être lus», peut-être est-ce un signe?  Surtout qu'il était en première page de mon petit carnet «livres à lire», ce qui indique qu'il y a été inscrit depuis des années...  Autre signe?

Signe qu'il n'était peut-être pas pour moi, ce roman?  Roman sur lequel j'avais lu des billets élogieux.  Toujours est-il que je n'y ai pas vraiment trouvé mon compte.  Après avoir plutôt aimé le début, j'ai failli abandonner à quelques reprises, mais j'étais tout de même curieuse de savoir où cette quête allait mener le personnage principal, intellectuel un peu mollasson qui à certains points de vue m'a rappelé les personnages de Jacques Poulin (mais ceux-ci sont en général beaucoup plus attachants).  Car c'est bien d'une quête qu'il s'agit: professeur de langues anciennes à Berne, notre homme quitte tout sur un coup de tête pour se rendre au Portugal sur les traces d'un médecin dont il a trouvé le livre auto-édité dans une bouquinerie.  J'avoue bien humblement que je n'ai pas tout compris, en particulier l'intérêt que cette quête pouvait avoir pour moi, lectrice.  Les extraits du livre du médecin m'ont paru un peu ennuyants, ça tournait en rond, j'avais envie de les sauter.

Les passages où il est question de la résistance contre la dictature de Salazar étaient toutefois passionnants, dommage qu'ils aient été trop courts et trop peu nombreux.  L'histoire de la famille du médecin, de sa relation avec ses parents et ses sœurs, était aussi assez intéressante, mais il y avait beaucoup trop de longueurs, de redites.  Bref, un livre qui aurait pu rester dans la catégorie «remis sans être lus» et je ne m'en serais pas porté plus mal...


Train de nuit pour Lisbonne de Pascal Mercier, 2004, traduit de l'allemand (Suisse) en 2006.  490 p.  Titre de la version originale: Nachtzug nach Lissabon.

20 avril 2017

Dans les forêts de Sibérie

Coup de cœur pour ce livre que j'ai dévoré en quelques jours, ce qui ne m'était pas arrivé depuis un bout de temps!  Il ne s'agit pas d'un roman mais du journal de l'écrivain voyageur français Sylvain Tesson, écrit alors qu'il passe six mois dans une cabane isolée sur les rives du lac Baïkal.  On est en partie dans un récit de voyage et d'aventure, en partie dans une réflexion sur la nature (ah! la petite mésange au bord de la fenêtre!), l'humain, la société, la solitude et la liberté, tout ça avec énormément d'humour.  J'ai particulièrement apprécié les passages où il nous parle de ses lectures (nombreuses et diversifiées, de Robinson Crusoé à Schopenhauer en passant par la poésie chinoise et Chateaubriand), en faisant des parallèles avec ce qu'il vit.  Seul petit bémol, vers la fin j'ai commencé à trouver les scènes de beuveries un peu nombreuses (détail qui sans doute n'agacera que moi d'ailleurs, on ne se refait pas), mais en même temps, il s'agit d'un journal et ce n'est pas à moi de dire au gars comment vivre sa vie; en Sibérie fait comme les Sibériens, j'imagine, et il semble que les Sibériens boivent de la vodka dès le petit déjeuner, alors...

En cherchant l'image de la couverture, je suis tombée sur la bande-annonce du film, sorti l'an passé, paraît-il...  Ça semble plutôt bien (bizarrement ça se déroule sur un an au lieu de six mois!), quelqu'un l'a vu?


Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson, 2011, 267 p.

11 avril 2017

La Prisonnière

(À la recherche du temps perdu, tome 5)

Le thème de ce cinquième tome est la jalousie et l'amour possessif (ce qui explique le titre!).  Drôle d'amour, en fait, que celui qu'éprouve le narrateur (Proust s'échappe une fois à l'appeler Marcel, ce qu'il avait méticuleusement évité dans les tomes précédents!) pour Albertine: quand il pense qu'elle va le quitter ou le tromper, il est fou de douleur, prêt aux pires bassesses; quand au contraire il la sent docile, il s'en désintéresse, rêvant à des voyages à Venise, à des inconnues aperçues par la fenêtre.  Quant à Albertine, ses sentiments pour lui restent un mystère!  Nous seront-ils dévoilés un jour?  C'est ce que nous saurons peut-être dans le prochain épisode!  Épisode que j'ai déjà hâte de découvrir, en partie à cause des annonces de calamités à venir que Proust glisse habilement ici et là, comme dans le tome précédent.

Ce que j'aime par dessus tout chez Proust, ce sont ses descriptions de petits détails quotidiens qui deviennent évocateurs, lourds de sens.  Par exemple, la lumière de la chambre d'Albertine filtrant à travers les fentes des volets en vient à former sous nos yeux les barreaux dorés de sa prison!

Un extrait où Proust nous parle de ce que l'art peut accomplir (Vinteuil et Elstir sont un compositeur et un peintre fictifs):
Mais alors, n’est-ce pas que, de ces éléments, tout le résidu réel que nous sommes obligés de garder pour nous-mêmes, que la causerie ne peut transmettre même de l’ami à l’ami, du maître au disciple, de l’amant à la maîtresse, cet ineffable qui différencie qualitativement ce que chacun a senti et qu’il est obligé de laisser au seuil des phrases où il ne peut communiquer avec autrui qu’en se limitant à des points extérieurs communs à tous et sans intérêt, l’art, l’art d’un Vinteuil comme celui d’un Elstir, le fait apparaître, extériorisant dans les couleurs du spectre la composition intime de ces mondes que nous appelons les individus, et que sans l’art nous ne connaîtrions jamais ? Des ailes, un autre appareil respiratoire, et qui nous permissent de traverser l’immensité, ne nous serviraient à rien, car, si nous allions dans Mars et dans Vénus en gardant les mêmes sens, ils revêtiraient du même aspect que les choses de la Terre tout ce que nous pourrions voir. Le seul véritable voyage, le seul bain de Jouvence, ce ne serait pas d’aller vers de nouveaux paysages, mais d’avoir d’autres yeux, de voir l’univers avec les yeux d’un autre, de cent autres, de voir les cent univers que chacun d’eux voit, que chacun d’eux est ; et cela, nous le pouvons avec un Elstir, avec un Vinteuil ; avec leurs pareils, nous volons vraiment d’étoiles en étoiles.

Enfin, un petit avertissement, il y a vers la fin deux ou trois pages pleines de divulgâcheurs sur Crimes et Châtiments et Les Frères Karamazov de Dostoïevski.  Moi qui pensais justement renouer avec cet écrivain pour mon défi de lecture de l'an prochain (en passant, cette année ce sera Moby Dick, restez à l'écoute, c'est pour bientôt!), après un premier essai peu concluant -- Crime et Châtiment, trop noir pour moi mais j'étais très jeune quand je l'ai lu -- j'hésitais entre Les Frères K. et L'Idiot, Proust a choisi pour moi, ce sera ce dernier titre, si le projet se concrétise!


La Prisonnière (À la recherche du temps perdu, tome 5) de Marcel Proust, 1923, 465 p.