C'est pourquoi je trouve ce livre (que je n'ai pas encore fini, hé non! Mais ça s'en vient, j'en suis aux deux tiers!) à la fois si palpitant et si difficile à lire. Il nous montre comment ces gens ont pu commettre des crimes innommables, supporter l'insupportable, en se concentrant sur les aspects logistiques et techniques: mode d'exécution quand les munitions sont limitées, moyens de transport, lieu, façon sécuritaire de disposer des corps, etc.
Comment aussi le cerveau de ces gens avaient été préparé par la propagande du parti, et ce durant des années avant la guerre. Cela permettait à leur cerveau une rationalisation des actions commises: les Juifs sont prédisposés racialement à être des saboteurs, il faut donc les éliminer à mesure qu'on conquiert du terrain pour assurer nos arrières, de même que les tziganes, les communistes. Et ce serait cruel (comble de la mauvaise foi) de tuer les hommes et de laisser les femmes et les enfants sans ressources, il vaut mieux donc les éliminer aussi!
En général, j'ai beaucoup de difficulté avec les romans où le personnage principal est antipathique. Il faut que je puisse lui trouver au moins quelques qualités sinon je n'accroche pas, a fortiori lorsque le récit est à la première personne comme ici. C'est pourquoi j'étais craintive au début de ce bouquin: un officier des SS, qui en plus travaille à l'organisation des massacres? Hé bien, ce doit être que l'auteur a un grand talent, car j'y suis arrivé. Oui, le personnage en arrive à être presque sympathique, même. Je crois que le paragraphe que je vous ai cité dans un billet précédent y est pour beaucoup. Particulièrement la phrase «(...) excusez-moi, il y a peu de chances pour que vous soyez l'exception, pas plus que moi.»
Paradoxalement, le fait que les scènes les plus horribles soient au début du roman y aide aussi (j'aurais cru le contraire). Sans oublier ces actes, on les accepte, d'une certaine façon, et on continue. Non, je ne pourrais même pas dire qu'on les accepte, mais on les classe dans un coin du cerveau parce qu'ils sont pour l'instant incompréhensibles. Aussi le fait que le personnage se soit rendu malade physiquement, sans que lui-même ne fasse le lien entre ce qu'il a dû faire et ses problèmes de santé, nous permet de voir qu'il restera marqué dans son corps et dans son âme, qu'il ne s'en sortira pas indemne.
Autant lorsqu'un héros est formidable, on s'y identifie et on voudrait croire que nous aussi, dans les mêmes circonstances... autant ici, à l'inverse, on se rassure (étrangement) sur l'humanité entière en se disant que les humains sont faits ainsi et que nous aussi on aurait peut-être agi ainsi... Enfin, je m'explique mal en quoi je trouve cela réconfortant! Si ces gens ont commis des atrocités, ce n'est pas parce qu'ils étaient tous foncièrement méchants, mais parce que leur cerveau a été conditionné pour cela. Et seuls quelques spécimens exceptionnels arrivent à combattre ce conditionnement. Il y a donc de l'espoir, car un cerveau pourra aussi être conditionné pour le Bien, si seulement on arrive un jour à s'entendre sur ce que c'est exactement...
Ok, j'avoue que tout cela est assez confus, moi-même je m'y perds, il n'y a rien de simple dans cette histoire-là! Mais croyez-le ou non, au bout du compte, j'ai eu plus de facilité à m'identifier (même si seulement très partiellement, hein?!) à un officier SS qu'à un poète du Moyen-Âge!!
La suite dans quelques jours...
Mes billets précédents sur ce livre: mes premières impressions, un drôle d'extrait.
Je n'étais pas certaine de lire ce roman (épaisseur et sujet) mais ce que tu me dis me fait croire que je pourrais aimer. À chaque fois que je lis un roman portant sur cette période, je me questionne de la même façon que toi... et quand on fait le lien avec les atrocités qui se déroulent à certains endroits dans le monde... c'est encore plus "questionnant" (c'est un mot, ça???)
RépondreEffacerHihi je ne sais pas si c'est un mot, mais je vois ce que tu veux dire! ;-)
RépondreEffacerC'est vraiment un livre passionnant, mais je crois qu'il faut être dans le bon état d'esprit (et ce sur une longue période, cela fait plus d'un mois que je l'ai commencé!) Si tu décides de le lire, j'ai hâte de voir ce que tu vas en penser!
Je peux comprendre que tu ressentes les choses ainsi, mais c'est sacrément dérangeant tout de même !
RépondreEffacerOui, Sylire, le sentiment que l'on ressent pour ce personnage est vraiment troublant et dérangeant! Ce livre n'est vraiment pas de tout repos!
RépondreEffacerPour moi, je n'ai pas trouvé le personnage de Max sympathique ni n'ai réussi à m'identifier un temps soit peu à lui. S'il avait eu une vie complètement normale, avec des relations avec ses parents très fortes (et dans le bon sens du terme !), avec une famille de son côté, une femme qu'il adorerait, des enfants qu'il aimerait comme la prunelle de ses yeux, là oui, j'aurais trouvé cela dérangeant et effrayant et incompréhensible pour moi(car il y a bien du y avoir des gens dans les SS qui collent au portrait que je viens de dresser). Max est trop différent d'un être que l'on pourrait qualifier de "normal" (mais qu'est-ce que la normalité ?) et franchement, je me suis très peu souciée de ce qui pouvait lui arriver !
RépondreEffacerEt pour le fait de savoir comment les gens peuvent en arriver là sans s'opposer, il suffit de voir quand quelqu'un se fait attaquer dans la rue ou dans un lieu public. Qui osera aller l'aider en premier, à risquer peut-être sa vie en apportant cette aide ? Pas grand monde, ce n'est pas évident de s'élever tout seul contre quelqu'un ou un groupe de personnes ! On se dit qu'on n'est pas au courant de ce qui se passe, que c'est leur problème, que quelqu'un d'autre agira ... bref, on se trouve plein "d'excuses" ! Mais quand quelqu'un ose réagir, cela a parfois un effet boule de neige et les autres suivent :)
Joëlle, en effet, je me suis demandé si le fait d'en avoir fait un être si anormal avec un passé trouble et de graves problèmes psychologiques n'amoindrissait pas le propos? J'attends d'avoir fini le roman pour élaborer plus là-dessus...
RépondreEffacerTu apportes un point intéressant, c'est toujours difficile d'être le premier à s'opposer à la tyrannie, même si ce n'est que dans la cour d'école, dans le métro, etc. Mais n'y a-t-il pas une différence entre ne pas s'opposer et participer? (Peut-être n'y en a-t-il pas vraiment, à bien y penser...)