31 décembre 2024

Bye-bye 2024!

C'est la tradition, voici mon petit bilan de cette année livresque!  Légère diminution en quantité (49 l'an passé), mais j'ai l'impression qu'en temps de lecture cela doit être assez équivalent (coucou les trois tomes bien denses de M. Liu Cixin!).

Tous les livres lus:

  1.  Alfie de Christopher Bouix
  2. Freshwater de Akwaeke Emezi
  3. Le Soleil des rebelles de Luca Di Fulvio
  4. Clair de femme de Romain Gary
  5. Corsaires du Levant (Le Capitaine Alatriste, tome 6) d'Arturo Pérez-Reverte 
  6. Kindred de Octavia E. Butler
  7. Le Problème à trois corps (Trilogie des trois corps, tome 1) de Liu Cixin
  8. Salammbô de Gustave Flaubert
  9. La Collision des récits de Philippe de Grosbois
  10. The Glass Hotel d'Emily St. John Mandel
  11. Proust, roman familial de Laure Murat
  12. Piranesi de Susanna Clarke
  13. 11/22/63 de Stephen King
  14. Carnets du Nil Blanc de John Hopkins
  15. 20 ans avec mon chat de Inaba Mayubi
  16. The Narrow Road to the Deep North de Richard Flanagan
  17. Ten Days in a Mad-House de Nellie Bly
  18. Le Nœud de vipères de François Mauriac
  19. The Hours de Michael Cunningham
  20. La Forêt sombre (La Trilogie des trois corps, tome 2) de Liu Cixin
  21. Harrow the Ninth (The Locked Tomb, tome 2) de Tamsyn Muir
  22. Alexis - Le Coup de Grâce de Marguerite Yourcenar
  23. La Lionne blanche de Henning Mankell
  24. Vas-tu finir ton assiette? de Caroline Décoste et Mathieu Charlebois
  25. Walden de Henry David Thoreau 
  26. Jézabel d'Irène Némirovsky
  27. Un objet de beauté (Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, tome 6) de Michel Tremblay
  28. Du thé pour les fantômes de Chris Vuklisevic
  29. La Mort immortelle (Trilogie des trois corps, tome 3) de Liu Cixin
  30. Le Restaurant des recettes oubliées de Hisashi Kashiwai
  31. Méduse de Martine Desjardins
  32. Marcher à Kerguelen de François Garde
  33. The Last Juror de John Grisham
  34. The Crucible d'Arthur Miller
  35. Vol de nuit de Saint-Exupéry
  36. Bonobo de Jeong You-jeong
  37. Le Clan des Belen de Julia Castel
  38. The Left Hand of Darkness d'Ursula Le Guin
  39. Swan Song de Robert McCammon
  40. The Reading List de Sara Nisha Adams
  41. La Part de l'océan de Dominique Fortier
  42. The Christmas Murder Game d'Alexandra Benedict
  43. Villette de Charlotte Brontë (en cours)                                  


Top 3:

  • Piranesi de Susanna Clarke: «Quel tour de force de Susanna Clarke d’avoir su soutenir notre attention en distillant les informations au compte-gouttes!»
  • Proust, roman familial de Laure Murat: «Souvent drôle ou touchante, une excellente lecture, peut-être ma meilleure de ce premier trimestre de 2024!»
  • The Left Hand of Darkness d'Ursula Le Guin: «Quel immense plaisir de renouer avec la magnifique plume d'Ursula Le Guin!  Je suis toujours fascinée par sa force d'évocation.»
     

Prix Citron:

J'ai bien cru que le prix ne serait pas décerné cette année!  Oh, il y a bien eu quelques déceptions, mais rien qui se mérite un tel titre...  Jusqu'en décembre, où est venu se glisser un bel agrume bien jaune et plein de pépins: The Christmas Murder Game d'Alexandra Benedict!  Personnages caricaturaux, motivations invraisemblables, incohérences scénaristiques, n'en jetez plus, la cour est pleine! 


Prix Surprise:

Vas-tu finir ton assiette? de Caroline Décoste et Mathieu Charlebois: un recueil de courtes chroniques sur l'alimentation, noté au pif dans la revue Les Libraires et qui s'est avéré franchement hilarant!


Prix Éclat de rire:

Alfie de Christopher Bouix: un mélange des genres étonnants (SF/policier/comédie), une franche rigolade et en même temps quelques réflexions intéressantes en sous-texte sur la place de la technologie dans nos vies.


Prix «Vive les livres!»

Vous le savez, j'adore les romans qui parlent de livres et de littérature...  Cette année, ce prix revient à The Hours de Michael Cunningham, pour la présence de Virginia Woolf qui hante, de façon directe ou indirecte, les trois parties de ce roman fort agréable à lire grâce à une plume magnifique.  Mention honorable à The Reading List de Sara Nisham Adams pour le bel hommage à la lecture et aux bibliothèques.


Série de l'année:

La Trilogie des trois corps: de Liu Cixin, une trilogie bien dense, des rebondissements inattendus mais aussi beaucoup d'explications scientifiques... On est en Hard SF, après tout!


Quelques statistiques:

  • Sur la liseuse: 27 (63% vs 73% l'an dernier, donc une petite baisse.  Raison?  C'est un mystère.)
  • Lus en VO anglaise: 17 (40% vs 45% l'an dernier, donc une différence peu significative.)
  • Littérature québécoise: 5 (12% vs 19% l'an dernier, donc encore là une légère diminution.)
  • Traduit du chinois: 3
  • Traduit du japonais: 2
  • Traduit du coréen: 1
  • Traduit du suédois: 1
  • Traduit de l'espagnol: 1
  • Traduit de l'italien: 1 (une année plutôt internationale, dites donc!)
     

Défi, quel défi?

Château qui?  Briand?  Ah oui, vous voulez dire le truc que je traîne sur ma liseuse depuis 2023?  Hum, je crois que je n'ai pas lu plus de trois ou quatre pages durant toute l'année...  Bref, on peut annoncer officiellement que ce défi est un échec!  Le livre reste sur la liseuse, mais j'abandonne l'espoir de le terminer un jour.

Du coup, pas de défi pour 2025, je fais une petite pause!  Et vous, avez-vous des objectifs pour l'année qui vient?


À vous tous lectrices et lecteurs, merci de passer par ici de temps en temps, merci de vos commentaires, j'adore nos petites discussions!  Je vous souhaite la santé, de grands et petits bonheurs et des lectures formidables en 2025!

