07 décembre 2024

La Part de l'océan

Je l'annonce d'entrée de jeu, je suis un peu déçue, et déçue d'être déçue...

Dans son plus récent roman, Dominique Fortier, l'une de mes écrivaines québécoises préférées, s'inspire des lettres envoyées par Herman Melville, à un autre grand écrivain américain, Nathaniel Hawthorne, dont les réponses n'ont malheureusement pas été conservées.  À partir de cette correspondance, elle recrée une histoire d'amitié/amour/désir entre les deux écrivains, histoire qui aurait eu une influence sur l'écriture du fameux Moby Dick, que Melville rédigeait durant cette période.  Elle imagine également la vie quotidienne de ce dernier, et d'ailleurs les passages mettant en vedette son épouse Lizzie sont particulièrement réussis -- notamment ceux en mode «flux de conscience» (stream of consciousness), c'est-à-dire où l'on suit les pensées désordonnées d'un personnage.  Si Fortier s'en était tenue à cette intrigue, son roman aurait été pour moi un gros coup de cœur.  Comme toujours, la plume est délicate et poétique, surtout quand elle s'attarde à nous décrire les petits détails du quotidien.

Malheureusement, comme elle l'a fait dans ses trois derniers romans, l'auteure interrompt régulièrement sa trame principale avec des passages autobiographiques.  Si dans Les Villes de papier et Les Ombres blanches ces interludes s'intégraient assez bien à l'histoire, ici au contraire je me suis plutôt retrouvée dans le même état d'esprit que lorsque j'ai lu Au péril de la mer: chaque fois que j'arrivais à ces passages, je levais les yeux au ciel et je n'avais qu'une hâte, celle de revenir à la partie historique.  Ici, Fortier nous raconte sa relation avec un écrivain et poète au nom d'emprunt de Simon.  Je comprends l'idée de mettre en parallèle les deux histoires mettant en scène des écrivains, mais j'ai trouvé que cela n'apportait rien au roman, en brisait le rythme, et même je me suis presque sentie dans une position de voyeur tant elle nous dévoile des sentiments intimes. 

Cela dit, j'ai vu, dans différents commentaires, que bien des lecteurs avait apprécié le procédé... Je vous invite donc à vous faire une idée par vous-même!  Et si finalement vous ressentez la même chose que moi, la partie sur Melville vaut tout de même la lecture (a fortiori si vous avez lu Moby Dick!).


La Part de l'océan de Dominique Fortier, 2024, 328 p.

04 décembre 2024

The Reading List (Conseils de lecture pour âmes égarées)

Heureuse surprise que ce choix du club de lecture du forum Livraddict, qui se déroulait ce mois-ci sous le thème de la bibliothèque.  Le résumé de ce roman de Sara Nisha Adams fait plutôt «feel-good» (ou lecture doudou), un genre qui ne m'attire pas trop en général (car ces romans tombent parfois dans la facilité ou le gnangnan, mais peut-être n'ai-je pas eu la main heureuse dans ce genre?), mais comme il est aussi question de littérature, j'ai décidé de tenter ma chance (Jane Austen et Histoire de Pi de Yann Martel sont évoqués dans le synopsis de l'édition française!  Comment résister?).

Le danger dans ces «livres qui parlent de livres», c'est que bien souvent les auteurs n'arrivent pas à parler des œuvres sans en divulgâcher l'intrigue.  Or, j'ai trouvé que Sara Nisha Adams s'en tirait plutôt bien ici, à part peut-être pour Les Quatre Filles du Dr March et The Time Traveler's Wife.  Comme j'ai vu l'adaptation cinématographique du premier et que je n'ai pas l'intention de lire le deuxième, cela ne m'a pas trop dérangée!  Et comme j'ai lu la plupart des autres romans évoqués, j'ai pu constater qu'elle arrivait à en parler d'une façon assez générale pour ne rien dévoiler d'important tout en les rendant quand même pertinents par rapport à l'intrigue de son roman. 

J'ai aussi trouvé les personnages intéressants et attachants, particulièrement Mukesh, ce vieux monsieur veuf d'origine indienne, à qui la littérature permettra de se remettre de son deuil et de vaincre son isolement (oups, là c'est moi qui divulgâche!).  J'aurais apprécié un petit lexique des termes indiens, car plusieurs scènes se passent dans sa communauté, avec des expressions reliées à la cuisine indienne, miam!

Seul petit bémol, la fin m'a semblé un peu facile, mais heureusement cela n'a pas gâché mon plaisir.


The Reading List de Sara Nisha Adams, 2021, 384 p.  Titre de la traduction française: Conseils de lecture pour âmes égarées.