27 novembre 2010

Beloved

Expérience très émouvante que la lecture de ce livre.   Chaque fois que je l'ouvrais, j'étais plongée dans cette ambiance étrange, mais au bout d'une demi-heure, trois-quarts d'heure, je devais le refermer pour remonter à l'air libre et prendre une grande respiration.  Ce qui explique en partie le fait que j'aie mis deux semaines à lire ces 275 pages... 

Toni Morrison évoque le difficile passage de l'esclavage à la liberté à travers l'histoire de trois générations de femmes: Baby Suggs, la grand-mère, dont le fils a acheté la liberté à la sueur de son front pour qu'elle puisse vivre ses dernières années en Ohio, où l'esclavage avait été aboli; sa bru Sethe, l'esclave qui, enceinte, s'est sauvée pour venir la rejoindre au péril de sa vie, et la fille de cette dernière, née en liberté mais dont l'enfance a été marquée par les conséquences de l'esclavage. Des blancs abolitionnistes bien intentionnés leur ont prêté une vieille maison, mais à la suite de la tragédie ayant emporté à deux ans la fille aînée de Sethe, d'étranges manifestations surviennent et on comprend bientôt qu'un fantôme hante les lieux...

Un très bel hymne à la dignité humaine.  Il me semble que peu de livres ont parlé de cette période du point de vue des Noirs, à part Roots d'Alex Haley, qui couvrait toutefois une plus vaste période.


Le billet de Kalistina (qui a aimé l'ambiance mais pas le côté fantastique).


Beloved de Toni Morrison, 1987, 275 p. Titre de la version française: Beloved.


21 novembre 2010

Mon pays, c'est l'hiver

Pour célébrer l'arrivée de l'hiver, Jules nous propose de passer «Décembre au Québec»!  Je rassure tout de suite nos amis d'outre-mer, participer à ce sympathique défi ne vous coûtera pas la peau des fesses, puisqu'il s'agit tout simplement de mettre la littérature québécoise à l'avant-plan dans vos choix de lecture durant le mois!

Jules s'est engagée à ne lire que du québécois durant cette période; il faut dire que son impressionnante PAL lui facilite les choses!  Mais tous les niveaux de participation sont permis, même un seul titre si d'habitude vous n'en lisez pas, ce sera déjà bien!

Quant à moi, je prévois me délecter de ces trois oeuvres:
  • Maryse Rouy, Une Jeune Femme en Guerre, tome 4.
  • Marc Laberge, Autour du monde.
  • Martin Michaud, Il ne faut pas parler dans l'ascenseur.
Alors, ça vous dit?


(J'essaie depuis hier d'ajouter les pages couvertures de ces livres mais Blogger refuse obstinément et sans explication d'incorporer des images... Quelqu'un d'autre a eu ce problème?)

16 novembre 2010

À surveiller...

Photo Le Devoir - Pedro Ruiz
Dans le cadre des activités entourant le centenaire du quotidien Le Devoir et à l'occasion de l'ouverture du Salon du livre de Montréal, tous les articles (de l'économie à l'actualité politique en passant par les sciences et la culture) de l'édition de demain du journal seront rédigés par des écrivains invités, jumelés aux journalistes habituels.  Seront présents Dany Laferrière (qui signera l'édito), Monique Proulx, Caroline Allard (Mère indigne, qui vu le sujet de l'heure pourrait bien nous pondre un topo sur un Maire indigne, dit-elle), Wajdi Mouawad et bien d'autres.  Le compte rendu de la journée, mis à jour d'heure en heure sur le site internet, donne un avant-goût de ce qui nous attend...

11 novembre 2010

Les Vues animées

Depuis un an ou deux, je m'aperçois à quel point j'aime le genre «récits autobiographiques», alors que l'autobiographie en tant que telle ne m'a jamais attirée outre mesure.  Et lorsque ces récits sont de la plume de Michel Tremblay, c'est comme du bonbon, mais sans les calories!

Dans Les Vues animées, Michel Tremblay nous raconte sa découverte du cinéma, et en particulier de douze «vues animées» (c'est ainsi qu'on appelait les films dans ce temps-là) ayant marqué son enfance et son adolescence.  Par ce biais, on apprend notamment comment il a pris conscience de son homosexualité et comment il a eu la vocation d'écrivain.