21 décembre 2024

The Christmas Murder Game (Petits Meurtres à Endgame)

Décevant, ce polar...

Comme il est présenté comme un roman de Noël, je m'attendais à une ambiance de style «cozy mystery», avec beaucoup d'humour et des personnages un peu loufoques.  Or, ce n'est pas du tout cela.  L'atmosphère est un peu glauque, voire déprimante.  Le thème du deuil est omniprésent, sans oublier la jalousie, la vengeance et le remord.  Falalalala lalala!

Une fois mes attentes réajustées, j'aurais pu arriver à apprécier tout de même ce roman.  Malheureusement, l'intrigue a tellement de fils qui dépassent qu'il faut volontairement s'abstenir de tirer dessus, de peur que toute l'histoire tombe en morceau.  Tout est complètement tiré par les cheveux, que ce soit les motivations des personnages ou certains détails factuels.  L'idée des énigmes que le lecteur peut tenter de résoudre est sympathique, mais celles-ci sont trop difficiles pour qu'on ait envie de s'y attarder, dans la version originale en tous cas -- d'ailleurs, je me demande comment on a pu traduire ces anagrammes et jeux de mots dans la version française...

De plus, comme le roman est construit autour de la chanson The Twelve Days of Christmas, il fallait que l'histoire dure douze jours, coûte que coûte, ce qui provoque beaucoup de longueurs et d'incohérences.

Le seul bon point, c'est les descriptions de bouffe: scones, plum pudding, brioches et autres mincemeat pies... Miam!
 

The Christmas Murder Game d'Alexandra Benedict, 2021, 279 p.  Titre de la traduction française: Petits Meurtres à Endgame.

07 décembre 2024

La Part de l'océan

Je l'annonce d'entrée de jeu, je suis un peu déçue, et déçue d'être déçue...

Dans son plus récent roman, Dominique Fortier, l'une de mes écrivaines québécoises préférées, s'inspire des lettres envoyées par Herman Melville, à un autre grand écrivain américain, Nathaniel Hawthorne, dont les réponses n'ont malheureusement pas été conservées.  À partir de cette correspondance, elle recrée une histoire d'amitié/amour/désir entre les deux écrivains, histoire qui aurait eu une influence sur l'écriture du fameux Moby Dick, que Melville rédigeait durant cette période.  Elle imagine également la vie quotidienne de ce dernier, et d'ailleurs les passages mettant en vedette son épouse Lizzie sont particulièrement réussis -- notamment ceux en mode «flux de conscience» (stream of consciousness), c'est-à-dire où l'on suit les pensées désordonnées d'un personnage.  Si Fortier s'en était tenue à cette intrigue, son roman aurait été pour moi un gros coup de cœur.  Comme toujours, la plume est délicate et poétique, surtout quand elle s'attarde à nous décrire les petits détails du quotidien.

Malheureusement, comme elle l'a fait dans ses trois derniers romans, l'auteure interrompt régulièrement sa trame principale avec des passages autobiographiques.  Si dans Les Villes de papier et Les Ombres blanches ces interludes s'intégraient assez bien à l'histoire, ici au contraire je me suis plutôt retrouvée dans le même état d'esprit que lorsque j'ai lu Au péril de la mer: chaque fois que j'arrivais à ces passages, je levais les yeux au ciel et je n'avais qu'une hâte, celle de revenir à la partie historique.  Ici, Fortier nous raconte sa relation avec un écrivain et poète au nom d'emprunt de Simon.  Je comprends l'idée de mettre en parallèle les deux histoires mettant en scène des écrivains, mais j'ai trouvé que cela n'apportait rien au roman, en brisait le rythme, et même je me suis presque sentie dans une position de voyeur tant elle nous dévoile des sentiments intimes. 

Cela dit, j'ai vu, dans différents commentaires, que bien des lecteurs avait apprécié le procédé... Je vous invite donc à vous faire une idée par vous-même!  Et si finalement vous ressentez la même chose que moi, la partie sur Melville vaut tout de même la lecture (a fortiori si vous avez lu Moby Dick!).


La Part de l'océan de Dominique Fortier, 2024, 328 p.

04 décembre 2024

The Reading List (Conseils de lecture pour âmes égarées)

Heureuse surprise que ce choix du club de lecture du forum Livraddict, qui se déroulait ce mois-ci sous le thème de la bibliothèque.  Le résumé de ce roman de Sara Nisha Adams fait plutôt «feel-good» (ou lecture doudou), un genre qui ne m'attire pas trop en général (car ces romans tombent parfois dans la facilité ou le gnangnan, mais peut-être n'ai-je pas eu la main heureuse dans ce genre?), mais comme il est aussi question de littérature, j'ai décidé de tenter ma chance (Jane Austen et Histoire de Pi de Yann Martel sont évoqués dans le synopsis de l'édition française!  Comment résister?).

Le danger dans ces «livres qui parlent de livres», c'est que bien souvent les auteurs n'arrivent pas à parler des œuvres sans en divulgâcher l'intrigue.  Or, j'ai trouvé que Sara Nisha Adams s'en tirait plutôt bien ici, à part peut-être pour Les Quatre Filles du Dr March et The Time Traveler's Wife.  Comme j'ai vu l'adaptation cinématographique du premier et que je n'ai pas l'intention de lire le deuxième, cela ne m'a pas trop dérangée!  Et comme j'ai lu la plupart des autres romans évoqués, j'ai pu constater qu'elle arrivait à en parler d'une façon assez générale pour ne rien dévoiler d'important tout en les rendant quand même pertinents par rapport à l'intrigue de son roman. 

J'ai aussi trouvé les personnages intéressants et attachants, particulièrement Mukesh, ce vieux monsieur veuf d'origine indienne, à qui la littérature permettra de se remettre de son deuil et de vaincre son isolement (oups, là c'est moi qui divulgâche!).  J'aurais apprécié un petit lexique des termes indiens, car plusieurs scènes se passent dans sa communauté, avec des expressions reliées à la cuisine indienne, miam!

Seul petit bémol, la fin m'a semblé un peu facile, mais heureusement cela n'a pas gâché mon plaisir.


The Reading List de Sara Nisha Adams, 2021, 384 p.  Titre de la traduction française: Conseils de lecture pour âmes égarées.

