08 novembre 2024

The Left Hand of Darkness (La Main gauche de la nuit)

Quel immense plaisir de renouer avec la magnifique plume d'Ursula Le Guin!  Je suis toujours fascinée par sa force d'évocation.  En quelques phrases, elle arrive à créer une ambiance, un monde!

J'ai lu toute sa série fantasy Earthsea (Terremer) à part quelques nouvelles.  J'étais très curieuse de voir ce que ça donnait en science-fiction!  En fait, au début de The Left Hand of Darkness, on se croirait encore en fantasy: un roi et ses conseillers, un château, etc.  De temps en temps, l'apparition d'une voiture électrique ou la référence à une autre planète viennent nous rappeler que non, on est bien en SF!  Cela se confirme lorsqu'on apprend que le personnage principal est l'émissaire de l'Ekumen, un regroupement de civilisations humaines disséminées dans toute la galaxie. 

Ce roman connaît un regain de popularité ces temps-ci car il aborde un sujet très à la mode: l'identité de genre.  Pourtant, il a été publié en 1969!  Les humains peuplant la planète Gethen sont en effet des êtres androgynes et asexués, sauf durant de courtes périodes où ils se transforment et présentent alors les caractéristiques de l'un ou l'autre sexe.  Certaines considérations sur les différences entre les sexes peuvent paraître un peu datées (d'ailleurs on ne sait pas toujours s'il s'agit de l'opinion de l'auteure ou de son personnage principal, un homme terrien avec ses préjugés) mais j'ai quand même trouvé cette thématique très avant-gardiste.

Mais ce que j'ai encore plus apprécié, c'est le sujet du choc des cultures, finement abordé ici, et aussi tout le jeu sur le thème de l'opposition lumière/noirceur, qui prend toute son importance à mesure qu'on avance dans l'histoire.  Cela vaudrait la peine de relire le livre pour repérer de possibles allusions qui seraient passées inaperçues en première lecture! 

Seul mini-bémol, il y a une ou deux petites choses à la toute fin que je ne suis pas bien sûre d'avoir comprises.

Ce roman fait partie du Cycle de l'Ekumen (Hainish Cycle en VO), un ensemble de sept romans et plusieurs nouvelles.  Chacun se lit de façon indépendante et dans n'importe quel ordre, si j'ai bien compris.  J'ai déjà hâte de me replonger dans cet univers!


The Left Hand of Darkness d'Ursula Le Guin, 1969, 301 p.  Titre de la traduction française: La Main gauche de la nuit.

27 octobre 2024

Le Clan des Belen

D'après les commentaires lus ici et là, plusieurs lecteurs ont beaucoup apprécié ce roman de Julia Castiel (que je ne connaissais pas, et pour cause, c'est son premier livre!), mais ont été déçus par la fin.  C'est bizarre parce que moi ce serait plutôt le contraire!  Enfin, sans vraiment m'ennuyer (l'ambiance de ce petit village isolé des Ardennes est bien décrite et les personnages sont attachants ou inquiétants selon le cas), je trouvais l'intrigue peu originale, et la plume de l'auteure ne me convenait pas complètement: un peu saccadée, de temps en temps des tournures de phrases un peu maladroite...

Mais cette fin!  Je ne l'ai pas vue venir du tout.  Enfin, j'en avais deviné une partie, c'était assez évident, mais une certaine révélation m'a jetée en bas de ma chaise!  Chapeau!   


Le Clan des Belen de Julia Castel, 2023, 209 p.

25 octobre 2024

Bonobo

Vous me connaissez, je ne lis jamais les quatrièmes de couverture.  J'avais noté ce roman sur ma liste il y a plus d'un an, mais je ne me souvenais que vaguement qu'il s'agissait d'une histoire mettant en scène quelqu'un qui s'occupe de bonobos, ces cousins plus sociaux et moins violents des chimpanzés.  Bon, j'avoue, c'est surtout cette couverture absolument craquante qui avait retenu mon attention!  Des fois, cette manie de me lancer dans une lecture à l'aveuglette me joue des tours: je tombe sur des romans d'un genre que je n'ai pas envie de lire à ce moment-là.  La plupart du temps, cela donne de bonnes surprises, comme ce fut le cas ici.

