30 août 2023

La Cousine Bette

Ces temps-ci, j'ai l'impression que tous mes avis se ressemblent: soit j'aime beaucoup le début d'un livre pour ensuite être déçue, ou vice versa.  On dirait que j'ai de la difficulté à aimer un roman dans son entièreté!

Et tenez-vous bien: c'est encore le cas ici!

En effet, ce roman de Balzac commence de belle façon.  L'intrigue est bien menée, les personnages bien décrits.  Il y a quelques digressions mais elles sont assez courtes.  Et même si l'on peut remarquer quelques longueurs dans le récit, l'intérêt reste soutenu jusqu'au deux-tiers du livre, environ.

Malheureusement, c'est là que tout tourne en eau de boudin.  L'histoire part dans toutes les directions.  Tant de sommes d'argent sont échangées qu'on perd le fil des différentes machinations.  Bette, le personnage le plus intéressant, qu'on voyait déjà peu mais qu'on sentait tirant les ficelles en coulisses, s'efface complètement dans le dernier tiers, où par ailleurs sont introduits de nouveaux personnages qui arrivent comme des cheveux sur la soupe.

Mais le pire, c'est qu'à mesure qu'on avance, les digressions de M. Balzac deviennent de plus en plus insupportables  Misogynes, racistes, réactionnaires...  Par exemple, la gentrification des quartiers de Paris est une bonne chose puisque cela permet d'éloigner les quêteux et les criminels (cela dans un roman dont les personnages bourgeois et aristocrates se salissent les mains dans toutes sortes de machinations et de spéculations, bonjour l'hypocrisie!).  Disons qu'au moment où nous vivons à Montréal une crise du logement pour les familles à revenus modestes, cela m'a particulièrement fait grincer des dents. Si Honoré avait été devant moi, je lui aurais donné une bonne claque en arrière de la tête!  

Mémo à moi-même: les notes de cette édition Garnier Flammarion sont très instructives et aident souvent à suivre l'intrigue et à faire le lien avec d'autres œuvres de La Comédie humaine, mais faire constamment l'aller-retour sur la liseuse est un peu pénible, rendant la lecture laborieuse.  La prochaine fois, privilégier une édition papier!


La Cousine Bette de Honoré de Balzac, 1835, 642 p.

26 août 2023

Le Lac de nulle part

Durant toute la première moitié de ce roman de Pete Fromm, choisi pour le club de lecture de Livraddict du mois d’août, j'ai eu vraiment beaucoup de difficulté à embarquer – c'est le cas de le dire puisqu'il est question d'un voyage en canot!  Parfois, on ne sait pas trop pourquoi on n'accroche pas à un bouquin; cette fois je connais parfaitement les deux raisons.

Premièrement, je me suis fait divulgâcher un élément important de l'intrigue quelques jours avant de commencer la lecture.  J'étais tellement fâchée que cela a bien failli m'enlever le goût de lire ce livre et de participer au club!

Deuxièmement, ce livre n'était pas disponible en version originale à la bibliothèque municipale.  Certains de ceux qui me suivent ici depuis un moment le savent, je suis très capricieuse concernant les traductions, surtout lorsque l'intrigue se passe en Amérique du Nord.  J'ai beau partir avec de la bonne volonté, dès que je remarque un truc qui cloche, je me mets à en chercher d'autres, ce qui m'empêche de bien entrer dans l'histoire.  Et c'est ce qui s'est passé ici:  le jeu enfantin rock-paper-scissors se traduit par roche-papier-ciseaux et non pierre-feuille-ciseaux, il n'y a pas de myrtilles au Canada mais bien des bleuets, la femelle de l'élan est appelée cow en anglais, mais on ne dit pas vache en français, simplement élan femelle, etc.

Je ne suis pas fan non plus des notes de la traductrice.  Soit elle nous précise des choses que l'auteur avait cru bon de nous laisser deviner (par exemple pourquoi les jumeaux s'appellent Al et Trig, alors que le jeu de mots fonctionne tout aussi bien en français), soit elle tombe à côté de la plaque dans ses explications.  Ainsi, l'interjection eh? n'est pas un tic de langage des Canadiens-français mais plutôt des Canadiens-anglais, et Dudley Do-Right, avant d'être le personnage d'un film des années 90 qui fut un gros flop et dont personne ne se souvient, fut surtout un personnage du dessin animé mythique des années 60, Rocky and Bullwinckle.

