07 mai 2015

Brida (abandon)

Les lectures communes et autres clubs de lecture sont souvent l'occasion de faire de chouettes découvertes, des livres que l'on n'aurait pas choisis spontanément.  C'est pourquoi je me prête volontiers au jeu, même lorsque les oeuvres sélectionnées sont a priori en dehors de ma zone de confort, comme c'est le cas pour le titre élu ce trimestre pour la lecture commune du Forum du Guide de la bonne lecture, Brida de Paulo Coelho.

Malheureusement, je ne me suis pas rendue très loin...

Je pensais qu'il s'agirait d'une sorte de fable ou de conte initiatique. Mais Coelho nous dit dès l'introduction que c'est l'histoire d'une femme qu'il connaît!  Autant en fiction j'aime le fantastique, autant dans la «vraie vie» les machins ésotériques me laissent complètement sceptique, voire m'irritent si j'ai l'impression qu'on tente de berner les gens.   Dès la première phrase, «Dans Le Pèlerin de Compostelle , j'ai remplacé deux des Pratiques de RAM par des exercices de perception, appris à l'époque où je faisais du théâtre»,  je me sens exclue et j'ai un mauvais pressentiment.  Première prise!*

Je persévère mais le style d'écriture n'est pas du tout dans mes goûts.  Tout est appuyé, les émotions et motivations de l'héroïne sont soulignées à gros traits, rien n'est laissé à l'imagination ou à la perspicacité du lecteur et il y a beaucoup de répétitions.  Beaucoup de majuscules, aussi: la Tradition, les Dons, la Magie, l'Autre Partie...  Deuxième prise!

«Les gens qui ont le Don à la naissance ont les lobes des oreilles petits et collés à la tête.»  Ai-je besoin d'en dire plus?  Après avoir levé les yeux au plafond, j'aperçois près de ma table de chevet un Stephen King des plus alléchants... Troisième prise, retiré!


*Pour mes lecteurs européens: terme relié au baseball. Après trois prises (essais de frapper la balle), le frappeur laisse sa place au suivant.


Brida de Paulo Coelho, 2010, 297 p.

27 avril 2015

Le Déchronologue

Un roman de SF qui se déroule au XVIIe siècle dans les Caraïbes, déjà, c'est pas banal. La construction du Déchronologue de Stéphane Beauverger n'est pas banale non plus, puisque les chapitres ne sont pas en ordre chronologique.  Au début cela m'a quelque peu désarçonnée, voire agacée, car je trouvais cela un peu gratuit, jusqu'à ce que je comprenne que l'auteur voulait en fait représenter les bouleversements temporels que l'équipage du Déchronologue et son capitaine Henri Villon doivent affronter.  Si au départ l'apparition d'objets étonnants (boîtes de conserve, médicament, appareils de radio, etc) est pour la population locale une source d'émerveillement et provoque un troc intensif, elle annonce de graves dangers, auxquels notre héros devra faire face au péril de sa vie... et de sa sanité!  Tout cela sur fond de flibuste, de manigances politiques et de guérilla autochtone, décrites avec intelligence et d'une fort belle plume .

Si vous aimez à la fois les romans historiques et la Science-fiction, n'hésitez pas!


Le Déchronologue de Stéphane Beauverger, 2009, 558 p.

13 avril 2015

La Vie mode d'emploi

Quelle étrange expérience que la lecture de ce roman! Je devrais plutôt écrire romans, au pluriel, comme on le fait en page couverture, car il y a en fait plusieurs intrigues entremêlées, et le travail qui est donné au lecteur, c'est de s'y retrouver.  Il s'agit d'un véritable casse-tête formé du portrait de chacun des habitants d'un immeuble parisien, mais un casse-tête en quatre dimensions puisque celle du temps entre en jeu.  En effet, le passé des locataires est abordé, mais en plus on évoque tous ceux qui ont habité la bâtisse depuis sa construction au siècle précédent.   Et comme dans un puzzle, le tableau accroché au mur dans le coin gauche et le bocal de poissons rouges sur le guéridon sont tout aussi importants que la jeune fille lisant une lettre à l'avant-plan! Cela est donc le prétexte à de multiples descriptions, listes, énumérations en tous genres.