27 novembre 2024

Swan Song

Pourtant assez connu aux États-Unis (il a remporté le Bram Stocker Award et sera bientôt adapté en série télévisée), ce roman était resté assez discret dans le milieu francophone, puisque ce n'est que l'an dernier qu'il a été traduit pour la première fois, chez l'éditeur Monsieur Toussaint Louverture (et non Laverdure comme j'ai toujours le réflexe de le nommer...).  Mais depuis, on en parle pas mal, et d'ailleurs cette traduction est en nomination cette année pour le Prix Livraddict, dans la catégorie Fantastique.  Bien sûr, vous connaissez ma méfiance envers les traductions: je me suis tournée tout naturellement vers l'original! 

À part la cause de l'apocalyse (virus mortel chez l'un, guerre nucléaire chez l'autre), les premiers chapitres m'ont fait penser à un de mes romans préférés de Stephen King, The Stand (Le Fléau).  Comme dans ce dernier, on fait la rencontre de divers personnages éparpillés dans différents États américains, certains bons, d'autres plus inquiétants, incluant un étrange individu carrément maléfique qui m'a rappelé le fameux Dark Man de King.  Heureusement, l'histoire se différencie assez par la suite pour qu'on ne puisse pas supposer qu'il y a eu plagiat, notamment grâce aux deux personnages féminins principaux, Swan et Sister, qui m'ont beaucoup plu.

L'intrigue est menée tambour battant, sauf pour quelques ralentissements dans la deuxième partie (je me serais passée notamment de la longue confrontation entre deux groupes de méchants, même si cela avait finalement une importance dans l'histoire).

Un mélange des genres Fantastique/Horreur/Post-apocalyptique bien réussi, je le recommande aux amateurs!  Mais attention, il y a des scènes assez violentes, vous voilà prévenus!


Swan Song de Robert McCammon, 1987, 880 pages.  L'édition française, qui porte le même titre, est divisée en deux tomes (2023).

08 novembre 2024

The Left Hand of Darkness (La Main gauche de la nuit)

Quel immense plaisir de renouer avec la magnifique plume d'Ursula Le Guin!  Je suis toujours fascinée par sa force d'évocation.  En quelques phrases, elle arrive à créer une ambiance, un monde!

J'ai lu toute sa série fantasy Earthsea (Terremer) à part quelques nouvelles.  J'étais très curieuse de voir ce que ça donnait en science-fiction!  En fait, au début de The Left Hand of Darkness, on se croirait encore en fantasy: un roi et ses conseillers, un château, etc.  De temps en temps, l'apparition d'une voiture électrique ou la référence à une autre planète viennent nous rappeler que non, on est bien en SF!  Cela se confirme lorsqu'on apprend que le personnage principal est l'émissaire de l'Ekumen, un regroupement de civilisations humaines disséminées dans toute la galaxie. 

Ce roman connaît un regain de popularité ces temps-ci car il aborde un sujet très à la mode: l'identité de genre.  Pourtant, il a été publié en 1969!  Les humains peuplant la planète Gethen sont en effet des êtres androgynes et asexués, sauf durant de courtes périodes où ils se transforment et présentent alors les caractéristiques de l'un ou l'autre sexe.  Certaines considérations sur les différences entre les sexes peuvent paraître un peu datées (d'ailleurs on ne sait pas toujours s'il s'agit de l'opinion de l'auteure ou de son personnage principal, un homme terrien avec ses préjugés) mais j'ai quand même trouvé cette thématique très avant-gardiste.

Mais ce que j'ai encore plus apprécié, c'est le sujet du choc des cultures, finement abordé ici, et aussi tout le jeu sur le thème de l'opposition lumière/noirceur, qui prend toute son importance à mesure qu'on avance dans l'histoire.  Cela vaudrait la peine de relire le livre pour repérer de possibles allusions qui seraient passées inaperçues en première lecture! 

Seul mini-bémol, il y a une ou deux petites choses à la toute fin que je ne suis pas bien sûre d'avoir comprises.

Ce roman fait partie du Cycle de l'Ekumen (Hainish Cycle en VO), un ensemble de sept romans et plusieurs nouvelles.  Chacun se lit de façon indépendante et dans n'importe quel ordre, si j'ai bien compris.  J'ai déjà hâte de me replonger dans cet univers!


The Left Hand of Darkness d'Ursula Le Guin, 1969, 301 p.  Titre de la traduction française: La Main gauche de la nuit.

27 octobre 2024

Le Clan des Belen

D'après les commentaires lus ici et là, plusieurs lecteurs ont beaucoup apprécié ce roman de Julia Castiel (que je ne connaissais pas, et pour cause, c'est son premier livre!), mais ont été déçus par la fin.  C'est bizarre parce que moi ce serait plutôt le contraire!  Enfin, sans vraiment m'ennuyer (l'ambiance de ce petit village isolé des Ardennes est bien décrite et les personnages sont attachants ou inquiétants selon le cas), je trouvais l'intrigue peu originale, et la plume de l'auteure ne me convenait pas complètement: un peu saccadée, de temps en temps des tournures de phrases un peu maladroite...

Mais cette fin!  Je ne l'ai pas vue venir du tout.  Enfin, j'en avais deviné une partie, c'était assez évident, mais une certaine révélation m'a jetée en bas de ma chaise!  Chapeau!   


Le Clan des Belen de Julia Castel, 2023, 209 p.

25 octobre 2024

Bonobo

Vous me connaissez, je ne lis jamais les quatrièmes de couverture.  J'avais noté ce roman sur ma liste il y a plus d'un an, mais je ne me souvenais que vaguement qu'il s'agissait d'une histoire mettant en scène quelqu'un qui s'occupe de bonobos, ces cousins plus sociaux et moins violents des chimpanzés.  Bon, j'avoue, c'est surtout cette couverture absolument craquante qui avait retenu mon attention!  Des fois, cette manie de me lancer dans une lecture à l'aveuglette me joue des tours: je tombe sur des romans d'un genre que je n'ai pas envie de lire à ce moment-là.  La plupart du temps, cela donne de bonnes surprises, comme ce fut le cas ici.

