31 août 2019

Lisey's Story (Histoire de Lisey)

Alors, petit scoop, ce roman pourrait bien se retrouver dans mon top 3 de 2019!

J'ai cru comprendre que de nombreux lecteurs ont été déroutés car il est assez différent de la production habituelle de Stephen King.  Tout d'abord, il n'y a absolument rien de fantastique ou de surnaturel dans toute la première partie, alors ceux qui recherchent ce genre en exclusivité peuvent trouver  le temps longuet!  De plus, au lieu de bien décrire dès le début l'historique de ses personnages, il nous laisse les découvrir peu à peu, tant en ce qui a trait à leur enfance qu'aux événements marquants des quelque vingt-cinq années de vie commune du couple formé par Scott, un écrivain célébrissime (genre d'alter ego de King lui-même, de toute évidence) et sa femme Lisey.  Cette découverte se fait grâce à de nombreux retours en arrière, voire même à des «flashbacks dans les flashbacks», ce qui demande une certaine concentration si on ne veut pas perdre le fil!  Enfin, les deux protagonistes utilisent entre eux un vocabulaire inventé (comme, je pense, bien des couples ayant une certaine longévité!) provenant principalement de l'enfance de Scott et dont le sens ne nous est pas toujours dévoilé en détail.  Je sais que ce dernier point surtout en a rebuté plusieurs, en particulier ceux qui ont tenté de toujours y trouver des jeux de mots ou un sens caché, et peut-être encore plus ceux qui ont lu la traduction française.  Non, il faut accepter ces expressions telles quelles et continuer sans trop s'y attarder.

En plus d'une belle et touchante histoire d'amour, c'est un roman qui aborde les thèmes de la folie, de l'addiction, de la création, de la mémoire, du deuil et bien d'autres.  Mais avant tout c'est l'histoire d'un personnage courageux et attachant, une femme dans la cinquantaine (comme on en voit assez peu en littérature...) avec ses qualités et ses imperfections mais surtout une grande force de caractère.

Un livre que j'ai dévoré!


Lisey's Story de Stephen King, 2006, 513 p.  Titre de la traduction française: Histoire de Lisey

25 août 2019

L'Envers et l'endroit

Un petit recueil rassemblant plusieurs écrits de jeunesse d'Albert Camus.  Il a été publié dans la collection «Folio essais», mais je trouve que ce sont avant tout des récits autobiographiques, même si certains sont narrés à la troisième personne et que tous contiennent des réflexions sur des thèmes comme la vieillesse, la mort, la solitude, le voyage, la mère, etc.   

Le premier texte, L’Ironie,  n'est pas le plus réussi.  Le style m'a même semblé lourd par endroits, et je me disais que si c'était comme cela tout le long, je serais bien contente que le livre ne fasse qu'une centaine de pages!

Heureusement, cela s'améliore grandement par la suite.  J'ai particulièrement aimé le récit La Mort dans l'âme, où Camus raconte un séjour à Prague, puis en Italie.  Le contraste entre la froideur de la première et la lumière de la deuxième donne lieu à des descriptions d'une beauté à couper le souffle.

Une lecture fort intéressante, donc, quoique inégale.

(Décidément, août sera le mois des nobélisés!  Camus a effectivement reçu le prix en 1957.)


L'Envers et l'endroit d'Albert Camus, 1937 (la préface, signée par l'auteur, date de 1958), 119 p.

22 août 2019

Berezina

Quel énergumène ce Sylvain Tesson!  J'aime beaucoup lire ses aventures.  Ici, il voyage avec quatre copains tout aussi originaux (voire un peu zinzins), en side-cars brinquebalants, sur les traces de Napoléon Bonaparte en suivant le trajet adopté par la Grande Armée durant la désastreuse retraite de la campagne de Russie en 1812.  On alterne entre les deux époques, et entre la tragédie et la comédie.  Cela m'a un peu fait penser à Voyage d'un Européen à travers le XXe siècle de Geert Mak, la camaraderie, la vodka et les citations de Tolstoï en sus: la visite des lieux historiques permet non seulement de raconter les événements, mais d'en retrouver l'ambiance, presque les fantômes! De plus, c'est l'occasion de réfléchir sur des sujets comme la guerre, la patrie, le confort, le voyage et bien d'autres.

