23 février 2012

The Road (La Route)


Je classe ce livre magnifique sous l'étiquette «Science-fiction». Je n'ai pas le choix: le roman post-apocalyptique est un sous-genre bien établi de la SF, et The Road en constitue déjà, je crois, une oeuvre de référence. Je croise les doigts et je prie très fort la déesse de la lecture que ce terme ne fera pas fuir ceux qui redoutent ce genre comme la peste.

En fait, j'ai l'impression plutôt que les vrais amateurs de SF, eux, pourraient  être déçus, notamment à cause du manque de détails sur l'événement apocalyptique lui-même.  On se situe plusieurs années plus tard, la terre est couverte de cendre et de suie, mais on ne sait même pas s'il y a eu une catastrophe nucléaire, une guerre ou un désastre naturel soudain.

Ce roman est avant tout une merveilleuse histoire d'amour entre un père et son fils.  Car on saisit bien que, sans la présence de ce petit garçon, il y a bien longtemps que cet homme se serait laissé mourir. Mais il est là, cet enfant, seule source de lumière dans la grisaille, et lui procurer nourriture et chaleur, le protéger des barbares cannibales devient la seule raison de continuer, heure après heure, sans savoir s'il y aura un jour autre chose.

C'est aussi un chef-d'oeuvre d'écriture.  Les mots sont tellement évocateurs qu'on se retient de plisser les yeux pour les protéger de cette étrange lumière du soleil filtrée par les nuages de fumée et de cendre qui cachent maintenant le ciel en permanence.  Cette cendre, on la respire et on la goûte dans la moindre gorgée d'eau. On tremble pour ces deux personnages qui n'ont même pas de prénom. On a peur comme eux d'oublier le nom des couleurs, à part l'orange du feu qui perce parfois la grisaille.

J'ai particulièrement aimé les longues phrases ponctuées de conjonctions répétées comme dans une litanie, une invocation:
«Out on the roads the pilgrims sank down and fell over and died and the bleak and shrouded earth went trundling past the sun and returned again as trackless and as unremarked as the path of any sisterworld in the ancient dark beyond.»
Des images qui me resteront en tête longtemps...


The Road de Cormac McCarthy, 2006, 241. titre de la version française: La Route.

14 commentaires:

  1. Je ne sais pas si c'est parce que je l'ai lu en français, mais je pense que c'est tout l'un ou tout l'autre: ou les lecteurs disent que c'est une chef d'oeuvre ou, comme moi, ne le termine même pas tellement le style ou le sujet m'ont rebutée. Ou je ne filais pas pour ce genre. ou ce n'était pas le temps pour moi.
    Suis contente que tu l'aies aimé.

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  2. Je crois que c'est mon plus beau souvenir de lecture. L'atmosphère m'a hanté très longtemps, m'empêchant de lire autre chose.

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  3. Je n'ai pas encore lu celui-ci mais j'en ai lu d'autres de cet auteur et j'avoue que le style ne m'a pas trop convenu (que ce soit en VO ou en VF !). Je crois que je trouve ses phrases trop longues et quand j'en arrive à la fin, je ne sais même plus de quoi elles parlaient au début ;)

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  4. Euh tellement pas aimé que j'en suis encore à me demander comment il se fait que ce livre a reçu un prix Pullitzer!!! ;-)

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  5. ClaudeL: Les avis semblent très contrastés en effet!

    Midola: J'enchaîne avec un essai, et je ne l'avais pas réalisé mais je pense que comme toi, je n'avais pas envie de replonger tout de suite dans un autre roman.

    Joëlle: Je n'ai pas lu ses autres romans, mais ici les phrases longues sont équilibrées par des phrases très courtes dans les dialogues. J'espère que tu vas l'essayer un jour, j'ai l'impression que cela pourrait te plaire...

    Suzanne: Comme disais Claude ci-dessus, avec ce livre c'est tout l'un ou tout l'autre... Dommage que tu aies été dans le camp de ceux qui n'ont pas accroché!

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  6. Un roman fort que je garderai longtemps en mémoire !

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  7. J'ai trouvé moi aussi que ce roman était un chef-d'œuvre d'écriture – et par surcroît un prodige de traduction (je l'ai lu en français) – une pure merveille! On n'arrive pas à comprendre comment un traducteur ait pu pénétrer si avant dans un texte aussi profond et aussi nuancé – et en arriver à une telle perfection de style. Oui, un roman fort et que, comme DeL, je garderai longtemps en mémoire...

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  8. Del: Moi aussi!

    Vieux-Chagrin: Tu me donnes presque le goût de lire la VF pour comparer!

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  9. J'aimerais pouvoir lire ce roman. Mais je me connais, les trucs post-apocalyptiques, ce n'est pas pour moi. Je suis trop peureuse pour ça. Pourtant, je pense que je pourrais aimer.

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  10. Karine: Je crois que ça te plairait, il n'y a qu'un ou deux passages plus stressants! Je suis moumoune moi aussi et j'ai adoré!

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  11. Bonjour à tout le monde. Je ne l'ai pas lu, je ne l'ai pas vu mais je l'ai en PAL. Je voudrais ici revenir sur son côté post-apo. Il existe manifestement et s'ancre ainsi dans la SF. Mais son côté littéraire apparemment ambitieux a semble t'il fait qu'il est paru en littérature blanche (lire hors "Mauvais genres") pour cueuillir davantage de monde et éviter le marché plus restreint de la SFFF. C'est ce qui est arrivé à 1984, le meilleur des mondes ...et les titres peuvent se multiplier.

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    1. C'est vrai que ses qualités littéraires lui ont mérité un large public, et c'est tant mieux! Ma mère, qui ne connaît à peu près rien en SF, l'a adoré. Mais je trouve que cela n'en fait pas de la littérature blanche pour autant. Plutôt que ses qualités littéraires ont pu attirer vers les «mauvais genres» un public qui ne les fréquentent pas habituellement.

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    2. Oui, c'est possible mais pas certain. L'éditeur a cherché à le "tirer vers le haut", à lui trouver un lectorat plus large. C'est humain et financier, je respecte. Quand il est sorti, les SF-addicts ont tout de suite su que c'était de leur came. De plus l'effet pulitzer l'a éloigné du ghetto "mauvais genres". La pratique est courante, l'édition SF a même tendance ces temps à offrir des collections à unes de couv neutres.

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    3. Dans le fond, tant mieux si de ce fait il a pu rejoindre un plus large public. Je ne me compte pas moi même dans les purs et durs de la SF, donc quand il y a un côté plus «littérature blanche» ça me convient bien! Je n'avais pas remarqué pour les couvertures neutres, je vais y porter attention.

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