31 décembre 2020

Bye-bye 2020 (et bon débarras!)

La pandémie a-t-elle changé vos habitudes de lecture?  Je pense que pour bien des gens la réponse est oui.  Manque de concentration, besoin de réconfort ou d'évasion...  

Dans mon cas cependant, je ne crois pas avoir été tellement influencée.  Il faut dire que j'ai eu la chance de continuer à travailler (avec seulement des modifications pour respecter les mesures sanitaires), et je n'ai pas d'enfant ayant dû faire l'école à la maison.  À part bien sûr ne pas pouvoir voir nos amis et nos familles, le train-train quotidien n'a pas été affecté, et donc les lectures non plus... enfin, pas tellement. 

Passons donc à la traditionnelle liste annuelle:

  1. Rouge Brésil de Jean-Christophe Rufin
  2. A Painted House de John Grisham
  3. Manikanetish de Naomi Fontaine
  4. Neverwhere de Neil Gaiman
  5. L'Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar
  6. The Little Stranger de Sarah Waters
  7. The Princess Bride de William Goldman
  8. Quatrevingt-treize de Victor Hugo
  9. The Night Circus d'Erin Morgenstern
  10. Pour mémoire de Dominique Fortier et Rafaële Germain
  11. Le Monde d'hier de Stefan Zweig
  12. Dumb Witness d'Agatha Christie
  13. Être du monde de Maryse Rouy
  14. Vingt-trois secrets bien gardés de Michel Tremblay
  15. L'Adversaire d'Emmanuel Carrère
  16. Into the Forest de Jean Hegland
  17. La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben
  18. La Horde du contrevent d'Alain Damasio
  19. Paris de Edward Rutherfurd
  20. The Wind through the Keyhole de Stephen King
  21. Civilizations de Laurent Binet
  22. Shopaholic takes Manhattan de Sophie Kinsella
  23. Le Père Goriot de Honoré de Balzac
  24. A Study in Scarlet d'Arthur Conan Doyle 
  25. The Historian d'Elizabeth Kostova
  26. 1Q84 (tome 1) de Haruki Murakami
  27.  Les Clefs du Paradise de Michel Tremblay
  28. Terre des hommes d'Antoine de Saint-Exupéry
  29. Trois nouvelles de H.P. Lovecraft (oui je les compte car elles faisaient bien 120 pages à elles trois!)
  30. Le Pendule de Foucault de Umberto Eco
  31. L'Or du roi de Arturo Pérez-Reverte
  32. Roma Eterna de Robert Silverberg
  33. La Nuit de l'erreur de Tahar Ben Jelloun (abandon; je le compte, car j'en ai tout de même lu 175 pages!)

 

Top 3:

Aucune hésitation pour la première place: La Horde du contrevent d'Alain Damasio.  Une expérience de lecture absolument unique.  Pour les deux autres places, c'est moins évident.  Je vais dire L'Adversaire d'Emmanuel Carrère et The Historian d'Elizabeth Kostova, mais redemandez-le moi dans une semaine et ce sera sans doute autre chose.  Comme par exemple Into the Forest de Jean Hegland ou encore The Night Circus de Erin Morgenstern.  Ou bien Le Monde d'hier de Stefan Zweig, ou bien... 

Prix Citron:

Pas de citron cette année, quelques déceptions mais rien de majeur, pas de gros flop!  J'ai bien abandonné un livre (La Nuit de l'erreur de Tahar Ben Jelloun) mais cela ne reflète pas tant la qualité du roman que ma mauvaise disposition pour ce genre d'histoire en ce moment.

Prix Découverte:

Je ne crois pas en avoir parlé ici, mais j'ai expérimenté cette année un nouveau genre littéraire: le manga!  J'ai bien aimé l'expérience!  Je savais déjà qu'il fallait commencer le livre par la fin, si l'on peut dire, mais je ne savais pas que les cases doivent se lire de droite à gauche, et surtout qu'à l'intérieur même d'une case les bulles se lisent dans cet ordre aussi!  Ça demande une petite gymnastique de cerveau mais j'ai été surprise de constater qu'on s'y habitue relativement vite.

Prix «On n'a jamais trop de beauté dans nos vies»:

Décerné à Dominique Fortier en 2018, le prix est remis cette année à Saint-Exupéry pour Terre des hommes et ses descriptions époustouflantes du désert. 

Prix «Ces méchants qu'on adore»:

Arriver à vous donner froid dans le dos tout en vous faisant rire aux éclats, c'est le coup de force accompli par Neil Gaiman avec ses deux tueurs, Mr Croup et Mr Vandemar, dans Neverwhere.


Quelques statistiques:

  • Lus en VO anglaise: 14
  • Littérature québécoise: 5
  • Traduit de l'allemand: 2
  • Traduit de l'espagnol: 1
  • Traduit de l'italien: 1
  • Traduit du japonais: 1
  • Sur la liseuse: 12


Résolution livresque:

Chaque année j'aime me lancer un petit défi, celui de lire une œuvre réputée difficile, qui me fait peur...  En 2020, j'ai eu l'air un peu fou car, un peu à court d'inspiration, j'avais choisi L'Œuvre au noir de Marguerite Yourcenar, qui finalement n'a présenté aucune difficulté! 

Je ne crois pas faire la même erreur en 2021...  J'ai choisi Ulysse de James Joyce, un énorme pavé que bien des lecteurs ont abandonné en cours de route (je connais quelqu'un qui s'y est pris à cinq reprises et n'a toujours pas réussi à passer au travers!).  Contrairement à mes habitudes, je pense le lire en VF, car j'ai déjà jeté un coup d’œil à la VO et le style de Joyce n'a pas l'air facile-facile!  Et je ne pense pas le lire d'une traite mais plutôt étirer cela sur plusieurs semaines, voire quelques mois, en parallèle avec d'autres lectures.  

Et vous, de belles lectures en 2020?  Des projets pour 2021?

 

À vous tous, amis lecteurs, je veux souhaiter du fond du cœur une très belle année 2021, remplie enfin de vrais câlins et de vrais bisous, et surtout de magnifiques lectures! 


28 décembre 2020

La Nuit de l'erreur (abandon)

Oui, j'abandonne!  Ce n'est pas faute d'avoir persévéré, puisque je me suis rendue jusqu'à 175 pages avant de m'y résoudre.  

Pourtant cette lecture avait bien débuté, j'aimais beaucoup me retrouver au Maroc, il y avait un petit côté réalisme magique (une malédiction, un djinn au fond du puits?)...  Toute la partie de l'enfance et de adolescence de la narratrice se lit très bien.  C'est lorsqu'elle atteint l'âge adulte que les choses se gâtent.  On change de narrateur, et cela devient vraiment difficile de distinguer le vrai du faux.  D'une ambiance d'abord onirique, on passe à la confusion, et du coq à l'âne.  Ce roman fait partie de la sélection du Club des irrésistibles de la bibliothèque de Montréal: il a donc plu à bien des gens!  J'ai l'impression que je n'étais pas dans un bon état d'esprit pour ce genre d'atmosphère.  Je n'abandonne pas l'auteur définitivement car j'ai tout de même apprécié sa plume, alors si vous avez des titres à me suggérer...


La Nuit de l'erreur de Tahar BenJelloun, 1997, 313 p.

21 décembre 2020

Roma Eterna (Roma Æterna)

(D'abord, pourquoi le Æ fait son apparition dans le titre français?  Juste pour faire ch... suer ou quoi?  Parce que, hein, qui sait le faire par cœur, le Æ majuscule?)

Deuxième uchronie que je lis cette année (l'autre étant, vous vous en souvenez, Civilizations de Laurent Binet).  Pur hasard.  Je n'en lis pas tant que cela, mais j'aime le principe.  Je crois que mon intérêt remonte à un épisode de la série Twilight Zone (ou peut-être Au-delà du réel ou une autre série télé du genre) que j'ai vu, enfant, où les voyages dans le temps sont devenus monnaie courante et où l'on peut aller visiter différentes époques, en touriste.  Un groupe va visiter la Préhistoire.  Ils sont prévenus qu'ils ne doivent absolument pas quitter le sentier balisé car cela pourrait avoir des conséquences insoupçonnées.  Alors bien sûr, un crétin trébuche et met le pied à côté du sentier, écrasant un insecte.  Et quand le groupe revient au présent, il y a des drapeaux à croix gammée partout.

D'ailleurs, le thème des nazis revient souvent dans les uchronies.  Dans Roma Eterna de Robert Silverberg, non seulement il n'en est pas question, mais les nazis ont même été effacés de l'existence!  Pas seulement eux, mais aussi la bombe atomique et plusieurs autres choses, plaisantes ou non.  C'est que l'exode des Juifs d'Égypte a échoué, le christianisme n'a pas pu se développer et ébranler les assises de l'Empire romain, qui a su résister aux invasions barbares.  Le reste de l'histoire s'en trouve changé, et c'est ce que raconte ce roman en plusieurs chapitres se déroulant à différentes époques, de l'Antiquité à nos jours.  