En effet, l'intrigue prend un tour fantastique que je n'ai pas du tout vu venir et que j'ai trouvé intéressant.  Il s'agit d'une histoire d'échange de personnalité entre une petite femelle bonobo et une soignante à l'emploi d'un centre d'étude des primates.  Comme dans tous les romans (ou les films, nombreux) de ce genre, il faut bien sûr accepter cette prémisse de départ, qui peut naturellement sembler tirée par les cheveux.  Une fois que c'est fait, on obtient ici de belles réflexions sur l'identité, sur la mort, sur ce qui différencie ou rapproche l'humain de ces animaux qui sont les plus proches de nous génétiquement parlant.  J'ai particulièrement apprécié les passages qui évoquent les souvenirs de la petite bonobo.  L'évolution des personnages principaux est également bien développée.

On remarquera aussi une dénonciation de la traite des animaux sauvages et de leur maltraitance -- il y a d'ailleurs une scène assez dure, les petits cœurs tendres sont avertis!   


Bonobo de Jeong You-jeong, traduit du coréen, 2021, 400 p.  Titre original: Jin-Yi & Jinny (2019).

20 octobre 2024

Vol de nuit

Oh là là!  On a frôlé l'abandon, là!

En effet, toute la première moitié de ce roman de Saint-Exupéry est très décousue.  On passe d'un personnage à l'autre sans s'attacher à aucun et on ne comprend pas où veut en venir l'auteur.  Alors que j'espérais retrouver la magie des descriptions de Terre des hommes, on s'embourbe plutôt dans le train-train du service de courrier de cet aéroport de Buenos Aires, avec ses absurdités administratives et ses injustices, le tout narré d'une plume assez détachée qui m'a rappelé celle de Louis-Ferdinand Céline. 

Heureusement, dans la deuxième moitié, on se concentre sur le personnage du Directeur du service, ce qui permet de mieux saisir les enjeux.  Pour lui, tout ce qui compte, c'est de prouver l'efficacité de son système de livraison de nuit, afin de concurrencer les autres moyens de transport.  Les employés, pilotes inclus, ne sont pour lui que des rouages de cette machine qui doit fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, malgré les dangers de l'aviation nocturne.

Mais surtout, il y a dans cette partie de très belles pages sur les péripéties vécues durant un de ces vols.  C'est magnifique et poignant, et grâce à ces passages, je termine ce roman avec un avis plus positif que négatif. 


Vol de nuit de Saint-Exupéry, 1931, 188 p.

14 octobre 2024

The Crucible (Les Sorcières de Salem)

Première constatation: cette édition de la célèbre pièce du dramaturge américain Arthur Miller comprend des remarques de l'auteur qui sont bizarrement intégrées au texte de la pièce, comme si elles en faisait partie.  Cela m'a pris un moment pour comprendre qu'il ne s'agissait pas d'un texte qui serait dit en scène par un narrateur, ce qui me semblait assez particulier comme procédé.

Toujours est-il que dans ces remarques, Miller parle des faits et des personnages historiques qui ont inspiré la pièce.  J'ai tout de suite remarqué qu'il ne mentionnait pas du tout le côté misogyne des événements, comme on le fait généralement dès qu'il est question de chasse aux sorcières.  Il fait plutôt le parallèle avec le Maccarthysme, ce qui est normal puisque la chasse aux communistes bat son plein au moment de la création de la pièce.  D'ailleurs, le titre de la traduction française est trompeur.  Dans l'histoire, il n'y a pas que des femmes qui sont accusées.  Cela crée de fausses attentes par rapport à l'interprétation du texte. 

Une fois que mon cerveau a pu se réajuster, j'ai vraiment apprécié cette pièce qui démontre parfaitement comment les mécanismes de vengeance et de dénonciation se mettent en place dans cette petite société, avec en plus le rôle que jouent l'ignorance, la religion et les superstitions.  Brillant!


The Crucible d'Arthur Miller, 1952, 145 p.  Titre de la traduction: Les Sorcières de Salem.

13 octobre 2024

Les nouveaux classiques québécois

Avez-vous vu dans le journal La Presse cette liste de titres considérés comme les nouveaux classiques du XXIe siècle, regroupant des œuvres québécoises publiées entre 2000 et 2024 «qui ont laissé leur marque sur notre culture et notre imaginaire collectif»?  Je suis un peu surprise de ne pas y retrouver La trilogie du bonheur de Marie Laberge, qui a pourtant connu un immense succès; je me demande s'il n'y a pas là un certain snobisme, des œuvres plus «pointues» ayant été choisies.  Aussi, dans le cas de quelques œuvres très récentes, je trouve qu'il est un peu tôt pour juger l'impact qu'elles auront sur la culture québécoise.  Peut-être aurait-on dû se concentrer seulement sur les deux premières décennies du siècle?