En effet, l'intrigue prend un tour fantastique que je n'ai pas du tout vu venir et que j'ai trouvé intéressant.  Il s'agit d'une histoire d'échange de personnalité entre une petite femelle bonobo et une soignante à l'emploi d'un centre d'étude des primates.  Comme dans tous les romans (ou les films, nombreux) de ce genre, il faut bien sûr accepter cette prémisse de départ, qui peut naturellement sembler tirée par les cheveux.  Une fois que c'est fait, on obtient ici de belles réflexions sur l'identité, sur la mort, sur ce qui différencie ou rapproche l'humain de ces animaux qui sont les plus proches de nous génétiquement parlant.  J'ai particulièrement apprécié les passages qui évoquent les souvenirs de la petite bonobo.  L'évolution des personnages principaux est également bien développée.

On remarquera aussi une dénonciation de la traite des animaux sauvages et de leur maltraitance -- il y a d'ailleurs une scène assez dure, les petits cœurs tendres sont avertis!   


Bonobo de Jeong You-jeong, traduit du coréen, 2021, 400 p.  Titre original: Jin-Yi & Jinny (2019).

20 octobre 2024

Vol de nuit

Oh là là!  On a frôlé l'abandon, là!

En effet, toute la première moitié de ce roman de Saint-Exupéry est très décousue.  On passe d'un personnage à l'autre sans s'attacher à aucun et on ne comprend pas où veut en venir l'auteur.  Alors que j'espérais retrouver la magie des descriptions de Terre des hommes, on s'embourbe plutôt dans le train-train du service de courrier de cet aéroport de Buenos Aires, avec ses absurdités administratives et ses injustices, le tout narré d'une plume assez détachée qui m'a rappelé celle de Louis-Ferdinand Céline. 

Heureusement, dans la deuxième moitié, on se concentre sur le personnage du Directeur du service, ce qui permet de mieux saisir les enjeux.  Pour lui, tout ce qui compte, c'est de prouver l'efficacité de son système de livraison de nuit, afin de concurrencer les autres moyens de transport.  Les employés, pilotes inclus, ne sont pour lui que des rouages de cette machine qui doit fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, malgré les dangers de l'aviation nocturne.

Mais surtout, il y a dans cette partie de très belles pages sur les péripéties vécues durant un de ces vols.  C'est magnifique et poignant, et grâce à ces passages, je termine ce roman avec un avis plus positif que négatif. 


Vol de nuit de Saint-Exupéry, 1931, 188 p.

14 octobre 2024

The Crucible (Les Sorcières de Salem)

Première constatation: cette édition de la célèbre pièce du dramaturge américain Arthur Miller comprend des remarques de l'auteur qui sont bizarrement intégrées au texte de la pièce, comme si elles en faisait partie.  Cela m'a pris un moment pour comprendre qu'il ne s'agissait pas d'un texte qui serait dit en scène par un narrateur, ce qui me semblait assez particulier comme procédé.

Toujours est-il que dans ces remarques, Miller parle des faits et des personnages historiques qui ont inspiré la pièce.  J'ai tout de suite remarqué qu'il ne mentionnait pas du tout le côté misogyne des événements, comme on le fait généralement dès qu'il est question de chasse aux sorcières.  Il fait plutôt le parallèle avec le Maccarthysme, ce qui est normal puisque la chasse aux communistes bat son plein au moment de la création de la pièce.  D'ailleurs, le titre de la traduction française est trompeur.  Dans l'histoire, il n'y a pas que des femmes qui sont accusées.  Cela crée de fausses attentes par rapport à l'interprétation du texte. 

Une fois que mon cerveau a pu se réajuster, j'ai vraiment apprécié cette pièce qui démontre parfaitement comment les mécanismes de vengeance et de dénonciation se mettent en place dans cette petite société, avec en plus le rôle que jouent l'ignorance, la religion et les superstitions.  Brillant!


The Crucible d'Arthur Miller, 1952, 145 p.  Titre de la traduction: Les Sorcières de Salem.

13 octobre 2024

Les nouveaux classiques québécois

Avez-vous vu dans le journal La Presse cette liste de titres considérés comme les nouveaux classiques du XXIe siècle, regroupant des œuvres québécoises publiées entre 2000 et 2024 «qui ont laissé leur marque sur notre culture et notre imaginaire collectif»?  Je suis un peu surprise de ne pas y retrouver La trilogie du bonheur de Marie Laberge, qui a pourtant connu un immense succès; je me demande s'il n'y a pas là un certain snobisme, des œuvres plus «pointues» ayant été choisies.  Aussi, dans le cas de quelques œuvres très récentes, je trouve qu'il est un peu tôt pour juger l'impact qu'elles auront sur la culture québécoise.  Peut-être aurait-on dû se concentrer seulement sur les deux premières décennies du siècle?

D'autres absents: Le Plongeur de Stéphane Larue, Borderline de Marie-Sissi Labrèche (que je n'ai pas lu toutefois), les recueils de chroniques de Serge Bouchard, Un dimanche à la piscine à Kigali de Gil Courtemanche, pour ne nommer que ceux-là.

L'exercice reste tout de même intéressant (je suis toujours friande de ce type de listes!).  Voici la liste en question:


Le Podium:

  1. Putain, Nelly Arcand
  2. La Femme qui fuit, Anaïs Barbeau-Lavalette
  3. Là où je me terre, Caroline Dawson


Positions 4 à 10, en ordre alphabétique

  • Le ciel de Bay City, Catherine Mavrikakis
  • L’énigme du retour, Dany Laferrière
  • Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier
  • Kuessipan, Naomi Fontaine
  • Kukum, Michel Jean
  • Que notre joie demeure, Kev Lambert
  • Ru, Kim Thúy


Positions 11 à 25, en ordre alphabétique:

  • 1984, Éric Plamondon
  • Au péril de la mer, Dominique Fortier
  • La ballade de Baby, Heather O’Neill
  • Bâtons à message/Tshissinuatshitakana, Joséphine Bacon
  • Le boys club, Martine Delvaux
  • Ce que je sais de toi, Éric Chacour
  • La constellation du lynx, Louis Hamelin
  • La fiancée américaine, Éric Dupont
  • L’habitude des ruines, Marie-Hélène Voyer
  • Mille secrets mille dangers, Alain Farah
  • L’orangeraie, Larry Tremblay
  • Le poids de la neige, Christian Guay-Poliquin
  • Paul à Québec, Michel Rabagliati
  • Une réunion près de la mer, Marie-Claire Blais
  • Les villes de papier, Dominique Fortier


Que pensez vous de cette liste?  Lesquels avez-vous lus?  Êtes vous d'accord avec leur présence dans cette liste?  Vous y auriez vu d'autres titres?