L'idée de départ est fort intéressante, mais plusieurs détails m'ont empêchée d'apprécier pleinement ce roman.  (Et là, je vais devoir divulgâcher quelque peu, veuillez m'excuser.)  D'abord, j'ai trouvé dommage qu'on ne sache pas les raisons de l'échec de l'exode.  Pourquoi ne pas nous avoir raconté cet épisode?  C'est abordé en un seul paragraphe dans une conversation entre deux érudits romains. Il y a quelques autres raccourcis un peu faciles; on se débarrasse notamment de Mahomet en deux coups de cuillère à pot, et hop! pas d'Islam! 

Certains passages sont tout de même réussis.  J'ai particulièrement aimé celui qui décrit une période ressemblant à la Terreur post-révolution française.  Il y en a aussi un qui fait penser à l'assassinat de la famille du tsar Nicolas II; dommage que ce chapitre commence par une quarantaine de pages d'un ennui profond!  J'ai apprécié également les petits clins d’œil à Léonard de Vinci, à Einstein... La fin du roman a su me surprendre, bien que je ne partage pas du tout la conclusion de Silverberg au sujet de l'importance de la religion pour la civilisation.

Dans l'ensemble, une lecture somme toute intéressante mais très inégale. 

 

Roma Eterna de Robert Silverberg, 1989, 396 p.  Titre de la traduction: Roma Æterna.

27 novembre 2020

L'Or du roi

Les Aventures du capitaine Alatriste, tome 4

Ce billet sera court, car vous savez déjà tout le bien que je pense de cette série.  Aventures, complots, amours impossibles, et toujours cette amitié et cette loyauté entre les deux personnages principaux, tous les ingrédients habituels sont présents, pour notre plus grand plaisir!  Il faut dire qu'après l'expérience assez ardue du Pendule de Foucault d'Umberto Eco, j'avais envie d'une lecture plus légère et enlevée... Une bonne cuillerée d'Alatriste est donc en plein ce qu'il me fallait!

J'ai seulement eu un peu de difficulté à me remettre en tête quelques-uns des personnages secondaires.  J'ai peut-être trop attendu avant de me procurer ce tome 4...  Bah! pensez-vous, le tome 3 a été lu en 2015, ce n'est pas si loin!  En effet, mais cet épisode-là se passait en Flandres, sur les champs de bataille, alors que là, on retourne en Espagne (à Séville, plus précisément) et on retrouve la trame des deux premiers tomes...  Ça commence à être un petit peu flou! 

Bref, note à moi-même, ne pas attendre si longtemps pour le tome suivant, ok?


L'Or du roi (Les Aventures du capitaine Alatriste, tome 4) d'Arturo Pérez-Reverte, traduit de l'espagnol, 2002, 314 p.  Titre de la version originale: Oro del Rey.

13 novembre 2020

Le Pendule de Foucault

Ouf!  Pas fâchée d'avoir terminé cette brique d'Umberto Eco qui m'a tenue occupée plus d'un mois!  Pas qu'elle soit inintéressante, bien au contraire.  J'ai beaucoup aimé l'idée de départ: pourquoi les Templiers se sont-ils tous laissés arrêter sans résistance en cette année 1307, alors qu'ils étaient mieux équipés, mieux entraînés que leurs adversaires?  Y avait-il un plan secret, à long terme, qui nécessitait que l'Ordre devienne caché, souterrain?  Trois amis, employés d'une maison d'édition milanaise, se penchent sur le sujet. 

Des dialogues vivants, des références nichées et un bon suspense ont réussi à soutenir mon intérêt jusqu'à la fin, délicieuse.  Une chance, parce que oh là la! ce qu'il aime tartiner épais, cet Umberto!  Il est érudit et il veut que ça se sache.  Il a bien failli me perdre à quelques reprises avec les nombreux personnages, historiques ou fictifs, et la multitude de sectes et de sociétés secrètes plus ou moins imbriquées les unes dans les autres.  Il y a aussi un long passage se déroulant au Brésil qui, à mon avis, n'ajoute pas grand-chose à l'intrigue. 

Il y a très longtemps, j'ai tenté  de lire Le Nom de la rose, du même auteur, et je l'ai abandonné.  J'ai toujours pensé que si j'avais eu le suspense de l'intrigue pour me soutenir durant les longues digressions théologiques, j'aurais persévéré (ayant vu le film au moins cinq fois, je connaissais l'histoire par cœur)... Eh bien, ce n'est plus une supposition, c'est maintenant une certitude!

Le commentaire qui revient le plus souvent sur les forums et blogues, c'est que les gens ont abandonné ce roman après x pages...  Quel dommage!  Pour l'apprécier, essayez mon petit truc: faut pas essayer de tout comprendre! Ha ha ha!  Entre le vocabulaire abscons (oui, Umberto, tu n'es pas le seul à posséder un dictionnaire des synonymes!), les références obscures et les citations en latin, en grec ou en hébreu (!), n'importe qui s'y perdrait à moins d'être médium et d'avoir à côté de soi le fantôme d'Eco pour tout nous expliquer.  Il faut lâcher prise et juste apprécier l'intrigue bien pensée, les dialogues intelligents et souvent amusants, et la visite de lieux originaux (j'ai particulièrement aimé découvrir le Conservatoire des Arts et Métiers à Paris, où se trouve d'ailleurs le pendule en question).  Essayez, ça vaut la peine!


Le Pendule de Foucault d'Umberto Eco, traduit de l'italien, 1988, 656 p.  Titre de la version originale: Il pendolo di Foucault.

02 novembre 2020

Trois nouvelles de Lovecraft

Je connaissais un peu l'univers de H.P. Lovecraft pour avoir joué, il y a des lustres et très brièvement, au jeu de rôle The Call of Cthulhu et pour avoir vu quelques adaptations cinématographiques.  Et surtout pour être mariée depuis plus de trente ans avec un fan fini du monsieur!  Et pourtant, je n'avais jamais rien lu de cet écrivain américain.

Lorsque le thème «classiques de l'horreur» a été choisi pour le club de lecture du mois de septembre de Livraddict, j'ai pensé que c'était l'occasion ou jamais et j'ai suggéré un de ses recueils de nouvelles.  Bon, pour la petite histoire, c'est finalement Misery de Stephen King qui a été sélectionné (clairement, tout le monde n'a pas la même définition d'un classique que moi, et ce, sans rien enlever à M. King, que j'aime beaucoup, comme vous savez!).  Mais comme ma proposition était arrivée deuxième au scrutin, j'ai décidé d'organiser une lecture commune et nous avons choisi le mois d'octobre, pour être dans l'ambiance d'Halloween.  Chacun devait lire la nouvelle The Call of Cthulhu (L'Appel de Cthulhu) ainsi que d'autres nouvelles de son choix, si désiré, ce qui nous a offert un bon panorama et a donné lieu à d'intéressantes discussions.

Pour ma part, j'ai lu trois nouvelles en VO, tirées de deux recueils différents. 

The Call of Cthulhu (L'Appel de Cthulhu) - 1926

De prime abord, la plume de Lovecraft m'a surprise par son côté un peu daté.  Son style m'a fait penser à celui de Herman Melville, dont l’œuvre maîtresse est parue en 1851!  Le rapprochement est encore plus évident lors d'un passage qui se déroule en mer, évoquant fortement Moby Dick

La première surprise passée, j'ai pu apprécier la façon dont Lovecraft sait installer une ambiance angoissante.  C'est vraiment sa principale force, comme j'ai pu le constater dans les deux autres nouvelles. 

Certaines des participantes à la lecture commune ont été choquées par un paragraphe où le jupon raciste de M. Lovecraft dépasse.  Car, oui, il était connu pour des idées qui ne sont plus tellement au goût du jour, c'est le moins qu'on puisse dire.  Ce que j'ai trouvé étrange, c'est que ce biais raciste ressort nettement plus dans la traduction que dans la version originale, du moins pour ce passage particulier, qu'une des participantes a partagé sur le fil de discussion.  Je ne trouve pas cela très honnête de la part du traducteur (mais il s'agit peut-être en fait d'une maladresse, car j'ai trouvé la traduction d'une des phrases plutôt bancale).

The Color Out of Space (La Couleur tombée du ciel) - 1927

Une autre des forces de Lovecraft, c'est d'obliger notre cerveau à tenter d'imaginer des trucs inimaginables...  Dans la nouvelle précédente, c'était une île étrange où les lois de la géométrie euclidienne ne sont pas respectées, ici c'est une couleur qui ne fait pas partie du spectre visible.  Essayez de l'imaginer, pour voir!  Il évoque aussi, mais sans les décrire précisément, une flore et une faune mutantes, ce qui laisse notre imagination faire tout le travail...

The Dunwich Horror (L'Horreur de Dunwich ou L'Abomination de Dunwich) - 1928

Celle-ci est ma préférée, je crois.  La gradation dans l'horreur est parfaitement maîtrisée et plusieurs détails viennent renforcer l'atmosphère de plus en plus angoissante, comme ces engoulevents qui crient de façon rythmée pour annoncer la mort de quelqu'un (et peut-être même s'emparer de son âme au moment du trépas!).


