
Encore une fois un billet qui, je le crains, ne rendra pas justice à ce magnifique et terrible roman. Roman qui, on le sent bien, est basé sur des faits vécus puisque Remarque a été fantassin durant la Première Guerre mondiale. Les descriptions sont d'un réalisme époustouflant. J'ai eu le coeur brisé lorsque le narrateur et ses compagnons, à dix-neuf ou vingt ans, sont considérés comme des vétérans et tentent en vain de montrer aux recrues comment survivre aux gaz, aux bombes.
Au début, le héros est encore capable d'apprécier quelques instants de beauté dans toute cette laideur:
«Sur un chemin transversal passent des canons légers et des voitures de munitions. Les dos des chevaux luisent sous la lune, leurs mouvements sont beaux, ils portent la tête haute et on voit étinceler leurs yeux. Les canons et les voitures semblent glisser sur l'arrière-plan estompé du paysage lunaire; les cavaliers, avec leurs casques d'acier, ont l'air de chevaliers du temps passé; c'est, d'une certaine manière, beau et émouvant.»
Mais ces moments de grâce sont de plus en plus rares, et la seule chose qui lui permet de garder une certaine sanité est l'amitié et la complicité des autres soldats. Même les permissions, où il peut retrouver sa famille, ne lui sont d'aucun réconfort puisque rien n'est plus comme avant; il se sent comme un étranger dans sa propre chambre et est complètement déphasé par rapport aux civils. Il s'interroge également sur ce qui l'attend après la démobilisation, puisqu'il a quitté l'école pour s'engager et ne sait faire rien d'autre que de tuer pour survivre. Fait à remarquer, il ne montre que très peu de haine envers l'ennemi, qui est à peine mentionné, réservant toute sa grogne pour les dirigeants qui ont déclaré cette guerre et pour les officers aux ordres insensés.
Vous le savez, je ne suis pas fan de l'utilisation du présent dans les
romans; toutefois ici il est très approprié et extrêmement efficace
puisqu'il nous plonge directement dans l'enfer des tranchées.
Un livre qui n'a pas pris une ride, sauf pour un paragraphe sur les «nègres de la brousse», qu'il faut bien sûr replacer dans son contexte. Un grand roman pacifiste qui fut brûlé par les nazis et valut à son auteur de se voir retirer sa citoyenneté allemande. Le titre prend tout son sens au dernier paragraphe et c'est une vraie claque...
À l'ouest rien de nouveau de Erich Maria Remarque, traduit de l'allemand, 1929, 282 p. Titre original: Im Westen nichts Neues.