Larue nous fait découvrir avec un grand réalisme les coulisses d'un restaurant à la mode du Plateau Mont-Royal, avec ses personnages hauts en couleur, son langage, sa hiérarchie et surtout son rythme effréné, voire chaotique. Ce monde qu'apprend à connaître le jeune narrateur devient pour lui d'une part une sorte de bouée de sauvetage contre une grave addiction au jeu qui menace de le faire sombrer irrémédiablement et d'autre part un parcours semé d'écueils car c'est un monde où la drogue et l'alcool coulent à flot.
Je l'ai déjà dit dans d'autres billets, les histoires de drogués et d'alcooliques ne sont généralement pas ma tasse de thé. Heureusement ici ces scènes ne sont pas trop longues et l'emphase est mise sur l'univers de la restauration. Quelques passages sur le jeu pathologique sont vraiment saisissants, comme celui-ci, qui m'a donné froid dans le dos:
«Les cartes sont tombées une à une sur le tapis vert. Sept pour les joueurs. Dix pour la banque. Mon jeton a été balayé par le croupier. J'avais l'impression d'être enveloppé dans un acouphène, coupé du reste du monde, aspiré dans une orbite au fond de la nuit. Je n'aurais pas pu me lever de la table pour aller aider ma mère mourante à dix mètres de moi. Toutes mes facultés ou presque étaient engourdies, comme anesthésiées. J'ai misé en deçà de toute volonté, maintenu en place sur ma chaise par le frisson de milliards d'aiguilles le long de mon épine dorsale. Il y avait les mises, ma main, le tapis vert. Il y avait le lent fonctionnement silencieux du cosmos, les nébuleuses du hasard et le temps qui s'effondrait sur lui-même sans fin.»
Il y a bien sûr dans les dialogues une quantité effarante d'anglicismes, mais je pense que cela était nécessaire pour bien refléter le monde où le personnage évolue. De plus, quelques références culturelles ont échappé à la cinquantenaire non adepte de death metal que je suis. Heureusement, cela ne m'a nullement empêchée d'apprécier ce roman à sa juste valeur!
Et maintenant je retourne au Chevalier de la triste figure, qui a maintenant pris le nom plus glamour de Chevalier aux lions!
Le Plongeur de Stéphane Larue, 2016, 569 p.
L'auteur a vraiment su m'immerger dans l'univers (complètement fou) de la restauration et dans la tête d'un joueur compulsif. Ce roman vaut le détour malgré ses quelques longueurs (à mon avis)...
RépondreEffacerC'est vrai que c'est fou, et pourtant ça a l'air plausible, ça donne l'impression que ça peut vraiment être comme ça pour vrai!
EffacerImaginez la soixantenaire que je suis et qui tolère tout juste la langue familière dans les dialogues, alors de la voir aussi dans la narration!
RépondreEffacerMais bon, je "vais faire avec"!
C'est malheureusement comme cela qu'on parle de nos jours au Québec... Mais de le voir à l'écrit, c'est plus frappant!
EffacerIl m'a beaucoup plu, celui-là. Bon, comme tu dis, il y a beaucoup d'anglicismes mais pour bien dépeindre le milieu, c'était nécessaire. Je n'aurais jamais cru me passionner pour une cuisine.
RépondreEffacerEn effet, ce sont les passages en cuisine qui sont fascinants et font l'originalité du roman.
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