09 août 2020

Le Père Goriot

Je ne sais plus trop quel âge j'avais lors de mon premier contact avec Balzac.  Peut-être quinze ans?  C'était Le Lys dans la vallée. Tout ce dont je me souviens, c'est que le style de Balzac m'avait donné du fil à retordre.  Mais apparemment, j'y avais tout de même trouvé mon profit puisque j'en ai lu quelques autres dans les mois ou années suivantes: Eugénie Grandet, peut-être Splendeurs et misères des courtisanes, peut-être aussi Le Chef-d’œuvre inconnu (mais j'ai tendance à le mélanger avec L’Œuvre de Zola, les deux se passant dans le milieu de la peinture).

Une quarantaine d'année plus tard, ayant trouvé Le Père Goriot dans la bibliothèque de Gropitou, j'ai décidé de retenter l'expérience.  Et apparemment, je n'ai pas tant changé que cela car le résultat est assez similaire!

Plus précisément, c'est lorsque Balzac se lance dans des notions abstraites qu'il me perd complètement.  Il y a notamment un long paragraphe sur la psychologie du personnage principal, Eugène de Rastignac, que j'ai lu trois fois sans arriver à comprendre ce que l'auteur voulait nous dire.  Par contre, les descriptions concrètes de lieux sont non seulement bien lisibles, mais je dirais même qu'on croirait y être.  Lorsqu’il nous dépeint la maison où se déroule une bonne part du récit, une sorte de pension miteuse, on peut presque sentir l'odeur d'humidité et de poussière!  Quant aux dialogues, ils sont souvent savoureux, et l'intrigue nous tient en haleine jusqu'à la toute fin.

Alors, qui est ce Père Goriot, anciennement riche bourgeois, maintenant méprisé par les autres pensionnaires de la Maison Vauquer et pourtant visité à l'occasion par deux jolies jeunes femmes habillées à la dernière mode?  Qui est cet énigmatique Vautrin?  Quel rôle joueront-ils dans la vie de Rastignac, jeune étudiant en droit naïf mais ambitieux, fraîchement débarqué à Paris?  Je vous laisse découvrir tout cela et bien d'autres choses!  Quant à moi, je lirai de nouveau ce cher Honoré, c'est sûr, car j'y ai pris beaucoup de plaisir (quitte à survoler les parties trop abstraites, mais chhhut! ce sera notre petit secret!). 


Le Père Goriot d'Honoré de Balzac, 1835, 254 p.

05 août 2020

Shopaholic Takes Manhattan (L'Accro du shopping à Manhattan)

Shopaholic (L'Accro du shopping), tome 2


OMD!  (Car pourquoi ne pas franciser cette fameuse expression prisée des jeunes, OMG!...  Il faudrait mettre l'Office québécois de la langue française sur le cas.)

OMD, donc.  Je ne peux pas croire que cela fait déjà dix ans que j'ai lu le tome 1 de cette série amusante! Presque jour pour jour, en fait, puisque mon billet date du 30 juillet 2010.  Nous venions de déménager, je me souviens l'avoir lu bien relax sur le balcon de notre nouvel appartement, en compagnie des p'tits oiseaux et des écureuils.

Cette fois-ci, impossible de s'installer dehors pour lire, car ces jours-ci l'on alterne entre canicules et orages électriques (parfois les deux en même temps).  Heureusement, cela ne m'a pas empêchée d'apprécier les aventures rigolotes de Becky, la personnification même de l'adage «faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais»: conseillère financière, elle est aussi acheteuse compulsive!

Si elle est toujours aussi sympathique et si l'on s'amuse toujours autant à suivre ses mésaventures, j'ai trouvé cette fois l'intrigue beaucoup plus prévisible, en particulier la fin que j'avais vue venir longtemps d'avance.  Le tome 3 est déjà dans ma PAL, j'espère qu'il saura me surprendre davantage, et aussi que ça ne me prendra pas un autre dix ans pour m'y mettre!

Fait cocasse, les éditeurs semblent incapables de se mettre d'accord sur le titre à donner à ce tome: il y en a deux différents en anglais et trois en français!  J'ai mis les plus connus dans ma notice bibliographique ci-dessous, voici les autres: Shopaholic Abroad, Becky à Manhattan et Shopping à Manhattan.  Vous avez l'embarras du choix!


Shopaholic takes Manhattan (série Shopaholic, tome 2) de Sophie Kinsella, 2002, 269 p. Titre de la traduction française: L'Accro du shopping à Manhattan.


25 juillet 2020

Civilizations

Quelle délicieuse uchronie!

Laurent Binet imagine ici que des Vikings ont découvert l'Amérique plusieurs siècles avant Christophe Colomb, apportant aux peuplades locales des chevaux, des anticorps et leur apprenant à utiliser le fer.  Du coup, les Espagnols ne conquirent pas le continent et ce sont plutôt les Incas qui firent le voyage inverse...