Heureusement, pour nous aider à démêler les fils, il y a un index détaillé, une chronologie et surtout un plan du bâtiment. J'avais bien tenté de m'en faire un moi-même au fur et à mesure, mais après quelques chapitres c'était la confusion totale. Bon, il faut dire que j'avais oublié qu'en Europe le rez-de-chaussée et le premier sont deux étages distincts...

Une lecture très amusante, des passages rappelant le polar, le récit de voyage, le roman d'aventures, des énigmes et plein de surprises!  À réserver cependant pour un moment où l'on n'est pas trop fatigué car ça demande un peu de concentration et de suite dans les idées!


La Vie mode d'emploi de Georges Perec, 1978, 641 p. incluant les annexes.

14 mars 2015

Meurtre à l'hôtel Despréaux

J'aime beaucoup la plume de Maryse Rouy (voir par exemple mes billets sur sa série Une Jeune Femme en guerre), mais j'avoue avoir toujours eu un faible pour ses romans médiévaux, a fortiori les polars (Les Bourgeois de Minerve, Au nom de Compostelle).  J'étais donc enchantée de constater qu'elle était retournée à ce genre littéraire.

Et je n'ai pas été déçue!  La présentation, d'abord, est fort réussie, avec cette couverture à la fois sobre et élégante, à la texture de parchemin.  On retrouve ensuite le souci des détails, la recherche minutieuse et les personnages attachants auxquels l'auteure nous a habitués.  L'intrigue se déroule dans le Paris du XIVe siècle, alternativement dans le milieu de la bourgeoisie naissante et dans un monastère de la région, et vraiment, on s'y croirait!  D'aucuns trouveront peut-être le rythme du récit un peu lent mais cela ne m'a pas déplu car cela nous permet d'apprécier l'ambiance et la reconstitution historique rigoureuse.

La seule petite chose qui m'a agacée (et je pense que le commentaire s'adresse surtout à l'éditeur), c'est que la lecture est constamment  interrompue par des astérisques qui renvoient au glossaire situé à la fin du volume.  Ce glossaire est en soi une bonne idée (tout le monde n'est pas familier avec les termes reliés à la vie monastique, à la cuisine ou à l'habillement médiévaux); c'est contre les astérisques que j'en ai, qui nous forcent constamment à nous arrêter pour décider si oui ou non l'on a besoin d'aller vérifier la signification exacte du mot.  De plus, certains items sont des explications plus que des définitions et auraient eu leur place en bas de page.  Heureusement, ces interruptions se font de plus en plus rare à mesure qu'on avance dans le roman.

La bonne nouvelle, c'est que le tome 2 de cette série vient de paraître. J'ai déjà hâte de retrouver Gervais et son entourage!


Le billet de Venise.


Meurtre à l'hôtel Despréaux (Les Chroniques de Gervais d'Anceny, tome 1) de Maryse Rouy, 2014, 282 p. 

27 février 2015

Nikolski

J'aime beaucoup la plume de Nicolas Dickner (voir mes billets précédents ici et ici) et c'est avec joie que je l'ai retrouvée. Même son petit côté pédant m'amuse et me réjouit! Qui d'autre que lui peut s'en tirer avec des expressions comme «un regard de sélacien»? 

Dans ce roman, on suit les péripéties vécues par trois jeunes gens qui habitent le même quartier de Montréal, celui du marché Jean-Talon (que je connais bien, ce qui ajoute au plaisir!) dont les destins s'entrecroisent sans vraiment se rencontrer et sont marqués par des thèmes aussi divers que ceux de l'archéologie, des poissons et monstres marins, des cartes routières et guides de voyage, des pirates (informatiques ou pas)...  Sans oublier les livres, de Bob Morane à Moby Dick en passant par un mystérieux bouquin sans couverture.

Seul bémol, j'ai ressenti au milieu du livre une certaine lassitude, un certain flottement.  Les personnages constamment maussades me tombaient un peu sur les nerfs et je ne voyais pas trop où Dickner voulait nous mener.  Heureusement, cela n'a duré qu'une cinquantaine de page (et non quatre cents comme dans The Goldfinch de Donna Tartt!) et je garderai finalement un bon souvenir de ce bouquin, même s'il n'est pas mon préféré de l'auteur. 