Personnellement, j'ai lu:

  • Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier (Adoré!)
  • Ru, Kim Thúy (Beaucoup aimé)
  • 1984, Éric Plamondon (J'ai lu seulement le premier tome de la trilogie, je n'y ai rien compris)
  • Au péril de la mer, Dominique Fortier (Surprise que ce soit celui-ci qui ait été choisi, c'est celui que j'ai le moins aimé dans sa bibliographie)
  • La constellation du lynx, Louis Hamelin (Abandonné, je n'ai pas accroché, tout en reconnaissant les qualités littéraires de l’œuvre)
  • La fiancée américaine, Éric Dupont (Adoré!)
  • Mille secrets mille dangers, Alain Farah (Beaucoup aimé)
  • L’orangeraie, Larry Tremblay (Adoré!)
  • Paul à Québec, Michel Rabagliati (Adoré!)
  • Les villes de papier, Dominique Fortier (Adoré!)


12 octobre 2024

The Last Juror (Le Dernier Juré)

Encore un bon petit thriller de John Grisham!

Le personnage principal est un jeune journaliste fraîchement diplômé de l'université qui débarque dans une petite ville du Mississippi et prend en charge le journal hebdomadaire local.  Comme presque toujours chez Grisham, il y aura un crime et un procès, mais l'auteur en profite ici pour dresser un portrait du sud des États-Unis au début des années 70: ségrégation raciale, corruption des autorités, entraide entre voisins, omniprésence de la religion, évolution des mentalités; bref, le bon et le mauvais de la société américaine à l'époque.

L'intérêt principal du roman est la ribambelle de personnages secondaires hauts en couleur, notamment une dame dans la soixantaine très pieuse mais attachante par sa droiture, son courage et son amour de la bonne chère à la mode du Sud (certains passages m'ont mis l'eau à la bouche!), que je n'ai pu m'empêcher d'imaginer sous les traits de la poète afro-américaine Maya Angelou, dont elle possède la dignité et l'élocution parfaite.

Seul petit bémol: dans la deuxième moitié, l'intrigue principale effectue un saut de quelques années, et on dirait que Grisham a voulu faire du remplissage en nous racontant assez longuement des événements ayant peu d'intérêt pour l'histoire: élections municipales, achat et rénovation de la maison du héros, etc. 


The Last Juror de John Grisham, 2004, 487 p.  Titre de la traduction: Le Dernier Juré.

11 octobre 2024

Marcher à Kerguelen

Il y a quelques années, j'ai lu et beaucoup apprécié Ce qu'il advint du sauvage blanc de François Garde, une histoire de naufrage comme je les aime.

Quand j’ai vu par hasard que cet écrivain avait publié un récit de voyage sur sa traversée à pieds de l’île de Kerguelen, au sud de l'océan Indien, cela a attiré mon attention, surtout que je connaissais déjà un peu ce lieu pour l'avoir visité l'an dernier grâce au Voyage aux îles de la Désolation, magnifique roman graphique d’Emmanuel Lepage.

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis vraiment attirée par ces paysages dénudés, désertiques et balayés par le vent.  Si on me donnait le choix entre un séjour dans un quartier animé de New York, dans une jungle grouillante de vie ou sur une de ces îles désolées, je n’hésiterais même pas. 

Bon, j’avoue que je changerais sûrement d’idée après quelques jours à déambuler dans des souliers mouillés ou à ne pas dormir parce que le vent risque d’emporter la tente!  D’ailleurs juste à l’idée de marcher toute la journée pendant 25 jours, ça me tente déjà beaucoup moins.  Vous l’aurez compris, c’est là tout l’intérêt des récits de voyage!

On peut déplorer dans ce récit un certain côté répétitif.  Il est donc préférable de le lire à petite dose, en parallèle avec un autre bouquin bien différent.  Il faut aussi aimer les descriptions de paysages, parce que celles-ci constituent 75% de l’histoire, le reste racontant surtout les interactions entre les quatre membres du groupe. 

Une lecture tranquille mais dépaysante! 


Marcher à Kerguelen de François Garde, 2020, 288 p.

02 octobre 2024

Méduse

Ce roman, qui narre les tribulations d'une jeune fille dont les yeux frappent d'horreur tous ceux qui les aperçoivent, m'a rendue pour le moins perplexe...  J'ai aimé ou pas?

J'ai aimé: la finesse de la plume, le vocabulaire recherché, les variations autour du thème de Méduse et des méduses, qu'on reconnaisse la ville de Québec à travers les indices donnés ici et là, le message sur la puissance féminine, sur la réappropriation du corps.

J'ai moins aimé: l'ambiance vraiment trop glauque, et parfois un manque de subtilité dans la transmission du message mentionné ci-dessus, en particulier à la fin (on avait compris la métaphore, ce n'était pas nécessaire de l'appuyer de façon aussi littérale).

Alors, quel côté l'emporte?  Je crois bien que c'est 50-50!


Méduse de Martine Desjardins, 2020, 216 p.

30 septembre 2024

Le Restaurant des recettes oubliées

Ce roman du japonais Hisashi Kashiwai comporte deux gros points forts:

  1. Il y est beaucoup question de cuisine japonaise, ça met l'eau à la bouche!  D'ailleurs, j'ai lu un des chapitres en mangeant le restant des sushis de notre repas précédent (Gropitou en achète toujours trop!), j'étais vraiment dans l'ambiance!
  2. Il y a un chat nommé Roupillon!

Est-ce suffisant pour en faire un excellent roman?  Malheureusement non.  Tout se déroule très rapidement, on effleure à peine les différents thèmes abordés (le deuil, la nostalgie, la mémoire, etc) et les personnages ne sont qu'esquissés.  La structure n'est pas d'une grande originalité.  Il s'agit d'une suite de petites histoires séparées dans lesquelles le cuisinier du restaurant et sa fille tentent chaque fois de retrouver une recette perdue pour le compte d'un client.  L'idée est intéressante, mais la construction m'a donné une impression de déjà-vu en littérature japonaise.

Cela reste tout de même une lecture divertissante (et appétissante!), parfaite pour se reposer les neurones si c'est ce qu'on recherche (par exemple, après une grosse brique de Hard SF bien dense; oui, Liu Cixin, c'est à toi que je pense!), mais je commence déjà à mélanger les histoires entres elles alors que je l'ai terminée hier; c'est vous dire à quel point ce bouquin ne sera pas inoubliable.