Heureusement, une fois dépassée la moitié du roman et le passage où l'on apprend ce qu'on m'avait divulgâché, j'ai ressenti un tel soulagement que j'ai pu enfin me concentrer sur l'histoire et m'intéresser au sort des personnages.  Et même si j'avais un peu deviné la clé de l'énigme, j'ai vraiment beaucoup aimé l'ambiance automnale et sauvage de cette deuxième moitié, et la tension qui s'établit et qui monte.

Comme vous voyez, c'est une lecture qui ne s'est pas déroulée dans les meilleures conditions.  J'espère que cela s'est mieux passé pour les autres participantes du club de lecture!


Le Lac de nulle part de Peter Fromm, traduit de l'américain, 2022, 300 p.  Titre de la version originale: Lake Nowhere.

19 août 2023

The Last Chairlift

Quelle joie d'apprendre que John Irving, un de mes écrivains chouchous, avait publié un nouveau roman!  Le jour même, je me suis empressée d'aller l'emprunter à la bibliothèque municipale et je l'ai commencé peu de temps après.

J'ai d'abord ressenti un grand bonheur à retrouver l'univers d'Irving, son humour, ses personnages déjantés et attachants.  Il est beaucoup question d'homosexualité et d'identité de genre, mais dans son cas, il ne s'agit pas d'un effet de mode -- il abordait ces thématiques dès ses premières œuvres, avec notamment un personnage transgenre dans Le Monde selon Garp (1978).  

Il y a une scène tout à fait délicieuse où la grand-mère du personnage principal (alors âgé d'une dizaine d'années) lui fait la lecture de Moby Dick, commentaires à l'appui: «Remarque bien ce cannibale, Adam!»  Ayant lu ce classique récemment, cela m'a rappelé de bons souvenirs!

Malheureusement, après environ deux cents pages, j'ai commencé à trouver qu'on tournait en rond, qu'il y avait énormément de longueurs et de répétitions.  Et jusqu'à la fin, on aura cette impression, avec de temps en temps, heureusement, des passages poignants ou passionnants (notamment sur l'épidémie de SIDA dans les années quatre-vingts et sur l'indifférence criminelle de Reagan dans ce dossier) et une ambiance «réalisme magique» assez originale.

C'est comme si l'éditeur de ce monstre sacré de la littérature américaine n'avait pas osé lui dire: «Dude, il y a trois cents pages de trop dans ton roman, faut couper, faut couper!»  Dommage...


The Last Chairlift de John Irving, 2022, 891 p.  Pas encore traduit.

22 juillet 2023

The Tenant of Wildfell Hall

Je connaissais déjà les sœurs Charlotte (Jane Eyre, un coup de cœur!) et Emily (Wuthering Heights, qu'à vingt ou trente ans j'avais trouvé un peu trop sombre mais que j'apprécierais sans doute plus maintenant que mes goûts se sont diversifiés), il me restait à découvrir Anne.  La sélection de juillet du club de lecture du forum Livraddict m'en a donné l'occasion.

Malheureusement cela ne s'est pas bien passé...  C'est en partie ma faute: voulant éviter tout divulgâcheur, je n'avais pas lu la quatrième de couverture et je m'attendais à une ambiance gothique: la lande balayée par le vent, des légendes voulant que le manoir soit hanté, que sais-je?  Avouez que la couverture de cette édition pouvait d'ailleurs donner cette impression, non?  Or, ce n'est pas ça du tout.  On est plutôt dans un roman social sur la place de la femme dans la société anglaise, le mariage, la religion, etc.  Sujets en soi intéressants, mais que j'ai trouvés traités d'une plume qui manquait par trop de subtilité.

L'histoire commence plutôt bien: les personnages sont intéressants, les dialogues amusants, les paysages charmants. Dans le voisinage, les commérages vont bon train concernant la mystérieuse locataire du manoir de Wildfell Hall.  Après un certain temps, j'ai toutefois commencé à trouver que l'action prenait du temps à démarrer...  On change alors de narrateur, puisqu'on se retrouve dans le journal de la fameuse locataire et qu'on découvre donc sa véritable identité.  Et là, c'est la catastrophe!  Cette femme, à la fois trop parfaite et d'une bigoterie insupportable (mais présentée comme admirable!), est mariée à un complet salaud égocentrique.  Vraiment, j'en aurais pris un pour frapper l'autre.  D'ailleurs, tous les hommes de leur entourage sont des canailles à différents degrés.  Et le journal en question constitue les deux-tiers du roman!