Nikolski de Nicolas Dickner, 2005, 323 p.

http://jai-lu.blogspot.ca/2014/11/quebec-o-tresors-le-billet-recapitulatif.html



12 février 2015

The Light Fantastic (Le Huitième Sortilège)

(Discworld, tome 2)

On m'avait prévenue qu'il ne s'agissait pas du meilleur tome de cette immense série de Terry Pratchett, et effectivement j'ai trouvé l'intrigue un peu décousue au début et l'humour parfois forcé.  Certains personnages sont présentés et on ne les revoit pas par la suite (ce sera pour plus tard, j'imagine). Tout de même, j'ai bien rigolé, ce qui était le but de l'affaire, et la fin est très réussie!  J'ai particulièrement apprécié les passages avec la Mort; notamment, le bout où Twoflower tente d'enseigner le bridge (enfin, une version du bridge qui contient des tortues et des éléphants!) aux quatre Cavaliers de l'Apocalypse est hilarant!  Je sais que plusieurs des romans suivants mettent en scène la Grande Faucheuse, je vais tenter de mettre la main sur le premier du cycle.  Parlant de cycles, j'ai trouvé sur wikipédia un chouette tableau qui met un peu d'ordre dans tout ça.

Mon billet sur le premier tome: The Colour of Magic.


The Light Fantastic (Discworld, tome 2) de Terry Pratchett, 1986, 284 p.  Titre de la version française: Le Huitième Sortilège (Les Annales de Disque-Monde, tome 2).

01 février 2015

À l'ouest rien de nouveau

Encore une fois un billet qui, je le crains, ne rendra pas justice à ce magnifique et terrible roman. Roman qui, on le sent bien, est basé sur des faits vécus puisque Remarque a été fantassin durant la Première Guerre mondiale.  Les descriptions sont d'un réalisme époustouflant. J'ai eu le coeur brisé lorsque le narrateur et ses compagnons, à dix-neuf ou vingt ans, sont considérés comme des vétérans et tentent en vain de montrer aux recrues comment survivre aux gaz, aux bombes.

Au début, le héros est encore capable d'apprécier quelques instants de beauté dans toute cette laideur:
«Sur un chemin transversal passent des canons légers et des voitures de munitions.  Les dos des chevaux luisent sous la lune, leurs mouvements sont beaux, ils portent la tête haute et on voit étinceler leurs yeux.  Les canons et les voitures semblent glisser sur l'arrière-plan estompé du paysage lunaire; les cavaliers, avec leurs casques d'acier, ont l'air de chevaliers du temps passé; c'est, d'une certaine manière, beau et émouvant.»

Mais ces moments de grâce sont de plus en plus rares, et la seule chose qui lui permet de garder une certaine sanité est l'amitié et la complicité des autres soldats.  Même les permissions, où il peut retrouver sa famille, ne lui sont d'aucun réconfort puisque rien n'est plus comme avant; il se sent comme un étranger dans sa propre chambre et est complètement déphasé par rapport aux civils. Il s'interroge également sur ce qui l'attend après la démobilisation, puisqu'il a quitté l'école pour s'engager et ne sait faire rien d'autre que de tuer pour survivre. Fait à remarquer, il ne montre que très peu de haine envers l'ennemi, qui est à peine mentionné, réservant toute sa grogne pour les dirigeants qui ont déclaré cette guerre et pour les officers aux ordres insensés.

Vous le savez, je ne suis pas fan de l'utilisation du présent dans les romans; toutefois ici il est très approprié et extrêmement efficace puisqu'il nous plonge directement dans l'enfer des tranchées.

Un livre qui n'a pas pris une ride, sauf pour un paragraphe sur les «nègres de la brousse», qu'il faut bien sûr replacer dans son contexte.  Un grand roman pacifiste qui fut brûlé par les nazis et valut à son auteur de se voir retirer sa citoyenneté allemande.  Le titre prend tout son sens au dernier paragraphe et c'est une vraie claque...


À l'ouest  rien de nouveau de Erich Maria Remarque, traduit de l'allemand, 1929, 282 p.  Titre original: Im Westen nichts Neues.