24 octobre 2025

Vallée du silicium

Très intéressantes, ces chroniques écrites par l'écrivain Alain Damasio lors d'un voyage effectué dans la Silicon Valley, cette région californienne où sont regroupés les sièges sociaux de la plupart des grandes compagnies technologiques (Apple, Meta, Microsoft, etc).

On est plus habitué à trouver cet auteur dans le domaine de la science-fiction...  Mais de nos jours, la réalité rejoint la SF, et on pourrait presque dire qu'elle la dépasse!

Dans chaque chronique, Damasio aborde un sujet différent: le corps hyperconnecté, les voitures autonomes, les très grandes disparités sociales, la surveillance et les contrôles incessants, les possibilités de l'intelligence artificielle, etc.

Le chapitre qui m'a fait le plus capoter (flipper, pour mes lecteurs européens) est celui sur ces gens qui utilisent des gadgets technologiques pour surveiller leur état de santé, leur sommeil, etc.  Il y a même des toilettes qui analysent l'urine et les excréments!  Personnellement, je serais incapable de vivre comme cela; toutes ces données me rendraient plus anxieuse au lieu de me rassurer!  Et comme elles peuvent être partagées en ligne (avec votre médecin par exemple), on peut imaginer toutes les dérives possibles si les compagnies d'assurances ou les employeurs y ont accès.

J'ai trouvé qu'il y avait parfois des contradictions dans les réflexions de l'auteur, et qu'il exagérait à l'occasion.  Mais il est tout à fait normal qu'on ne soit pas d'accord sur tous ces sujets qui évoluent si vite qu'on a de la difficulté à suivre.  Cet essai a avant tout le mérite de soulever des questions et de nous forcer à nous positionner sur ces enjeux de la plus haute importance.  

Petit bémol, Damasio, en écrivain de fiction de haut niveau, écrit ici dans une langue très soutenue, très littéraire, souvent très abstraite et avec de nombreux néologismes.  On met tellement d'énergie à déchiffrer la forme qu'on en oublie par moments de réfléchir au fond.

L'essai est suivi par une nouvelle de science-fiction d'une quarantaine de pages illustrant le danger de remettre notre sort entre les mains d'une intelligence artificielle lors d'une situation d'urgence.  J'avoue avoir eu un peu de difficulté à accrocher au début, car la prémisse m'a semblé un peu dure à avaler.  Mais une fois passé ce petit écueil, cela devient très intéressant et la fin a su me surprendre. 

 

Vallée du silicium d'Alain Damasio, 2024, 336 p.

15 octobre 2025

Code Ardant

 Wow!  Quelle surprise!

Je n'avais jamais entendu parler de cette écrivaine française avant que son roman ne soit mis en nomination pour le Prix Livraddict, catégorie SF.  Je ne m'attendais donc pas à grand-chose en le commençant.

Et me voilà bouche bée en le refermant.  Quelle belle intrigue bien ficelée, alternant en un équilibre parfait entre les scènes d'action haletantes et les moments de répit où les liens entre les personnages se dévoilent!

Au début on ne sait pas trop dans quel monde on évolue, à part qu'on est dans un futur pas trop lointain, quelques générations, et que la civilisation qu'on connaît a en partie disparu.  Il faut être patient, on arrivera peu à peu à rassembler les pièces du casse-tête.  Une autre difficulté vient du fait que les personnages principaux sont désignés parfois par leur prénom, parfois par leur surnom (Le Baril, La Bouée, La Souris, etc).  C'est donc assez mélangeant, cela prend un moment avant de s'y retrouver.  Et il faut aussi s'habituer aux dialogues écrits dans un genre d'«argot du futur»! 

Mais cela vaut vraiment la peine de s'accrocher!  Une ambiance à la Mad Max, métissée d'une belle réflexion sur l'amitié, la communauté, la technologie et sur ce qui fait de nous des humains -- réflexion qui n'est jamais soulignée à gros traits mais reste toujours en arrière-plan, tout comme j'aime. Je n'en dis pas plus, je vous laisse découvrir ce roman!  


Code Ardant de Marge Nantel, 2024, 478 p.

09 octobre 2025

Study for Obedience (Étude pour l'obéissance)

Alors heuuuuu….

J’ai rien compris à ce foutu bouquin!

Et j’aime pas quand un bouquin me fait sentir stupide!

Le fait que je l’ai lu en version originale n’a certainement pas aidé.  L’anglais est d’un niveau assez soutenu, merci.  Pourtant, la plupart du temps je comprenais le sens des mots, mais les phrases ne s’enregistraient pas dans mon cerveau parce que trop abstraites.  Alors je pense que même si je l’avais lu dans la traduction française, le résultat aurait été sensiblement le même.  C’est tout simplement trop plein de non-dits et de digressions vagues.

C’est dommage, car certains passages plus concrets (promenades dans la campagne, interactions avec les villageois) sont assez intéressants. 

J’ai bien failli abandonner, mais le mystère entourant le personnage principal a éveillé ma curiosité, assez en tous cas pour que je persévère. Sauf qu’à la fin je suis restée Gros-Jean comme devant!  Peut-être qu’on était sensé deviner le fin mot de l’histoire et que je ne suis pas assez intelligente.  Grrrr! 

