22 mars 2020

Quatrevingt-treize

(J'écris le titre en toutes lettres car l'édition ci-contre est la seule à avoir utilisé des chiffres... Aussi, ce n'est pas une faute de frappe, «quatre-vingt» s'écrivait sans trait d'union à l'époque, semble-t-il, et les éditeurs au fil des ans ont choisi de garder l'orthographe originale!)

Fait cocasse, j'ai trouvé ce roman dans une boîte à livres quelques semaines à peine après qu'un participant d'un forum en ait parlé de façon élogieuse!  Ce n'est pourtant pas un des titres les plus connus de Victor Hugo...  C'était un signe du Destin, non?  Il a donc rejoint ma PAL et y a séjourné... quelques années!

Du coup, je ne me souvenais pas du tout du résumé.  Je croyais qu'il y serait question de l'exécution de Louis XVI et de Marie-Antoinette.  Alors que non, ça se passe plus tard dans l'année et le gros de l'intrigue se déroule en Vendée, durant la guerre civile qui y a opposé les monarchistes et les républicains.

Deuxième surprise, on entre tout de suite dans l'action et plusieurs chapitres se terminent par un revirement ou une révélation fracassante (de type «Luke, I am your father»), à un point tel qu'il est difficile de poser le livre tant on a envie de connaître la suite (quelqu'un a une bonne traduction pour l'expression page-turner?).  Je m'attendais à un début plus tranquille, comme dans Les Misérables où l'on prend quatre-vingts pages à découvrir la vie du curé Machin qu'on ne reverra plus après la page 120...

Troisième surprise, moins agréable, cette édition bon marché (Bellevue-Capitol pour ne pas nommer la maison) comporte plusieurs coquilles; enfin pas tant que cela, j'ai peut-être été trop sévère, mais après avoir ri des moulets de canon, le ciel constellé de toiles a eu raison de ma patience et je me suis plutôt tournée vers la version du prêt numérique de la BAnQ, celle-là d'excellente qualité.  J'ai donc pu reprendre ma lecture avec grand plaisir.

Par contre, j'ai déchanté dans le deuxième tiers, là où l'intrigue se transporte à Paris.  On y assiste à une longue conversation entre Marat, Danton et Robespierre, ce qui aurait pu être intéressant, mais il me manquait clairement les bases pour bien comprendre la plupart des références et des enjeux.  Pire, Hugo se lance ensuite dans une description de la Convention: architecture et décoration de la salle, énumération des représentants avec un petit commentaire pour chacun (du style Bidule, qui déclara ceci en telle circonstance, encore là ça me passait vingt pieds par-dessus la tête).  Il nous présente ensuite les différents officiers des forces en présence en Vendée, personnages qui n'auront pour la plupart rien à voir dans l'histoire par la suite.  S'ensuivent de longues considérations assez abstraites sur la Révolution. Noyée dans tout cela, la seule partie importante est celle où l'on nous présente l'ancien prêtre Cimourdain, qui jouera un rôle primordial dans l'intrigue.

Je vous avoue que j'ai bien failli tout lâcher tellement cette partie est chiante, excusez-moi mais c'est la vérité!  Et ça dure comme ça de la page 140 à 250 dans l'édition papier. En plus, les personnages auxquels on aurait pu s'attacher (les enfants, la mère, Radoub, Gauvain) ne sont qu'évoqués, il faudra attendre le dernier tiers pour faire vraiment leur connaissance.   Heureusement, en feuilletant un peu plus loin, j'ai vu qu'on retournait en Vendée.  Ça m'a donné la motivation pour continuer.

Et j'ai bien fait puisque dans cette dernière partie, l'action reprend en crescendo jusqu'à la fin, phénoménale.

Alors, je recommande ce bouquin ou pas?  Je recommande, si le style magnifique mais un peu grandiloquent de ce cher Victor ne vous incommode pas; mais à voix basse (pour ne pas qu'on m'accuse de lèse-majesté) je vous suggère de lire en diagonale la partie du milieu... chhuuut!


Quatrevingt-treize de Victor Hugo, 1874, 576 p.

10 mars 2020

The Princess Bride

En général, j'évite de lire un livre lorsque j'ai vu le film qui en est tiré.  A fortiori si je l'ai vu plusieurs fois et que je me souviens très bien de l'histoire.  Or ici, au contraire, le fait d'avoir vu (et adoré) maintes fois le film a plutôt attisé mon envie de lire le roman! C'est donc l'exception qui confirme la règle.  (Au fait, pourquoi une exception viendrait-elle confirmer la règle?  En logique, un contre-exemple n'est-il pas justement suffisant pour démontrer qu'une affirmation est fausse? Je n'avais jamais remis en question cette expression consacrée.   Mais je m'égare...)

Il faut dire que l'intérêt de cette histoire ne réside pas tant dans son intrigue (après tout, c'est un conte, ça finira nécessairement par «et ils vécurent heureux, etc») mais bien plus dans ses personnages originaux et ses dialogues hilarants.  Certaines des répliques du film sont d'ailleurs citées dès que l'occasion s'y prête dans mon groupe d'amis; j'ai été un peu déçue de constater que ma préférée ne se retrouve pas dans le roman, soit dit en passant («Thank you so much for bringing up such a painful subject. While you're at it, why don't you give me a nice paper cut and pour lemon juice on it?»). 

C'est donc avec un immense plaisir que j'ai retrouvé le royaume de Florin et ses habitants, le garçon de ferme devenu pirate Westley, Fezzik le géant amateur de rimes, Inigo l'escrimeur espagnol obsédé par son désir de vengeance et tous les autres.  Bon, j'avoue que la princesse Buttercup est un peu nunuche.  On ne créerait pas un personnage d'une telle passivité en 2020!  Mais d'une part le roman date des années soixante-dix, et d'autre part il se veut un pastiche des contes traditionnels à la Disney.  Je pense qu'on peut donc lui passer ce petit défaut.

Autant on retrouve complètement l'esprit du film (certains dialogues sont repris textuellement), autant il y a des différences qui nous permettent de sentir qu'on ne perd pas son temps: on en apprend beaucoup sur le passé des personnages, notamment Inigo et Fezzik (ça tombe bien, ce sont mes préférés) et plusieurs péripéties sont ajoutées, surtout dans la deuxième partie.  De plus, la partie qui se déroule de nos jours est complètement changée, et beaucoup plus développée.

Pour ceux qui ne connaissent ni le film, ni le bouquin, voici ce qu'on vous promet d'entrée de jeu:
Fencing. Fighting. Torture. Poison. True love. Hate. Revenge. Giants. Hunters. Bad men. Good men. Beautifulest ladies. Snakes. Spiders. Beasts of all natures and descriptions. Pain. Death. Brave men. Coward men. Strongest men. Chases. Escapes. Lies. Truths. Passion. Miracles.
Le livre, tout comme le film, tient sa promesse. 


The Princess Bride de William Goldman, 1973, 400 p.  Titre de la traduction française: Princess Bride (ben oui!)