Le Restaurant des recettes oubliées de Hisashi Kashiwai, raduit du japonais, 2023, 252 p.  Titre de la version originale: Kamogawashokudo (2013).

28 septembre 2024

La Mort immortelle

Trilogie des trois corps, tome 3

Troisième et dernier tome de cette trilogie de Hard SF, écrite par le Chinois Liu Cixin.  Qui dit Hard SF dit beaucoup de détails scientifiques et ce tome-ci n'y échappe pas!  Il y a même quelques notions qui font presque mal au cerveau quand on essaye de visualiser ce que ça donne concrètement...

Comme dans les deux premiers tomes, on peut déplorer quelques longueurs et une narration qui ne laisse pas beaucoup de place à l'émotion.  Par contre, il y a beaucoup moins de personnages, on se concentre principalement sur une jeune scientifique, qui tiendra le destin du système solaire entre ses mains, rien de moins! 

Mon principal bémol concernant cette fin de trilogie est qu'un pan de l'histoire reste en suspens: on ne sait pas ce qui est arrivé à l'un des personnages secondaires.  Enfin, on sait comment il finit, mais comment il en arrive là, ça reste très flou.  Je me suis même demandé si Liu Cixin n'avait pas volontairement omis toute cette partie-là pour en faire un roman à part!  En fouillant un peu, j'ai découvert qu'il y a en fait un roman écrit par un autre Chinois, d'abord une fan-fiction sur le Net mais maintenant traduit et publié officiellement chez Actes Sud/Babel, qui raconte justement cette histoire.  Selon ce que j'ai lu sur un blogue, Liu Cixin aurait approuvé cette publication, mais cela n'exclut pas qu'il ait d'abord eu l'idée de l'écrire lui-même et qu'il se soit fait damer le pion...  Allez savoir!


La Mort immortelle (Trilogie des trois corps, tome 3) de Liu Cixin, traduit du chinois, 2018, 944 p.  Titre de la version originale: Sǐshén yǒngshēng (2010)

14 septembre 2024

Du thé pour les fantômes

Une lecture en dents de scie...

J'ai beaucoup apprécié l'ambiance du roman, ce réalisme magique dans un décor de Provence.  Il y a également des idées très amusantes: les deux sœurs qui correspondent à distance en lisant dans les feuilles de thé, les théières qu'il faut apprivoiser, etc.  Quelques chapitres délicieux se déroulent en Espagne et rappellent, sûrement à dessein, l'œuvre de Gabriel Garcia Marquez.

Par contre, que de longueurs! Il m'a semblé que certains éléments ne faisaient que complexifier l'intrigue sans rien lui apporter.  On saute également beaucoup du coq à l'âne, particulièrement au début.  Et surtout, j'ai senti que l'auteure voulait qu'on s'attache aux personnages malgré leurs défauts, mais ça n'a pas fonctionné pour moi; une des sœurs m'a semblé trop égocentrique, et je n'ai ressenti que la pitié pour l'autre sœur, affligée d'un mal étrange.  C'est pourquoi la fin, si elle a su me surprendre et me satisfaire, ne m'a pas émue.

Bref, une lecture tout de même agréable mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable.
 

Du thé pour les fantômes de Chris Vuklisevic, 2023, 439 p.

31 août 2024

Un objet de beauté

Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, tome 6

Plus d'une semaine que j'ai terminé ce bouquin, qui clôt la série des Chroniques...  Je ne sais pas trop comment aborder ce billet, qui va être bien court!

Du Tremblay, ça ne peut pas être mauvais!  Pourtant, je n'ai pas vraiment aimé ce tome, tout en ayant de la difficulté à trouver pourquoi...  Il y a de très beaux passages, mais l'ensemble est triste, presque glauque.  On ne sent pas l'amour qui relie habituellement les membres de la famille, cela m'a fait de la peine.  J'aurais aimé finir cette série sur une note plus optimiste!


Un objet de beauté (Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, tome 6) de Michel Tremblay, 1997, 315 p.

18 août 2024

Jézabel

D'Irène Némirovsky, j'ai lu et beaucoup aimé Suite française il y a quelques années (mince alors, c'était en 2013, comme le temps file!).  Je la retrouve ici dans ce roman assez différent trouvé dans une boîte à livres! 

Dans ce roman-ci, Nemirovsky nous dresse un portrait impitoyable de la haute bourgeoisie française de la première moitié du XXe siècle à travers le destin d'une femme obsédée par sa beauté et sa peur de vieillir. 

Seul petit bémol, la description de ce personnage principal m'a parfois semblé  un peu caricaturale et répétitive (son long cou souple, sa peau blanche...).  J'ai toutefois grandement apprécié retrouver cette plume à la fois belle et sans pitié qui m'a rappelé Mauriac et Camus par moments.  Et cette fin inexorable, quel suspense alors qu'on connaît la conclusion depuis le premier chapitre!  Un vrai tour de force!


Jézabel d'Irène Némirovsky, 1936, 187 p.

13 août 2024

Walden

Que de péripéties pour arriver à lire dans une version potable le célèbre texte de H.D. Thoreau, racontant son séjour de deux ans dans une cabane près d'un lac!

Si vous suivez mon blogue depuis quelque temps, vous le savez:  je préfère généralement lire les auteurs anglophones dans la langue d'origine.  Je l'avoue, je suis assez capricieuse par rapport aux traductions, surtout en ce qui concerne la littérature américaine et canadienne-anglaise.  Dans les deux cas, les éditeurs devraient toujours choisir des traducteurs nord-américains, sinon on se retrouve trop souvent avec des aberrations. 

J'ai donc d'abord choisi le recueil Walden and Other Writings contenant, comme son nom l'indique, plusieurs textes de Thoreau, dont, en plus de Walden, son fameux Civil Disobedience (La Désobéissance civile).  Malheureusement, j'ai rapidement déchanté: même pour quelqu'un qui se débrouille assez bien en anglais, le style de Thoreau n'est pas du tout facile à lire!  Passe encore le vocabulaire du XIXe siècle, ça je m'y attendais et le dictionnaire de la liseuse me vient en aide au besoin, mais la construction des phrases est vraiment tarabiscotée!  En plus, il a choisi de commencer son récit avec un très long chapitre assez aride où il expose de façon dense et foisonnante ses idées sur différents aspects de la société (éducation, travail, alimentation, habillement, tout y passe).  Très mauvaise stratégie, H.D.; tu aurais dû appâter d'abord le lecteur avec un petit chapitre sur l'installation au bord du lac, la construction de la cabane, etc.  Je suis sûre que de nombreux lecteurs sont rebutés par cette entrée en matière interminable et abandonnent.

