Ouf! Quelle noirceur!
Les livres de Carrère ne sont pas toujours très joyeux, mais même dans L'Adversaire (qui raconte tout de même l'histoire véridique d'un gars qui a tué sa femme et ses enfants, rappelons-le), je n'ai jamais eu cette sensation d'étouffement.
J'en sors également un peu décontenancée car j'avais cru comprendre (et c'est d'ailleurs ce que laisse supposer la quatrième de couverture, même si je ne l'avais pas lue) que le sujet du récit était une enquête sur le grand-père maternel de l'auteur, d'origine géorgienne, qui a été collabo et a disparu à la fin de la Seconde Guerre mondiale, enquête qui se déroulerait principalement en Russie. Du grand-père, en fait, il sera peu question, même si son fantôme plane
sur tout le roman comme une malédiction -- c'était déjà beaucoup de le
mentionner, malgré la honte, malgré l'interdiction maternelle. Si Carrère se rend bel et bien en Russie à plusieurs reprises, c'est pour d'autres raisons, notamment celle de parfaire ses connaissances en langue russe.
De plus, j'ai trouvé qu'il allait vraiment loin dans le dévoilement de détails intimes, notamment sur les pratiques sexuelles de sa conjointe de l'époque; j'en étais mal à l'aise pour elle! Mais surtout, le portrait qu'il trace de lui-même est vraiment sans pitié. Complètement égocentrique, il agit souvent de façon odieuse. J'avais envie de le frapper!
Il reste que l'écriture de Carrère est formidable, qu'il soulève d'importantes questions sur le couple, la jalousie, l'héritage familial, la fiction, le mensonge, etc. J'ai apprécié aussi le récit de ses voyages en Russie, que ce soit à Moscou ou dans un petit bled perdu, Kotelnich, où il s'est rendu à plusieurs reprises pour le tournage de documentaires. Donc un livre intéressant mais que je ne vous recommande pas si vous cherchez une petite lecture doudou, comme c'est le cas pour bien des gens ces temps-ci.
Un Roman russe d'Emmanuel Carrère, 2007, 327 p.