25 novembre 2025

The Secret of Secrets (Le Secret des secrets)

Après huit ans d'attente, le voici enfin, le Dan Brown nouveau!  Je n'y croyais plus, je pensais que notre symbologiste préféré avait pris sa retraite.  Eh non, revoici notre cher Robert Langdon, plus en forme que jamais grâce aux bienfaits de la natation et... de l'amour! 

Bien sûr, inutile d'essayer de démontrer que Dan Brown est un grand écrivain.  Ses livres sont bourrés de petits défauts, de tics.  Ici, encore plus que dans les tomes précédents, j'ai trouvé qu'il abusait des flashbacks pour nous donner les informations nécessaires à la compréhension de l'intrigue.  Aux moments les plus inopportuns, les personnages se remémorent ce qui c'est passé il y a quelques jours, quelques semaines.  Cela donne une construction plutôt répétitive (action - flashback - action - flashback) qui peut devenir lassante, surtout que cela s'accompagne de quelques longueurs dans la deuxième moitié et d'une conclusion qui s'étire.

(Et ne parlons même pas des placements de produits complètement ridicules -- vraiment, Dan, c'était bien nécessaire qu'un personnage aille s'acheter un café chez Starbucks, qu'une autre s'enduise de parfum Machinchouette?)

C'était le pot, voici les fleurs.  J'ai trouvé passionnante la thématique abordée dans ce roman, celle de la conscience.  Certaines recherches tendent à démontrer que notre cerveau n'est pas le siège de la conscience humaine, ni le réceptacle de nos souvenirs.  Où tout cela se trouve-t-il, alors?  Voilà un questionnement abordé de façon tout à fait crédible, à la frontière entre la science et la métaphysique, et qui va me rester longtemps en tête.

Et comme toujours, un gros point fort de Brown est de nous faire voyager.  Cette fois, il nous emmène à Prague, une ville mêlant architecture médiévale et moderne.  

Alors oui, malgré ses défauts, je dis: lisez ce roman!  


The Secret of Secrets de Dan Brown, 2025, 688 p.  Titre de la traduction française: Le Secret des secrets

12 novembre 2025

Le Dernier Thé de maître Sohô

L'intrigue de ce roman historique n'est pas d'une grande originalité: une jeune femme qui se déguise en homme pour pouvoir exercer un métier, c'est du déjà vu (coucou, Mulan!).  Quant à l'histoire des derniers samouraïs, elle sert de toile de fond à plusieurs films, il me semble.

L'originalité de ce livre vient plutôt de la plume élégante et poétique de Cyril Gély.  En effet, à chaque page il se forme dans notre esprit l'image d'une aquarelle aux couleurs délicates, à la composition épurée.  De temps en temps, une touche d'humour un peu cru vient pimenter le tout (oui, je mélange une métaphore artistique avec une culinaire, c'est mon blogue, je fais ce que je veux!). 

Est-ce qu'une plume, aussi magnifique soit-elle, est suffisante pour faire un bon livre?

Peut-être dans de rares cas, mais ici, cela n'a pas fonctionné pour moi.  À partir du milieu, je dois avouer que j'ai commencé à m'ennuyer un peu.  La fin m'a surprise, ce qui a ravivé mon intérêt, mais c'était un peu tard. 

Une petite déception, donc, mais je n'hésiterai pas à donner une deuxième chance à cet auteur si l'occasion se présente.  Quant à vous, je vous invite à lire ce roman pour vous faire votre propre idée, car il récolte généralement des critiques très élogieuses.


Le Dernier Thé de maître Sohô de Cyril Gely, 2024, 190 p.

11 novembre 2025

Assise, debout, couchée !

Très agréable à lire, ce petit bouquin, mi-essai, mi-récit autobiographique.  Ovidie (qui s'est d'abord fait connaître comme actrice porno, puis comme réalisatrice de documentaires féministes et écrivaine) nous parle des chiens qui ont jalonné sa vie, de l'enfance à aujourd'hui, mais aussi des façons dont les chiens et les femmes sont liés depuis la préhistoire.

Protecteur, compagnon, confident, enfant de remplacement, le chien occupe de nombreuses fonctions dans la vie des humaines.  Il fait également partie de la seule espèce qui subit, tout comme les femmes, des chirurgies purement esthétiques.  Il y a donc de nombreux liens entre lui et nous.

Les idées abordées par Ovidie sont vraiment intéressantes, mais elles auraient pu être plus développées, à mon avis.  Tout reste assez superficiel, c'est un bon point de départ, mais sans plus.

Les parties autobiographiques sont le gros point fort du livre.  Si vous aimez les pitous, je vous mets au défi de ne pas éclater de rire à plusieurs reprises, et surtout de ne pas verser une petite larme à la mort de Raziel, le bulldog anglais.    


