12 novembre 2025

Le Dernier Thé de maître Sohô

L'intrigue de ce roman historique n'est pas d'une grande originalité: une jeune femme qui se déguise en homme pour pouvoir exercer un métier, c'est du déjà vu (coucou, Mulan!).  Quant à l'histoire des derniers samouraïs, elle sert de toile de fond à plusieurs films, il me semble.

L'originalité de ce livre vient plutôt de la plume élégante et poétique de Cyril Gély.  En effet, à chaque page il se forme dans notre esprit l'image d'une aquarelle aux couleurs délicates, à la composition épurée.  De temps en temps, une touche d'humour un peu cru vient pimenter le tout (oui, je mélange une métaphore artistique avec une culinaire, c'est mon blogue, je fais ce que je veux!). 

Est-ce qu'une plume, aussi magnifique soit-elle, est suffisante pour faire un bon livre?

Peut-être dans de rares cas, mais ici, cela n'a pas fonctionné pour moi.  À partir du milieu, je dois avouer que j'ai commencé à m'ennuyer un peu.  La fin m'a surprise, ce qui a ravivé mon intérêt, mais c'était un peu tard. 

Une petite déception, donc, mais je n'hésiterai pas à donner une deuxième chance à cet auteur si l'occasion se présente.  Quant à vous, je vous invite à lire ce roman pour vous faire votre propre idée, car il récolte généralement des critiques très élogieuses.


Le Dernier Thé de maître Sohô de Cyril Gely, 2024, 190 p.

11 novembre 2025

Assise, debout, couchée !

Très agréable à lire, ce petit bouquin, mi-essai, mi-récit autobiographique.  Ovidie (qui s'est d'abord fait connaître comme actrice porno, puis comme réalisatrice de documentaires féministes et écrivaine) nous parle des chiens qui ont jalonné sa vie, de l'enfance à aujourd'hui, mais aussi des façons dont les chiens et les femmes sont liés depuis la préhistoire.

Protecteur, compagnon, confident, enfant de remplacement, le chien occupe de nombreuses fonctions dans la vie des humaines.  Il fait également partie de la seule espèce qui subit, tout comme les femmes, des chirurgies purement esthétiques.  Il y a donc de nombreux liens entre lui et nous.

Les idées abordées par Ovidie sont vraiment intéressantes, mais elles auraient pu être plus développées, à mon avis.  Tout reste assez superficiel, c'est un bon point de départ, mais sans plus.

Les parties autobiographiques sont le gros point fort du livre.  Si vous aimez les pitous, je vous mets au défi de ne pas éclater de rire à plusieurs reprises, et surtout de ne pas verser une petite larme à la mort de Raziel, le bulldog anglais.    


Assise, debout, couchée ! d'Ovidie, 2024, 193 p.

08 novembre 2025

Comédie française: Ça a débuté comme ça...

C'est Gropitou qui m'a acheté ce bouquin dans une vente de livres élagués des bibliothèques de Montréal.  Je ne fais pas partie du public cible des autobiographies de stars, mais il savait que cela pourrait m'intéresser puisque je suis archi-fan de cet acteur, qui est par ailleurs captivant à en entrevue.

Gropitou a eu la main heureuse puisqu'en fait, malgré ce que laisse supposer le titre et la présentation de l'éditeur, il s'agit plutôt d'un genre d'essai sur la littérature et le cinéma (avec un soupçon de philo), entrecoupé de passages autobiographiques et de quelques pages de type journal intime.   

C'est donc tout à fait dans mes cordes!  Luchini nous parle de la relation qu'il entretient depuis des années avec Rimbaud, La Fontaine, Proust, etc.  Il m'a même donné envie de retenter Louis-Ferdinand Céline, après le semi-échec que fut Voyage au bout de la nuit), ce n'est pas rien! 

Petit bémol, il cite un poème d'un certain Philippe Muray qui s'étale sur 8 pages, c'est bien trop long, ça fait remplissage!  Il aurait été préférable de n'en citer que quelques vers plus marquants.

 

Comédie française: Ça a débuté comme ça... de Fabrice Luchini, 2016, 233 p. 

07 novembre 2025

L'Or

(Pas terrible, cette couverture...)

Jusqu'à maintenant, je ne connaissais Blaise Cendrars que de nom (nom que je trouve chouette par ailleurs, l'écrivain ayant créé ce pseudonyme à partir des mots «braise» et «cendre»!).  C'est mon ami Stefan (Zweig) qui m'a suggéré ce bouquin quand j'ai lu ses Très Riches Heures de l'humanité (recueil dont je ne vous ai jamais parlé car je le traîne depuis des mois, la deuxième partie, Souvenirs et rencontres, étant un peu ch... ennuyante.  Je pense que je vais me résoudre à le considérer comme un abandon et écrire finalement mon avis...  À faire avant la fin de l'année, pour qu'il entre dans mon bilan annuel!).  En effet, Zweig y parle du même personnage historique, le général Suter, qui fut paradoxalement ruiné à cause de la découverte d'or sur ses terres en Californie lors du fameux Eldorado. 

Après avoir admiré la plume de Cendrars, presque poétique, dans le premier chapitre qui se déroule en Suisse, j'ai trouvé dans les chapitres suivants que le ton était très factuel, presque documentaire.  Cela donne une impression de distance par rapport au personnage (à qui l'on reproche déjà d'avoir abandonné sans aucun remord femme et enfants en Europe!).  Ce n'est qu'à partir du moment où l'action s'établit en Californie qu'on arrive à se rapprocher du bonhomme, à s'émouvoir devant tout ce qui lui arrive et à être vraiment immergé dans l'ambiance des lieux décrits.

Malgré ce petit pépin, cela reste une lecture très intéressante, qui m'a fait découvrir un pan de l'histoire américaine que je ne connaissais que vaguement.