En conclusion, j'ai beaucoup aimé découvrir cet écrivain qui est une référence en littérature fantastique.  Par contre, je n'enfilerais pas tout un recueil au complet.  J'ai l'impression qu'on peut facilement devenir saturé de ce climat étouffant.  Par contre, je lirai certainement d'autres nouvelles à l'occasion, peut-être pour la prochaine Halloween?


The Call of Cthulhu and Other Weird Stories de H.P. Lovecraft, première publication des nouvelles dans les années 1920-1930, 448 p.
The Thing on the Doorstep and Other Weird Stories de H.P. Lovecraft, première publication des nouvelles dans les années 1920-1930, 464 p.  

Pour les traductions françaises, il existe de multiples éditions regroupant les différentes nouvelles...

06 octobre 2020

Terre des hommes

Surprise! Ce livre n'est pas un roman mais plutôt un recueil de souvenirs dans lequel Saint-Exupéry nous raconte le métier d'aviateur civil dans les années 1930.

Je vous mets cette couverture dont j'aime bien les couleurs...  Certaines éditions sont hideuses!  Quant au bouquin que je possède (imprimé en 1941 et qui a appartenu à mon père), s'il a déjà eu une jaquette, celle-ci a disparu et il ne reste que la couverture cartonnée de couleur bourgogne.  Sur le blogue ce ne serait pas très décoratif, mais en vrai c'est plutôt agréable.  C'est un tout petit volume aux pages jaunies, on a presque l'impression de lire un livre de messe!  Cela aide beaucoup à instaurer l'ambiance de recueillement propice à la lecture de certains passages qui sont d'une beauté à couper le souffle, comme par exemple les descriptions du désert la nuit. (Je me serais passée de l'odeur de vieille colle, par contre.  Je n'ai jamais compris les nombreuses personnes qui aiment renifler leurs livres, neufs ou anciens, mais c'est une autre histoire.)

D'une telle beauté qu'il ne faut pas tenter de lire ce livre rapidement, selon moi.  Il faut le déguster quelques pages à la fois; c'est pourquoi, vous l'aurez peut-être remarqué dans la colonne de droite du blogue, cela m'a pris quelques mois pour l'achever!  C'est un peu comme visiter une grande exposition au musée: après un certain temps on ne voit plus rien, on devient gavé de tant de magnificence (ou bien suis-je la seule à qui ça arrive?), ce qui est d'autant plus dommage que les plus belles pièces sont souvent à la fin!

On en apprend aussi beaucoup sur les aléas du métier en ces débuts de l'aviation.  Ainsi pour se diriger, il fallait se fier tout autant à ce qu'on voyait par le hublot qu'aux quelques instruments de bord disponibles, ce qui compliquait drôlement les choses lors de vols nocturnes ou par temps nuageux!  L'écrivain relate aussi quelques-unes de ses expériences comme journaliste de guerre, notamment durant la guerre civile en Espagne.

Seul petit bémol, quelques passages plus philosophiques m'ont semblé avoir moins bien vieilli.  J'ai senti que l'écrivain nous faisait presque la morale, adoptant un ton un peu pontifiant.  Heureusement ils sont peu nombreux et tout le reste est un pur délice.   

Maintenant, est-ce que je devrais relire Le Petit Prince, selon vous?  Enfant, je l'ai lu plusieurs fois, mais tout ce dont je me souviens c'est que le dessin du serpent ayant avalé un éléphant me faisait bien rigoler.  Plus, bien sûr, les quelques citations qui sont reprises un peu partout: «L'essentiel est invisible pour les yeux», etc.  Est-ce que je risque d'être déçue, vous croyez?

 

Terre des hommes d'Antoine de Saint-Exupéry, 1939, 253 p.

02 octobre 2020

Les Clefs du Paradise

La Diaspora des Desrosiers, tome 7

Un récit un peu... éparpillé?  On dirait qu'ici Tremblay veut faire le point sur chaque personnage de la diaspora...  Ce n'est pas une mauvaise idée en soi, mais je me suis un peu perdue entre les deux branches de la famille!  Un arbre généalogique n'aurait pas été de trop.  J'aurais peut-être dû également lire un résumé des tomes précédents car ma lecture de La Grande mêlée remonte à... 2014!  J'ai lu Au hasard la chance il y a deux ou trois ans mais il porte presque exclusivement sur le personnage de Ti-Lou, donc cela ne m'a pas aidée à me remémorer tous les membres de cette famille nombreuse! 

Ne boudons pas notre plaisir, je me suis quand même bien amusée et j'ai été émue durant cette lecture.  J'ai particulièrement aimé l'évolution d'Édouard -- on assiste au début de sa transformation en «Duchesse de Langeais» --, ce qui est paradoxal puisque je n'avais pas trop apprécié ce personnage dans Les Chroniques du Plateau.  (Avis aux intéressés, Tremblay en profite pour divulgâcher complètement le roman de Balzac!)

Les passages où Josaphat se lie d'amitié avec un certain patient de l'hôpital Saint-Jean-de-Dieu sont également très touchants.  Je vous laisse découvrir de qui il s'agit! 


Les Clefs du Paradise (La Diaspora des Desrosiers, tome 7) de Michel Tremblay, 2013, 254 p.


21 septembre 2020

1Q84 (livre 1, avril-juin)

Hum!  Comment parler de ce roman d'Haruki Murakami... Sachez tout d'abord qu'on suit en parallèle deux personnages qui semblent au départ n'avoir aucun lien entre eux.  L'un est professeur de mathématiques et veut devenir écrivain, l'autre, une jeune femme, exerce un métier bien particulier.  On est à Tokyo en 1984, mais il se passe des trucs vraiment bizarres!  Peut-être qu'on n'est pas vraiment en 1984, mais en 1Q84!?!

Je ne vous en dirai pas beaucoup plus, comme il ne s'agit que du tome 1 d'une trilogie, à part que l'intrigue est extrêmement... intrigante!  Et, fidèle à ses habitudes, Murakami nous enveloppe dans une ambiance étrange, onirique.  Les personnages, bien qu'ils puissent paraître presque antipathiques au départ, deviennent de plus en plus attachants à mesure qu'on apprend à les connaître.  Seul petit bémol, je ne suis pas fan de la traduction, qui m'a semblé boiteuse à quelques reprises.

J'ai très hâte de connaître la suite!  Pour la petite histoire, c'est ma mère qui a trouvé ce tome et le suivant dans la boîte à livres de son quartier; je lui ai suggéré d'aller y mettre une note: «Et le tome 3, alors?»

Je n'enchaîne pas tout de suite avec le tome 2 (même si ce n'est pas l'envie qui manque!), car j'ai quelques livres de bibliothèque à lire auparavant.  Oui, on peut maintenant aller à la bibliothèque, se promener dans les allées, toucher les livres, et tout et tout!  Enfin, pour l'instant, car Montréal est passée en zone orange depuis dimanche, alors qui sait ce que l'avenir nous réserve?  L'atmosphère de la ville ces temps-ci est presque aussi surréaliste que celle du Tokyo de Murakami.


1Q84 (livre 1, avril-juin) de Haruki Murakami, traduit du japonais, 2009, 548 p.  Titre de la version originale: 1Q84 (book 1).

06 septembre 2020

The Historian (L'Historienne et Drakula)

Voilà un excellent roman fantastique, qui a les défauts de ses qualités...

Je m'explique.  Il mêle plusieurs genres: fantastique, historique, thriller, épistolaire, récit de voyage.  Le tout épicé de mises en abyme à répétition.  En soi j'adore ces espèces de pots-pourris, mais parfois un genre peut nuire à l'autre!  Par exemple, dans le thriller on aime que l'intrigue soit menée tambour battant, mais dans l'historique et a fortiori dans le récit de voyage, les descriptions détaillées, voire minutieuses, sont les bienvenues.

Cela a eu pour effet que j'ai eu un peu de difficulté à adhérer à ce roman pour les cent premières pages environ.  Ça n'avançait pas!  Heureusement, il n'a jamais été question d'abandonner, car j'aimais déjà l'ambiance universitaire et les personnages érudits.  Par la suite, l'intrigue devient tout à fait passionnante, et les ralentissements ne servent qu'à mieux nous surprendre lorsqu'arrive un revirement ou une révélation.  Et si parfois l'on a tendance à se perdre dans toutes ces histoires de monastères et de parchemins, aussitôt l'auteure nous remet dans le droit chemin avec un dialogue où un des personnage fait, mine de rien, un petit résumé de la situation. J'ai trouvé cela fort habile de sa part.

La fin est à la hauteur du reste de l'intrigue, à part pour un petit détail.  J'espérais que certaines coïncidences seraient expliquées (par deux fois, les héros rencontrent par hasard des gens qui sont intéressés par la même quête qu'eux), mais finalement cela reste des coïncidences, ce qui m'a semblé un peu facile.

En bref, une lecture fort intéressante, intelligente, avec une ambiance du tonnerre (j'ai particulièrement aimé les parties qui se déroulent à Constantinople ainsi que dans un petit village perdu en Bulgarie, et une scène dans un train français m'a fait dresser les poils sur la nuque), mais qui est juste un peu lente à démarrer.


