13 août 2024

Walden

Que de péripéties pour arriver à lire dans une version potable le célèbre texte de H.D. Thoreau, racontant son séjour de deux ans dans une cabane près d'un lac!

Si vous suivez mon blogue depuis quelque temps, vous le savez:  je préfère généralement lire les auteurs anglophones dans la langue d'origine.  Je l'avoue, je suis assez capricieuse par rapport aux traductions, surtout en ce qui concerne la littérature américaine et canadienne-anglaise.  Dans les deux cas, les éditeurs devraient toujours choisir des traducteurs nord-américains, sinon on se retrouve trop souvent avec des aberrations. 

J'ai donc d'abord choisi le recueil Walden and Other Writings contenant, comme son nom l'indique, plusieurs textes de Thoreau, dont, en plus de Walden, son fameux Civil Disobedience (La Désobéissance civile).  Malheureusement, j'ai rapidement déchanté: même pour quelqu'un qui se débrouille assez bien en anglais, le style de Thoreau n'est pas du tout facile à lire!  Passe encore le vocabulaire du XIXe siècle, ça je m'y attendais et le dictionnaire de la liseuse me vient en aide au besoin, mais la construction des phrases est vraiment tarabiscotée!  En plus, il a choisi de commencer son récit avec un très long chapitre assez aride où il expose de façon dense et foisonnante ses idées sur différents aspects de la société (éducation, travail, alimentation, habillement, tout y passe).  Très mauvaise stratégie, H.D.; tu aurais dû appâter d'abord le lecteur avec un petit chapitre sur l'installation au bord du lac, la construction de la cabane, etc.  Je suis sûre que de nombreux lecteurs sont rebutés par cette entrée en matière interminable et abandonnent.

Tout ça pour dire que j'ai décidé d'abandonner la VO et de me tourner vers l'édition publiée chez Albin Michel, collection Espaces Libres, dans la traduction de Louis Fabulet.  J'ai d'abord été relativement contente, c'est beaucoup plus agréable à lire!  Bon, petit soupir en tombant sur des noms d'oiseaux qui n'existent pas ici, mais je m'attendais à ce genre de désagréments.  Toutefois, un peu plus loin, j'ai dû retourner à la version originale car tout un paragraphe était incompréhensible!  Il s'agissait d'un jeu de mots, qui aurait dû être expliqué par le traducteur dans une note!  Le dernier clou du cercueil a été l'expression coffee and rolls (café et petits pains) traduite par «café et roulette!!! 

J'ai donc décidé d'essayer une autre traduction, celle de Brice Matthieussent aux éditions Le Mot et le reste.  Cette fois, rien à dire sur la traduction, mais comme rien n'est parfait, le fichier que j'ai téléchargé sur ma liseuse est plein de bogues!  La table des matières ne fonctionne pas, et quand on veut aller voir les notes ou revenir à un chapitre précédent, on se retrouve n'importe où dans le livre ou encore on est carrément  éjecté du fichier!   

En désespoir de cause, j'ai voulu aller chercher une édition papier (qui aurait été dans une troisième traduction différente!) à la bibliothèque municipale, mais j'avais oubliée que celle-ci ferme plus tôt le lundi et je me suis cogné le nez sur la porte!  Finalement je me suis résignée et j'ai continué avec mon fichier défectueux.

Heureusement, toutes ces mésaventures ne m'ont pas empêchée d'apprécier cette lecture (surtout une fois passé ce premier chapitre vraiment trop long!).  Je dois tout de même dire que je n'ai pas tout aimé.  Il y a des passages vraiment longs, et Thoreau se contredit à l'occasion.  On dirait qu'il veut tellement pousser chacune de ses idées à l'extrême qu'il ne s'aperçoit pas qu'il dit le contraire de ce qu'il avait affirmé de façon tout aussi péremptoire quelques chapitres plus tôt!  Ses idées sur un mode de vie plus simple m'ont particulièrement rejointe, même si je ne partage pas son ascétisme concernant la bouffe!  Se nourrir de riz et de fèves, très peu pour moi.  Quant à ses idées sur la littérature, je ne les partage pas du tout.  Selon lui, les seules œuvres valables sont celles servant à «élever l'esprit» du lecteur.  La littérature dite populaire, se voulant amusante, distrayante, n'a aucune valeur à ses yeux!

Ce qui m'attirait surtout vers ce récit, c'est le côté Nature Writing, dont il est un des pionniers, souvent cité par d'autres écrivains du monde entier.  Et là, je peux dire que j'ai été servie!  J'ai adoré ses descriptions de la nature au fil des saisons.  L'humour et la poésie de certains chapitres m'ont ravie.  Juste pour ces passages, je suis contente d'avoir persévéré.  