Tout ça pour dire que j'ai décidé d'abandonner la VO et de me tourner vers l'édition publiée chez Albin Michel, collection Espaces Libres, dans la traduction de Louis Fabulet.  J'ai d'abord été relativement contente, c'est beaucoup plus agréable à lire!  Bon, petit soupir en tombant sur des noms d'oiseaux qui n'existent pas ici, mais je m'attendais à ce genre de désagréments.  Toutefois, un peu plus loin, j'ai dû retourner à la version originale car tout un paragraphe était incompréhensible!  Il s'agissait d'un jeu de mots, qui aurait dû être expliqué par le traducteur dans une note!  Le dernier clou du cercueil a été l'expression coffee and rolls (café et petits pains) traduite par «café et roulette!!! 

J'ai donc décidé d'essayer une autre traduction, celle de Brice Matthieussent aux éditions Le Mot et le reste.  Cette fois, rien à dire sur la traduction, mais comme rien n'est parfait, le fichier que j'ai téléchargé sur ma liseuse est plein de bogues!  La table des matières ne fonctionne pas, et quand on veut aller voir les notes ou revenir à un chapitre précédent, on se retrouve n'importe où dans le livre ou encore on est carrément  éjecté du fichier!   

En désespoir de cause, j'ai voulu aller chercher une édition papier (qui aurait été dans une troisième traduction différente!) à la bibliothèque municipale, mais j'avais oubliée que celle-ci ferme plus tôt le lundi et je me suis cogné le nez sur la porte!  Finalement je me suis résignée et j'ai continué avec mon fichier défectueux.

Heureusement, toutes ces mésaventures ne m'ont pas empêchée d'apprécier cette lecture (surtout une fois passé ce premier chapitre vraiment trop long!).  Je dois tout de même dire que je n'ai pas tout aimé.  Il y a des passages vraiment longs, et Thoreau se contredit à l'occasion.  On dirait qu'il veut tellement pousser chacune de ses idées à l'extrême qu'il ne s'aperçoit pas qu'il dit le contraire de ce qu'il avait affirmé de façon tout aussi péremptoire quelques chapitres plus tôt!  Ses idées sur un mode de vie plus simple m'ont particulièrement rejointe, même si je ne partage pas son ascétisme concernant la bouffe!  Se nourrir de riz et de fèves, très peu pour moi.  Quant à ses idées sur la littérature, je ne les partage pas du tout.  Selon lui, les seules œuvres valables sont celles servant à «élever l'esprit» du lecteur.  La littérature dite populaire, se voulant amusante, distrayante, n'a aucune valeur à ses yeux!

Ce qui m'attirait surtout vers ce récit, c'est le côté Nature Writing, dont il est un des pionniers, souvent cité par d'autres écrivains du monde entier.  Et là, je peux dire que j'ai été servie!  J'ai adoré ses descriptions de la nature au fil des saisons.  L'humour et la poésie de certains chapitres m'ont ravie.  Juste pour ces passages, je suis contente d'avoir persévéré.  

En terminant, un petit extrait pour vous donner le goût?  Ceux qui ont souvent l'occasion d'observer des écureuils pourront confirmer que Thoreau a saisit l'essence même de celui-ci, s'approchant d'épis de maïs jetés dans la neige devant la cabane:

«L’un d’eux s’approchait d’abord avec prudence à travers les chênes nains, en effectuant de brèves courses saccadées sur la neige croûtée, telle une feuille emportée par le vent, tantôt quelques pas dans une direction, avec une vitesse et une dépense d’énergie merveilleuses, progressant incroyablement vite sur ses petites pattes, comme s’il avait fait un pari, tantôt autant de pas dans une autre direction, sans jamais avancer de plus d’une demi-verge à chaque fois ; s’arrêtant alors tout à trac avec une expression ridicule et une cabriole superflue, comme si tous les yeux de l’univers étaient fixés sur lui, – car tous les gestes de l’écureuil, même dans les recoins les plus isolés de la forêt, impliquent des spectateurs au même titre que ceux d’une danseuse –, perdant ainsi davantage de temps en arrêts et en circonspection qu’il n’en aurait fallu pour parcourir la distance tout entière –, je n’en ai jamais vu un seul marcher –, et soudain, avant que vous n’ayez eu le temps de dire ouf, il se retrouvait en haut d’un jeune pitchpin, remonté comme une pendule et tançant ses innombrables spectateurs imaginaires, monologuant tout en s’adressant à l’univers entier, pour nulle raison que j’aie jamais pu déterminer, ni que lui-même, je suppose, connaissait.»

(Certains crieront sans doute au crime de lèse-majesté, mais si vous hésitez à vous lancer, je vous recommande de sauter le premier chapitre, quitte à y revenir ensuite si désiré... Mais chhuuut! Que cela reste entre nous!) 

 

Walden de Henry David Thoreau, traduit de l'anglais en 2013 (pour cette version chez Le Mot et le reste), 372 pages.  Titre de la version originale: Walden (1854).







01 août 2024

Vas-tu finir ton assiette?

Vous voulez rire un bon coup?  Procurez-vous ce recueil de courtes chroniques désopilantes sur le thème de l'alimentation.  Le sous-titre mentionne des essais et des facéties, je dirais que c'est 10% des uns et 90% des autres!

Il y a bien quelques chapitres où j'ai moins accroché, car il était question d'émissions de télé (Les Chefs et autres) que je ne connais pas, mais pour le reste je me suis bidonnée du début à la fin.  Et même l'utilisation de l'écriture inclusive (à laquelle je m'habitue difficilement, je l'avoue) ne m'a pas dérangée; je trouve que cela passe mieux dans ce genre littéraire que dans un roman, par exemple.

Je le recommande chaudement à tous mes lecteurs québécois. Hilarité garantie, sauf si vous n'appréciez pas ce style très oral, avec des anglicismes, du joual et des néologismes à la pelletée.  Lecteurs européens, c'est à vos risques et périls: je crains que vous ne saisissiez pas la plupart des références très locales.

 

Vas-tu finir ton assiette? de Caroline Décoste et Mathieu Charlebois, 2024, 288 p.