The Historian de Elizabeth Kostova, 2005, 816 p.  Titre de la traduction française: L'Historienne et Drakula.

19 août 2020

A Study in Scarlet (Une Étude en rouge)

J'ai dans ma PAL un gros recueil d’œuvres d'Arthur Conan Doyle qui rassemble tous les titres publié originalement dans la revue The Strand, soit trois suites de nouvelles et un roman (The Hound of the Baskervilles, lu il y a quelques années).

Même si ça s'apparente au supplice de Tantale (ou est-ce Sisyphe, enfin, celui avec la grosse roche, là!), je tente toujours de faire baisser ladite PAL...  Et comme ce cher Arthur a été élu l'auteur du mois d'août sur le forum Livraddict, j'ai décidé de participer à la fête en lisant une première série de nouvelles.  Mais dès la première page, paf! on fait référence à Study in Scarlet!  Crotte, va-t-on complètement me divulgâcher ce roman?  Je croyais que les aventures du détective et de son comparse pouvaient se lire dans n'importe que ordre, un peu comme celles d'Hercule Poirot chez Agatha Christie, mais apparemment non.

Donc pour faire une longue histoire courte euh... quand même assez longue, en fait, bing! retour du recueil dans la PAL, bang! téléchargement du roman qui est le premier de la série, zip! chargement de la batterie de la liseuse, et pouf! je me pose le derrière dans mon fauteuil avec un café glacé en main et j'entame A Study in Scarlet!

Toute la première partie est un délice; on assiste notamment à la rencontre initiale entre les célèbres colocs, Sherlock et Watson!  Les dialogues sont fort amusants et il est intéressant de voir les deux personnages apprendre à se connaître.

Au début de la deuxième partie, stupéfaction: on se trouve transporté trente ans plus tôt, dans l'Ouest américain!  La transition est si abrupte que j'ai pensé que ma copie numérique avait un défaut, qu'il me manquait un chapitre...  J'ai même téléchargé la version française pour vérifier, mais non, la même chose s'y produisait. Finalement j'ai compris qu'il s'agit d'un flashback qui aura éventuellement un lien avec l'énigme qu'on tente de résoudre.  Ce très long passage ne m'a pas enchantée, même s'il n'est pas inintéressant; c'est que je n'y trouvais plus ce que je recherchais dans cette série: l'ambiance british, les réparties savoureuses.

Quand on revient finalement à l'intrigue principale, l'énigme est résolue en deux coups de cuillère à pot, bonsoir, merci.

Je vais garder quand même un bon souvenir de ce court roman, mais il ne sera certainement pas mon préféré.  Si vous voulez un premier contact avec les aventures du grand détective, je vous conseille plutôt Le Chien des Baskerville, qui peut se lire de façon indépendante (même s'il a été publié plus tard) et qui a une ambiance du tonnerre!


A Study in Scarlet d'Arthur Conan Doyle, 1887, 111 p.  Titre de la traduction française: Une Étude en rouge.

09 août 2020

Le Père Goriot

Je ne sais plus trop quel âge j'avais lors de mon premier contact avec Balzac.  Peut-être quinze ans?  C'était Le Lys dans la vallée. Tout ce dont je me souviens, c'est que le style de Balzac m'avait donné du fil à retordre.  Mais apparemment, j'y avais tout de même trouvé mon profit puisque j'en ai lu quelques autres dans les mois ou années suivantes: Eugénie Grandet, peut-être Splendeurs et misères des courtisanes, peut-être aussi Le Chef-d’œuvre inconnu (mais j'ai tendance à le mélanger avec L’Œuvre de Zola, les deux se passant dans le milieu de la peinture).

Une quarantaine d'année plus tard, ayant trouvé Le Père Goriot dans la bibliothèque de Gropitou, j'ai décidé de retenter l'expérience.  Et apparemment, je n'ai pas tant changé que cela car le résultat est assez similaire!

Plus précisément, c'est lorsque Balzac se lance dans des notions abstraites qu'il me perd complètement.  Il y a notamment un long paragraphe sur la psychologie du personnage principal, Eugène de Rastignac, que j'ai lu trois fois sans arriver à comprendre ce que l'auteur voulait nous dire.  Par contre, les descriptions concrètes de lieux sont non seulement bien lisibles, mais je dirais même qu'on croirait y être.  Lorsqu’il nous dépeint la maison où se déroule une bonne part du récit, une sorte de pension miteuse, on peut presque sentir l'odeur d'humidité et de poussière!  Quant aux dialogues, ils sont souvent savoureux, et l'intrigue nous tient en haleine jusqu'à la toute fin.

Alors, qui est ce Père Goriot, anciennement riche bourgeois, maintenant méprisé par les autres pensionnaires de la Maison Vauquer et pourtant visité à l'occasion par deux jolies jeunes femmes habillées à la dernière mode?  Qui est cet énigmatique Vautrin?  Quel rôle joueront-ils dans la vie de Rastignac, jeune étudiant en droit naïf mais ambitieux, fraîchement débarqué à Paris?  Je vous laisse découvrir tout cela et bien d'autres choses!  Quant à moi, je lirai de nouveau ce cher Honoré, c'est sûr, car j'y ai pris beaucoup de plaisir (quitte à survoler les parties trop abstraites, mais chhhut! ce sera notre petit secret!). 


Le Père Goriot d'Honoré de Balzac, 1835, 254 p.

05 août 2020

Shopaholic Takes Manhattan (L'Accro du shopping à Manhattan)

Shopaholic (L'Accro du shopping), tome 2


OMD!  (Car pourquoi ne pas franciser cette fameuse expression prisée des jeunes, OMG!...  Il faudrait mettre l'Office québécois de la langue française sur le cas.)

OMD, donc.  Je ne peux pas croire que cela fait déjà dix ans que j'ai lu le tome 1 de cette série amusante! Presque jour pour jour, en fait, puisque mon billet date du 30 juillet 2010.  Nous venions de déménager, je me souviens l'avoir lu bien relax sur le balcon de notre nouvel appartement, en compagnie des p'tits oiseaux et des écureuils.

Cette fois-ci, impossible de s'installer dehors pour lire, car ces jours-ci l'on alterne entre canicules et orages électriques (parfois les deux en même temps).  Heureusement, cela ne m'a pas empêchée d'apprécier les aventures rigolotes de Becky, la personnification même de l'adage «faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais»: conseillère financière, elle est aussi acheteuse compulsive!

Si elle est toujours aussi sympathique et si l'on s'amuse toujours autant à suivre ses mésaventures, j'ai trouvé cette fois l'intrigue beaucoup plus prévisible, en particulier la fin que j'avais vue venir longtemps d'avance.  Le tome 3 est déjà dans ma PAL, j'espère qu'il saura me surprendre davantage, et aussi que ça ne me prendra pas un autre dix ans pour m'y mettre!

Fait cocasse, les éditeurs semblent incapables de se mettre d'accord sur le titre à donner à ce tome: il y en a deux différents en anglais et trois en français!  J'ai mis les plus connus dans ma notice bibliographique ci-dessous, voici les autres: Shopaholic Abroad, Becky à Manhattan et Shopping à Manhattan.  Vous avez l'embarras du choix!


Shopaholic takes Manhattan (série Shopaholic, tome 2) de Sophie Kinsella, 2002, 269 p. Titre de la traduction française: L'Accro du shopping à Manhattan.


25 juillet 2020

Civilizations

Quelle délicieuse uchronie!

Laurent Binet imagine ici que des Vikings ont découvert l'Amérique plusieurs siècles avant Christophe Colomb, apportant aux peuplades locales des chevaux, des anticorps et leur apprenant à utiliser le fer.  Du coup, les Espagnols ne conquirent pas le continent et ce sont plutôt les Incas qui firent le voyage inverse...

Petit avertissement, la première partie est écrite dans le genre d'une saga scandinave, donc dans un style assez froid, sans dialogue, ce qui peut rebuter le lecteur.  Heureusement cette partie est assez courte et ne sert qu'à établir les bases de l'uchronie.  Ensuite on plonge dans le journal de bord de Christophe Colomb et c'est déjà beaucoup mieux.  Mais c'est dans la troisième partie, qui raconte les aventures d'un groupe d'Incas qui devront s'exiler, que cela devient vraiment savoureux, surtout à partir de leur arrivée en Europe.  En effet, leur incompréhension des mœurs et coutumes locales donnent lieu à des observations très amusantes.  On peut noter un un certain essoufflement vers la fin de cette section mais c'est quand même très réussi.

Un petit extrait pour vous mettre dans l'ambiance:

[Les Protestants] étaient obsédés par la question de l’endroit où ils iraient après leur mort, et du meilleur moyen d’être sauvés, c’est-à-dire d’aller au ciel rejoindre leur dieu cloué (qui pourtant devait revenir sur terre à une date indéterminée, si bien que Chalco Chimac pensait qu’ils risquaient de se croiser) et non sous la terre où l’on brûlait les morts indéfiniment, sauf dans un endroit transitoire d’où l’on pouvait sortir au bout d’un certain temps, mais sûrement pas en rachetant son séjour, de son vivant, avec des florins.

