14 septembre 2024

Du thé pour les fantômes

Une lecture en dents de scie...

J'ai beaucoup apprécié l'ambiance du roman, ce réalisme magique dans un décor de Provence.  Il y a également des idées très amusantes: les deux sœurs qui correspondent à distance en lisant dans les feuilles de thé, les théières qu'il faut apprivoiser, etc.  Quelques chapitres délicieux se déroulent en Espagne et rappellent, sûrement à dessein, l'œuvre de Gabriel Garcia Marquez.

Par contre, que de longueurs! Il m'a semblé que certains éléments ne faisaient que complexifier l'intrigue sans rien lui apporter.  On saute également beaucoup du coq à l'âne, particulièrement au début.  Et surtout, j'ai senti que l'auteure voulait qu'on s'attache aux personnages malgré leurs défauts, mais ça n'a pas fonctionné pour moi; une des sœurs m'a semblé trop égocentrique, et je n'ai ressenti que la pitié pour l'autre sœur, affligée d'un mal étrange.  C'est pourquoi la fin, si elle a su me surprendre et me satisfaire, ne m'a pas émue.

Bref, une lecture tout de même agréable mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable.
 

Du thé pour les fantômes de Chris Vuklisevic, 2023, 439 p.

31 août 2024

Un objet de beauté

Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, tome 6

Plus d'une semaine que j'ai terminé ce bouquin, qui clôt la série des Chroniques...  Je ne sais pas trop comment aborder ce billet, qui va être bien court!

Du Tremblay, ça ne peut pas être mauvais!  Pourtant, je n'ai pas vraiment aimé ce tome, tout en ayant de la difficulté à trouver pourquoi...  Il y a de très beaux passages, mais l'ensemble est triste, presque glauque.  On ne sent pas l'amour qui relie habituellement les membres de la famille, cela m'a fait de la peine.  J'aurais aimé finir cette série sur une note plus optimiste!


Un objet de beauté (Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, tome 6) de Michel Tremblay, 1997, 315 p.

18 août 2024

Jézabel

D'Irène Némirovsky, j'ai lu et beaucoup aimé Suite française il y a quelques années (mince alors, c'était en 2013, comme le temps file!).  Je la retrouve ici dans ce roman assez différent trouvé dans une boîte à livres! 

Dans ce roman-ci, Nemirovsky nous dresse un portrait impitoyable de la haute bourgeoisie française de la première moitié du XXe siècle à travers le destin d'une femme obsédée par sa beauté et sa peur de vieillir. 

Seul petit bémol, la description de ce personnage principal m'a parfois semblé  un peu caricaturale et répétitive (son long cou souple, sa peau blanche...).  J'ai toutefois grandement apprécié retrouver cette plume à la fois belle et sans pitié qui m'a rappelé Mauriac et Camus par moments.  Et cette fin inexorable, quel suspense alors qu'on connaît la conclusion depuis le premier chapitre!  Un vrai tour de force!


Jézabel d'Irène Némirovsky, 1936, 187 p.

13 août 2024

Walden

Que de péripéties pour arriver à lire dans une version potable le célèbre texte de H.D. Thoreau, racontant son séjour de deux ans dans une cabane près d'un lac!

Si vous suivez mon blogue depuis quelque temps, vous le savez:  je préfère généralement lire les auteurs anglophones dans la langue d'origine.  Je l'avoue, je suis assez capricieuse par rapport aux traductions, surtout en ce qui concerne la littérature américaine et canadienne-anglaise.  Dans les deux cas, les éditeurs devraient toujours choisir des traducteurs nord-américains, sinon on se retrouve trop souvent avec des aberrations. 

J'ai donc d'abord choisi le recueil Walden and Other Writings contenant, comme son nom l'indique, plusieurs textes de Thoreau, dont, en plus de Walden, son fameux Civil Disobedience (La Désobéissance civile).  Malheureusement, j'ai rapidement déchanté: même pour quelqu'un qui se débrouille assez bien en anglais, le style de Thoreau n'est pas du tout facile à lire!  Passe encore le vocabulaire du XIXe siècle, ça je m'y attendais et le dictionnaire de la liseuse me vient en aide au besoin, mais la construction des phrases est vraiment tarabiscotée!  En plus, il a choisi de commencer son récit avec un très long chapitre assez aride où il expose de façon dense et foisonnante ses idées sur différents aspects de la société (éducation, travail, alimentation, habillement, tout y passe).  Très mauvaise stratégie, H.D.; tu aurais dû appâter d'abord le lecteur avec un petit chapitre sur l'installation au bord du lac, la construction de la cabane, etc.  Je suis sûre que de nombreux lecteurs sont rebutés par cette entrée en matière interminable et abandonnent.

