30 avril 2025

The Murder at the Vicarage (L'Affaire Protheroe)

Adolescente, j'ai dévoré tous les romans d'Agatha Christie qui étaient offerts à la bibliothèque municipale ainsi que les cinq ou six qui se trouvaient sur l'étagère du petit chalet où nous passions nos étés (ceux-là je les ai mêmes relu et re-relus -- oui, à cette époque j'avais déjà une mémoire de poisson rouge et d'une année à l'autre je ne me souvenais pas du coupable!).  Parmi tous les personnages récurrents, mes préférés étaient Tommy et Tuppence Beresford, mais j'adorais aussi Hercule Poirot, qui me faisait bien rigoler avec son sentiment de supériorité à toute épreuve.  Miss Marple, elle, me décevait toujours un peu, je la trouvait un peu terne par rapport aux autres personnage si hauts en couleur.

Récemment, j'ai eu l'idée de lui donner une deuxième chance, me disant que j'aurais peut-être un regard différent maintenant que je commence à m'approcher un peu de l'âge de cette vieille dame (je souligne le «un peu», hein?).  Grand bien m'en fit, j'ai adoré son humour pince-sans-rire, non dénué d'autodérision (faculté dont Poirot, lui, est complètement dépourvu!).

Fait à noter, la demoiselle est un personnage secondaire dans cette intrigue, ce qui m'a surprise.  Il s'agit de sa première apparition dans l’œuvre de l'auteure, et je me suis donc demandé si Agatha savait déjà que le personnage serait récurrent ou si cela s'est décidé plus tard, peut-être en réponse aux bons commentaires qu'elle a reçus à son sujet... 


The Murder at the Vicarage d'Agatha Christie, 1930, 224 p.  Titre de la traduction française:  L'Affaire Protheroe.

25 avril 2025

Brown Dog (Chien Brun)

En commençant ce roman court (ce que les anglos appellent une novella) inclus dans un gros recueil qui en contient six mettant en scène le même personnage, j'ai été surprise du ton léger et humoristique adopté ici par Jim Harrison.  Il y a bien des années que j'ai lu un autre de ses recueils, Legends of the Fall (Légendes d'automne), mais de mémoire l'ambiance était plus sombre, voire dramatique.

Ici, l'on est au Michigan et l'on suit les aventures de Brown Dog, un énergumène toujours emberlificoté dans des manigances louches, qui n'hésite pas à se faire passer pour un autochtone de la tribu Chippewa lorsque cela l'arrange et qui ne pense qu'à baiser, boire et manger.  Bien qu'on ne puisse pas dire qu'il soit attachant, ses réflexions sont souvent hilarantes (mais pas du tout correctes politiquement, vous voilà avertis!).

Même si je me suis bien amusée durant la lecture de ce récit, je n'enchaînerai pas toute de suite avec la suite.  J'ai l'impression qu'on pourrait facilement se lasser du personnage, je vais donc attendre quelques mois avant de continuer! 


Brown Dog de Jim Harrison, roman court inclus dans le recueil du même nom, 77 pages, 1990.  Titre de la traduction française: Chien Brun.

18 avril 2025

Les Vivants et les Ombres

Voici un roman historique fort intéressant, dont l'originalité tient principalement à deux éléments.

Premièrement, l'intrigue se déroule en Pologne au XIXe siècle, plus précisément en Galicie, région occupée à cette époque par l'Empire austro-hongrois.  On a donc en toile de fond la montée de l'indépendantisme polonais, mais aussi les luttes pour la fin du servage, puis celles pour l'amélioration des conditions de vie des travailleurs en usine et des paysans. 

Deuxièmement, la narratrice est l'âme du manoir de la famille dont on suit les tribulations sur plusieurs générations.  Le gros de l'action se déroule donc dans et autour de la maison, ce qui donne une ambiance intéressante, parfois un peu étouffante, proche du huis clos.  Cela demande toutefois un peu de concentration au début du roman, car cette narratrice n'a pas la même notion de la linéarité du temps que nous et fait donc des allers retours d'une période à l'autre.

De plus, la plume est élégante et la psychologie des personnages est bien développée.  On peut seulement déplorer certaines longueurs dans la deuxième moitié.  

En passant, ne faites pas l'erreur de regarder l'arbre généalogique inclus au début du livre, il divulgâche beaucoup trop: qui épousera qui, qui aura des enfants avec qui, qui n'en aura pas...  alors qu'une bonne partie de l'intrigue repose sur les manigances entourant ces différentes unions!