En complément de programme, la quatrième partie fait un petit clin d’œil à différents écrivains et artistes de la Renaissance.

Comme c'est souvent le cas dans les uchronies, il vaut mieux avoir une certaine connaissance préalable de la période concernée, ou à tout le moins l'envie de se renseigner au fur et à mesure (bonjour, Wikipédia!).  Vraiment, une très jolie découverte, d'un auteur que je ne connaissais pas du tout!


Civilizations de Laurent Binet, 2019, 243 p.

15 juillet 2020

The Wind Through the Keyhole (La Clé des vents)

The Dark Tower (La Tour sombre), tome 4.5


Quel plaisir de retrouver les personnages et l'univers de la formidable saga Dark Tower!  En effet, plusieurs années après la parution du tome qui clôt la série, Stephen King nous offre ce petit roman à tiroirs (une histoire dans une histoire dans une histoire) dont l'intrigue se situe chronologiquement entre les tomes 4 et 5, d'où l'appellation de 4.5.  On aurait pu tout autant le désigner «hors-série» puisqu'il n'aura aucun impact sur la suite...  

Le groupe ayant été forcé de s'abriter de la tempête dans une maison abandonnée, Roland leur raconte au coin du feu une de ses aventures de jeunesse, au cours de laquelle il rencontra un petit garçon auquel il raconta une légende que sa mère lui contait quand il était enfant.

Si j'ai été déçue que finalement on délaisse assez rapidement le groupe, j'ai pris énormément de plaisir à lire ces histoires imbriquées les unes dans les autres, remplies de références à la série et même à d'autres œuvres (un lion nommé Aslan...) et qui apportent un nouvel éclairage sur le passé de Roland.  Bon, en fait, j'avoue tout, c'est surtout Oye le billy-bumbler que j'avais hâte de retrouver, il est tellement chou!  Imaginez un mélange entre un raton-laveur, un chien et un perroquet...  Or, mini-divulgâcheur, il y a six billy-bumblers tout mignons dans le conte!


The Wind Through the Keyhole (The Dark Tower, tome 4.5) de Stephen King, 2012, 254 p.  Titre de la traduction française: La Clé des vents.

10 juillet 2020

Paris

Petite déception...  Le plus récent roman d'Edward Rutherfurd n'est pas mauvais, mais il est loin d'être au même niveau que ses précédents...  Et ce, pour deux raisons.

1) Il faut d'abord savoir que les autres romans de cet auteur sont tous construits de la même façon:  on suit les descendants de différentes familles sur une très longue période, toujours dans un même lieu.  On voit donc une société se bâtir sous nos yeux, ce qui est fascinant.  Ici toutefois, on ne remonte pas très loin dans le temps, seulement à l'époque de Henri IV, et non jusqu'aux Gaulois comme je l'espérais, et on se concentre surtout sur la période 1870-1945.  Or c'est une période qui a déjà été beaucoup exploitée en littérature...

2)  Au lieu de procéder de façon chronologique comme d'habitude, Rutherfurd décide de changer sa recette et de mêler les époques.  Malheureusement, on n'a plus cette impression d'évolution que je décrivais ci-dessus, et on s'y perd même un peu parmi les générations des différentes familles.  Il y a bien un arbre généalogique au début, mais impossible de le consulter sans divulgâcher l'intrigue, puisque celle-ci repose souvent en bonne partie sur des histoires amoureuses (qui va épouser qui, etc).

Cela dit, on ne s'ennuie pas, on rencontre des personnages historiques intéressants (Hemingway, Monet, Richelieu) et il y a même un certain suspense par moments.  J'ai même versé une petite larmette à la fin!  Mais ce n'est certainement pas ce titre que je recommanderais à qui voudrait découvrir cet écrivain (essayez plutôt London, mon préféré).


Paris d'Edward Rutherfurd, 2013, 809 p.  Non traduit.

27 juin 2020

La Horde du Contrevent

Coup de cœur!

Ce bouquin de Alain Damasio prend la tête dans la course au «Top 3» du bilan annuel...  J'ai fait plusieurs excellentes découvertes depuis le début de l'année, mais rien qui lui arrive au gros orteil!

Par contre, ce billet n'arrivera pas à lui rendre justice, je le sens.  D'abord, c'est dur d'en parler sans divulgâcher.  Et c'est une lecture dense, exigeante.  En plus, j'avais pris quelques notes mais comme je l'ai lu en prêt numérique et que ça m'a pris plus de vingt et un jours, le fichier s'est fermé et j'ai dû le télécharger de nouveau pour lire le dernier chapitre!  Adieu les notes!

Pour vous situer un peu, disons que ça se passe sur une planète balayée en permanence par le vent, au point qu'une véritable mythologie, voire une philosophie, s'est bâtie autour de cet élément météorologique, ainsi qu'un vocabulaire spécialisé.  De génération en génération, des expéditions sont formées pour remonter jusqu'à l'Extrême-Amont, pour connaître enfin la source de ce vent.

Il s'agit d'un roman choral, chaque passage étant raconté par un membre différent de l'expédition, identifié par son symbole.  À ce sujet, je vous recommande fortement de vous transcrire la liste des vingt-quatre personnages (avec leur symbole et fonction) sur un post-it, signet ou tatoué sur votre avant-bras.  Si vous retournez constamment à la liste au début du livre, vous ne vous en sortirez pas.  Aussi, je me suis rendu compte à la toute fin qu'il y avait en annexe une présentation des personnages, mais en fait je suis contente de ne pas l'avoir su car je trouve que découvrir peu à peu la personnalité et le passé de chacun fait partie du plaisir.  On s'aperçoit aussi qu'ils ont chacun leur façon de s'exprimer, leur voix propre.

Damasio est un de ces auteurs qui font confiance à leurs lecteurs.  Il ne nous sert pas tout sur un plateau d'argent, il nous fait travailler les méninges!  L'effort en vaut la peine.  C'est un roman qui va me trotter en tête un petit bout de temps.  Et comme il fait l'objet du club de lecture de juin de Livraddict, j'ai extrêmement hâte de pouvoir en discuter avec les autres participants!

Je ne vous en dis pas plus, allez vite le découvrir!  


La Horde du Contrevent de Alain Damasio, 2004, 578 p.

02 juin 2020

La Vie secrète des arbres

Quand la poésie s'unit à la science, ça donne un livre comme celui-ci, un livre qui nous fait rêver tout en nous instruisant.

On y apprend ainsi que les arbres communiquent entre eux, par leurs racines entrecroisées mais aussi en dégageant des composés chimiques que le vent transporte d'un individu à l'autre, ou encore par l'entremise de champignons...

On y apprend que les arbres ont une certaine forme de mémoire...

On y apprend pourquoi les arbres urbains ou ceux des boisés créés par l'homme sont beaucoup plus susceptibles aux parasites et aux mauvaises conditions météorologiques...

On y apprend que l'arbrisseau d'un mètre de haut, qu'on croirait vieux d'un an ou deux, est peut-être là depuis quarante ans, à attendre son heure...

On y apprend que le tremble (mon arbre préféré car le moindre souffle fait s'agiter ses petites feuilles rondes) peut créer un réseau de racines s'étendant sur des kilomètres à la ronde, d'où surgissent de multiples troncs; et que donc, ce qu'on pense être plusieurs arbres est souvent en fait un seul et même organisme...

Et je pourrais continuer comme cela longtemps!  C'est une lecture vraiment fascinante.  Je craignais qu'il n'y ait un petit côté ésotérique, mais non, tout est appuyé par la science, bibliographie à l'appui.   Seul petit défaut, on remarque parfois certaines répétitions, par exemple un même mot dont la définition est donnée plusieurs fois.  Cela me laisse conclure que ce livre est fait pour être lu petit à petit, et non pas tout d'une traite.  Certains commentateurs qui ont déjà des connaissances en botanique ont aussi relevé quelques imprécisions (certaines pouvant être dues à la traduction, d'autres non) ou généralisations.

Après cette lecture, une promenade en forêt ne sera plus jamais pareille!


La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben, traduit de l'allemand, 2015, 216 p.  Titre original: Das geheime leben des baüme.

30 mai 2020

Into the Forest (Dans la forêt)

J'aime généralement les romans de style post-apocalyptique (sous-genre de la SF):  La Route et Station Eleven, par exemple, ont été de gros coups de cœur.  Ces histoires font souvent ressortir ce qu'il y a de mieux et de pire chez l'humain.  Alors quand on a su le résultat du vote pour la lecture de mai du club de lecture du forum Livraddict (dont le thème était ce mois-ci la forêt), je n'ai pas hésité.  Cela dit, quelques semaines s'étant écoulées entre le choix et la lecture, je me souvenais à peine (bon pas du tout, en fait) du genre en question et j'ai découvert ce roman sans a priori.

