Je vous l'ai sûrement déjà dit, j'ai généralement de la difficulté à accrocher à un roman dont les personnages principaux sont antipathiques. Et si en plus il y a de la violence envers des animaux ou des enfants, c'est l'abandon presque assuré.
C'est vous dire la force de la plume de Joseph Kessel (qui m'avait déjà ravie dans Le Lion) puisque malgré la présence des obstacles mentionnés ci-dessus, j'ai pu persévérer dans cette lecture et finalement en être éblouie. En effet, dès le départ, on se trouve transporté dans les steppes et les montagnes arides de l'Afghanistan grâce à des descriptions à couper le souffle. On est au XXe siècle mais on pourrait être mille ans plus tôt, si ce n'était l'apparition occasionnelle de petits détails qui semblent presque anachroniques: un camion, la musique d'un tourne-disque, le bruit d'un avion. Kessel introduit aussi quelques personnages secondaires beaucoup plus attachants: le vieux conteur centenaire, le palefrenier fidèle et surtout l'inoubliable étalon Jehol, si beau et loyal.
Ne vous laissez surtout pas rebuter par la description du sport national bizarroïde et violent qu'est le bouzkachi, sorte de course équestre où tous les coups sont permis et où l'on s'arrache le corps décapité d'un bélier (oui, vous avez bien lu). On pense au départ que ce jeu à l'attrait incompréhensible pour nos cerveaux occidentaux sera l'enjeu principal du roman. Heureusement, il n'est que le point de départ du récit qui suivra, à la limite entre le drame psychologique, le thriller et le road novel.
Un livre qui a de fortes chance de se retrouver dans le fameux Top 3 de mon bilan annuel!
Les Cavaliers de Joseph Kessel, 1967, 587p.