Les Vivants et les Ombres de Diane Meur, 2007, 711 p.

30 mars 2025

The Book of Skulls (Le Livre des crânes)

De Robert Silverberg, écrivain faisant partie des «Grands» de la science-fiction, j'ai lu il y a quelques années l'uchronie Roma Eterna.  J'en garde un assez bon souvenir, même si j'avais noté quelques défauts.  Malheureusement, pour The Book of Skulls, mon avis est beaucoup plus mitigé.

En plus de sa classification en SF (les personnages sont en quête de l'immortalité), j'ai vu l'étiquette «Horreur» accolée à ce roman.  Je m'attendais donc à ce qu'il y ait un côté Fantastique assez prononcé. Or, ce n'est le cas.  On est plutôt dans un genre de voyage initiatique.  Mais si le seul problème était cette idée préconçue, j'aurais très bien pu m'ajuster et finalement bien apprécier l’œuvre. 

Tout d'abord, quelques points positifs.  Je suis généralement bon public pour les romans choraux (où l'on alterne entre plusieurs narrateurs).  J'ai donc bien aimé la construction de celui-ci, qui permet d'avoir différents points de vue sur les événements.  J'ai aussi aimé le côté «road trip» de la première moitié, alors que j'ai constaté dans différents commentaires que plusieurs lecteurs avaient trouvé cette partie trop longue.  Surtout, j'ai apprécié le décor de la deuxième partie, cet étrange monastère situé en plein cœur d'un désert en Arizona, ainsi que toute la légende entourant ce lieu et l'étrange secte y résidant.

Après les fleurs, voici le pot.  Les personnages sont très antipathiques.  Ils sont censés être amis mais n'ont que des pensées désobligeantes (antisémites, homophobes, snobs, etc) les uns envers les autres.  Comme on entre dans la tête de chacun d'eux à tour de rôle, impossible de leur donner le bénéfice du doute!  Au bout d'un moment, j'en aurais pris un pour frapper les autres, je vous jure!  Il devient donc de plus en plus difficile de s'intéresser à leur sort.

Deuxième défaut, certains aspects ont très mal vieilli, notamment le rôle des femmes.  D'habitude j'arrive sans peine à replacer l’œuvre dans son contexte et à l'apprécier quand même.  Je ne suis pas du genre à reprocher à Bilbo le Hobbit de manquer de personnages féminins!  (D'ailleurs, le personnage de la princesse elfe qui apparaît comme un cheveu sur la soupe dans l'adaptation cinématographique m'a fait lever les yeux au ciel, mais c'est une autre histoire!)  Ici le problème est à une tout autre échelle.  Les femmes ne servent que de réceptacle à sperme!  Dans la partie qui se déroule dans le monastère, je me suis carrément demandé si en fait les étranges prêtresses n'étaient pas des androïdes, vu leur impassibilité et leur mutisme.

Grâce aux quelques qualités énoncées ci-dessus, ce livre échappera peut-être au Prix Citron de mon bilan annuel, mais ce sera de justesse! 


The Book of Skulls de Robert Silverberg, 1972, 224 p.  Titre de la traduction française: Le Livre des crânes.

27 mars 2025

La Nostalgie heureuse

Dans ce roman autobiographique, Amélie Nothomb nous raconte un voyage au Japon effectué en 2012 en compagnie d'une équipe de tournage filmant un documentaire sur elle. 

Malgré ce que laisse croire le titre, le ton adopté par l'auteure est généralement mélancolique; cette «nostalgie heureuse» est plutôt un état d'âme typiquement japonais auquel aspire Nothomb sans y parvenir tout à fait.

Ce que je n'avais pas réalisé en commençant cette lecture, c'est que ce voyage se déroule un an après le terrible tremblement de terre/tsunami/accident nucléaire de 2011.  Amélie retrouve donc un Japon qu'elle ne reconnaît pas: sa maison d'enfance a disparu, de même que le grand parc où elle allait se promener avec son fiancé. Je crois que si j'avais su cela a priori, j'aurais été dans un état d'esprit plus favorable.  Là, je m'attendais à beaucoup plus de franche rigolade, comme on en trouve dans Ni d'Ève ni d'Adam, par exemple. 