Assise, debout, couchée ! d'Ovidie, 2024, 193 p.

08 novembre 2025

Comédie française: Ça a débuté comme ça...

C'est Gropitou qui m'a acheté ce bouquin dans une vente de livres élagués des bibliothèques de Montréal.  Je ne fais pas partie du public cible des autobiographies de stars, mais il savait que cela pourrait m'intéresser puisque je suis archi-fan de cet acteur, qui est par ailleurs captivant à en entrevue.

Gropitou a eu la main heureuse puisqu'en fait, malgré ce que laisse supposer le titre et la présentation de l'éditeur, il s'agit plutôt d'un genre d'essai sur la littérature et le cinéma (avec un soupçon de philo), entrecoupé de passages autobiographiques et de quelques pages de type journal intime.   

C'est donc tout à fait dans mes cordes!  Luchini nous parle de la relation qu'il entretient depuis des années avec Rimbaud, La Fontaine, Proust, etc.  Il m'a même donné envie de retenter Louis-Ferdinand Céline, après le semi-échec que fut Voyage au bout de la nuit), ce n'est pas rien! 

Petit bémol, il cite un poème d'un certain Philippe Muray qui s'étale sur 8 pages, c'est bien trop long, ça fait remplissage!  Il aurait été préférable de n'en citer que quelques vers plus marquants.

 

Comédie française: Ça a débuté comme ça... de Fabrice Luchini, 2016, 233 p. 

07 novembre 2025

L'Or

(Pas terrible, cette couverture...)

Jusqu'à maintenant, je ne connaissais Blaise Cendrars que de nom (nom que je trouve chouette par ailleurs, l'écrivain ayant créé ce pseudonyme à partir des mots «braise» et «cendre»!).  C'est mon ami Stefan (Zweig) qui m'a suggéré ce bouquin quand j'ai lu ses Très Riches Heures de l'humanité (recueil dont je ne vous ai jamais parlé car je le traîne depuis des mois, la deuxième partie, Souvenirs et rencontres, étant un peu ch... ennuyante.  Je pense que je vais me résoudre à le considérer comme un abandon et écrire finalement mon avis...  À faire avant la fin de l'année, pour qu'il entre dans mon bilan annuel!).  En effet, Zweig y parle du même personnage historique, le général Suter, qui fut paradoxalement ruiné à cause de la découverte d'or sur ses terres en Californie lors du fameux Eldorado. 

Après avoir admiré la plume de Cendrars, presque poétique, dans le premier chapitre qui se déroule en Suisse, j'ai trouvé dans les chapitres suivants que le ton était très factuel, presque documentaire.  Cela donne une impression de distance par rapport au personnage (à qui l'on reproche déjà d'avoir abandonné sans aucun remord femme et enfants en Europe!).  Ce n'est qu'à partir du moment où l'action s'établit en Californie qu'on arrive à se rapprocher du bonhomme, à s'émouvoir devant tout ce qui lui arrive et à être vraiment immergé dans l'ambiance des lieux décrits.

Malgré ce petit pépin, cela reste une lecture très intéressante, qui m'a fait découvrir un pan de l'histoire américaine que je ne connaissais que vaguement.

 

Je classe ce livre à la fois en œuvre non romanesque et en roman historique, car l'auteur le qualifie lui-même de biographie romancée. 

 

L'Or de Blaise Cendrars, 1925, 169 p. 

26 octobre 2025

Starter Villain (Superméchant débutant)

Encore une belle découverte faite dans le cadre du Prix Livraddict, catégorie science-fiction.  Toutefois, contrairement à Marge Nantel dont je vous ai parlé dans mon billet précédent, j'avais déjà entendu parler de John Scalzi ici et là, et bien sûr j'avais remarqué cette magnifique couverture lors de la parution de ce roman!

La surprise, c'est à quel point j'ai adhéré à la plume de cet auteur, qui m'a un peu fait penser à Neil Gaiman, version américaine et SF (alors que le British fait plutôt dans l'Urban Fantasy).  Un scénario déjanté, plein de rebondissements et d'imprévus, et surtout des dialogues archi-drôles (je ne sais pas ce que ça donne une fois traduit, mais en VO c'est délicieux -- le passage avec les dauphins, notamment, est désopilant, vous verrez).  

L'histoire?  Un type un peu minable mais sympa apprend que son oncle, qu'il n'a jamais rencontré, est décédé.  On lui demande de représenter la famille lors des funérailles, mais la cérémonie ne se déroule pas comme prévu, et à partir de là tout part en cacahuète! 