Tout ça pour dire que j'ai décidé d'abandonner la VO et de me tourner vers l'édition publiée chez Albin Michel, collection Espaces Libres, dans la traduction de Louis Fabulet.  J'ai d'abord été relativement contente, c'est beaucoup plus agréable à lire!  Bon, petit soupir en tombant sur des noms d'oiseaux qui n'existent pas ici, mais je m'attendais à ce genre de désagréments.  Toutefois, un peu plus loin, j'ai dû retourner à la version originale car tout un paragraphe était incompréhensible!  Il s'agissait d'un jeu de mots, qui aurait dû être expliqué par le traducteur dans une note!  Le dernier clou du cercueil a été l'expression coffee and rolls (café et petits pains) traduite par «café et roulette!!! 

J'ai donc décidé d'essayer une autre traduction, celle de Brice Matthieussent aux éditions Le Mot et le reste.  Cette fois, rien à dire sur la traduction, mais comme rien n'est parfait, le fichier que j'ai téléchargé sur ma liseuse est plein de bogues!  La table des matières ne fonctionne pas, et quand on veut aller voir les notes ou revenir à un chapitre précédent, on se retrouve n'importe où dans le livre ou encore on est carrément  éjecté du fichier!   

En désespoir de cause, j'ai voulu aller chercher une édition papier (qui aurait été dans une troisième traduction différente!) à la bibliothèque municipale, mais j'avais oubliée que celle-ci ferme plus tôt le lundi et je me suis cogné le nez sur la porte!  Finalement je me suis résignée et j'ai continué avec mon fichier défectueux.

Heureusement, toutes ces mésaventures ne m'ont pas empêchée d'apprécier cette lecture (surtout une fois passé ce premier chapitre vraiment trop long!).  Je dois tout de même dire que je n'ai pas tout aimé.  Il y a des passages vraiment longs, et Thoreau se contredit à l'occasion.  On dirait qu'il veut tellement pousser chacune de ses idées à l'extrême qu'il ne s'aperçoit pas qu'il dit le contraire de ce qu'il avait affirmé de façon tout aussi péremptoire quelques chapitres plus tôt!  Ses idées sur un mode de vie plus simple m'ont particulièrement rejointe, même si je ne partage pas son ascétisme concernant la bouffe!  Se nourrir de riz et de fèves, très peu pour moi.  Quant à ses idées sur la littérature, je ne les partage pas du tout.  Selon lui, les seules œuvres valables sont celles servant à «élever l'esprit» du lecteur.  La littérature dite populaire, se voulant amusante, distrayante, n'a aucune valeur à ses yeux!

Ce qui m'attirait surtout vers ce récit, c'est le côté Nature Writing, dont il est un des pionniers, souvent cité par d'autres écrivains du monde entier.  Et là, je peux dire que j'ai été servie!  J'ai adoré ses descriptions de la nature au fil des saisons.  L'humour et la poésie de certains chapitres m'ont ravie.  Juste pour ces passages, je suis contente d'avoir persévéré.  

En terminant, un petit extrait pour vous donner le goût?  Ceux qui ont souvent l'occasion d'observer des écureuils pourront confirmer que Thoreau a saisit l'essence même de celui-ci, s'approchant d'épis de maïs jetés dans la neige devant la cabane:

«L’un d’eux s’approchait d’abord avec prudence à travers les chênes nains, en effectuant de brèves courses saccadées sur la neige croûtée, telle une feuille emportée par le vent, tantôt quelques pas dans une direction, avec une vitesse et une dépense d’énergie merveilleuses, progressant incroyablement vite sur ses petites pattes, comme s’il avait fait un pari, tantôt autant de pas dans une autre direction, sans jamais avancer de plus d’une demi-verge à chaque fois ; s’arrêtant alors tout à trac avec une expression ridicule et une cabriole superflue, comme si tous les yeux de l’univers étaient fixés sur lui, – car tous les gestes de l’écureuil, même dans les recoins les plus isolés de la forêt, impliquent des spectateurs au même titre que ceux d’une danseuse –, perdant ainsi davantage de temps en arrêts et en circonspection qu’il n’en aurait fallu pour parcourir la distance tout entière –, je n’en ai jamais vu un seul marcher –, et soudain, avant que vous n’ayez eu le temps de dire ouf, il se retrouvait en haut d’un jeune pitchpin, remonté comme une pendule et tançant ses innombrables spectateurs imaginaires, monologuant tout en s’adressant à l’univers entier, pour nulle raison que j’aie jamais pu déterminer, ni que lui-même, je suppose, connaissait.»

(Certains crieront sans doute au crime de lèse-majesté, mais si vous hésitez à vous lancer, je vous recommande de sauter le premier chapitre, quitte à y revenir ensuite si désiré... Mais chhuuut! Que cela reste entre nous!) 