Si j'ai été touchée d'une façon moins personnelle que dans Un Ange cornu avec des ailes de tôle, n'ayant pas vu la plupart des oeuvres évoquées (bon, j'avoue tout, les seules que j'ai vues sont les dessins animés de Disney!), j'ai néanmoins été souvent émue, et surtout j'ai beaucoup ri.  J'aime son utilisation du joual; elle n'est jamais condescendante mais au contraire remplie d'affection, voire de tendresse envers les personnages, qu'ils soient tirés de son imagination ou de sa mémoire.


 Extrait:
(Le petit Michel est parti voir un film vers 11h; à l'heure du souper, il n'est pas encore rentré! Sa mère s'affole et décide d'appeler chez Bell Téléphone pour avoir le numéro du cinéma...)

«Allo, mademoiselle, me donneriez-vous le numéro du théâtre La Scala, mon enfant est disparu... Non, c'est pas le numéro de la police que je veux, innocente, j'vous ai demandé le numéro du théâtre La Scala, sur la rue Papineau, parce que c'est là qu'y'est disparu... Comment ça, comment ça s'écrit! Ça doit s'écrire comme ça se prononce, en italien! Aïe, vous allez pas commencer à me demander d'épeler à soir, hein, chus assez énarvée de même! C'est vous la téléphoniste, c'est pas moé! Vous êtes pas supposée de savoir comment les affaires s'écrivent quand y vous engagent, au Bell?»
Elle fut quelques secondes sans parler, la bouche ouverte, scandalisée par ce qu'elle entendait.

«D'habitude chus polie, mademoiselle, mais là chus énarvée! J'viens de vous dire que mon enfant... Quoi? Ben si vous avez pas le droit de jaser au téléphone pour que c'est faire que vous me posez tant de questions, d'abord? C'est ça, passez-moé-la, la superviser, m'as y parler, moé... Si vous aviez pas perdu tant de temps depuis qu' on a commencé à parler, ça fait longtemps que j'arais retrouvé mon enfant! Bon, enfin, a' se décide... Répétez-le, j'ai mal entendu, vous parlez trop mal.»

Elle raccrocha, faillit décrocher le téléphone du mur.

En complément de programme, Tremblay nous offre une nouvelle qu'il a composée à seize ans, Les Loups se mangent entre eux.  Malgré quelques maladresses et des personnages secondaires un peu caricaturaux, on sent déjà un talent certain.  Et puis à cet âge, au Québec en 1959, et même si ce texte n'était sans doute pas destiné à être publié, écrire sur le thème de l'homosexualité, il fallait le faire!


Les Vues animées de Michel Tremblay, Leméac, 1990, 189 p.

07 novembre 2010

Q & A (Les Fabuleuses Aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire)

À mon avis, ce doit être le titre le plus court à avoir été traduit par un titre aussi long!

Ça ne vous dit rien?  Et pourtant vous avez sans doute entendu parler de ce roman, puisqu'il a inspiré un film ayant remporté une trallée* d'Oscars l'an dernier...  D'ailleurs (dans un geste purement désintéressé des éditeurs, j'en suis sûre) le livre a ensuite été réédité sous le même titre que le film: Slumdog millionaire!

De tous ces titres, c'est celui de la version française qui reflète le mieux le contenu...  Car oui, il est vraiment très malchanceux cet Indien, et oui, ses aventures sont vraiment fabuleuses (dans le sens de dures à croire).  Vous l'aurez deviné, j'ai trouvé l'intrigue un peu tirée par les cheveux...  Ce qui ne m'a pas empêché d'apprécier ce roman, que j'ai trouvé ingénieux. 

Un jeune Indien ayant gagné un milliard de roupies à un jeu télévisé de type Who Wants to Be a Millionaire? est accusé d'avoir triché par les producteurs de l'émission, sous prétexte qu'un serveur de Mumbai sans éducation ne pouvait vraisemblablement connaître les réponses à toutes les questions.  Dans chaque chapitre, le jeune homme raconte à son avocate les événements qui lui ont permis de répondre correctement à une des questions, dévoilée à la fin du chapitre. Une fois qu'on a compris le principe, le jeu devient de tenter de deviner quelle sera la question parmi tout ce que le jeune homme apprend durant ses aventures, et bien sûr l'auteur s'amuse à brouiller les pistes.

