03 juillet 2025

Je vous ai vue, Marie

Quand j'étais ado (dans une autre ère géologique, donc), je me souviens avoir adoré le premier roman de François Barcelo, Agénor, Agénor, Agénor et Agénor.  Mes souvenirs de l'histoire elle-même sont flous (voire inexistants) mais j'avais trouvé très original ce type d'humour assez farfelu (humour déjanté, qu'il faut dire maintenant).  Je revisite maintenant l'auteur grâce à ce petit roman ramassé pour une bouchée de pain lors d'une vente de livres élagués de la Bibliothèque de Montréal.

J'ai plutôt apprécié le mélange de comédie satirique et de policier.  Les dialogues, notamment, sont assez amusants.  Seul petit défaut, il y a beaucoup de personnages, on s'y perd, en particulier entre les différents enquêteurs! Une petite liste n'aurait pas été de trop. 

Toutefois ce roman ne me laissera pas un souvenir indélébile.  J'ai l'impression que ce type d'humour semblait très original jadis, mais maintenant c'est beaucoup plus courant!

 

Je vous ai vue, Marie de François Barcelo, 1990, 249 p.

24 juin 2025

Patte de velours, œil de lynx

J'avoue, si j'ai eu envie de lire ce roman malgré les avis mitigés lus ici et là, c'est à cause de la couverture.  Quelle bouille il a ce minou! 

Malheureusement, malgré ce que laisse supposer cette couverture et ce titre, le chat en question a finalement un rôle très secondaire.  Si j'avais lu la quatrième de couverture, j'aurais pu m'en douter, mais je ne les lis jamais de peur qu'elles ne contiennent des divulgâcheurs.  

C'est la relation avec les voisins humains qui prend le devant de la scène, le chat (ou plutôt les deux chats, chaque maisonnée ayant le sien) agissant seulement à titre de déclencheur.  Alors qu'on prévoyait un récit plutôt amusant (toujours à cause de cette couverture), la tension s'installe et on se retrouve dans un thriller sur le thème assez banal de la dispute entre voisins.

On peut m'expliquer le titre de la version française?  Il n'a aucun rapport avec l'intrigue.  Mon ami Google Traduction me dit que le titre original suédois signifie «Œil pour œil, patte pour patte»; tout en mettant encore trop l'emphase sur les félins, ce titre a au moins l'avantage d'annoncer l'ambiance conflictuelle du récit.  

Contrairement à plusieurs lecteurs, j'ai assez aimé la fin, mais je suis quand même déçue du reste.  Le personnage principal est peu attachant et, le roman étant très court, on passe trop rapidement de «ils sont sympas mais un peu bizarres, ces voisins!» à «ma voisine est une psychopathe!».

 

Patte de velours, œil  de lynx de Maria Ernestam, traduit du suédois, 2015, 128 p.  Titre de la version originale: Öga för öga, tass för tass (2014).

22 juin 2025

A Prayer for the Crown-Shy (Une prière pour les cimes timides)

Monk and Robot (Histoires de moine et de robot), tome 2

 (Cette couverture est si jolie, je la laisse en plus grande dimension que d'habitude!) 

Après une lecture un peu glauque (La Porte des Enfers de Laurent Gaudé), quelle bouffée de fraîcheur de se retrouver sur la lune Panga avec nos amis Dex et Mosscap pour la suite de leurs aventures!  

J'ai encore beaucoup apprécié leurs conversations, surtout grâce aux réparties parfois naïves, parfois remplies de bon sens de notre robot envoyé par ses congénères pour enquêter sur les humains.  Les deux personnages sont vraiment fort attachants, et l'amitié qui se développe entre eux est touchante.  

J'ai encore eu un peu de difficulté à m'habituer à l'écriture inclusive, mais je pense qu'en anglais cela passe tout de même mieux qu'en français, puisque cela se limite à l'utilisation du pronom they singulier, sans avoir à accorder les articles et les adjectifs!  N'empêche, je devais parfois relire une phrase pour comprendre si le they se rapportait seulement à Dex (le personnage non-binaire) ou à plusieurs personnes.    

Le tout est très mignon, mais, encore plus que dans le tome 1, il m'a manqué une certaine tension, un mystère ou à tout le moins un enjeu quelconque!  Là, nos deux héros ne font que se promener d'un endroit à l'autre en discutant.  Finalement, j'en suis même arrivée à m'ennuyer quelque peu! 

 

A Prayer for the Crown-Shy (Monk and Robot, tome 2) de Becky Chambers, 2022, 160 p.  Titre de la traduction française: Une prière pour les cimes timides (Histoires de moine et de robot, tome 2).

21 juin 2025

La Porte des Enfers

Oh là là!  En commençant ce roman, je ne m'attendais pas à une ambiance aussi glauque et à des scènes d'une telle violence!  Bien sûr, Laurent Gaudé aime aborder des sujets sérieux, mais je n'ai jamais ressenti cette impression d'étouffement dans les autres romans que j'ai lus -- et pourtant je me souviens de passages assez durs dans Eldorado, par exemple.  

Heureusement, il y a dans cette histoire un côté fantastique qui m’intriguait.  Le narrateur, qui dit être mort et revenu à la vie, est-il un fantôme, un revenant, un fou?  C'est ce qui m'a encouragée à continuer, et finalement, à partir du milieu du roman, j'ai pu apprécier la façon dont Gaudé aborde les thèmes de la mort, du deuil, de la vengeance, du sacrifice et de la mémoire.  

Une des grandes forces de ce roman, ce sont les personnages secondaires, notamment la prostituée transgenre (en 2008, ce genre de personnages n'était pas encore courant) et le vieux curé barricadé dans son église.  

Mais quelle vision sombre de la mort!  On est loin du champ d’asphodèles des Grecs...       


