28 février 2025

L'éternité n'est pas de trop

Quel beau roman historique!  

J'ai lu il y a fort longtemps un autre roman de François Cheng, Le Dit de Tianyi.  J'avais trouvé sa plume absolument magnifique, mais c'était un roman qui demandait un certain effort à cause des nombreuses réflexions sur l'art, l'amour, la vie, et l'écriture, à cause aussi de certains passages très durs.  

Des sujets philosophiques (la vie, la mort, l'amour, la religion) sont également abordés ici, mais il me semble que cela est fait d'une façon plus légère.  Le tout reste empreint d'une certaine mélancolie, mais il y a des moments très lumineux, notamment de fort belles descriptions de la nature chinoise.  

On est transporté au XVIIe siècle en Chine, où l'on suit l'histoire d'amour tout en pudeur de deux personnages attachants, le médecin et devin Dao-Sheng et la femme qu'il avait croisée trente ans plus tôt et jamais oubliée.

Une œuvre pleine de poésie, très émouvante.    


L'éternité n'est pas de trop de François Cheng, 2002, 288 p.

27 février 2025

Relic

Avis à tous les scientifiques: lorsque vous êtes en expédition dans un pays exotique, pouvez-vous arrêter d’envoyer par ______(insérez au choix: la poste, bateau, avion, caravane de chameaux) votre ______ (statue, bijou, ossement, momie, météorite, échantillon biologique, grimoire),à l’intention d’un de vos collègues dans _______ (une université, un laboratoire, un musée, une bibliothèque)?  Ça tourne toujours mal, vous n’avez pas remarqué?

Vous l'aurez deviné, j’ai vraiment eu une impression de déjà-vu en commençant ce premier tome de la série mettant en vedette l’agent du FBI Aloysius Pendergast, du duo d'écrivains américains Douglas Preston et Lincoln Child.  Il me semble que de nombreux films, romans ou épisodes de série télé débutent de cette façon.  Bon, cette impression est en bonne partie due au fait qu’un film a été tiré de ce roman en 1997, que j’ai vu ce film, mais que je n'avais pas fait le rapprochement car le scénario a été quelque peu modifié, notamment les noms des personnages.  Ce n’est qu’après la lecture, en faisant quelques recherches, que le lien s'est fait dans mon coco. 

Heureusement cela n’a pas nui au plaisir que j’ai ressenti en lisant ce roman.  En effet, dès que l’action se transporte à New York, cela devient palpitant.  J’ai particulièrement apprécié l’équilibre entre le suspense, les détails scientifiques, la touche de fantastique/horreur et la description des coulisses du Musée d’histoire naturelle, que j'ai d'ailleurs visité quand j'étais ado lors d'un voyage scolaire.  Certains personnages sont un peu caricaturaux mais d’autres sont plus originaux, notamment Pendergast, que j’ai très hâte de retrouver dans les prochains tomes!

Avis aux éditeurs : un plan du musée aurait été le bienvenu, car on a parfois de la difficulté à visualiser les lieux.  Ça a l’air d’un sacré labyrinthe! 

 

Relic de Douglas Preston et Lincoln Child, 1995, 480 p.  Traduit sous deux titres selon les éditions: Superstition ou Relic.

16 février 2025

Proust au gym

Si jamais les créateurs d'un éventuel dictionnaire des réseaux sociaux cherchent un exemple pour la définition de l'expression OLNI (Objet Littéraire Non Identifié), ce petit bouquin pourrait bien faire l'affaire...

On le voit classé en Poésie, mais personnellement je le décrirais comme un roman d'autofiction en vers libres.  Je soupçonne en fait que la forme adoptée par Anthony Lacroix manifeste une volonté d'écrire en se foutant de la ponctuation plutôt qu'un désir de donner une dimension poétique à son texte.  Et je ne dis pas cela d'une façon péjorative, je trouve même que cela fonctionne plutôt bien.  

De quoi ça cause?  Je vous le donne en mille:  de Proust et de gymnastique.  Plus particulièrement, du projet de l'auteur d'écouter en version audio toute La Recherche en faisant des séances de musculation dans l'espoir d'obtenir un corps de rêve (tout en tentant d'achever son mémoire de maîtrise, accessoirement).

Qui est le public cible?  Utilisons la théorie des ensembles:  

Lecteurs de Proust ∪ Amateurs de musculation = Public cible

Lecteurs de Proust Amateurs de musculation = Futurs adorateurs d'Anthony Lacroix

Traduction pour ceux qui ont effacé de leur cerveau les cours de math du niveau primaire dès qu'ils ont atteint le secondaire 1: vous aimerez ce roman si vous êtes soit un lecteur de Proust, soit un culturiste; si vous êtes les deux, vous allez l'adorer.  Enfin, c'est ma théorie, ce n'est pas encore prouvé.  Personnellement, je fais seulement partie du premier ensemble, donc j'ai trouvé ce petit bouquin amusant et original.