D'autres absents: Le Plongeur de Stéphane Larue, Borderline de Marie-Sissi Labrèche (que je n'ai pas lu toutefois), les recueils de chroniques de Serge Bouchard, Un dimanche à la piscine à Kigali de Gil Courtemanche, pour ne nommer que ceux-là.

L'exercice reste tout de même intéressant (je suis toujours friande de ce type de listes!).  Voici la liste en question:


Le Podium:

  1. Putain, Nelly Arcand
  2. La Femme qui fuit, Anaïs Barbeau-Lavalette
  3. Là où je me terre, Caroline Dawson


Positions 4 à 10, en ordre alphabétique

  • Le ciel de Bay City, Catherine Mavrikakis
  • L’énigme du retour, Dany Laferrière
  • Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier
  • Kuessipan, Naomi Fontaine
  • Kukum, Michel Jean
  • Que notre joie demeure, Kev Lambert
  • Ru, Kim Thúy


Positions 11 à 25, en ordre alphabétique:

  • 1984, Éric Plamondon
  • Au péril de la mer, Dominique Fortier
  • La ballade de Baby, Heather O’Neill
  • Bâtons à message/Tshissinuatshitakana, Joséphine Bacon
  • Le boys club, Martine Delvaux
  • Ce que je sais de toi, Éric Chacour
  • La constellation du lynx, Louis Hamelin
  • La fiancée américaine, Éric Dupont
  • L’habitude des ruines, Marie-Hélène Voyer
  • Mille secrets mille dangers, Alain Farah
  • L’orangeraie, Larry Tremblay
  • Le poids de la neige, Christian Guay-Poliquin
  • Paul à Québec, Michel Rabagliati
  • Une réunion près de la mer, Marie-Claire Blais
  • Les villes de papier, Dominique Fortier


Que pensez vous de cette liste?  Lesquels avez-vous lus?  Êtes vous d'accord avec leur présence dans cette liste?  Vous y auriez vu d'autres titres?

Personnellement, j'ai lu:

  • Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier (Adoré!)
  • Ru, Kim Thúy (Beaucoup aimé)
  • 1984, Éric Plamondon (J'ai lu seulement le premier tome de la trilogie, je n'y ai rien compris)
  • Au péril de la mer, Dominique Fortier (Surprise que ce soit celui-ci qui ait été choisi, c'est celui que j'ai le moins aimé dans sa bibliographie)
  • La constellation du lynx, Louis Hamelin (Abandonné, je n'ai pas accroché, tout en reconnaissant les qualités littéraires de l’œuvre)
  • La fiancée américaine, Éric Dupont (Adoré!)
  • Mille secrets mille dangers, Alain Farah (Beaucoup aimé)
  • L’orangeraie, Larry Tremblay (Adoré!)
  • Paul à Québec, Michel Rabagliati (Adoré!)
  • Les villes de papier, Dominique Fortier (Adoré!)


12 octobre 2024

The Last Juror (Le Dernier Juré)

Encore un bon petit thriller de John Grisham!

Le personnage principal est un jeune journaliste fraîchement diplômé de l'université qui débarque dans une petite ville du Mississippi et prend en charge le journal hebdomadaire local.  Comme presque toujours chez Grisham, il y aura un crime et un procès, mais l'auteur en profite ici pour dresser un portrait du sud des États-Unis au début des années 70: ségrégation raciale, corruption des autorités, entraide entre voisins, omniprésence de la religion, évolution des mentalités; bref, le bon et le mauvais de la société américaine à l'époque.

L'intérêt principal du roman est la ribambelle de personnages secondaires hauts en couleur, notamment une dame dans la soixantaine très pieuse mais attachante par sa droiture, son courage et son amour de la bonne chère à la mode du Sud (certains passages m'ont mis l'eau à la bouche!), que je n'ai pu m'empêcher d'imaginer sous les traits de la poète afro-américaine Maya Angelou, dont elle possède la dignité et l'élocution parfaite.

Seul petit bémol: dans la deuxième moitié, l'intrigue principale effectue un saut de quelques années, et on dirait que Grisham a voulu faire du remplissage en nous racontant assez longuement des événements ayant peu d'intérêt pour l'histoire: élections municipales, achat et rénovation de la maison du héros, etc. 


The Last Juror de John Grisham, 2004, 487 p.  Titre de la traduction: Le Dernier Juré.