Une lecture parfaite si vous avez envie de quelque chose de léger et divertissant, qui ne se prend pas au sérieux.   


Starter Villain de John Scalzi, 2023, 264 p.  Titre de la traduction française: Superméchant débutant.

24 octobre 2025

Vallée du silicium

Très intéressantes, ces chroniques écrites par l'écrivain Alain Damasio lors d'un voyage effectué dans la Silicon Valley, cette région californienne où sont regroupés les sièges sociaux de la plupart des grandes compagnies technologiques (Apple, Meta, Microsoft, etc).

On est plus habitué à trouver cet auteur dans le domaine de la science-fiction...  Mais de nos jours, la réalité rejoint la SF, et on pourrait presque dire qu'elle la dépasse!

Dans chaque chronique, Damasio aborde un sujet différent: le corps hyperconnecté, les voitures autonomes, les très grandes disparités sociales, la surveillance et les contrôles incessants, les possibilités de l'intelligence artificielle, etc.

Le chapitre qui m'a fait le plus capoter (flipper, pour mes lecteurs européens) est celui sur ces gens qui utilisent des gadgets technologiques pour surveiller leur état de santé, leur sommeil, etc.  Il y a même des toilettes qui analysent l'urine et les excréments!  Personnellement, je serais incapable de vivre comme cela; toutes ces données me rendraient plus anxieuse au lieu de me rassurer!  Et comme elles peuvent être partagées en ligne (avec votre médecin par exemple), on peut imaginer toutes les dérives possibles si les compagnies d'assurances ou les employeurs y ont accès.

J'ai trouvé qu'il y avait parfois des contradictions dans les réflexions de l'auteur, et qu'il exagérait à l'occasion.  Mais il est tout à fait normal qu'on ne soit pas d'accord sur tous ces sujets qui évoluent si vite qu'on a de la difficulté à suivre.  Cet essai a avant tout le mérite de soulever des questions et de nous forcer à nous positionner sur ces enjeux de la plus haute importance.  

Petit bémol, Damasio, en écrivain de fiction de haut niveau, écrit ici dans une langue très soutenue, très littéraire, souvent très abstraite et avec de nombreux néologismes.  On met tellement d'énergie à déchiffrer la forme qu'on en oublie par moments de réfléchir au fond.

L'essai est suivi par une nouvelle de science-fiction d'une quarantaine de pages illustrant le danger de remettre notre sort entre les mains d'une intelligence artificielle lors d'une situation d'urgence.  J'avoue avoir eu un peu de difficulté à accrocher au début, car la prémisse m'a semblé un peu dure à avaler.  Mais une fois passé ce petit écueil, cela devient très intéressant et la fin a su me surprendre. 

 

Vallée du silicium d'Alain Damasio, 2024, 336 p.

15 octobre 2025

Code Ardant

 Wow!  Quelle surprise!

Je n'avais jamais entendu parler de cette écrivaine française avant que son roman ne soit mis en nomination pour le Prix Livraddict, catégorie SF.  Je ne m'attendais donc pas à grand-chose en le commençant.

Et me voilà bouche bée en le refermant.  Quelle belle intrigue bien ficelée, alternant en un équilibre parfait entre les scènes d'action haletantes et les moments de répit où les liens entre les personnages se dévoilent!

Au début on ne sait pas trop dans quel monde on évolue, à part qu'on est dans un futur pas trop lointain, quelques générations, et que la civilisation qu'on connaît a en partie disparu.  Il faut être patient, on arrivera peu à peu à rassembler les pièces du casse-tête.  Une autre difficulté vient du fait que les personnages principaux sont désignés parfois par leur prénom, parfois par leur surnom (Le Baril, La Bouée, La Souris, etc).  C'est donc assez mélangeant, cela prend un moment avant de s'y retrouver.  Et il faut aussi s'habituer aux dialogues écrits dans un genre d'«argot du futur»! 

Mais cela vaut vraiment la peine de s'accrocher!  Une ambiance à la Mad Max, métissée d'une belle réflexion sur l'amitié, la communauté, la technologie et sur ce qui fait de nous des humains -- réflexion qui n'est jamais soulignée à gros traits mais reste toujours en arrière-plan, tout comme j'aime. Je n'en dis pas plus, je vous laisse découvrir ce roman!  


Code Ardant de Marge Nantel, 2024, 478 p.

09 octobre 2025

Study for Obedience (Étude pour l'obéissance)

Alors heuuuuu….

J’ai rien compris à ce foutu bouquin!

Et j’aime pas quand un bouquin me fait sentir stupide!