Heureusement, il y a quand même plusieurs pointes d'humour, arrivant parfois en plein milieu d'un épisode émouvant, comme lorsqu'elle éclate en sanglots en étreignant sa vieille nourrice japonaise pour s'apercevoir ensuite qu'un gros motton de morve a coulé dans la chevelure de la digne dame!  Les conversations avec son ex sont assez amusantes également.  J'en aurais pris plus, de ces moments-là!

Bref, j'ai quand même apprécié ce roman mais ce n'est pas mon préféré de l'auteure.  Il m'a toutefois donné envie de lire Métaphysique des tubes puisque, si j'ai bien compris, c'est là qu'on fait la connaissance de cette fameuse nourrice!

 

La Nostalgie heureuse d'Amélie Nothomb, 2013, 152 p.

17 mars 2025

La Femme du deuxième étage

Ce roman de l'écrivain croate Jurica Pavičić est classé un peu partout comme un roman policier...  C'est un brin trompeur, puisque, s'il y a bien un meurtre, la partie enquête policière et procès est très courte.  Je trouve qu'on est plus dans un mélange de drame psychologique et de thriller domestique (i.e. un de ces thrillers qui se déroulent au sein d'une famille).  

En effet, on alterne entre des chapitres qui se déroulent en prison, où le personnage principal est incarcéré, et des chapitres prenant place une dizaine d'années plus tôt, alors qu'un couple de jeunes mariés vient s'installer au deuxième étage de la maison familiale du mari.  C'est surtout cette partie-là qui fait penser à un thriller, puisqu'on observe les engrenages qui se mettent en place pour mener au drame, inéluctable.  On sent la tension qui monte, qui monte, c'est très habilement construit. 

J'ai aussi bien apprécié le fait que l'histoire se déroule en Croatie, c'est très original et donne lieu à d'intéressantes descriptions des villes et villages, de l'alimentation, etc.  Apparemment, ils mangent beaucoup de bettes à carde (que les Français appellent «blettes)!

En terminant ma lecture, j'étais un peu déçue de la fin, qui me semblait tomber un peu à plat...  En se disant que ce roman est plutôt un drame psychologique, cette conclusion douce-amère devient beaucoup plus satisfaisante.


La Femme du deuxième étage de Jurica Pavičić, traduit du croate en 2022, 223 pages.  Titre de la version originale: Žena s drugog kata (2015)

14 mars 2025

Wilderness

Dans le contexte de nos démêlés actuels avec notre voisin du sud et son Intimidateur en chef, il est de bon ton de boycotter ou de déprécier tout ce qui vient des États-Unis...  J'aimerais donc vous dire que j'ai détesté ce roman très américain dans son essence même.  Malheureusement c'est tout le contraire: je l’ai adoré, au point qu'il pourrait bien se retrouver dans mon Top 3 lors du prochain bilan annuel!

Il s'agit d'un roman historique qui se déroule en alternance durant deux périodes.  On suit les terribles épreuves du personnage principal durant la Guerre de Sécession, en particulier pendant la bataille de la Wilderness, une forêt de la Virginie.  On retrouve ensuite l'ancien soldat trente ans plus tard, dans une cabane où il vit en ermite, au bord de l'océan Pacifique, avec son chien  pour seule compagnie. 

La plume de Lance Weller, qui en était à son premier roman, est assez exigeante, surtout en version originale, notamment à cause d'un vocabulaire assez recherché.  Mais l'effort demandé en vaut la peine!  J'ai particulièrement aimé les descriptions de la nature sauvage (le titre Wilderness a donc un double sens, vous l'aurez compris) de l'État de Washington, ainsi que le développement des personnages, tant le principal que les secondaires.  Ceux-ci sont loin d'être unidimensionnels ou caricaturaux.  Le vieux vétéran m'a d'ailleurs un peu rappelé le personnage de The Old Man and the Sea (Le Vieil Homme et la mer) d'Hemingway par sa dignité et sa ténacité.  Le mélange de roman historique et de nature writing, quant à lui, m'a fait penser à Legends of the Fall (Légendes d'automne) de Jim Harrison.  L'adjectif qui me vient en tête pour décrire le ton adopté par l'auteur est «solennel».

Un roman magnifique sur la guerre, la violence des hommes mais aussi l'entraide, la loyauté et, ultimement, la rédemption.  En bonus, il y a un brave pitou nommé Buster.


Wilderness de Lance Weller, 2012, 304 p.  Titre de la traduction française: Wilderness.