Into the Forest de Jean Hegland (auteure américaine jusque-là inconnue de moi) m'a beaucoup fait penser au Mur invisible de Marlen Haushofer, que j'aurais d'ailleurs pu nommer dans les coups de cœur ci-dessus.  Comme dans ce dernier, il y est question de reconnecter avec la nature, de redécouvrir les gestes ancestraux nécessaires à la survie, de faire le deuil du confort et de la sécurité qu'on prenait pour acquis.  Mais il s'y ajoute d'autres thèmes fort bien développés, notamment l'amour sororal (merci à mon ami Le Petit Robert, ou Ti-Bob, de m'avoir confirmé l'existence de ce terme; pourquoi utilise-t-on «fraternel» quand il n'y a aucun frère en vue?), le deuil, les premières amours et le passage de l'adolescence à l'âge adulte.  Car, encore plus qu'un roman post-apocalyptique, on est devant un magnifique «roman d'apprentissage».  Il est aussi question de libre-arbitre: «you are your own person», répétait souvent la mère des deux protagonistes.

L'intrigue?  À la suite d'une série de catastrophes naturelles et d'épidémies (c'est assez flou), la civilisation moderne s'est effondrée progressivement.  Après la mort de leurs parents, deux sœurs de 16 et 17 ans se retrouvent isolées dans leur maison dans la forêt et doivent apprendre à se débrouiller toutes seules pour survivre.  Je vous laisse découvrir les péripéties qu'elles vivront, certaines prévisibles, d'autres surprenantes, et qui nous sont racontées par la plus jeune dans son journal.  Au moment d'écrire ces lignes, la discussion du club de lecture n'a pas encore eu lieu; j'ai vraiment hâte de voir ce que les autres auront pensé de la fin, notamment.  En tous cas, je dois dire que ce roman correspond vraiment bien au thème puisque la forêt y est très présente, tant comme menace que comme refuge et moyen de subsistance.


Au cas ou ça intéresserait quelqu'un, le thème de juin, proposé par votre humble servante, est la science-fiction francophone, et le livre sélectionné est La Horde du Contrevent de Alain Damasio.  Tous sont bienvenus!


Into the Forest de Jean Hegland, 1996, 201 p.  Titre de la traduction française: Dans la forêt.

26 mai 2020

L'Adversaire

Quelle histoire à la fois fascinante et troublante, surtout lorsqu'on sait qu'il s'agit d'un fait vécu!

La vie d'un homme, considéré par tout son entourage comme un citoyen exemplaire, médecin renommé, bon père de famille, est en fait un tissu de mensonge!  Sentant l'étau se resserrer sur lui, il assassine femme, enfants, père et mère pour ne pas avoir à endurer la honte d'être découvert.  (Je ne divulgâche rien, tout ça est raconté dès le départ.)

Intrigué par ce fait divers qui défraya la manchette dans les années 90, Emmanuel Carrère décide d’approfondir le sujet et contacte l'accusé ainsi que de nombreux témoins. Il nous livre un récit absolument passionnant décrivant la véritable spirale de fabulations dans laquelle s'est enfoncé peu à peu un homme au départ plutôt ordinaire.

Seule la fin m'a un peu déçue.  La notion de pardon y est abordée d'un point de vue religieux, mais j'aurais aimé un contrepoint sur le plan strictement moral, ce qui aurait sans doute été apporté si Carrère avait écrit ce livre quelques années plus tard, lorsqu'il est devenu athée (comme il le raconte avec brio dans Le Royaume).

Une lecture qui donne froid dans le dos!


L'Adversaire d'Emmanuel Carrère, 2000, 221 p.

18 mai 2020

Vingt-trois secrets bien gardés

Un billet court pour un livre court!

En effet, ce recueil de vingt-trois souvenirs de Michel Tremblay se lit en moins d'une heure, même si l'on essaie d'y aller lentement pour bien savourer.  C'est toujours un plaisir de retrouver la plume d'un de mes auteurs chouchous!  Avec sa verve habituelle, il nous raconte des épisodes allant de la plus tendre enfance jusqu'à l'âge adulte.  Pour ma part j'ai préféré ceux de l'enfance et de l'adolescence, peut-être parce qu'on y est plus dans la veine de ses autres recueils autobiographiques (Un Ange cornu avec des ailes de tôles, etc), que j'ai tant aimés.  Quoique le chapitre où il parle du premier concert auquel il a assisté après l'installation de son orthèse auditive est vraiment émouvant.  Et la fois où il a craché un morceau de pruneau sur la cravate de Jack Lang, c'est pas piqué des vers non plus!

Une lecture charmante, mais pas aussi marquante que ses autres recueils de souvenirs.  Je ne suggérerais donc pas ce bouquin comme premier contact à qui voudrait découvrir Tremblay, mais en complément au reste de son œuvre, c'est tout à fait agréable à lire.  


Vingt-trois secrets bien gardés de Michel Tremblay, 2018, 107 p.

16 mai 2020

Être du monde

Une œuvre complètement différente des romans historiques auxquels nous a habitués Maryse Rouy.  Il s'agit du récit d'un épisode douloureux de sa propre vie, celui où elle a accompagné sa mère, atteinte de la maladie de Lou Gehrig, dans ses derniers mois d'existence.

Impossible de ne pas être touché par ces événements, racontés de la plume à la fois pudique et généreuse de l'auteure.  Je me disais en lisant que ce serait peut-être difficile à supporter pour quelqu'un qui vit ou a vécu récemment la situation de proche aidant, mais à bien y penser, ce serait peut-être libérateur de constater qu'on n'est pas seul à éprouver toutes ces émotions: non seulement la tristesse, mais aussi la colère, le sentiment d'injustice et la culpabilité.  Sans que j'aie moi-même vécu cette expérience de proche aidant, plusieurs anecdotes m'ont fait penser à mon père, qui a passé les dernières années de sa vie dans un CHSLD.  Certains souvenirs sont empreints de douceur (son sourire quand il nous voyait arriver, les promenades en chaise roulante sur la terrasse ou dans le voisinage) ou sont plus pénibles (les difficultés grandissantes à manger, à parler).  Et aussi comment, après son décès, j'ai continué pendant des semaines à penser régulièrement «tiens, ça, je vais le raconter à papa», tellement j'avais pris l'habitude de noter toute nouvelle ou fait amusant dont nous pourrions discuter ensemble.

Je vous entends dire in petto que ça doit être quand même un peu lourd, comme bouquin...  Eh bien non, car le récit est entrecoupé de petits chapitres racontant la vie quotidienne à bord du cargo sur lequel l'auteure fait une retraite d'écriture, le temps d'une traversée de l'Atlantique.  Ces épisodes sont comme de petites oasis dans cette lecture qui autrement aurait pu être dure.


Être du monde de Maryse Rouy, 2019, 189 p.

03 mai 2020

Dumb Witness (Témoin muet)

Ah ce cher Poirot, quel bonheur de le retrouver après toutes ces années!  Sans oublier le fidèle Hastings, à l'humour toujours piquant!

Les romans policiers d'Agatha Christie ont été, avec les Arsène Lupin, mes premières lectures «adultes», après les Comtesse de Ségur et autres «Signe de Piste».  Et par lecture adulte, je veux dire ces livres qui se trouvaient au rez-de-chaussée de la bibliothèque municipale, et non dans le minuscule sous-sol réservé aux enfants!  J'ai fait une véritable razzia dans leur collection.  Nous possédions également quelques tomes au chalet, et je les ai lus plusieurs fois, la plupart du temps sans me souvenir d'un été à l'autre qui était le coupable...  Eh oui, à douze-treize ans, j'avais déjà une mémoire de poisson rouge!

Ces temps-ci je fréquente beaucoup le forum Livraddict, et l'auteur du mois qui avait été élu pour avril était justement la grande dame du crime, comme on l'appelle souvent.  Alors de voir passer durant tout le mois des discussions et des avis sur ses romans, ça m'a donné le goût d'en lire un, même si finalement je l'ai fini trop tard pour participer au défi.

Ma «phase 2» avec cette auteure, c'est quand j'ai commencé à lire en VO.  D'ailleurs le premier livre que j'ai lu en anglais c'était The Pale Horse, j'étais en secondaire IV*!  Je pense en avoir lu quelques autres les années suivantes, donc je devais avoir environ vingt ans la dernière fois.  C'est vous dire à quel point, vu les capacités de ma mémoire, comme mentionné ci-dessus, je n'avais aucune idée des titres que j'avais déjà lus quand est venu le temps d'en choisir un parmi ceux offerts en prêt numérique (j'ai été heureusement surprise par la quantité, soit dit en passant).    À défaut d'autres critères de sélection, j'ai pris celui... avec un chien sur la couverture!  (Il s'appelle Bob.)

Ce qui m'a surpris en commençant ma lecture, c'est de constater à quel point cela se lit facilement, même en VO.  Il faut dire que le texte est surtout constitué de dialogues, puisque la méthode d'investigation de Poirot repose surtout sur l'interrogation des différents témoins et suspects.  Je ne me souvenais pas non plus de l'humour omniprésent dans les conversations entre Poirot et Hastings; ils sont toujours en train de s'envoyer des piques, c'est délicieux!  Et j'ai vraiment jubilé de retrouver la traditionnelle petite scène finale où tous les suspects sont rassemblés et sont pendus aux lèvres de Poirot, qui dévoile tranquillement les résultats de son enquête.

