27 novembre 2013

L'Orangeraie

Quel beau roman! J'ai eu peur au début que le «punch» ait été révélé au Club de lecture de l'émission Bazzo.tv,  mais heureusement, ce qui avait été dévoilé nous est raconté dans le premier tiers du livre (c'est pourquoi je me permets d'en parler aussi dans le paragraphe suivant, histoire de vous donner une idée de ce à quoi l'on a affaire!)

Un sujet très dur: c'est l'histoire de deux frères jumeaux de neuf ans dont un devra participer à un attentat-suicide!  Et pourtant, grâce à une plume superbe, à des phrases ciselées comme par un orfèvre, sans un mot de trop, avec de temps en temps, juste assez souvent, des éclats de lumière, ce n'est jamais lourd.  Je ne connais pas la biographie de Larry Tremblay, mais je ne serais pas surprise d'apprendre qu'il ait vécu quelque temps au Moyen-Orient. On croirait y être, dans cette orangeraie!

Extrait:
«Leur grand-mère s’appelait Shaanan. Avec ses mauvais yeux, elle les confondait tout le temps. Elle les appelait ses deux gouttes d’eau dans le désert. Elle disait : "Cessez de vous tenir par la main, j’ai l’impression de voir double." Elle disait aussi : "Un jour, il n’y aura plus de gouttes, il y aura de l’eau, c’est tout." Elle aurait pu dire : "Un jour, il y aura du sang, c’est tout. "»

Merci aux éditions Alto pour l'envoi.

L'Orangeraie de Larry Tremblay, 2013, 102 p. en version numérique.

23 novembre 2013

Inferno

Bien sûr, il n'est pas le plus grand écrivain de son temps... Bien sûr, on dirait qu'il a toujours la main sur son dictionnaire des synonymes...  Bien sûr il faut accepter d'emblée le fait que son monde est rempli de criminels mégalomaniaques organisateurs de courses aux trésors basées sur l'histoire de l'Art, de l'architecture et de la littérature!  Mais ce type sait vraiment raconter des histoires qui vous tiennent en haleine!

Appelons cela un plaisir coupable, mais je ne me lasse pas des aventures abracadabrantes de Robert Langdon, professeur d'iconographie à l'Université de Harvard. Enfin un héros qui fait travailler ses méninges plus que ses muscles! Cette fois-ci, il nous emmène de Florence à Istanbul en passant par Venise, tentant d'éviter la propagation d'une épidémie meurtrière, aidé par une jeune médecin débrouillarde et par sa propre connaissance du chef-d’œuvre de Dante, L'Enfer, et des nombreuses œuvres d'art qui s'y rapportent.

Seul petit défaut, et je ne me souviens pas d'avoir eu cette impression dans les tomes précédents, j'ai trouvé que Dan Brown donnait parfois trop d'explications, qu'il ne faisait pas confiance à son lecteur. Par exemple, lorsque dans une même phrase il est question de Venise, de doge et de lagune, inutile d'expliquer que Venise a été bâtie sur une lagune et était anciennement dirigée par un doge; le lecteur lambda saura de quoi il retourne...  Cependant, le fait qu'à l'émission Le Tricheur avant-hier aucun des participants ne savait la date de la Révolution française (et un seul, celui à qui on avait donné la réponse, a pu identifier le siècle!) pourrait me faire douter de cette affirmation!

En bonus, au détour d'un paragraphe, un trait d'humour inattendu:
(Robert Langdon a besoin d'un moyen de transport et appelle son éditeur)
«"I'm in some trouble, Jonas, and I need a favor." Langdon's voice sounded tense. "It involves your corporate NetJets card." 
"NetJets?" Faulkman gave an incredulous laugh. "Robert, we're in book publishing. We don't have access to private jets. "
"We both know you're lying, my friend."
Faukman sighed. "Okay, let me rephrase that. We don't have access to private jets for authors of tomes about religious history. If you want to write Fifty Shades of Iconography, we can talk."»

Inferno de Dan Brown, 2013, 461 p.  Titre de la version française: Inferno.

12 novembre 2013

Durrell en Russie

Dans cet album illustré de nombreuses photos, le naturaliste Gerald Durrell nous raconte les voyages qu'il a effectués, en compagnie de sa femme Lee et de quelques techniciens, dans plusieurs régions de Russie, afin notamment d'y filmer une série de documentaires sur la faune et la flore de ce pays. Durrell est toujours intéressant, souvent drôle, mais je me suis ennuyée de cette petite étincelle de folie que j'avais tant appréciée dans La Forêt ivre et surtout dans Féeries dans l'île (réédité sous le titre de Ma Famille et autres animaux).  On y constate la grande diversité de climats, des régions désertiques au Cercle polaire, abritant une faune des plus originales, notamment dans de nombreuses et immenses réserves que Durrell a trouvées très bien tenues par des gens passionnés  (c'était avant l'effondrement de l'Empire soviétique; je serais curieuse de savoir si la situation est toujours la même...).  Les photos sont en général fort belles ou amusantes, mais souffrent de la comparaison avec ce qu'on pourrait accomplir grâce à la technologie photographique et aux méthodes d'impressions actuelles!

Réservé aux amateurs de récits de voyages doublés d'amoureux de la Nature!  Pour les mordus, plusieurs des documentaires sont disponibles sur Youtube, mais la narration est malheureusement en russe!


