Je me suis gourée dans
un billet précédent, j'ai affirmé que c'était Bertrand Laverdure qui avait parlé de ce bouquin à
Tout le monde tout lu. J'ai fait dans ma tête un amalgame entre ce livre et un autre dont Laverdure a parlé, qui était un récit de voyage. C'est en fait Gabriel Anctil lui-même qui, dans cette même émission sur le thème de la nature et du territoire, vint parler de son premier roman, l'histoire d'un publiciste écoeuré de la superficialité de son monde qui décide de tout lâcher. Mes excuses, donc, à MM. Laverdure et Anctil.
À cause de ce mélange initial, il m'a fallu effectuer une petite gymnastique cérébrale lorsque je me suis aperçue de mon erreur après plusieurs dizaines de pages. C'est sans doute pourquoi j'ai eu un peu de difficulté à accrocher au début, durant la partie qui se déroule à Montréal dans le milieu de la publicité. Dès que le narrateur quitte la ville pour se diriger vers l'est de la province (lui qui n'a jamais dépassé Québec), je me suis mise à vraiment apprécier l'histoire. Il découvre à la fois la beauté des grands espaces et la laideur de la plupart des villages du Bas-du-Fleuve. Décidément, cette région est à l'honneur c'est temps-ci, c'est le troisième roman que je lis en moins d'un an qui s'y déroule en tout ou en partie (avec
La Fiancée américaine et
La Patience des fantômes), alors qu'elle avait peu été exploitée en littérature, à part par Victor-Lévy Beaulieu.
Le héros (plutôt anti-héros, en fait) rencontre des personnages pittoresques et sympathiques. J'ai particulièrement aimé le voisin «speedé», maniaque des films de Bruce Lee, abandonné par sa blonde qui a tout lâché pour, comme on l'apprendra éventuellement, s'en aller vers l'ouest du Canada, pendant féminin du narrateur. On fait aussi la connaissance de nombreux piliers de bars pour qui notre aventurier éprouve un mélange de tendresse et de mépris, et qui semblent représenter une bonne partie de la population masculine de la région (voire des régions en général). À travers ces rencontres comme par les lectures qu'il effectue, il reprend contact avec ses racines familiales et québécoises. Ce n'est qu'à la toute fin cependant qu'il arrivera à se départir de son cynisme et qu'il reprendra goût à la vie.
Si j'ai un assez gros bémol, c'est surtout à cause de plusieurs longueurs dans la deuxième partie du roman, notamment par la répétition des scènes de taverne, avec ou sans descriptions de parties de hockey télévisées, presque jeu par jeu. Les beuveries se succèdent et se ressemblent, et je crois que l'éditeur aurait dû mettre la hachette là-dedans. Il faut dire que je n'aime ni les bars ni le hockey, donc je ne fais sans doute pas partie du public cible... Il y a aussi le fait que le personnage principal dépasse parfois la limite et qu'on se met à le trouver antipathique, ce qui est toujours dangereux en littérature selon moi. J'ai apprécié cependant les dialogues en joual, généralement bien rythmés et mordants, et les descriptions, que j'aurais aimées plus nombreuses, du fleuve majestueux ou déchaîné, ou de la nature splendide et glaciale.
Bref, malgré quelques défauts, un premier roman intéressant et un écrivain prometteur!
La page de l'émission
Tout le monde tout lu! Pour voir l'entrevue de Gabriel Anctil, cliquez sur la photo de Serge Bouchard (qui était l'autre invité cette semaine-là) et rendez vous à la quatorzième minute de diffusion. Cet auteur a aussi été la recrue de juin 2012 du blogue
La Recrue du mois, consacré aux premiers romans québécois.
Merci aux éditions Héliotrope pour l'envoi.
Sur la 132 de Gabriel Anctil, 2012, 454 p. en version numérique.