Je crois que je n'attendrai pas encore trente ans avant d'en lire un autre.  Un Miss Marple, peut-être, ou un Tommy et Tuppence?


* Donc vers 16 ans, pour mes lecteurs européens. 


Dumb Witness d'Agatha Christie, 1937, 237 p.  Aussi publié sous le titre Poirot Loses a Client. Titre de la traduction française: Témoin muet.

01 mai 2020

Le Monde d'hier

On présente généralement ce livre comme une autobiographie de Zweig...  Or, ce n'en est pas vraiment une, puisqu'il parle surtout des grands événements qui ont marqué la première moitié du XXe siècle, de l'impact qu'ils ont eu sur la société, sur sa propre vie et sur son œuvre.

J'avoue que les premiers chapitres ne m'ont pas passionnée.  Après une jolie description de la ville de Vienne à la fin du XIXe siècle, il nous livre sa perception du système d'éducation autrichien, du primaire à l'université, et de l'évolution des relations entre les jeunes gens et jeunes filles.  Ce n'est pas inintéressant, mais comme bien sûr la situation a continué d'évoluer par la suite, ces idées sont à prendre avec un grain de sel.

C'est lorsqu'il aborde le début de l'âge adulte, ses voyages, ses premiers succès littéraires, que ça devient vraiment passionnant.  J'ai adoré l'atmosphère de l'Europe d'avant la Première Guerre mondiale.  Les gens parlaient plusieurs langues, on passait d'un pays à l'autre sans restriction, la culture avait une grande importance.  Ça m'a rappelé de bons souvenirs de Proust, notamment!  Je crois que j'aurais aimé vivre à cette époque (à condition d'être née dans une famille bourgeoise, hein, parce que travailler dans une mine ou en usine, dans ces années-là, bof, quoi!)

Il y aura ensuite des moments vraiment tragiques, d'autres plus légers, d'autres étranges (par exemple la folie de spéculation après la guerre, complètement foldingue!).  J'ai particulièrement aimé les passages où il narre ses rencontres avec des artistes et intellectuels célèbres: Freud, Rilke, H.G.Wells et bien d'autres.  Il a notamment pu observer Rodin au travail dans son atelier, vous imaginez?

Par contre, les lecteurs qui espèrent trouver dans ce livre des détails intimes ou croustillants sur Zweig seront cruellement déçus.  Il parle tellement peu de sa vie privée que c'est seulement grâce aux notes qu'on apprend à quelle époque il s'est marié, et lorsqu'il mentionne finalement sa femme, c'est au sujet d'un commentaire qu'elle lui a fait sur son travail!  D'ailleurs cela me fait penser que j'ai beaucoup aimé également les quelques pages où il décrit sa méthode d'écriture pour ses biographies, c'est fascinant:  il écrit un premier jet où sont rassemblées toutes les données récoltées durant ses recherches, toujours des plus minutieuses; puis il réécrit et réécrit encore en coupant, élaguant, concentrant le plus possible.  D'un premier manuscrit de deux mille pages, il n'en reste que deux cents à la fin!  Car il n'y a rien qui lui pue au nez autant qu'un biographe qui écrit pour mettre en valeur l'étendue de son savoir par des énumérations et descriptions interminables.  Il a même suggéré à un éditeur de publier des versions abrégées des grands classiques en enlevant toutes les digressions!  Voilà qui me donnera des munitions la prochaine fois qu'on m'accusera de lèse-majesté pour avoir sauté des bouts des Misérables et de Guerre et Paix!

Un mot enfin sur la traduction.  J'ai lu la plus récente, celle de Serge Niemetz (1993).  Je l'ai trouvée correcte dans l'ensemble, mais j'ai trébuché à l'occasion sur quelques phrases boiteuses.  Si vous avez lu l'ancienne, celle de Jean-Paul Zimmermann, je serais curieuse de savoir ce que vous en avez pensé. 


Le Monde d'hier de Stefan Zweig, traduit de l'allemand (Autriche), 1942, 592 p.  Titre original: Die Welt von Gestern.

18 avril 2020

Pour mémoire

J'ai mis plus de deux mois à lire cette petite plaquette écrite à quatre mains par Dominique Fortier et Rafaële Germain.  C'est en effet le genre de livres qu'on ne lit pas d'une traite mais qui se déguste quelques pages à la fois.  Les deux écrivaines y ont fait le pari qu'en notant chaque jour ces petits moments qui font le sel de la vie  (beaux paysages, mots d'enfant, coquillages, oiseaux...), elles pourront les conserver pour toujours, pour mémoire...

J'aime depuis la première phrase de son premier roman la plume de Dominique Fortier: elle sait allier la beauté, la poésie, à un souci du détail minutieux, voire presque scientifique.

J'étais moins sûre de celle de Rafaële Germain.  J'aime l'écouter parler de littérature dans les émissions de télé ou de radio auxquelles elle participe et j'avais apprécié son humour dans le seul roman que j'ai lu d'elle, Soutien-gorge rose et veston noir, mais j'avais trouvé son style un peu trop télévisuel, si je puis dire, et très américanisé.

Or ici elle a su monter de plusieurs crans son niveau de langage pour se mettre au diapason de sa comparse.  C'est pourquoi je la soupçonne même d'avoir volontairement abaissé ce niveau dans son roman, pour correspondre à celui qui est attendu dans la chick-lit!  Mais pourquoi?  Pourquoi ne pourrait-on pas utiliser nos neurones en même temps que notre fibre romantique?  Je voudrais donc la mettre au défi de nous pondre une chick-lit dont l'héroïne lirait Proust et Tolstoï et ne s'exprimerait pas comme un personnage de sitcom américaine.

Mais revenons à nos moutons.  Je pense qu'en cette époque de confinement, ce bouquin pourrait permettre à plus d'un lecteur des moments d'évasion bien appréciés puisque, le temps de deux saisons, l'on y fait des allers-retours entre la campagne et la mer.  Quand vous le lirez, vous éprouverez sans doute vous aussi des instants d'émotion ou d'amusement.  Ce ne sera probablement pas les mêmes passages qui vous toucheront, ni pour les mêmes raisons, mais vous serez touchés, votre mémoire sera stimulée, et c'est ce qui compte.


Pour mémoire de Dominique Fortier et Rafaële Germain, 2019, 173 p.

07 avril 2020

The Night Circus (Le Cirque des rêves)

Il y avait dans un forum que j'ai beaucoup fréquenté (et qui malheureusement est en train de mourir de sa belle mort, c'est triste mais c'est une autre histoire) un participant qui qualifiait de «romans d'atmosphère» tous les livres où la création d'une ambiance était plus importante que l'action, dont l'intrigue était reléguée au second plan derrière la beauté de la plume, sa poésie, les sentiments et images qu'elle suscite chez le lecteur.

Rarement un roman aura mieux mérité cette appellation de «roman d'atmosphère» que celui-ci.  En effet, à part quelques soubresauts par-ci par-là et la montée d'une certaine tension vers la fin, il ne se passe pas grand-chose dans ce Cirque des rêves.  Mais la plume d'Erin Morgenstern a une telle force d'évocation qu'on ne s'ennuie jamais.  On peut peut-être déplorer un petit effet répétitif au milieu quand les deux protagonistes créent de nouvelles attractions magiques pour le cirque, mais il suffit de se laisser transporter dans ce monde de beauté et de merveilles où tous nos sens sont mis à contribution.

L'histoire?  Elle est très intéressante même si elle se déroule lentement.  Il s'agit d'un concours entre deux magiciens, le cirque étant l'arène où se déroule le combat dont ils sont les adversaires involontaires et dont ils ne connaissent ni les règles ni l'enjeu.  On est fin XIXe siècle/début XXe et on se balade au gré des représentations du cirque entre Londres, l'Amérique (Boston, New York...) et différents pays d'Europe.

La construction du récit est originale mais demande un certain effort de la part du lecteur, puisqu'on se promène non seulement d'un endroit à l'autre mais aussi d'une année à l'autre dans un mouvement de va-et-vient rappelant le pendule de Herr Thiessen, le sympathique horloger dont la plus fabuleuse création orne l'entrée du cirque.  Heureusement, à chaque en-tête de chapitre, on nous précise le lieu et la date; il est donc facile de retourner en arrière pour remettre les événements en ordre dans notre cerveau. (Je ne sais pas pour vous mais chez moi la concentration n'est pas au maximum en ces temps de pandémie...)

Cirque?  Si vous êtes comme moi, vous entendez ce mot et aussitôt vous pensez à des clowns ridicules, des nains, des femmes à barbe et autres créatures difformes, et vous vous dépêchez d'aller voir ailleurs si vous y êtes.  Mais ce n'est pas du tout à ce genre d'entreprise qu'on a affaire ici, plutôt à un Cirque du Soleil version noir-blanc-argenté, où la Lune remplace le Soleil puisque les spectacles ont lieu du crépuscule à l'aube dans une ambiance presque gothique, et où la magie existe vraiment pour le plus grand plaisir des spectateurs, quoique à leur insu.