Malgré certains passages assez dramatiques et des sujets délicats (pédophilie, inceste,...), l'ensemble reste assez léger et amusant, et après un séjour dans l'Inde coloniale, j'ai apprécié retrouver celle-ci dans une ambiance plus moderne.


Pour d'autres avis que le mien, suivez les nombreux liens répertoriés sur Blog-o-book!

*Je viens de commencer un Michel Tremblay, ça paraît-tu?


Q & A (Slumdog millionaire) de Vikas Swarup, 2005.  303 p.  Titre de la version française: Les Fabuleuses Aventures d'un Indien malchanceux qui devint milliardaire


03 novembre 2010

Quelle est votre bête noire littéraire?

Le truc qui vous agace, qui vous fait décrocher?  Ce peut être un type de personnage, de situation, un tic  d'écriture, un niveau de langage, n'importe quoi!  Je suis curieuse...

Book Lady pose la même question chez elle, j'ai pensé qu'il serait intéressant de comparer les lecteurs anglophones et francophones à cet égard!

Ma propre réponse à la question:  j'en ai déjà parlé à quelques reprises, c'est l'utilisation du présent quand on me raconte une histoire qui s'est pourtant passée il y a longtemps (par exemple dans un roman historique).  J'ai vraiment un blocage!

31 octobre 2010

Féeries dans l'ïle

Si le titre de cette édition de 1958 représente bien l'aspect poétique des nombreux passages décrivant la merveilleuse nature de l'île de Corfou, où le botaniste Gerald Durrell a passé une partie de son enfance, le titre de la nouvelle édition, Ma famille et autres animaux, plus proche de l'original anglais, donne une meilleure idée de l'humour à la fois sarcastique et affectueux qui domine l'ensemble de ce récit.  L'auteur nous présente sa mère, sa soeur et ses deux frères aînés (dont le romancier Lawrence Durrell, dit Larry), ses tuteurs occasionnels et ses voisins comme une bande d'énergumènes, tous plus loufoques les uns que les autres.

«Nous n'emportâmes que ce que nous considérions comme le strict nécessaire.  Lorsqu'on nous fit ouvrir nos valises à la douane, leur contenu révéla de la façon la plus évidente notre caractère et nos penchants. Les bagages de Margo consistaient en en une multitude de lingeries diaphanes, trois livres sur les régimes amaigrissants et un régiment de petits flacons de lotions contre l'acné.  La valise de Leslie contenait deux pull-overs à col roulés et un pantalon, enveloppant deux revolvers, un pistolet, un livre intitulé Soyez votre propre armurier et une grande bouteille d'huile qui dégoulinait. Larry emportait deux malles de livres et un petit sac de cuir où se trouvaient ses effets.  Les bagages de Mère étaient judicieusement composés de vêtements et de divers ouvrages sur la cuisine et le jardinage. Pour moi, je n'emportais que ce que je croyais nécessaire à dissiper l'ennui d'un long voyage: quatre livres d'histoire naturelle, un filet à papillon, un chien et un pot à confiture plein de chenilles sur le point de se transformer en chrysalides.  C'est  ainsi que, bien équipés selon nos goûts, nous quittâmes les rives humides de l'Angleterre.»
Ceux qui me connaissent ne seront pas surpris, ce que j'ai aimé avant tout ce sont les descriptions des bêtes que le petit Gerry a réussi (plus ou moins) à apprivoiser:  Ulysse le hibou, les deux pies jacasseuses qui mirent à sac la chambre de Lawrence, Géronimo le gecko qui livra un combat épique contre une mante religieuse, etc.  Sans oublier les chiens, le fidèle Roger et les deux p'tits nouveaux, Widdle et Puke (Pisse et Vomi, deux noms suggérés par des grands frère à l'humour... particulier!). Ces animaux, ces insectes, ces plantes, Durrell a su retrouver son âme d'enfant pour nous les faire découvrir.  


Le billet de Keisha, celui de Cathulu.


Féeries dans l'île de Gerald Durrell, traduit de l'anglais, 1958, 314 p.  Titre de la nouvelle édition (2007): Ma famille et autres animaux.  Titre de l'original anglais (1956): My Family and Other Animals.