24 juillet 2024

La Lionne blanche

Décidément, cette série policière est en passe de devenir une de mes préférées dans ce genre littéraire!

D'abord j'aime beaucoup le personnage principal, le commissaire Wallander.  Il est loin d'être parfait, mais on n'est pas non plus dans le cliché du policier alcoolique et misogyne.  Il essaye d'être un bon père, un bon fils, sans toujours y parvenir.  Il se fâche parfois contre ses collaborateurs mais sait pourtant reconnaître leurs qualités.  D'ailleurs ceux-ci ont énormément de respect pour lui.  Il n'est pas non plus un super-héros; s'il doit escalader une clôture en pourchassant un méchant, ça se pourrait bien qu'il déchire son pantalon!

Mais ce que j'apprécie encore plus, c'est la façon qu'a Mankell de s'inspirer de  l'actualité de son époque, en variant les sujets à chaque tome.  Ici, on est en 1992, en Afrique du Sud.  Nelson Mandela vient de sortir de prison, l'Apartheid sera peut-être aboli, mais certains groupes de la population blanche résistent, en particulier les Boers, dont l'auteur nous rappelle l'histoire.  Un complot se trame dont les ramifications s'étendent jusqu'en Suède!  J'ai adoré que Mankell nous entraîne des bidonvilles jusqu'au bureau du président De Klerk, en passant par Ystad, la petite ville suédoise de ce cher Wallander.  Dépaysement garanti!

Il y a bien un petit truc que j'ai trouvé un peu tiré par les cheveux vers la fin, mais cela n'a pas gâché mon plaisir.  J'ai dévoré ce roman en quelques jours!  Après quelques lectures plus ardues, c'était très agréable de retrouver la plume nette et efficace de Mankell.


La Lionne blanche de Henning Mankell, traduit du suédois en 2004, 487 p. Titre de la version originale: Den vita lejoninnan (1993).

21 juillet 2024

Alexis - Le Coup de Grâce

Alors que j'ai beaucoup aimé mes deux premiers contacts avec Marguerite Yourcenar, ce recueil rassemblant deux courts romans constitue un premier semi-échec...

Alexis:

Même si j'admire toujours autant la plume de Yourcenar, il faut tout de même que la dite plume soit au service d'une histoire présentant un minimum d'intérêt... ce qui n'est pas le cas ici!  L'homosexualité n'étant pas un sujet qu'on pouvait discuter ouvertement à l'époque, le narrateur ne fait que tourner autour du pot pendant 125 pages.  Et comme il est peu sympathique, ses malheurs n'arrivent même pas à nous émouvoir.  J'ai failli abandonner un roman de Yourcenar!!!

Le Coup de Grâce:

Ce deuxième roman, l'histoire d'un amour impossible entre un soldat et la sœur de son meilleur ami, est heureusement plus intéressant.  Là encore, les personnages ne sont pas très sympathiques et l'on s'attache peu à eux, mais au moins il y a un peu d'action et l'ambiance est bien décrite.  J'aurais toutefois apprécié que le contexte historique soit plus à l'avant-plan: on est dans un château décrépi des pays baltes, durant la guerre entre les troupes bolchéviques et anti-bolchéviques germanophiles en 1918, un cadre fort original qui n'est exploité à son plein potentiel qu'à la toute fin du roman.

   

Alexis - Le Coup de Grâce de Marguerite Yourcenar, recueil de deux courts romans parus respectivement en 1929 et 1939, 248 p.

19 juillet 2024

Harrow the Ninth (Harrow la Neuvième)

 The Locked Tomb (Le Tombeau scellé), tome 2

Après un début difficile, une intrigue intelligente et l'humour des dialogues m'avaient permis d'apprécier le tome 1 de cette série au genre indéfinissable (fantastiquo-fantasy-SF?).

En commençant le tome 2, j'ai constaté que j'avais, là encore, un peu de difficulté à plonger dans cet univers.  Certains événements ne concordent pas du tout avec ce qui s'est passé dans le tome 1, et c'est très long avant qu'on commence à comprendre pourquoi. La narration à la deuxième personne du singulier, très étrange (on ne saisit la raison de ce choix que beaucoup plus loin) ne nous aide pas non plus.  J'étais très désarçonnée, mais j'espérais que la situation allait s'améliorer comme dans le cas du tome précédent.  

En général, j'aime beaucoup qu'un auteur nous fasse travailler un peu au lieu de tout expliquer en long et en large.  Mais ici, l'intrigue est tellement tarabiscotée que j'avais de la misère à suivre!  Il y a toutefois de très bons passages, drôles ou intrigants, et on retrouve avec plaisir certains personnages du tome 1.

Quant à l'épilogue, il est tellement bizarre que j'étais fâchée en le terminant!  J'imagine que l'intention de l'auteure était de nous appâter pour la suite, mais dans mon cas l'effet contraire s'est produit, et il y a de fortes chances pour que cette série s'arrête là pour moi...


Harrow the Ninth (The Locked Tomb, tome 2) de Tamsyn Muir, 2020, 512 p.  Titre de la traduction française: Harrow la Neuvième (Le Tombeau scellé, tome 2)

24 juin 2024

La Forêt sombre

Trilogie des trois corps, tome 2

Qui dit deuxième tome d'une trilogie dit billet court sur le blogue.  On a l'impression de répéter ce qu'on a écrit sur le premier tome, et par ailleurs on n'a pas encore un avis général sur la trilogie dans son ensemble.

Donc, comme dans le premier tome, on a une intrigue pleine de rebondissements, beaucoup de détails scientifiques qu'il n'est pas nécessaire de comprendre parfaitement pour suivre l'histoire, une narration un peu froide, ce qui fait qu'on ne s'attache pas tant que cela aux personnages et qu'on en sait peu sur leur vie privée -- l'intérêt réside ailleurs.  Parlant de personnages, je vous recommande de vous dresser dès le début une petite liste car ils sont très nombreux (ma liste en compte quarante-deux) dont la plupart avec des noms chinois qui se ressemblent (Yang, Zhang, Zhuang...).

Il y a bien quelques passages que j'ai trouvés longuets (dont un qui m'a semblé ne pas apporter grand-chose à l'intrigue), mais dans l'ensemble, une lecture passionnante, vivement la suite!


La Forêt sombre (La Trilogie des trois corps, tome 2) de Liu Cixin, traduit du chinois, 2017, 736 p.  Titre de la version originale: Hēi'àn sēnlín (2008)