La Porte des Enfers de Laurent Gaudé, 2008, 266 p. 

20 juin 2025

Au revoir là-haut

Un roman historique que j'ai terminé il y a plus d'une semaine...  Pour diverses raisons, je n'ai pas pu rédiger cet avis dans les jours suivants, comme j'aime le faire habituellement.  Je vais donc m'en tenir à quelques remarques générales, et ce sera un billet plus court que ce que le livre mérite.   

Pour un premier contact avec Pierre Lemaitre, c'est une réussite!  J'ai adoré cette intrigue à la fois originale et en droite ligne avec les grands auteurs du XIXe siècle, avec leurs portraits sans pitié d'une société française pourrie par les magouilles, le copinage et le patriotisme à outrance.  D'ailleurs, un des personnages principaux m'a rappelé Bel-Ami de Maupassant!  

En parlant des personnages, tous sont finement décrits, qu'ils soient attachants ou détestables.  J'ai aussi beaucoup apprécié l'humour de l'auteur, que ce soit dans les dialogues ou dans la narration.  À part quelques moments où j'ai trouvé que l'histoire piétinait un peu, j'ai tout aimé de ce roman décrivant la période de l'entre-deux-guerres.

Pardon M. Lemaitre pour ce billet trop court, je tenterai de faire mieux à la lecture du deuxième volet de cette trilogie, Couleurs de l'incendie, ce qui ne saurait tarder!

 

Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, 2013, 615 p.

06 juin 2025

Kukum

***Attention, je me permets de divulgâcher un peu, étant donné que ce sont des faits historiques assez connus...*** 

En mai, le thème du club de lecture du forum Livraddict était «les peuples autochtones».  J’ai donc suggéré ce roman du journaliste Michel Jean et à mon grand plaisir c’est lui qui a remporté le vote.  L’auteur y raconte la vie de son arrière-grand-mère, une femme blanche qui a épousé un Innu.

J’ai été surprise de constater que la narratrice du récit est l'aïeule elle-même.  C’est un choix audacieux de la part de l’écrivain, surtout que des scènes intimes sont racontées!

J’ai beaucoup apprécié découvrir le mode de vie des Innus au début du XXe siècle dans la région du lac St-Jean.  Leur vie quotidienne est décrite en détail: organisation sociale, migration selon les saisons, chasse, vie en famille, etc.  La nature sauvage tient une grande place dans le récit, ce qui lui donne un côté Nature Writing fort réussi.

Toutefois, je me suis demandé s’il n’y avait pas une certaine idéalisation de la réalité.  Est-il possible qu’une femme blanche ait été acceptée si facilement dans la communauté autochtone, au point qu’il semble n'y avoir eu aucun commentaire négatif, aucun questionnement?

Comme on pouvait s'y attendre, la fin du roman est triste puisque, à mesure que les Blancs envahissent le territoire, les Innus ont de plus en plus de difficulté à vivre selon leurs coutumes.  L’épisode des enfants amenés de force dans les pensionnats est particulièrement marquant, de même que la description de l'impact des barrages hydroélectriques sur les populations.  Le tout est narré avec une plume efficace qui évite de tomber dans le pathos. 

En bref, une très bonne première rencontre avec cet écrivain.  Maintenant j'ai bien envie de le retrouver dans un autre registre avec Envoyé spécial, où il raconte son expérience de correspondant à l'étranger. 

 

Kukum de Michel Jean, 2019, 224 p. 

27 mai 2025

Olympos

Duologie Ilium/Olympos, tome 2

***Attention, GROS DIVULGÂCHEUR du tome 1!!!***

Quel grand bonheur de retrouver tous ces personnages, en particulier mes deux préférés, les robots Mahnmut et Orphu!  J'avais presque les larmes aux yeux en constatant qu'Orphu avait pu être réparé presque à 100%!

Dans ce tome, Simmons apporte des éclaircissements au sujet des différents aspects de l'univers mis en place dans le tome 1.  On verse donc parfois du bord de la Hard SF (avec beaucoup d'explications scientifiques, donc), mais ce n'est pas gênant si on ne comprend pas absolument tout.

J'ai toutefois quelques bémols qui font que ce tome m'a légèrement moins enthousiasmée que le premier.  Tout d'abord, il y a quelques longueurs dans la deuxième moitié.  Il m'a semblé que l'intrigue piétinait un peu.  

Ensuite, il m'a semblé que certaines technologies permettaient parfois des facilités scénaristiques:  tout comme en fantasy cela peut devenir agaçant lorsque la magie est utilisée pour expliquer une incohérence (le fameux «ta gueule, c'est magique!»), ici j'ai trouvé que certains gadgets étaient un peu tirés par les cheveux.  Une combinaison en tissu fin comme une membrane, qui permet de résister autant au froid qu'au chaud extrêmes, de respirer dans le vide et sous l'eau, de ne pas être affecté par les gaz toxiques et acides et par des écarts de pression allant du vide spatial aux fonds marins jusqu'à huit atmosphères!  Pousse, mais pousse égal!

Enfin, il y a une scène sexuelle vraiment malaisante; j'avoue que j'ai lu ces quelques pages en diagonale tant je trouvais cela désagréable.  Je ne veux rien divulgâcher mais je pense que vous saurez de quel passage je parle quand vous y serez...

Mais je chipote, dans l'ensemble j'ai vraiment beaucoup aimé et  j'ai apprécié la toute fin, contrairement à certains lecteurs qui ont trouvé qu'elle tombait un peu à plat.  Il s'agit toutefois d'une intrigue complexe, il faudrait presque tout reprendre du début pour bien assimiler le tout!

 

Olympos de Dan Simmons, 2005, 690 p.  Titre de la traduction française: Olympos