Quand enfin l'on revient aux personnages du début, ce n'est pas mieux puisqu'on tombe dans le prêchi-prêcha religieux.  J'ai donc finalement passé les trois-quarts du roman à soupirer et à lever les yeux au ciel.

Seul point positif, cela m'a donné envie de retourner à la sœur d'Anne, Charlotte, et j'ai fait des fouilles archéologiques pour retrouver mon vieil exemplaire de Villette...


The Tenant of Wildfell Hall d'Anne Brontë, 1848, 528 p. Il y a au moins cinq ou six titres différents pour les traductions françaises!

11 juillet 2023

The Brethren (L'Engrenage)

Je me sers beaucoup de ma liseuse ces temps-ci, mais il faut bien de temps en temps retourner à ma PAL-papier avant que les livres ne commencent à sentir le moisi...  Et pourquoi pas un petit Grisham?  Je ne lis pas beaucoup de thrillers, mais de temps en temps cela fait changement.

Celui-ci est tout à fait dans la gamme grishamesque classique: les personnages principaux sont trois ex-juges emprisonnés pour diverses fraudes qui, du fond de leur prison floridienne, ont mis sur pied une entreprise de chantage par la poste avec la complicité de leur avocat véreux.  En parallèle, on suit la campagne d'un candidat aux primaires républicaines pistonné par la CIA.  Dans la première moitié du roman, on se demande bien comment ces deux trames vont se rejoindre!

Les personnages sont amusants mais peu sympathiques, donc le suspense ne tient pas au fait qu'on craigne pour leur vie.  On ne peut pas dire qu'on se tienne au bord de notre siège en se rongeant les ongles...  L'intérêt réside plutôt dans l'attente de voir comment vont s'imbriquer les engrenages de la machine élaborée par nos trois filous.  À part quelques petits détails un peu tirés par les cheveux, l'intrigue est assez bien ficelée et originale, et si ce n'est pas le meilleur roman de cet auteur, j'ai tout de même passé un excellent moment. 


The Brethren de John Grisham, 2000, 440 p.  Titre de la traduction française: L'Engrenage.

08 juillet 2023

Encabanée

Je ne sait quoi penser de ce court roman...  J'ai aimé la plume épurée de Gabrielle Filteau-Chiba, sa description des aléas du quotidien d'une femme vivant en solitaire dans une cabane mal chauffée en pleine forêt.  Tout ça est assez réaliste et, si j'ai bien compris, en bonne partie autobiographique.  C'est lorsque l'auteure plonge dans la fiction pure que j'ai décroché: cette rencontre avec un écoterroriste et la romance qui s'ensuit, provoquant chez l'héroïne une prise de conscience écologiste, m'a semblé non seulement peu plausible mais surtout complètement en contradiction avec les idées féministes prônées jusque-là.  Je ne lirai donc pas la suite de la trilogie car j'ai l'impression, d'après les quatrièmes de couverture des deux autres tomes, que cela continue dans la même veine.  


Encabanée de Gabrielle Filteau-Chiba, 2018, 89 p.

07 juillet 2023

Le rouge vif de la rhubarbe

 Mes raisons d'avoir choisi ce roman:
1) J'ai beaucoup aimé Rosa Candida de la même auteure;
2) J'adore la compote de rhubarbe.

J'ai grandement apprécié la première partie du roman.  Le décor, un petit village de pêcheurs en Islande, est bien planté. Les personnages sont sympathiques: l'adolescente handicapée, la vieille dame qui lui sert de grand-mère, l'homme à tout faire du village, etc.  L'intrigue s'annonce intéressante.

Malheureusement, tout se gâte en deuxième partie.  La trame devient décousue, on peine à en suivre le fil, à démêler l'imaginaire du réel.  Et surtout, l'ambiance devient glauque, avec ces apparitions répétitives d'animaux morts, en particulier des oiseaux marins.  J'imagine que cela se veut symbolique, mais je n'ai pas compris l'intention de l'auteure.

Conclusion: 
1) Lisez plutôt Rosa Candida;
2) J'ai envie de compote de rhubarbe.


Le rouge vif de la rhubarbe d'Audur Ava Olafsdottir, traduit de l'islandais, 2016, 157 p.  Titre original: Upphækkuð jörð (1998).