
«La mûrissante couleur de la pénombre marque la fin de ma sieste. Infailliblement, la chatte prostrée va s'allonger jusqu'au prodige, extraire d'elle-même une patte de devant dont personne ne connaît la longueur exacte, et dire, d'un baîllement de fleur: "Il est quatre heures bien passées."»
Les premiers chapitres de ce récit autobiographique de Colette sont tout simplement époustouflants. Elle y parle de sa mère décédée et de sa maison en Provence, et l'écriture est si belle que j'en ai été soufflée.
Malheureusement, cela se gâte un peu par la suite. Je montre peut-être mes limites de lectrice en disant cela, mais j'ai parfois de la difficulté à la suivre; lorsqu'elle entre dans des abstractions sur les relations hommes-femmes ou d'autres sujets, cela me passe dix pieds par-dessus la tête. Peut-être que je suis un peu trop paresseuse comme lectrice, finalement. Mais dès qu'elle revient à des thèmes plus prosaïques, lorsqu'elle parle de son jardin, de ses animaux, d'un repas entre amis, là je la trouve vraiment formidable.
Elle trace d'elle-même un portrait sans complaisance, ce qui est louable en soi mais nous la rend peu sympathique. Je l'ai même trouvée presque méprisante envers ceux qui n'ont pas pu se défaire des conventions imposées par la société, ou qui ont une conception différente des relations amoureuses. C'est sans doute pour cela que le récit de sa relation d'amitié-amour avec son voisin plus jeune qu'elle m'a laissée un peu indifférente.
Ce fut donc pour moi une expérience en dents de scie que cette lecture. Ce qui est sûr c'est que j'ai trouvé l'écriture de Colette très moderne, tant par la forme que par le contenu; je n'en reviens pas que ce livre ait été publié en 1928! Du même auteur, j'ai lu il y a fort longtemps Dialogues de bêtes, dont je garde un excellent souvenir. Je n'hésiterai donc pas à tenter de nouveau l'expérience, et si vous avez des titres à me suggérer qui correspondraient à mes goûts, je suis toute ouïe!
La Naissance du jour de Colette, 1928. L'édition illustrée ici a été publiée chez Garnier Flammarion en 1969 et compte 185 pages, incluant chronologie et préface.