En terminant, un court extrait pour vous donner une petite idée du genre:

  Marcel et moi avons les mêmes suffocations


            selon mes signes et symptômes
            j’ai soit
            des spasmes nerveux
            un commencement de tuberculose
            de l’asthme
            une bronchite
            une dyspnée toxi-alimentaire avec insuffisance rénale


            je devrais suivre le traitement prescrit
            par le docteur Cottard


            rester au lit pendant plusieurs jours et boire du lait


            ça sauvera sûrement Marcel d’une mort certaine
            mais je ne sais pas si le même remède fonctionnerait
            pour moi
            

  il y a trop de différences entre
  le personnage principal de Proust et moi
  et la plus importante
  c’est qu’il ne fait pas d’embonpoint


Proust au gym d'Anthony Lacroix, 2024, 108 p.

14 février 2025

Le Garçon

Dans l'ensemble, voici un excellent roman historique et roman d'apprentissage.  La plume de Marcus Malte, que je ne connaissais pas, est magnifique et très originale.  J'ai beaucoup aimé l'histoire de ce jeune homme muet dont les horizons s'élargissent progressivement, lui qui au départ ne connaissait que la forêt provençale où il a grandi à l'état presque sauvage.  Les chapitres qui se déroulent durant la Première Guerre mondiale sont particulièrement frappants.

Deux petits bémols ont toutefois empêché ce roman d'être un coup de cœur.  Tout d'abord, j'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs, particulièrement dans le passage où le garçon découvre la sexualité.  Son amoureuse et lui aiment essayer de nouvelles techniques et positions sexuelles, ça va, on a compris!  Quelques pages là-dessus, ça donne du piquant; plusieurs chapitres, ça devient un brin répétitif!  

Deuxièmement, il me semble que le fait que le personnage n'ait pas de prénom (son amoureuse lui en donne un vers le milieu du récit, mais il continue tout de même d'être désigné par «le garçon» jusqu'à la fin) crée une distance entre lui et le lecteur, ce qui m'a empêchée de m'attacher vraiment à lui.  Je suppose que c'était voulu par l'auteur, mais pourquoi?

 Je vais tout de même garder un très bon souvenir de ce roman, et j'en lirai certainement d'autres de cet écrivain.  Je vois que Garden of Love a remporté de nombreux prix, ce sera peut-être celui-là.

 

Le Garçon de Marcus Malte, 2016, 535 p.

04 février 2025

Ilium

 Duologie Ilium/Olympos, tome 1 

Aarrggh!  Je savais que ce roman de Dan Simmons faisait partie d'une duologie, mais pour une raison que j'ignore, j'étais persuadée que ce premier tome pouvait se lire de façon indépendante...  Pas du tout!  Au contraire, les derniers chapitres ne sont qu'une mise en place pour ce qui va se passer dans le tome suivant. 

La bonne nouvelle, c'est que j'ai adoré ce premier tome, donc ce ne sera pas une corvée de lire la suite pour avoir le fin mot de l'histoire.  Cela attendra toutefois que je fasse un petit tour à la bibliothèque municipale, à la succursale où ce tome 2 est disponible, qui n'est pas celle que je fréquente le plus.  

Il faudra aussi m'assurer que mon cerveau aura une bonne disponibilité à ce moment-là, car si le tome 1 est garant de la suite, ce ne sera pas une petite lecture légère.

En effet, dans ce premier tome, on suit trois intrigues entrecroisées et assez complexes, avec beaucoup de personnages et de détails (scientifiques et autres).  Une des trames raconte les péripéties d'un historien du futur envoyé par les dieux grecs observer la guerre de Troie afin de confirmer l'exactitude de l'Iliade d'Homère (mais certains dieux ont d'autres motivations, ce qui complique la mission).  

Dans une deuxième trame, on suit les aventures d'un petit groupe d'humains dans un futur très lointain où la vie se résume à se téléporter d'un endroit à l'autre du globe pour assister à des fêtes, où tout le travail est accompli par des robots et où l'on est protégé par d'étranges créatures, les Voynicks.  Au départ, cela semble presque idyllique, mais plus on avance, plus on s'aperçoit qu'il y a quelque chose qui cloche, et pas qu'un peu... 

La troisième trame est nettement ma préférée.  On y découvre quatre robots originaires des lunes de Jupiter, envoyés vers la planète Mars pour enquêter sur la quantité inquiétante d'événements quantiques qui s'y produisent et qui mettent en danger le système solaire.  Il se développe une amitié touchante entre deux des robots, l'un grand amateur des sonnets de Shakespeare, l'autre de l’œuvre de Proust, ce qui donne lieu à des dialogues hilarants.

En plus des allusions aux deux écrivains nommés ci-dessus, il y a énormément de références littéraires: Homère et Virgile, bien sûr, mais aussi plusieurs autres que je vous laisse découvrir.  J'ai aussi adoré les petites pointes d'humour, qui arrivent souvent inopinément, parfois à des moments de grande tension!

Petit avertissement, c'est vraiment un énorme pavé.  Il ne fait que 576 pages, me direz-vous, mais c'est trompeur: c'est une édition en très grand format avec une petite police de caractères et une texte dense.  Cela m'a pris presque quatre semaines pour en venir à bout, mais je ressors enchantée de cette lecture!

Un excellent début d'année livresque (j'ai aussi lu un court texte de Stefan Zweig, Cicéron, dont je ne vous ai pas parlé car il ne fait qu'une vingtaine de pages, mais que j'ai beaucoup aimé).     


Ilium de Dan Simmons, 2003, 576 p.  Titre de la traduction française: Ilium.