À lire si comme moi vous appréciez tout autant l'histoire du XIXe siècle que les récits de voyage. 


Berezina de Sylvain Tesson, 2015, 197 p. 

21 août 2019

La Maison et le monde

J'ai bien failli abandonner ce roman dès les premières pages tant la traduction me semblait tarabiscotée!  Je l'ai même mis de côté et j"ai commencé autre chose après avoir vu que le livre était traduit de l'anglais.  Je vais essayer de trouver la VO, me dis-je.  Mais en faisant quelques recherches, j'ai vu que la version anglaise était elle-même traduite du bengali, alors tant qu'à lire une traduction...  Je lui ai donné une seconde chance et finalement je me suis habituée au style, jusqu'à apprécier son côté très imagé, poétique et fleuri.

Il s'agit d'un roman choral à trois voix et d'un triangle amoureux.  Un Maharajah, éduqué en Occident, épris de tolérance et de justice, pousse sa femme, élevée selon les coutumes traditionnelles, à sortir du gynécée, mais celle-ci, découvrant la liberté et le pouvoir féminin, en mesure mal les limites... Un activiste politique sans vergogne, invité à séjourner au palais, s'immisce dans la vie du couple.  Le tout sur fond de montée du nationalisme indien, ce qui donnera lieu à d'intéressantes discussions entre les deux hommes: la fin justifie-t-elle les moyens? 

Un beau roman, mais qui ne plaira pas à tous car son rythme est très lent, à part dans les derniers chapitres où les événements se bousculent.

J'enchaîne les prix Nobel!  Tagore l'a reçu en 1913, Hesse en 1946.


La Maison et le monde de Rabindranath Tagore, traduit à partir de la traduction anglaise de l'original en bengali, 1916, 249 p.

11 août 2019

Le Loup des steppes

On parle souvent de ce roman comme d'une lecture difficile.  Sans que je sache pourquoi, j'en avais conclu que ça se déroulait durant la guerre et qu'il y avait des scènes pénibles.  Finalement ce n'est pas ça du tout, c'est simplement que le personnage principal, alter ego de l'auteur dont il partage les initiales, est en perpétuel questionnement quant à la nature de son âme, de sa personnalité: comment en concilier les deux dimensions opposées, celle de l'homme cultivé amateur de beauté et d'art, et celle de l'animal, le fameux «loup des steppes», sauvage et solitaire.

Alors finalement je n'ai pas trouvé cela trop ardu, puisque je m'attendais à pire!  Il reste que les discours philosophiques et métaphoriques, ce n'est pas trop ma tasse de thé.  Si certains passages sont très beaux, et si j'ai apprécié l'art de l’euphémisme de Hesse («avoir un accident en se rasant»! Couic!) ainsi que sa lucidité («ton désespoir en face de la guerre, celle qui fut et celle qui viendra»), il y a quand même beaucoup de longueurs et je devais souvent me retenir pour ne pas lire en diagonale.  Par contre, j'ai vraiment aimé la fin, qui a su me surprendre.

Fait cocasse, j'ai failli sauter le premier chapitre car il s'intitule «préface de l'éditeur», et je ne lis jamais les préfaces! Or, il s'agit plutôt d'une introduction écrite du point de vue du neveu de la logeuse du personnage, seul moment du roman où l'on a de lui une vision extérieure.


Le Loup des steppes de Hermann Hesse (traduit de l'allemand), 1927, 195 p.  Titre de la version originale: Der Steppenwolf.