Petit avertissement, la première partie est écrite dans le genre d'une saga scandinave, donc dans un style assez froid, sans dialogue, ce qui peut rebuter le lecteur.  Heureusement cette partie est assez courte et ne sert qu'à établir les bases de l'uchronie.  Ensuite on plonge dans le journal de bord de Christophe Colomb et c'est déjà beaucoup mieux.  Mais c'est dans la troisième partie, qui raconte les aventures d'un groupe d'Incas qui devront s'exiler, que cela devient vraiment savoureux, surtout à partir de leur arrivée en Europe.  En effet, leur incompréhension des mœurs et coutumes locales donnent lieu à des observations très amusantes.  On peut noter un un certain essoufflement vers la fin de cette section mais c'est quand même très réussi.

Un petit extrait pour vous mettre dans l'ambiance:

[Les Protestants] étaient obsédés par la question de l’endroit où ils iraient après leur mort, et du meilleur moyen d’être sauvés, c’est-à-dire d’aller au ciel rejoindre leur dieu cloué (qui pourtant devait revenir sur terre à une date indéterminée, si bien que Chalco Chimac pensait qu’ils risquaient de se croiser) et non sous la terre où l’on brûlait les morts indéfiniment, sauf dans un endroit transitoire d’où l’on pouvait sortir au bout d’un certain temps, mais sûrement pas en rachetant son séjour, de son vivant, avec des florins.

En complément de programme, la quatrième partie fait un petit clin d’œil à différents écrivains et artistes de la Renaissance.

Comme c'est souvent le cas dans les uchronies, il vaut mieux avoir une certaine connaissance préalable de la période concernée, ou à tout le moins l'envie de se renseigner au fur et à mesure (bonjour, Wikipédia!).  Vraiment, une très jolie découverte, d'un auteur que je ne connaissais pas du tout!


Civilizations de Laurent Binet, 2019, 243 p.

15 juillet 2020

The Wind Through the Keyhole (La Clé des vents)

The Dark Tower (La Tour sombre), tome 4.5


Quel plaisir de retrouver les personnages et l'univers de la formidable saga Dark Tower!  En effet, plusieurs années après la parution du tome qui clôt la série, Stephen King nous offre ce petit roman à tiroirs (une histoire dans une histoire dans une histoire) dont l'intrigue se situe chronologiquement entre les tomes 4 et 5, d'où l'appellation de 4.5.  On aurait pu tout autant le désigner «hors-série» puisqu'il n'aura aucun impact sur la suite...  

Le groupe ayant été forcé de s'abriter de la tempête dans une maison abandonnée, Roland leur raconte au coin du feu une de ses aventures de jeunesse, au cours de laquelle il rencontra un petit garçon auquel il raconta une légende que sa mère lui contait quand il était enfant.

Si j'ai été déçue que finalement on délaisse assez rapidement le groupe, j'ai pris énormément de plaisir à lire ces histoires imbriquées les unes dans les autres, remplies de références à la série et même à d'autres œuvres (un lion nommé Aslan...) et qui apportent un nouvel éclairage sur le passé de Roland.  Bon, en fait, j'avoue tout, c'est surtout Oye le billy-bumbler que j'avais hâte de retrouver, il est tellement chou!  Imaginez un mélange entre un raton-laveur, un chien et un perroquet...  Or, mini-divulgâcheur, il y a six billy-bumblers tout mignons dans le conte!


The Wind Through the Keyhole (The Dark Tower, tome 4.5) de Stephen King, 2012, 254 p.  Titre de la traduction française: La Clé des vents.

10 juillet 2020

Paris

Petite déception...  Le plus récent roman d'Edward Rutherfurd n'est pas mauvais, mais il est loin d'être au même niveau que ses précédents...  Et ce, pour deux raisons.

1) Il faut d'abord savoir que les autres romans de cet auteur sont tous construits de la même façon:  on suit les descendants de différentes familles sur une très longue période, toujours dans un même lieu.  On voit donc une société se bâtir sous nos yeux, ce qui est fascinant.  Ici toutefois, on ne remonte pas très loin dans le temps, seulement à l'époque de Henri IV, et non jusqu'aux Gaulois comme je l'espérais, et on se concentre surtout sur la période 1870-1945.  Or c'est une période qui a déjà été beaucoup exploitée en littérature...

2)  Au lieu de procéder de façon chronologique comme d'habitude, Rutherfurd décide de changer sa recette et de mêler les époques.  Malheureusement, on n'a plus cette impression d'évolution que je décrivais ci-dessus, et on s'y perd même un peu parmi les générations des différentes familles.  Il y a bien un arbre généalogique au début, mais impossible de le consulter sans divulgâcher l'intrigue, puisque celle-ci repose souvent en bonne partie sur des histoires amoureuses (qui va épouser qui, etc).