Vraiment une très belle découverte, qui m'a un peu rappelé Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke.  Ce n'est pas le même genre d'histoire mais l'ambiance, le rythme et le style d'écriture sont assez similaires.  En plus, les deux ont un corbeau sur la couverture!


The Night Circus d'Erin Morgenstern, 2011, 496 p.  Titre de la traduction française: Le Cirque des rêves.

22 mars 2020

Quatrevingt-treize

(J'écris le titre en toutes lettres car l'édition ci-contre est la seule à avoir utilisé des chiffres... Aussi, ce n'est pas une faute de frappe, «quatre-vingt» s'écrivait sans trait d'union à l'époque, semble-t-il, et les éditeurs au fil des ans ont choisi de garder l'orthographe originale!)

Fait cocasse, j'ai trouvé ce roman dans une boîte à livres quelques semaines à peine après qu'un participant d'un forum en ait parlé de façon élogieuse!  Ce n'est pourtant pas un des titres les plus connus de Victor Hugo...  C'était un signe du Destin, non?  Il a donc rejoint ma PAL et y a séjourné... quelques années!

Du coup, je ne me souvenais pas du tout du résumé.  Je croyais qu'il y serait question de l'exécution de Louis XVI et de Marie-Antoinette.  Alors que non, ça se passe plus tard dans l'année et le gros de l'intrigue se déroule en Vendée, durant la guerre civile qui y a opposé les monarchistes et les républicains.

Deuxième surprise, on entre tout de suite dans l'action et plusieurs chapitres se terminent par un revirement ou une révélation fracassante (de type «Luke, I am your father»), à un point tel qu'il est difficile de poser le livre tant on a envie de connaître la suite (quelqu'un a une bonne traduction pour l'expression page-turner?).  Je m'attendais à un début plus tranquille, comme dans Les Misérables où l'on prend quatre-vingts pages à découvrir la vie du curé Machin qu'on ne reverra plus après la page 120...

Troisième surprise, moins agréable, cette édition bon marché (Bellevue-Capitol pour ne pas nommer la maison) comporte plusieurs coquilles; enfin pas tant que cela, j'ai peut-être été trop sévère, mais après avoir ri des moulets de canon, le ciel constellé de toiles a eu raison de ma patience et je me suis plutôt tournée vers la version du prêt numérique de la BAnQ, celle-là d'excellente qualité.  J'ai donc pu reprendre ma lecture avec grand plaisir.

Par contre, j'ai déchanté dans le deuxième tiers, là où l'intrigue se transporte à Paris.  On y assiste à une longue conversation entre Marat, Danton et Robespierre, ce qui aurait pu être intéressant, mais il me manquait clairement les bases pour bien comprendre la plupart des références et des enjeux.  Pire, Hugo se lance ensuite dans une description de la Convention: architecture et décoration de la salle, énumération des représentants avec un petit commentaire pour chacun (du style Bidule, qui déclara ceci en telle circonstance, encore là ça me passait vingt pieds par-dessus la tête).  Il nous présente ensuite les différents officiers des forces en présence en Vendée, personnages qui n'auront pour la plupart rien à voir dans l'histoire par la suite.  S'ensuivent de longues considérations assez abstraites sur la Révolution. Noyée dans tout cela, la seule partie importante est celle où l'on nous présente l'ancien prêtre Cimourdain, qui jouera un rôle primordial dans l'intrigue.

Je vous avoue que j'ai bien failli tout lâcher tellement cette partie est chiante, excusez-moi mais c'est la vérité!  Et ça dure comme ça de la page 140 à 250 dans l'édition papier. En plus, les personnages auxquels on aurait pu s'attacher (les enfants, la mère, Radoub, Gauvain) ne sont qu'évoqués, il faudra attendre le dernier tiers pour faire vraiment leur connaissance.   Heureusement, en feuilletant un peu plus loin, j'ai vu qu'on retournait en Vendée.  Ça m'a donné la motivation pour continuer.

Et j'ai bien fait puisque dans cette dernière partie, l'action reprend en crescendo jusqu'à la fin, phénoménale.

Alors, je recommande ce bouquin ou pas?  Je recommande, si le style magnifique mais un peu grandiloquent de ce cher Victor ne vous incommode pas; mais à voix basse (pour ne pas qu'on m'accuse de lèse-majesté) je vous suggère de lire en diagonale la partie du milieu... chhuuut!


Quatrevingt-treize de Victor Hugo, 1874, 576 p.

10 mars 2020

The Princess Bride

En général, j'évite de lire un livre lorsque j'ai vu le film qui en est tiré.  A fortiori si je l'ai vu plusieurs fois et que je me souviens très bien de l'histoire.  Or ici, au contraire, le fait d'avoir vu (et adoré) maintes fois le film a plutôt attisé mon envie de lire le roman! C'est donc l'exception qui confirme la règle.  (Au fait, pourquoi une exception viendrait-elle confirmer la règle?  En logique, un contre-exemple n'est-il pas justement suffisant pour démontrer qu'une affirmation est fausse? Je n'avais jamais remis en question cette expression consacrée.   Mais je m'égare...)

Il faut dire que l'intérêt de cette histoire ne réside pas tant dans son intrigue (après tout, c'est un conte, ça finira nécessairement par «et ils vécurent heureux, etc») mais bien plus dans ses personnages originaux et ses dialogues hilarants.  Certaines des répliques du film sont d'ailleurs citées dès que l'occasion s'y prête dans mon groupe d'amis; j'ai été un peu déçue de constater que ma préférée ne se retrouve pas dans le roman, soit dit en passant («Thank you so much for bringing up such a painful subject. While you're at it, why don't you give me a nice paper cut and pour lemon juice on it?»). 

C'est donc avec un immense plaisir que j'ai retrouvé le royaume de Florin et ses habitants, le garçon de ferme devenu pirate Westley, Fezzik le géant amateur de rimes, Inigo l'escrimeur espagnol obsédé par son désir de vengeance et tous les autres.  Bon, j'avoue que la princesse Buttercup est un peu nunuche.  On ne créerait pas un personnage d'une telle passivité en 2020!  Mais d'une part le roman date des années soixante-dix, et d'autre part il se veut un pastiche des contes traditionnels à la Disney.  Je pense qu'on peut donc lui passer ce petit défaut.

Autant on retrouve complètement l'esprit du film (certains dialogues sont repris textuellement), autant il y a des différences qui nous permettent de sentir qu'on ne perd pas son temps: on en apprend beaucoup sur le passé des personnages, notamment Inigo et Fezzik (ça tombe bien, ce sont mes préférés) et plusieurs péripéties sont ajoutées, surtout dans la deuxième partie.  De plus, la partie qui se déroule de nos jours est complètement changée, et beaucoup plus développée.

Pour ceux qui ne connaissent ni le film, ni le bouquin, voici ce qu'on vous promet d'entrée de jeu:
Fencing. Fighting. Torture. Poison. True love. Hate. Revenge. Giants. Hunters. Bad men. Good men. Beautifulest ladies. Snakes. Spiders. Beasts of all natures and descriptions. Pain. Death. Brave men. Coward men. Strongest men. Chases. Escapes. Lies. Truths. Passion. Miracles.
Le livre, tout comme le film, tient sa promesse. 


The Princess Bride de William Goldman, 1973, 400 p.  Titre de la traduction française: Princess Bride (ben oui!)

25 février 2020

The Little Stranger (L'Indésirable)

Quoi de mieux qu'une atmosphère gothique dans un manoir décrépi de la campagne anglaise?  J'ai la réponse: une atmosphère gothique dans un manoir décrépi de la campagne anglaise décrit de la plume efficace de Sarah Waters, voilà quoi!

Nous sommes quelques années après la Deuxième Guerre mondiale et nous suivons le narrateur, un médecin de campagne, dans ses relations avec une famille de l'aristocratie qui tire le diable par la queue en tentant d'entretenir son immense propriété.  C'est que l'Angleterre est non seulement encore aux prises avec les restrictions matérielles dues à la guerre, mais elle est surtout en train de changer; tous les privilèges anciennement accordés à cette classe sociale disparaissent.  C'est la fin d'une ère...  Imaginez Downton Abbey avec seulement une petite bonne, un homme à tout faire, une cuisinière à temps partiel, et pas d'argent pour faire réparer le toit qui coule!

Ça, c'est le décor.  Mais qu'il se passe des choses bizarres dans cette maison!  Est-elle hantée, y a-t-il une tare héréditaire qui amène les habitants à imaginer tous ces événements étranges ou bien simplement est-ce dû au stress post-traumatique causé par la guerre?

Si vous aimez vos thrillers avec des explosions, de l'action sans arrêt, une fin où la solution vous est donnée sur un plateau d'argent avec un beau ruban rose dessus, ce livre n'est pas pour vous.  Ici on est dans un thriller psychologique au rythme plutôt lent (j'ai même détecté quelques longueurs par-ci par-là, seul petit défaut), avec une touche de fantastique, des personnages tout en teintes de gris, et vous devrez utiliser vos méninges.  Vingt-quatre heures plus tard, j'y pense encore, à cette fin...


The Little Stranger de Sarah Waters, 2009, 466 p.  Titre de la traduction française: L'Indésirable.