 

Study for Obedience de Sarah Bernstein, 2023, 208 p.  Titre de la traduction française: Étude pour l'obéissance.  Paru en Europe sous le titre Obéissantes et assassines.   

27 septembre 2025

They Do It with Mirrors (Jeux de glaces)

Je continue de revisiter les romans d'Agatha Christie mettant en scène Miss Marple.  Tout comme il y a quelques mois dans Murder at the Vicarage, j'ai beaucoup apprécié ce personnage (que je trouvais décevant quand j'étais ado, je le rappelle).  C'est toute une fin finaude, cette Miss Marple, mais une fin finaude plus subtile qu'un Hercule Poirot, par exemple!  Avec son petit air naïf et son tricot, les méchants ne s'en méfient pas!

Une fois n'est pas coutume, j'ai deviné assez rapidement une partie de la solution, et je n'en suis pas peu fière!  Plusieurs éléments-clés ont tout de même su me surprendre.  L'intrigue est bien ficelée, il faut juste bien s'accrocher au début parce que les relations entre les divers personnages ne sont pas simples: qui est la demi-sœur de qui, untel est le combientième mari d'unetelle?  Heureusement, Agatha prend le soin de répéter souvent ces informations, et ça finit par rentrer!   

 

They Do It with Mirrors d'Agatha Christie, 1952, 224 p.  Titre de la traduction française: Jeux de glaces. 

26 septembre 2025

Neuromania

Vous croyez que les différentes fonctions du cerveau (langage, mémoire, etc) sont contrôlées par certaines régions bien spécifiques, comme semblent le démontrer les images par résonance magnétique qu'on nous montre pour le prouver?  Et bien c'est faux selon le neuroscientifique Albert Moukheiber; c'est le cerveau tout entier qui agit de concert pour chaque fonction.  Et cette histoire d'hémisphères gauche et droit où résident séparément la logique et la créativité, c'est bien vrai, n'est-ce pas? Eh bien non, ces deux aptitudes ne travaillent pas indépendamment mais plutôt en boucle, l'une influençant l'autre qui influence la première, etc.  Bon d'accord, mais le cerveau reptilien, celui qui nous vient de nos ancêtres dinosaures et qui constitue le centre de la peur, c'est bien vrai?  Et le rôle des hormones, la dopamine et les autres?  Et la dépression, l'addiction, la résistance au changement?

Vous me voyez venir...   

En gros, ce qu'on apprend dans cet essai très intéressant et bien vulgarisé (mais très déstabilisant puisqu'il faut remettre en question tout ce qu'on croyait savoir sur le cerveau), c'est que tout ne peut se réduire à ce seul organe, qu'il faut plutôt prendre en compte le corps en entier ainsi que le contexte social et culturel de chaque individu.   


Neuromania d'Albert Moukheiber, 2024, 250 p.

25 septembre 2025

La Blague du siècle

À la sortie de ce roman en 2023, je me souviens avoir lu dans le journal Le Devoir une entrevue avec Jean-Christophe Réhel dans laquelle il disait avoir eu peur quand Jean-Philippe Baril-Guérard a publié son livre qui mettait en scène lui aussi un aspirant humoriste.  Il avait même demandé à son éditeur s’il devait changer de sujet!

J’étais donc restée avec l’idée que le milieu de l’humour était le sujet principal de La Blague du siècle, alors que pas du tout!  C’est plutôt l’histoire d’un homme dans la trentaine qui travaille dans un Tim Hortons pour subvenir aux besoins de son père atteint d’un cancer du cerveau et de son frère schizophrène (et qui accessoirement aurait bien aimé devenir humoriste et aime assister à des spectacles d’humour).

Contrairement au roman précédent de l'auteur Ce qu’on respire sur Tatouine, que j’avais trouvé très drôle (mais avec des passages plus sérieux), ici c’est plutôt le contraire: on est dans une ambiance beaucoup plus touchante et dramatique, avec des passages plus légers, voire même rigolos.

 

La Blague du siècle de Jean-Christophe Réhel, 2023, 256 p.

17 septembre 2025

Ör

Sûrement le titre le plus court depuis le début du blogue!  Et pour ceux qui se posent la question, ör signifie cicatrice en islandais. 

Comme le titre le laisse supposer, on aura affaire ici à des personnages meurtris, qui tentent de panser leurs blessures; au premier chef, le personnage principal, qui a même décidé de mettre fin à ses jours, mais cela est plus compliqué qu'il n'y paraît!  

De l'Islande, on se déplacera vers un pays détruit par une guerre civile, et là, les notions de cicatrice et de reconstruction prendront un tout autre sens.

Si  j'ai trouvé l'intrigue un peu prévisible, j'ai beaucoup aimé l'ambiance établie par Audur Ava Olafsdottir, ainsi que sa plume, tout en douceur.  De plus, la construction est originale, grâce aux titres de chapitres qui sont des citations d'autres œuvres, soit de poètes (dont Leonard Cohen) ou de philosophes, mais aussi de la Bible. 

Mon préféré de cette auteure reste Rosa Candida, mais Ör arrive pas loin derrière (alors que je n'ai pas trop aimé Le Rouge vif de la rhubarbe). 


Ör de Audur Ava Olafsdottir, traduit de l'islandais, 2017, 236 p.  Titre de la version originale: Ör.