27 juin 2022

État de terreur

Quand deux amies improbables, une auteure de polars anglo-québécoise et une ancienne secrétaire d'État américaine, décident d'écrire ensemble un bouquin, voilà ce que cela donne: un thriller géopolitique qui, sans révolutionner le genre, nous entraîne dans une aventure à travers le monde, de Washington à Islamabad, grâce à une intrigue captivante et bien ficelée, ponctuée de détails très réalistes. 

Celle qui est passée à un cheveu de devenir la première femme présidente des États-Unis en profite pour prendre sa revanche contre un certain ex-président -- qu'elle décrit (sous un pseudonyme transparent) comme un crétin fini, imbu de lui-même, qui a complètement viré sens dessus dessous les différents départements du gouvernement américain et mis en danger l'ordre mondial.  Good for you, girl!

J'ai l'impression qu'elle s'est également gâtée en dénonçant les hauts fonctionnaires qui levaient le nez sur une femme de soixante ans se croyant permis de leur donner des ordres ou peut-être simplement d'émettre des idées!  D'ailleurs, en tant que lectrice voyant poindre la soixantaine au loin là-bas, j'ai apprécié que le personnage principal d'un thriller soit une femme d'âge mur.

J'ai également bien aimé que la traduction soit faite par des Québécois (on salue Lori Saint-Martin et Paul Gagné).  J'ai été enchantée notamment d'y trouver le québécisme «courriel», au lieu de l'horrible mail utilisé par les Français, qui n'a aucun sens puisqu'en fait ce mot désigne en anglais la poste traditionnelle, avec les enveloppes, les timbres, tout ça.  Pour le courrier électronique, les anglos disent plutôt email.  Désolée les cousins, il fallait que ça sorte, maintenant je descends de mes grands chevaux.

 

État de terreur de Hillary Rodham Clinton et Louise Penny, traduit de l'anglais, 2022, 525 p.  Titre original: State of Terror.

23 juin 2022

Marie Stuart

Attention, ce livre pourrait contenir des traces de sexisme et de misogynie.  Nous préférons vous en avertir.

Apprêtez-vous à lever les yeux au ciel quelques fois...  Ce bon vieux Zweig a beaucoup de qualités, on lui pardonnera donc ses quelques remarques au sujet du «sexe faible» et autres notions complètement dépassées.  

Oui, pardonnons-lui, car cette biographie de Marie Stuart, reine d'Écosse au destin tragique, est absolument fascinante!  Il faut presque se pincer tellement on pense être plongé dans un roman d'Alexandre Dumas.  Complots, trahisons, meurtres, enlèvements, messages codés cachés dans des tonneaux de vin, c'est tout simplement abracadabrant!  Et pourtant minutieusement documenté et présenté dans un récit dense mais jamais lourd.

Dans cette lutte entre deux reines, Marie Stuart et Élisabeth I, Zweig prend clairement partie pour la première, mais j'ai apprécié qu'il tente toujours de nous montrer les deux côtés de la médaille, d'expliquer les agissements pas toujours réglo de la reine d'Angleterre, dont il dresse un portrait nuancé mais très sombre, et fort éloigné de celui qu'on trouve dans l'excellent film Elizabeth avec Cate Blanchett. 

Vous avez aimé La Reine Margot?  Jetez-vous sur cette biographie, c'est tout à fait la même ambiance!


Marie Stuart de Stefan Zweig, traduit de l'allemand, 1935, 336 p.  Titre original: Maria Stuart.

14 juin 2022

This Is How You Lose the Time War (Les Oiseaux du temps)

Ouille ouille ouille, les amis, on a frôlé de près l'abandon pur et simple!

Dans la première moitié du livre, je trouvais la plume des deux auteurs trop sophistiquée, très froide, voire même désincarnée (et vraiment difficile à lire en VO).  Les deux héroïnes sont d'abord insaisissables, c'est voulu, mais cela m'empêchait de m'y intéresser.  Lorsque j'arrivais à me les représenter le moindrement (sachant qu'en plus elles changent d'apparence régulièrement), je les trouvais antipathiques.  Comme en plus l'univers où se déroule l'histoire est presque incompréhensible de prime abord (encore là, c'est voulu; les histoires de voyages temporels, c'est souvent difficile à suivre, mais ici c'est encore plus embrouillé que d'ordinaire), je n'avais rien pour m'aider.

Heureusement, les deux personnages évoluent, deviennent de plus en plus attachants, et l'on arrive peu à peu à assembler les pièces du casse-tête.  Et à partir de là c'était gagné, j'ai beaucoup aimé la suite et la fin m'a ravie.  C'est drôle, c'est poétique, c'est émouvant, c'est intrigant, c'est intelligent, c'est surprenant...  Ça ne ressemble à rien de tout ce que j'ai pu lire dans ma vie! 

Je me demande si cela m'est déjà arrivé d'aussi peu accrocher au début d'un roman, au point d'avoir failli l'abandonner, pour finalement l'adorer.  Je crois que c'est une première!


This Is How You Lose the Time War de Amal El-Mohtar et Max Gladstone, 2019, 208 p. Titre de la traduction française: Les Oiseaux du temps.

01 juin 2022

Americanah

Comme le roman sélectionné pour le club de lecture de mai du forum Livraddict, sur le thème de la littérature africaine, est Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie (vive le copié/collé!), c'était l'occasion parfaite de découvrir cette auteure nigériane dont j'ai beaucoup entendu parler.  

J'ai d'abord eu un peu de difficulté à y accrocher.  La lecture n'est pas aisée, il y a beaucoup de personnages aux noms inhabituels pour nos oreilles occidentales, des allers-retours dans le temps, mais surtout des tournures de phrases inattendues, tant dans les dialogues que dans la narration.  Les autres participantes du club, qui lisaient la version française, n'ont pas mentionné cette dernière difficulté; j'en conclus que le traducteur a adopté un style plus fluide (mais sans doute y perd-on quelque peu en «couleur locale»?).  Comme je ne m'y connais pas du tout en littérature nigériane, je ne sais pas si ces tournures sont propres à l'auteure elle-même ou sont caractéristiques de la langue du pays...

Après quelques chapitres, je me suis habituée à la plume et j'ai pu apprécier l'intrigue et les différents thèmes abordés.  J'ai toujours aimé les histoires de choc des cultures, et ici il est double!  En effet, l'héroïne subit un premier dépaysement lorsqu'elle arrive aux États-Unis, puis un deuxième lorsqu'elle retourne au Nigeria une dizaine d'années plus tard!  

Ce sont toutefois les réflexions sur la race et le racisme qui sont au cœur du roman.  L'auteure arrive à bien brasser la cage, à nous remettre en question, nous, Blancs occidentaux, mais sans qu'on se sente jamais agressé.  C'est quand même un tour de force! Elle dit notamment qu'elle ne s'est jamais sentie Noire avant d'arriver aux États-Unis...  Elle examine également les relations amoureuses interraciales, et même les relations entre Noirs africains et américains, ce qui est fort original. 

Tout cela en nous présentant des personnages bien développés et attachants, en particulier l'héroïne, qui est à la fois solide et fragile, et dont j'ai adoré le franc-parler! 

J'ai un autre titre de cette auteure sur ma «liste de souhaits» depuis... une quinzaine d'années? Maintenant j'ai très hâte de le lire!

 

Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie, 2013, 470 p.  Titre de la traduction: Americanah.