Durrell en Russie de Gerald et Lee Durrell, 1988, 191 p.  Titre de la version originale: Durrell in Russia.

09 novembre 2013

David contre Goliath...


Les éditions Leméac et Michel Tremblay ont résisté au chantage de la chaîne de magasins Costco, qui exigeait de pouvoir offrir le dernier roman de cet écrivain, Les Clefs du Paradise,  en même temps que les librairies. Il faut savoir que Leméac, comme plusieurs autres éditeurs québécois, donne généralement un avantage de quelques semaines aux librairies avant d'offrir le livre aux grandes surfaces. Histoire de ne pas couper l'herbe sous les pieds des libraires!

Résultat: Costco a annulé sa commande complète, le dernier Tremblay n'y sera pas vendu!

Qu'en pensez-vous? Êtes-vous déçus de ne pas pouvoir acheter ce livre ou d'autres best-sellers en grande surface (donc moins cher) dès leur parution?  Quant à moi, il me semble juste de donner une chance aux librairies, qui ne vendent pas que les gros titres mais aussi les auteurs plus confidentiels; toutefois je suis mal placée pour me prononcer puisque je n'achète à peu près jamais de livres neufs!

Nos cousins français n'ont pas ce dilemme, puisqu'ils ont la politique du prix unique du livre...

Pour en savoir plus: l'article du Devoir

07 novembre 2013

Sur la 132

Je me suis gourée dans un billet précédent, j'ai affirmé que c'était Bertrand Laverdure qui avait parlé de ce bouquin à Tout le monde tout lu. J'ai fait dans ma tête un amalgame entre ce livre et un autre dont Laverdure a parlé, qui était un récit de voyage. C'est en fait Gabriel Anctil lui-même qui, dans cette même émission sur le thème de la nature et du territoire, vint parler de son premier roman, l'histoire d'un publiciste écoeuré de la superficialité de son monde qui décide de tout lâcher. Mes excuses, donc, à MM. Laverdure et Anctil.

À cause de ce mélange initial, il m'a fallu effectuer une petite gymnastique cérébrale lorsque je me suis aperçue de mon erreur après plusieurs dizaines de pages.  C'est sans doute pourquoi j'ai eu un peu de difficulté à accrocher au début, durant la partie qui se déroule à Montréal dans le milieu de la publicité.  Dès que le narrateur quitte la ville pour se diriger vers l'est de la province (lui qui n'a jamais dépassé Québec), je me suis mise à vraiment apprécier l'histoire. Il découvre à la fois la beauté des grands espaces et la laideur de la plupart des villages du Bas-du-Fleuve. Décidément, cette région est à l'honneur c'est temps-ci, c'est le troisième roman que je lis en moins d'un an qui s'y déroule en tout ou en partie (avec La Fiancée américaine et La Patience des fantômes), alors qu'elle avait peu été exploitée en littérature, à part par Victor-Lévy Beaulieu. 

Le héros (plutôt anti-héros, en fait) rencontre des personnages pittoresques et sympathiques. J'ai particulièrement aimé le voisin «speedé», maniaque des films de Bruce Lee, abandonné par sa blonde qui a tout lâché pour, comme on l'apprendra éventuellement,  s'en aller vers l'ouest du Canada, pendant féminin du narrateur.  On fait aussi la connaissance de nombreux piliers de bars pour qui notre aventurier éprouve un mélange de tendresse et de mépris, et qui semblent représenter une bonne partie de la population masculine de la région (voire des régions en général). À travers ces rencontres comme par les lectures qu'il effectue, il reprend contact avec ses racines familiales et québécoises. Ce n'est qu'à la toute fin cependant qu'il arrivera à se départir de son cynisme et qu'il reprendra goût à la vie.

Si j'ai un assez gros bémol, c'est surtout à cause de plusieurs longueurs dans la deuxième partie du roman, notamment par la répétition des scènes de taverne, avec ou sans descriptions de parties de hockey télévisées, presque jeu par jeu.  Les beuveries se succèdent et se ressemblent, et je crois que l'éditeur aurait dû mettre la hachette là-dedans. Il faut dire que je n'aime ni les bars ni le hockey, donc je ne fais sans doute pas partie du public cible...  Il y a aussi le fait que le personnage principal dépasse parfois la limite et qu'on se met à le trouver antipathique, ce qui est toujours dangereux en littérature selon moi.  J'ai apprécié cependant les dialogues en joual, généralement bien rythmés et mordants, et les descriptions, que j'aurais aimées plus nombreuses, du fleuve majestueux ou déchaîné, ou de la nature splendide et glaciale.

Bref, malgré quelques défauts, un premier roman intéressant et un écrivain prometteur!


La page de l'émission Tout le monde tout lu!  Pour voir l'entrevue de Gabriel Anctil, cliquez sur la photo de Serge Bouchard (qui était l'autre invité cette semaine-là) et rendez vous à la quatorzième minute de diffusion.  Cet auteur a aussi été la recrue de juin 2012 du blogue La Recrue du mois, consacré aux premiers romans québécois.


Merci aux éditions Héliotrope pour l'envoi.

Sur la 132 de Gabriel Anctil, 2012, 454 p. en version numérique.