En terminant, un petit extrait pour vous donner le goût?  Ceux qui ont souvent l'occasion d'observer des écureuils pourront confirmer que Thoreau a saisit l'essence même de celui-ci, s'approchant d'épis de maïs jetés dans la neige devant la cabane:

«L’un d’eux s’approchait d’abord avec prudence à travers les chênes nains, en effectuant de brèves courses saccadées sur la neige croûtée, telle une feuille emportée par le vent, tantôt quelques pas dans une direction, avec une vitesse et une dépense d’énergie merveilleuses, progressant incroyablement vite sur ses petites pattes, comme s’il avait fait un pari, tantôt autant de pas dans une autre direction, sans jamais avancer de plus d’une demi-verge à chaque fois ; s’arrêtant alors tout à trac avec une expression ridicule et une cabriole superflue, comme si tous les yeux de l’univers étaient fixés sur lui, – car tous les gestes de l’écureuil, même dans les recoins les plus isolés de la forêt, impliquent des spectateurs au même titre que ceux d’une danseuse –, perdant ainsi davantage de temps en arrêts et en circonspection qu’il n’en aurait fallu pour parcourir la distance tout entière –, je n’en ai jamais vu un seul marcher –, et soudain, avant que vous n’ayez eu le temps de dire ouf, il se retrouvait en haut d’un jeune pitchpin, remonté comme une pendule et tançant ses innombrables spectateurs imaginaires, monologuant tout en s’adressant à l’univers entier, pour nulle raison que j’aie jamais pu déterminer, ni que lui-même, je suppose, connaissait.»

(Certains crieront sans doute au crime de lèse-majesté, mais si vous hésitez à vous lancer, je vous recommande de sauter le premier chapitre, quitte à y revenir ensuite si désiré... Mais chhuuut! Que cela reste entre nous!) 

 

Walden de Henry David Thoreau, traduit de l'anglais en 2013 (pour cette version chez Le Mot et le reste), 372 pages.  Titre de la version originale: Walden (1854).







8 commentaires:

  1. Déjà que cette lecture ne me tentait guère, je sais désormais que ce texte n'est définitivement pas pour moi. En tout cas, pas étonnant que tu aies trouvé ton bonheur avec la traduction de Brice Mathieussent qui est une référence en matière de traduction.
    J'espère que tu apprécieras plus ta lecture actuelle ; l'acidité de la plume d'Irène Némirowsky me régale toujours et avec "Jézabel", on est servi !

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    1. Ah c'est bon à savoir pour ce traducteur, je vais essayer de retenir son nom!
      Pour l'instant je réserve mon avis sur Jézabel mais tu as raison en tous cas sur l'acidité du portrait! ;)

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  2. Ouaip... Il a vécu un peu plus de deux ans dans les bois, le Thoreau. Et ensuite, il a peaufiné son bouquin pendant 7 ans... Pas exactement un "journal quotidien" brut...
    Je crois que j'ai dû lire il y a quelques années La désobéissance civile", mais je n'en garde pas de souvenir.
    Dans le système de prêt de livres de l'AMAP dont je fais partie, en plus de Walden, est disponible une BD, "Thoreau et moi" (la crise existentielle d'un quadra parisien, artiste peintre): je pourrai voir si je l'emprunte à la rentrée!
    (s) ta d loi du cine, "squatter" chez dasola

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    1. À ce que je sache, Thoreau lui-même ne le présente pas comme un journal quotidien?
      Merci pour l'nfo, je verrai si ma bibli municipale offre cette BD, ça pourrait être sympa!

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  3. Lu chez Gallmeister editions en bibliothèque. Souvent ennuyeux mais globalement c’était dépaysant.

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    1. D'après les commentaires d'autres lecteurs, cette traduction de chez Gallmeister est assez bonne.

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  4. Et grand merci pour la découverte de cet auteur québécois Michel Tremblay. Je vais commencer par ”Le peintre des aquarelles ” . Heureusement les mediatheques de ma ville ont beaucoup de romans sur cet auteur car il est très peu en format Poche à l’achat.

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    1. Oh! cela me fait grand plaisir, Tremblay est un de mes auteurs favori! Dans celui que tu as choisi, tu rencontreras un des personnages des Chroniques du Plateau, mais le roman peut se lire de façon indépendante. J'espère qu'il te plaira!

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