 

Walden de Henry David Thoreau, traduit de l'anglais en 2013 (pour cette version chez Le Mot et le reste), 372 pages.  Titre de la version originale: Walden (1854).







01 août 2024

Vas-tu finir ton assiette?

Vous voulez rire un bon coup?  Procurez-vous ce recueil de courtes chroniques désopilantes sur le thème de l'alimentation.  Le sous-titre mentionne des essais et des facéties, je dirais que c'est 10% des uns et 90% des autres!

Il y a bien quelques chapitres où j'ai moins accroché, car il était question d'émissions de télé (Les Chefs et autres) que je ne connais pas, mais pour le reste je me suis bidonnée du début à la fin.  Et même l'utilisation de l'écriture inclusive (à laquelle je m'habitue difficilement, je l'avoue) ne m'a pas dérangée; je trouve que cela passe mieux dans ce genre littéraire que dans un roman, par exemple.

Je le recommande chaudement à tous mes lecteurs québécois. Hilarité garantie, sauf si vous n'appréciez pas ce style très oral, avec des anglicismes, du joual et des néologismes à la pelletée.  Lecteurs européens, c'est à vos risques et périls: je crains que vous ne saisissiez pas la plupart des références très locales.

 

Vas-tu finir ton assiette? de Caroline Décoste et Mathieu Charlebois, 2024, 288 p.

24 juillet 2024

La Lionne blanche

Décidément, cette série policière est en passe de devenir une de mes préférées dans ce genre littéraire!

D'abord j'aime beaucoup le personnage principal, le commissaire Wallander.  Il est loin d'être parfait, mais on n'est pas non plus dans le cliché du policier alcoolique et misogyne.  Il essaye d'être un bon père, un bon fils, sans toujours y parvenir.  Il se fâche parfois contre ses collaborateurs mais sait pourtant reconnaître leurs qualités.  D'ailleurs ceux-ci ont énormément de respect pour lui.  Il n'est pas non plus un super-héros; s'il doit escalader une clôture en pourchassant un méchant, ça se pourrait bien qu'il déchire son pantalon!

Mais ce que j'apprécie encore plus, c'est la façon qu'a Mankell de s'inspirer de  l'actualité de son époque, en variant les sujets à chaque tome.  Ici, on est en 1992, en Afrique du Sud.  Nelson Mandela vient de sortir de prison, l'Apartheid sera peut-être aboli, mais certains groupes de la population blanche résistent, en particulier les Boers, dont l'auteur nous rappelle l'histoire.  Un complot se trame dont les ramifications s'étendent jusqu'en Suède!  J'ai adoré que Mankell nous entraîne des bidonvilles jusqu'au bureau du président De Klerk, en passant par Ystad, la petite ville suédoise de ce cher Wallander.  Dépaysement garanti!

Il y a bien un petit truc que j'ai trouvé un peu tiré par les cheveux vers la fin, mais cela n'a pas gâché mon plaisir.  J'ai dévoré ce roman en quelques jours!  Après quelques lectures plus ardues, c'était très agréable de retrouver la plume nette et efficace de Mankell.


La Lionne blanche de Henning Mankell, traduit du suédois en 2004, 487 p. Titre de la version originale: Den vita lejoninnan (1993).

21 juillet 2024

Alexis - Le Coup de Grâce

Alors que j'ai beaucoup aimé mes deux premiers contacts avec Marguerite Yourcenar, ce recueil rassemblant deux courts romans constitue un premier semi-échec...

Alexis:

Même si j'admire toujours autant la plume de Yourcenar, il faut tout de même que la dite plume soit au service d'une histoire présentant un minimum d'intérêt... ce qui n'est pas le cas ici!  L'homosexualité n'étant pas un sujet qu'on pouvait discuter ouvertement à l'époque, le narrateur ne fait que tourner autour du pot pendant 125 pages.  Et comme il est peu sympathique, ses malheurs n'arrivent même pas à nous émouvoir.  J'ai failli abandonner un roman de Yourcenar!!!

Le Coup de Grâce:

Ce deuxième roman, l'histoire d'un amour impossible entre un soldat et la sœur de son meilleur ami, est heureusement plus intéressant.  Là encore, les personnages ne sont pas très sympathiques et l'on s'attache peu à eux, mais au moins il y a un peu d'action et l'ambiance est bien décrite.  J'aurais toutefois apprécié que le contexte historique soit plus à l'avant-plan: on est dans un château décrépi des pays baltes, durant la guerre entre les troupes bolchéviques et anti-bolchéviques germanophiles en 1918, un cadre fort original qui n'est exploité à son plein potentiel qu'à la toute fin du roman.

   

Alexis - Le Coup de Grâce de Marguerite Yourcenar, recueil de deux courts romans parus respectivement en 1929 et 1939, 248 p.