Première surprise, Tonino Benacquista n'est pas italien comme je le croyais. Issu d'une famille originaire du centre de l'Italie, il est né en France et écrit en Français. Ce qu'il fait fort bien, d'ailleurs.
L'idée de départ de ce roman est vraiment excellente. Quatre créateurs très différents les uns des autres sont engagés par un producteur cynique pour écrire une série télé. Le but: permettre à la station d'atteindre les quotas de contenu français. La seule contrainte: que ça ne coûte à peu près rien; donc décors restreints, aucuns extérieurs, peu de personnages. Pour le reste, les scénaristes ont carte blanche, ils peuvent laisser courir leur imagination.
Le résultat, on s'en doute, est complètement débridé, voire surréaliste. Cela me fait un peu penser à la série américaine des années 70 Soap, une parodie des soap operas absolument déjantée, où l'on sentait que les créateurs avaient eu une grande liberté, ce qui leur a permis de briser plusieurs tabous comme l'homosexualité et le mariage interracial. Je me souviens notamment d'une scène hilarante où le personnage de Billy Crystal (rôle qui l'a d'ailleurs fait connaître) tente d'expliquer l'homosexualité à sa tante (gentille mais pas très futée):
- Tu sais, plusieurs personnes célèbres étaient gays, par exemple Platon (se dit Plato en anglais).
- Quoi?! Le chien de Mickey Mouse était gay?
Mais si l'on suit avec intérêt le développement de la série, c'est surtout les dialogues entre les scénaristes qui fait le succès de ce roman. Il sont en effet très drôles et pertinents, et agrémentés de nombreux clins d'oeil à la télévision et au cinéma.
Dans la deuxième moitié, les quatre personnages deviennent eux-mêmes des héros de téléroman, en quelque sorte, puisqu'il leur arrive toutes sortes d'aventures rocambolesques (et on apprend d'ailleurs l'origine de ce mot!). Mais certaines péripéties sont bizarres, ce qui nuit à la cohérence de l'intrigue (on peut m'expliquer pourquoi les beaux-parents du narrateur et leurs voisins sont soudainement gentils avec lui alors que le reste du pays le haïssent?). Je pense que Benacquista a voulu démontrer que la réalité dépasse parfois la fiction, mais ce n'est pas complètement réussi, selon moi. Il manque un petit quelque chose, un peu d'huile dans les engrenages, on ne retrouve plus l'aisance d'écriture du début.
Malgré ce petit essoufflement final, j'ai vraiment apprécié cette lecture qui nous fait réfléchir à notre relation avec la télévision tout en étant fort divertissante.
Lu dans le cadre du Blogoclub. Pour les billets des autres participants, suivez les liens chez nos deux admirables organisatrices Sylire et Lisa. Notez que ce mois-ci nous avions le choix entre deux romans, l'autre étant Maudit Karma de David Safier.
Et pour aller plus loin dans la thématique de ce mois-ci (la comédie en littérature), je vous recommande l'excellent billet de l'écrivain Éloi Paré: Où sont les chefs-d'oeuvre du rire?
Saga de Tonino Benacquista, publié chez Gallimard en 1997. 353 p.