 

Je classe ce livre à la fois en œuvre non romanesque et en roman historique, car l'auteur le qualifie lui-même de biographie romancée. 

 

L'Or de Blaise Cendrars, 1925, 169 p. 

26 octobre 2025

Starter Villain (Superméchant débutant)

Encore une belle découverte faite dans le cadre du Prix Livraddict, catégorie science-fiction.  Toutefois, contrairement à Marge Nantel dont je vous ai parlé dans mon billet précédent, j'avais déjà entendu parler de John Scalzi ici et là, et bien sûr j'avais remarqué cette magnifique couverture lors de la parution de ce roman!

La surprise, c'est à quel point j'ai adhéré à la plume de cet auteur, qui m'a un peu fait penser à Neil Gaiman, version américaine et SF (alors que le British fait plutôt dans l'Urban Fantasy).  Un scénario déjanté, plein de rebondissements et d'imprévus, et surtout des dialogues archi-drôles (je ne sais pas ce que ça donne une fois traduit, mais en VO c'est délicieux -- le passage avec les dauphins, notamment, est désopilant, vous verrez).  

L'histoire?  Un type un peu minable mais sympa apprend que son oncle, qu'il n'a jamais rencontré, est décédé.  On lui demande de représenter la famille lors des funérailles, mais la cérémonie ne se déroule pas comme prévu, et à partir de là tout part en cacahuète! 

Une lecture parfaite si vous avez envie de quelque chose de léger et divertissant, qui ne se prend pas au sérieux.   


Starter Villain de John Scalzi, 2023, 264 p.  Titre de la traduction française: Superméchant débutant.

24 octobre 2025

Vallée du silicium

Très intéressantes, ces chroniques écrites par l'écrivain Alain Damasio lors d'un voyage effectué dans la Silicon Valley, cette région californienne où sont regroupés les sièges sociaux de la plupart des grandes compagnies technologiques (Apple, Meta, Microsoft, etc).

On est plus habitué à trouver cet auteur dans le domaine de la science-fiction...  Mais de nos jours, la réalité rejoint la SF, et on pourrait presque dire qu'elle la dépasse!

Dans chaque chronique, Damasio aborde un sujet différent: le corps hyperconnecté, les voitures autonomes, les très grandes disparités sociales, la surveillance et les contrôles incessants, les possibilités de l'intelligence artificielle, etc.

Le chapitre qui m'a fait le plus capoter (flipper, pour mes lecteurs européens) est celui sur ces gens qui utilisent des gadgets technologiques pour surveiller leur état de santé, leur sommeil, etc.  Il y a même des toilettes qui analysent l'urine et les excréments!  Personnellement, je serais incapable de vivre comme cela; toutes ces données me rendraient plus anxieuse au lieu de me rassurer!  Et comme elles peuvent être partagées en ligne (avec votre médecin par exemple), on peut imaginer toutes les dérives possibles si les compagnies d'assurances ou les employeurs y ont accès.

J'ai trouvé qu'il y avait parfois des contradictions dans les réflexions de l'auteur, et qu'il exagérait à l'occasion.  Mais il est tout à fait normal qu'on ne soit pas d'accord sur tous ces sujets qui évoluent si vite qu'on a de la difficulté à suivre.  Cet essai a avant tout le mérite de soulever des questions et de nous forcer à nous positionner sur ces enjeux de la plus haute importance.  

Petit bémol, Damasio, en écrivain de fiction de haut niveau, écrit ici dans une langue très soutenue, très littéraire, souvent très abstraite et avec de nombreux néologismes.  On met tellement d'énergie à déchiffrer la forme qu'on en oublie par moments de réfléchir au fond.

L'essai est suivi par une nouvelle de science-fiction d'une quarantaine de pages illustrant le danger de remettre notre sort entre les mains d'une intelligence artificielle lors d'une situation d'urgence.  J'avoue avoir eu un peu de difficulté à accrocher au début, car la prémisse m'a semblé un peu dure à avaler.  Mais une fois passé ce petit écueil, cela devient très intéressant et la fin a su me surprendre. 

 

Vallée du silicium d'Alain Damasio, 2024, 336 p.

15 octobre 2025

Code Ardant

 Wow!  Quelle surprise!

Je n'avais jamais entendu parler de cette écrivaine française avant que son roman ne soit mis en nomination pour le Prix Livraddict, catégorie SF.  Je ne m'attendais donc pas à grand-chose en le commençant.

Et me voilà bouche bée en le refermant.  Quelle belle intrigue bien ficelée, alternant en un équilibre parfait entre les scènes d'action haletantes et les moments de répit où les liens entre les personnages se dévoilent!

Au début on ne sait pas trop dans quel monde on évolue, à part qu'on est dans un futur pas trop lointain, quelques générations, et que la civilisation qu'on connaît a en partie disparu.  Il faut être patient, on arrivera peu à peu à rassembler les pièces du casse-tête.  Une autre difficulté vient du fait que les personnages principaux sont désignés parfois par leur prénom, parfois par leur surnom (Le Baril, La Bouée, La Souris, etc).  C'est donc assez mélangeant, cela prend un moment avant de s'y retrouver.  Et il faut aussi s'habituer aux dialogues écrits dans un genre d'«argot du futur»! 

Mais cela vaut vraiment la peine de s'accrocher!  Une ambiance à la Mad Max, métissée d'une belle réflexion sur l'amitié, la communauté, la technologie et sur ce qui fait de nous des humains -- réflexion qui n'est jamais soulignée à gros traits mais reste toujours en arrière-plan, tout comme j'aime. Je n'en dis pas plus, je vous laisse découvrir ce roman!  


Code Ardant de Marge Nantel, 2024, 478 p.