Cela dit, on ne s'ennuie pas, on rencontre des personnages historiques intéressants (Hemingway, Monet, Richelieu) et il y a même un certain suspense par moments.  J'ai même versé une petite larmette à la fin!  Mais ce n'est certainement pas ce titre que je recommanderais à qui voudrait découvrir cet écrivain (essayez plutôt London, mon préféré).


Paris d'Edward Rutherfurd, 2013, 809 p.  Non traduit.

27 juin 2020

La Horde du Contrevent

Coup de cœur!

Ce bouquin de Alain Damasio prend la tête dans la course au «Top 3» du bilan annuel...  J'ai fait plusieurs excellentes découvertes depuis le début de l'année, mais rien qui lui arrive au gros orteil!

Par contre, ce billet n'arrivera pas à lui rendre justice, je le sens.  D'abord, c'est dur d'en parler sans divulgâcher.  Et c'est une lecture dense, exigeante.  En plus, j'avais pris quelques notes mais comme je l'ai lu en prêt numérique et que ça m'a pris plus de vingt et un jours, le fichier s'est fermé et j'ai dû le télécharger de nouveau pour lire le dernier chapitre!  Adieu les notes!

Pour vous situer un peu, disons que ça se passe sur une planète balayée en permanence par le vent, au point qu'une véritable mythologie, voire une philosophie, s'est bâtie autour de cet élément météorologique, ainsi qu'un vocabulaire spécialisé.  De génération en génération, des expéditions sont formées pour remonter jusqu'à l'Extrême-Amont, pour connaître enfin la source de ce vent.

Il s'agit d'un roman choral, chaque passage étant raconté par un membre différent de l'expédition, identifié par son symbole.  À ce sujet, je vous recommande fortement de vous transcrire la liste des vingt-quatre personnages (avec leur symbole et fonction) sur un post-it, signet ou tatoué sur votre avant-bras.  Si vous retournez constamment à la liste au début du livre, vous ne vous en sortirez pas.  Aussi, je me suis rendu compte à la toute fin qu'il y avait en annexe une présentation des personnages, mais en fait je suis contente de ne pas l'avoir su car je trouve que découvrir peu à peu la personnalité et le passé de chacun fait partie du plaisir.  On s'aperçoit aussi qu'ils ont chacun leur façon de s'exprimer, leur voix propre.

Damasio est un de ces auteurs qui font confiance à leurs lecteurs.  Il ne nous sert pas tout sur un plateau d'argent, il nous fait travailler les méninges!  L'effort en vaut la peine.  C'est un roman qui va me trotter en tête un petit bout de temps.  Et comme il fait l'objet du club de lecture de juin de Livraddict, j'ai extrêmement hâte de pouvoir en discuter avec les autres participants!

Je ne vous en dis pas plus, allez vite le découvrir!  


La Horde du Contrevent de Alain Damasio, 2004, 578 p.

02 juin 2020

La Vie secrète des arbres

Quand la poésie s'unit à la science, ça donne un livre comme celui-ci, un livre qui nous fait rêver tout en nous instruisant.

On y apprend ainsi que les arbres communiquent entre eux, par leurs racines entrecroisées mais aussi en dégageant des composés chimiques que le vent transporte d'un individu à l'autre, ou encore par l'entremise de champignons...

On y apprend que les arbres ont une certaine forme de mémoire...

On y apprend pourquoi les arbres urbains ou ceux des boisés créés par l'homme sont beaucoup plus susceptibles aux parasites et aux mauvaises conditions météorologiques...

On y apprend que l'arbrisseau d'un mètre de haut, qu'on croirait vieux d'un an ou deux, est peut-être là depuis quarante ans, à attendre son heure...

On y apprend que le tremble (mon arbre préféré car le moindre souffle fait s'agiter ses petites feuilles rondes) peut créer un réseau de racines s'étendant sur des kilomètres à la ronde, d'où surgissent de multiples troncs; et que donc, ce qu'on pense être plusieurs arbres est souvent en fait un seul et même organisme...

Et je pourrais continuer comme cela longtemps!  C'est une lecture vraiment fascinante.  Je craignais qu'il n'y ait un petit côté ésotérique, mais non, tout est appuyé par la science, bibliographie à l'appui.   Seul petit défaut, on remarque parfois certaines répétitions, par exemple un même mot dont la définition est donnée plusieurs fois.  Cela me laisse conclure que ce livre est fait pour être lu petit à petit, et non pas tout d'une traite.  Certains commentateurs qui ont déjà des connaissances en botanique ont aussi relevé quelques imprécisions (certaines pouvant être dues à la traduction, d'autres non) ou généralisations.

Après cette lecture, une promenade en forêt ne sera plus jamais pareille!


La Vie secrète des arbres de Peter Wohlleben, traduit de l'allemand, 2015, 216 p.  Titre original: Das geheime leben des baüme.