Dans son plus récent roman, Dominique Fortier, l'une de mes écrivaines québécoises préférées, s'inspire des lettres envoyées par Herman Melville, à un autre grand écrivain américain, Nathaniel Hawthorne, dont les réponses n'ont malheureusement pas été conservées. À partir de cette correspondance, elle recrée une histoire d'amitié/amour/désir entre les deux écrivains, histoire qui aurait eu une influence sur l'écriture du fameux Moby Dick, que Melville rédigeait durant cette période. Elle imagine également la vie quotidienne de ce dernier, et d'ailleurs les passages mettant en vedette son épouse Lizzie sont particulièrement réussis -- notamment ceux en mode «flux de conscience» (stream of consciousness), c'est-à-dire où l'on suit les pensées désordonnées d'un personnage. Si Fortier s'en était tenue à cette intrigue, son roman aurait été pour moi un gros coup de cœur. Comme toujours, la plume est délicate et poétique, surtout quand elle s'attarde à nous décrire les petits détails du quotidien.
Malheureusement, comme elle l'a fait dans ses trois derniers romans, l'auteure interrompt régulièrement sa trame principale avec des passages autobiographiques. Si dans Les Villes de papier et Les Ombres blanches ces interludes s'intégraient assez bien à l'histoire, ici au contraire je me suis plutôt retrouvée dans le même état d'esprit que lorsque j'ai lu Au péril de la mer: chaque fois que j'arrivais à ces passages, je levais les yeux au ciel et je n'avais qu'une hâte, celle de revenir à la partie historique. Ici, Fortier nous raconte sa relation avec un écrivain et poète au nom d'emprunt de Simon. Je comprends l'idée de mettre en parallèle les deux histoires mettant en scène des écrivains, mais j'ai trouvé que cela n'apportait rien au roman, en brisait le rythme, et même je me suis presque sentie dans une position de voyeur tant elle nous dévoile des sentiments intimes.
Cela dit, j'ai vu, dans différents commentaires, que bien des lecteurs avait apprécié le procédé... Je vous invite donc à vous faire une idée par vous-même! Et si finalement vous ressentez la même chose que moi, la partie sur Melville vaut tout de même la lecture (a fortiori si vous avez lu Moby Dick!).
La Part de l'océan de Dominique Fortier, 2024, 328 p.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire