02 novembre 2020

Trois nouvelles de Lovecraft

Je connaissais un peu l'univers de H.P. Lovecraft pour avoir joué, il y a des lustres et très brièvement, au jeu de rôle The Call of Cthulhu et pour avoir vu quelques adaptations cinématographiques.  Et surtout pour être mariée depuis plus de trente ans avec un fan fini du monsieur!  Et pourtant, je n'avais jamais rien lu de cet écrivain américain.

Lorsque le thème «classiques de l'horreur» a été choisi pour le club de lecture du mois de septembre de Livraddict, j'ai pensé que c'était l'occasion ou jamais et j'ai suggéré un de ses recueils de nouvelles.  Bon, pour la petite histoire, c'est finalement Misery de Stephen King qui a été sélectionné (clairement, tout le monde n'a pas la même définition d'un classique que moi, et ce, sans rien enlever à M. King, que j'aime beaucoup, comme vous savez!).  Mais comme ma proposition était arrivée deuxième au scrutin, j'ai décidé d'organiser une lecture commune et nous avons choisi le mois d'octobre, pour être dans l'ambiance d'Halloween.  Chacun devait lire la nouvelle The Call of Cthulhu (L'Appel de Cthulhu) ainsi que d'autres nouvelles de son choix, si désiré, ce qui nous a offert un bon panorama et a donné lieu à d'intéressantes discussions.

Pour ma part, j'ai lu trois nouvelles en VO, tirées de deux recueils différents. 

The Call of Cthulhu (L'Appel de Cthulhu) - 1926

De prime abord, la plume de Lovecraft m'a surprise par son côté un peu daté.  Son style m'a fait penser à celui de Herman Melville, dont l’œuvre maîtresse est parue en 1851!  Le rapprochement est encore plus évident lors d'un passage qui se déroule en mer, évoquant fortement Moby Dick

La première surprise passée, j'ai pu apprécier la façon dont Lovecraft sait installer une ambiance angoissante.  C'est vraiment sa principale force, comme j'ai pu le constater dans les deux autres nouvelles. 

Certaines des participantes à la lecture commune ont été choquées par un paragraphe où le jupon raciste de M. Lovecraft dépasse.  Car, oui, il était connu pour des idées qui ne sont plus tellement au goût du jour, c'est le moins qu'on puisse dire.  Ce que j'ai trouvé étrange, c'est que ce biais raciste ressort nettement plus dans la traduction que dans la version originale, du moins pour ce passage particulier, qu'une des participantes a partagé sur le fil de discussion.  Je ne trouve pas cela très honnête de la part du traducteur (mais il s'agit peut-être en fait d'une maladresse, car j'ai trouvé la traduction d'une des phrases plutôt bancale).

The Color Out of Space (La Couleur tombée du ciel) - 1927

Une autre des forces de Lovecraft, c'est d'obliger notre cerveau à tenter d'imaginer des trucs inimaginables...  Dans la nouvelle précédente, c'était une île étrange où les lois de la géométrie euclidienne ne sont pas respectées, ici c'est une couleur qui ne fait pas partie du spectre visible.  Essayez de l'imaginer, pour voir!  Il évoque aussi, mais sans les décrire précisément, une flore et une faune mutantes, ce qui laisse notre imagination faire tout le travail...

The Dunwich Horror (L'Horreur de Dunwich ou L'Abomination de Dunwich) - 1928

Celle-ci est ma préférée, je crois.  La gradation dans l'horreur est parfaitement maîtrisée et plusieurs détails viennent renforcer l'atmosphère de plus en plus angoissante, comme ces engoulevents qui crient de façon rythmée pour annoncer la mort de quelqu'un (et peut-être même s'emparer de son âme au moment du trépas!).


En conclusion, j'ai beaucoup aimé découvrir cet écrivain qui est une référence en littérature fantastique.  Par contre, je n'enfilerais pas tout un recueil au complet.  J'ai l'impression qu'on peut facilement devenir saturé de ce climat étouffant.  Par contre, je lirai certainement d'autres nouvelles à l'occasion, peut-être pour la prochaine Halloween?


The Call of Cthulhu and Other Weird Stories de H.P. Lovecraft, première publication des nouvelles dans les années 1920-1930, 448 p.
The Thing on the Doorstep and Other Weird Stories de H.P. Lovecraft, première publication des nouvelles dans les années 1920-1930, 464 p.  

Pour les traductions françaises, il existe de multiples éditions regroupant les différentes nouvelles...

11 commentaires:

  1. Jolie chronique.
    Citation:" ici c'est une couleur qui ne fait pas partie du spectre visible".
    >>>> Mon père était daltonien. Je n'ai jamais vraiment su s'il percevait mal le rouge ou le vert, toujours est t'il que pour lui une des deux couleurs avait disparue. Ce manque créait de belles cocasseries: quand ramasser les cerises ? Quand passer au vert auto en pleine nuit ? que répondre à sa petite fille quand elle se faisait plaisir de le pièger ?

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    1. Merci! Le parallèle est intéressant, en effet il doit être impossible pour un daltonien d'imaginer ce que peut être la couleur rouge ou verte!

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  2. Génial! Je suis ravie que tu aies aimé! J'adore Lovecraft. Il a ce côté daté qui me fait tomber. Tu me donnerais presque envie de lire Moby Dick si Lovecraft t'a évoqué Melville, héhé.
    Concernant la traduction: je crois qu'il y a eu pas mal de problèmes de traduction dans le temps. Je ne l'ai jamais lu en français, mais j'avais lu un article sur le sujet. Un exemple m'était resté en tête: "So long" était devenu "Si long", alors que c'était l'adieu d'un personnage à un autre... Il a été retraduit relativement récemment, au début des années 2010, dans une démarche apparemment plus professionnelle.
    Et concernant le racisme: eh oui, tout être humain non blanc n'est pas tellement un être humain chez Lovecraft... Je crois que je l'ai vu (lu...) faire des descriptions cinglantes des noirs, des juifs, des indiens... Et des Italiens, je ne sais plus dans quel texte mais il y a des Italiens horribles, sournois, la dague au poing...
    Tu es en train de lire le Pendule de Foucault, trop hâte de lire ton avis!! 😃

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    1. Oh tu devrais lire Moby Dick! Il y a beaucoup de longueurs, c'est vrai, mais ça se lit quand même assez bien et la fin est géniale! En plus, c'est un roman auquel il est souvent fait référence dans d'autres œuvres, que ce soit en littérature ou au cinéma.
      Je ne sais pas quelle traduction ont lue mes camarades de LC, mais le paragraphe que nous avons comparé ne m'a vraiment pas laissé une bonne impression!
      Dommage pour ces idées racistes, ça enlève le goût à bien des gens de lire ses nouvelles. Je suis de l'avis qu'il faut séparer l'écrivain et l’œuvre, mais quand ces idées se retrouvent dans l’œuvre même, là c'est plus compliqué...
      J'ai presque fini Le Pendule!

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    2. Moby Dick m'est pavé pour ile déserte, livre de tous les livres, somme de toutes les sommes de la littérature américaine. Hpl est angoisse, Melville éclaircit l'espace.

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    3. "J'ai presque fini Le Pendule!" J'espère que tu apprécies le délire complotiste! Ça doit être sympa à lire en cette année 2020. Et il y a un clin d'œil au culte de Cthulhu. 😉

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    4. Convergence: Comme c'est joliment dit!

      Alys: oui j'ai ri quand je suis arrivée au passage avec Cthulhu!

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  3. Concernant Lovecraft et son racisme proéminent, il est une novella parue en "Une heure-Lumière" (Le Belial Ed)qui le décrypte d'une manière étonnante et inspirée. "La ballade de Black Tom" de Victor Lavalle. Son principe: réécrire totalement la nouvelle la plus controversée d'HPL en suivant le regard porté sur les événements par un jeune noir issu du guetto.
    https://www.babelio.com/livres/Lavalle-La-ballade-de-Black-Tom/1034163/critiques/2308366

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    1. Oh ça doit être très intéressant de lire les deux une à la suite de l'autre. Je note pour une prochaine lecture lovecraftienne.

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  4. J'aime beaucoup Lovecraft que mon conjoint m'avait fait découvrir au début de notre relation. Il a un talent indéniable pour créer des ambiances angoissantes mais tout n'est pas bon dans son oeuvre (je n'ai pas aimé Herbert West, réanimateur il me semble). Pour ma part j'ai lu des traductions des années 90 alors ça date un peu. Je sais que j'avais remarqué le racisme dans certains passages et malheureusement je pense qu'à son époque il était loin d'être seul à penser cela et lui c'est très poussé car il parle de décadence même chez les hommes blancs. Enfin bref il faudrait que je le relise par petites touches (j'avais enchaîné 3 intégrales sur lui à l'époque !).

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    1. Herbert West réanimateur, j'avais vu l'adaptation ciné et j'avais apprécié -- comme mon mari est fan, c'est amusant de regarder ces adaptations avec lui. Mais en nouvelles je ne sais pas trop ce que ça peut donner! 3 intégrales, mince alors! Je crois que ce serait trop pour moi, je vais continuer à découvrir son œuvre par petites bouchées!

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