18 septembre 2012

Griffintown

Je ne sais trop pourquoi, je croyais me souvenir que Griffintown, dont j'avais entendu parler dans un forum dédié à la lecture et aussi chez Jules, était un roman historique se déroulant à Montréal au temps où on s'y promenait encore à cheval...  En fait, ça se déroule bien à Montréal, plus précisément dans le quartier se trouvant à
 l'embouchure du canal Lachine nommé, justement, Griffintown, mais les chevaux en question sont ceux des calèches qui font visiter la ville aux touristes, l'été!  Et le tout se passe de nos jours, alors que ce quartier fait saliver les promoteurs voulant y développer des condos et en faire le nouveau Plateau!

Avoir réussi à créer une ambiance de western en plein coeur de la ville, il faut le faire! Il y a même un saloon, un duel au pistolet, et une boule d'herbe qui roule comme dans les films! (Ça m'a rappelé que quand j'étais petite, j'avais reçu une de ces plantes en cadeau, elle était toute desséchée, mais dès qu'on l'arrosait elle devenait verte! Tranche de vie.)  Il ne manquait que la musique d'Ennio Morricone...  J'ai bien aimé me retrouver dans le petit monde des cochers, un monde de marginaux, qui vivent à un rythme différent du reste de la société, selon des lois qui leur sont propres.

Il y a bien un ou deux moments où j'ai trouvé que c'était un peu tiré par les cheveux, pour amplifier l'effet «far-west». Par exemple, quand il est dit que la police ne va jamais dans le quartier, qu'elle laisse les conducteurs régler leurs affaires entre eux, selon leurs propres règles, même dans un cas de meurtre!?  Il n'y a jamais non plus de fonctionnaires qui vérifient l'état des lieux, les soins donnés aux chevaux?  Mais dans l'ensemble, et à part quelques longueurs vers la fin,  j'ai bien apprécié ce roman. J'ai aimé surtout l'écriture de Marie-Hélène Poitras, qui est très vivante, imagée et qui dépoussière quelques expressions presque tombées dans l'oubli, comme «lui réserver un chien de sa chienne» et d'autres que j'aurais dû noter.

Un extrait:
Sans quitter sa cabine, le conducteur du camion déverse une montagne de roches grises tout près du buggy de Cendrillon. Armé d’un râteau et d’une pelle, Billy entreprend, comme à chaque début de sai­son, de recouvrir le pudding impur qui tapisse le sol.

  Pour les chevaux vétérans, ce bruit annonce un confort accru. La poussière de pierre absorbe la moi­teur environnante, tempère l’air de l’écurie, offre un climat plus indiqué pour les articulations abîmées et les jarrets sensibles.

  Recouvrir la souillure environnante, faire rouler les cailloux sur la merde est pour Billy, avec le rou­lage de cennes noires, l’activité qui se rapproche le plus d’une pratique spirituelle. Il le fait chaque année en priant silencieusement pour que l’abondance advienne à Griffintown, pour que souffrance et mal­veillance restent à l’écart. Il prie pour que les che­vaux soient solides sur leurs pattes, pour que les cochers se tiennent sans vaciller, pour que Paul revienne, pour qu’Evan disparaisse… Pour que la radio cesse de gricher ! Il va donner un coup de poing sur l’appareil et revient à sa tâche, se laissant envahir par la gratitude. « Merci pour le lit et l’abri où on me laisse dormir. Merci pour le petit Chinois qui vient livrer de la liqueur, du café instant, des oignons et du steak haché. Merci pour la santé, malgré le mal de dents. Merci, je suis debout et reconnaissant. »

Le billet de Karine, qui y aurait bien mis, elle aussi, une musique à la Ennio Morricone! Celui de GeishaNellie, qui a également trouvé quelques passages tirés par les cheveux!


Griffintown de Marie-Hélène Poitras, 2012, 209 p.
 


2 commentaires:

  1. En effet, la musique du style "Il était une fois dans l'ouest" aurait été tout à fait de mise!

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  2. Karine: En fait, n'importe quel air à l'harmonica ferait l'affaire...

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