Première constatation: le style de Dick est plutôt froid. On passe d'un personnage à l'autre sans s'y attacher. L'intérêt du roman réside donc ailleurs: c'est un exercice purement intellectuel. L'auteur nous fait découvrir peu à peu un univers où les Alliés ont perdu la Seconde Guerre mondiale et où Allemands et Japonais se sont divisé le monde, et en particulier les États-Unis. À nous de découvrir tous les changements que cela a occasionné et d'identifier le point de rupture avec la vraie histoire. Certains passages, de plus, sont en mode «courant de conscience» (on suit les pensées d'un personnage telles qu'elles se présentent) et les tournures de phrases sont déformées par l'influence de la langue japonaise, deux aspects intéressants mais qui demandent de l'attention et de la concentration.
En gros, j'ai plutôt apprécié ce roman. Notamment, il fait ressortir à quel point l'histoire est racontée par les vainqueurs. On entend donc peu parler
des camps de concentration, mais les bombardements alliés qui ont rasé
certaines villes européennes, faisant des milliers de victimes civiles,
sont mentionnés. Alors que bien sûr dans notre réalité, c'est l'inverse! (À ce sujet, lire le passionnant Voyage d'un Européen à travers le XXe siècle de Geert Mak. Je n'ai jamais rien lu d'aussi frappant sur les bombardements en Europe.) À un moment donné, on se croit même dans un thriller ou un roman d'espionnage, c'est palpitant, alors que dans le reste du roman, le rythme est lent. La fin est intrigante et j'ai hâte d'en discuter avec les autres participants du club de lecture.
Ce qui m'a laissée perplexe, c'est l'aspect temporel de l'intrigue, qui se déroule une quinzaine d'années après la guerre. Autant de changements en si peu de temps? Que ce soit au point de vue technologique (colonisation de la Lune et de Mars) ou sociologique (déformation de la langue, nouvelle religion, racisme considéré comme normal), tout ça m'a semblé dur à avaler, pour être honnête.
Bref, j'ai trouvé cette lecture assez prenante mais je ne suis pas sûre que je relirai cet auteur... à moins que ce ne soit à l'occasion d'un autre club de lecture!
(La couverture de cette édition numérique m'apprend que cette histoire a fait l'objet d'une série télévisée, quelqu'un l'a vue?)
The Man in the High Castle de Philip K. Dick, 1962, 229 p. Titre de la traduction française: Le Maître du Haut Château.
Aaah "Le maître du haut château", ça représente pour moi la découverte de l'uchronie ! Après, je ne suis pas une inconditionnelle de PK Dick, froid effectivement et un peu azimuté quand il part dans des délires sur certains romans. Il existe une adaptation de ce roman-ci en série, sur Amazon Prime je crois.
RépondreEffacerEn série télé ça peut être bien, surtout si on prend le temps de développer un peu plus les personnages principaux.
EffacerEn uchronie sur la Seconde Guerre mondiale, je te recommande Le Complot contre l'Amérique de Philip Roth, à l'ambiance beaucoup plus sympa.
Belle chronique dans laquelle je retrouve mon ressenti.
RépondreEffacerNe pas revenir vers Dick à l'issue de la lecture du "Maitre..." ? Peut-être une erreur. Je m'explique. Le roman me semble atypique dans son oeuvre et se priver d'autres facettes, comme celles d'Ubik et ses réalités truquées à leur zénith, rendrait de sa bibliographie un son incomplet.
On m'a dit a même chose sur le forum Livraddict, en me suggérant justement d'essayer Ubik! C'est donc noté!
EffacerEt je ne fréquente pas Livraddict ..!
Effacer;-)
EffacerChouette! Il faudrait que je le lise.
RépondreEffacerPour ma part, je recommande Do Androids Dream of Electric Sheep, qui m'a bien épatée. Et We Remember it for You Wholesale, la nouvelle qui a donné Total Recall. J'ai un doute sur le titre, en fait, mais elle est super.
Oh je ne savais pas que Total Recall venait de lui aussi!
EffacerEt oui 😊 Bon, on pourrait argumenter que les deux films sont de sacrées extrapolations à partir de la nouvelle, il n'y a vraiment pas grand-chose de commun, mais c'est bien de Dick que ça vient. Et la chute de la nouvelle est délicieuse!
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