07 avril 2020

The Night Circus (Le Cirque des rêves)

Il y avait dans un forum que j'ai beaucoup fréquenté (et qui malheureusement est en train de mourir de sa belle mort, c'est triste mais c'est une autre histoire) un participant qui qualifiait de «romans d'atmosphère» tous les livres où la création d'une ambiance était plus importante que l'action, dont l'intrigue était reléguée au second plan derrière la beauté de la plume, sa poésie, les sentiments et images qu'elle suscite chez le lecteur.

Rarement un roman aura mieux mérité cette appellation de «roman d'atmosphère» que celui-ci.  En effet, à part quelques soubresauts par-ci par-là et la montée d'une certaine tension vers la fin, il ne se passe pas grand-chose dans ce Cirque des rêves.  Mais la plume d'Erin Morgenstern a une telle force d'évocation qu'on ne s'ennuie jamais.  On peut peut-être déplorer un petit effet répétitif au milieu quand les deux protagonistes créent de nouvelles attractions magiques pour le cirque, mais il suffit de se laisser transporter dans ce monde de beauté et de merveilles où tous nos sens sont mis à contribution.

L'histoire?  Elle est très intéressante même si elle se déroule lentement.  Il s'agit d'un concours entre deux magiciens, le cirque étant l'arène où se déroule le combat dont ils sont les adversaires involontaires et dont ils ne connaissent ni les règles ni l'enjeu.  On est fin XIXe siècle/début XXe et on se balade au gré des représentations du cirque entre Londres, l'Amérique (Boston, New York...) et différents pays d'Europe.

La construction du récit est originale mais demande un certain effort de la part du lecteur, puisqu'on se promène non seulement d'un endroit à l'autre mais aussi d'une année à l'autre dans un mouvement de va-et-vient rappelant le pendule de Herr Thiessen, le sympathique horloger dont la plus fabuleuse création orne l'entrée du cirque.  Heureusement, à chaque en-tête de chapitre, on nous précise le lieu et la date; il est donc facile de retourner en arrière pour remettre les événements en ordre dans notre cerveau. (Je ne sais pas pour vous mais chez moi la concentration n'est pas au maximum en ces temps de pandémie...)

Cirque?  Si vous êtes comme moi, vous entendez ce mot et aussitôt vous pensez à des clowns ridicules, des nains, des femmes à barbe et autres créatures difformes, et vous vous dépêchez d'aller voir ailleurs si vous y êtes.  Mais ce n'est pas du tout à ce genre d'entreprise qu'on a affaire ici, plutôt à un Cirque du Soleil version noir-blanc-argenté, où la Lune remplace le Soleil puisque les spectacles ont lieu du crépuscule à l'aube dans une ambiance presque gothique, et où la magie existe vraiment pour le plus grand plaisir des spectateurs, quoique à leur insu.

Vraiment une très belle découverte, qui m'a un peu rappelé Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke.  Ce n'est pas le même genre d'histoire mais l'ambiance, le rythme et le style d'écriture sont assez similaires.  En plus, les deux ont un corbeau sur la couverture!


The Night Circus d'Erin Morgenstern, 2011, 496 p.  Titre de la traduction française: Le Cirque des rêves.

8 commentaires:

  1. j'aime beaucoup l'expression "roman d'atmosphère" et c'est vrai que c'est tout à fait ça.
    De mémoire, je l'avais trouvé très beau mais un peu trop froid et manquant d'émotions ; cependant, je crois que je le relirais avec plaisir.

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    1. C'est vrai qu'on peut y voir une certaine beauté froide mais j'ai tout de même été émue à plusieurs occasion.

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  2. Ah, je suis tout à fait d'accord avec l'expression "roman d'atmosphère" :) Et je l'ai moi aussi rapproché du roman de Susanna Clarke. En tout cas, l'immersion a été totale pour moi !

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    1. Ah excellent, je me demandais si je m'imaginais cela vu qu'il y a plusieurs années que j'ai lu le Clarke!

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  3. Chouette! Ça a l'air sympathique. Je rejoins ce participant qui parlait de "roman d'atmopshère", c'est joliment dit. :)
    "Je ne sais pas pour vous mais chez moi la concentration n'est pas au maximum en ces temps de pandémie..." --> Oui, pareil, mais je me suis habituée (on s'habitue à tout, décidément!) et maintenant ça va mieux...

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    1. Moi aussi ça va mieux ces jours-ci.
      Ce qui est drôle, et j'aurais dû le préciser dans mon billet, c'est que pour ce participant cette expression était péjorative!

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  4. J'avais aussi beaucoup aimé. Très roman d'atmosphère, tu as tout à fait raison. Et ma concentration.. est épouvantable!

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    1. Je ne me souvenais pas que tu l'avais lu, je vais aller voir si tu as fait un billet!

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