Le fait que je l’ai lu en version originale n’a certainement pas aidé.  L’anglais est d’un niveau assez soutenu, merci.  Pourtant, la plupart du temps je comprenais le sens des mots, mais les phrases ne s’enregistraient pas dans mon cerveau parce que trop abstraites.  Alors je pense que même si je l’avais lu dans la traduction française, le résultat aurait été sensiblement le même.  C’est tout simplement trop plein de non-dits et de digressions vagues.

C’est dommage, car certains passages plus concrets (promenades dans la campagne, interactions avec les villageois) sont assez intéressants. 

J’ai bien failli abandonner, mais le mystère entourant le personnage principal a éveillé ma curiosité, assez en tous cas pour que je persévère. Sauf qu’à la fin je suis restée Gros-Jean comme devant!  Peut-être qu’on était sensé deviner le fin mot de l’histoire et que je ne suis pas assez intelligente.  Grrrr! 

 

Study for Obedience de Sarah Bernstein, 2023, 208 p.  Titre de la traduction française: Étude pour l'obéissance.  Paru en Europe sous le titre Obéissantes et assassines.   

27 septembre 2025

They Do It with Mirrors (Jeux de glaces)

Je continue de revisiter les romans d'Agatha Christie mettant en scène Miss Marple.  Tout comme il y a quelques mois dans Murder at the Vicarage, j'ai beaucoup apprécié ce personnage (que je trouvais décevant quand j'étais ado, je le rappelle).  C'est toute une fin finaude, cette Miss Marple, mais une fin finaude plus subtile qu'un Hercule Poirot, par exemple!  Avec son petit air naïf et son tricot, les méchants ne s'en méfient pas!

Une fois n'est pas coutume, j'ai deviné assez rapidement une partie de la solution, et je n'en suis pas peu fière!  Plusieurs éléments-clés ont tout de même su me surprendre.  L'intrigue est bien ficelée, il faut juste bien s'accrocher au début parce que les relations entre les divers personnages ne sont pas simples: qui est la demi-sœur de qui, untel est le combientième mari d'unetelle?  Heureusement, Agatha prend le soin de répéter souvent ces informations, et ça finit par rentrer!   

 

They Do It with Mirrors d'Agatha Christie, 1952, 224 p.  Titre de la traduction française: Jeux de glaces. 

26 septembre 2025

Neuromania

Vous croyez que les différentes fonctions du cerveau (langage, mémoire, etc) sont contrôlées par certaines régions bien spécifiques, comme semblent le démontrer les images par résonance magnétique qu'on nous montre pour le prouver?  Et bien c'est faux selon le neuroscientifique Albert Moukheiber; c'est le cerveau tout entier qui agit de concert pour chaque fonction.  Et cette histoire d'hémisphères gauche et droit où résident séparément la logique et la créativité, c'est bien vrai, n'est-ce pas? Eh bien non, ces deux aptitudes ne travaillent pas indépendamment mais plutôt en boucle, l'une influençant l'autre qui influence la première, etc.  Bon d'accord, mais le cerveau reptilien, celui qui nous vient de nos ancêtres dinosaures et qui constitue le centre de la peur, c'est bien vrai?  Et le rôle des hormones, la dopamine et les autres?  Et la dépression, l'addiction, la résistance au changement?

Vous me voyez venir...   

En gros, ce qu'on apprend dans cet essai très intéressant et bien vulgarisé (mais très déstabilisant puisqu'il faut remettre en question tout ce qu'on croyait savoir sur le cerveau), c'est que tout ne peut se réduire à ce seul organe, qu'il faut plutôt prendre en compte le corps en entier ainsi que le contexte social et culturel de chaque individu.   


Neuromania d'Albert Moukheiber, 2024, 250 p.

25 septembre 2025

La Blague du siècle

À la sortie de ce roman en 2023, je me souviens avoir lu dans le journal Le Devoir une entrevue avec Jean-Christophe Réhel dans laquelle il disait avoir eu peur quand Jean-Philippe Baril-Guérard a publié son livre qui mettait en scène lui aussi un aspirant humoriste.  Il avait même demandé à son éditeur s’il devait changer de sujet!

J’étais donc restée avec l’idée que le milieu de l’humour était le sujet principal de La Blague du siècle, alors que pas du tout!  C’est plutôt l’histoire d’un homme dans la trentaine qui travaille dans un Tim Hortons pour subvenir aux besoins de son père atteint d’un cancer du cerveau et de son frère schizophrène (et qui accessoirement aurait bien aimé devenir humoriste et aime assister à des spectacles d’humour).

Contrairement au roman précédent de l'auteur Ce qu’on respire sur Tatouine, que j’avais trouvé très drôle (mais avec des passages plus sérieux), ici c’est plutôt le contraire: on est dans une ambiance beaucoup plus touchante et dramatique, avec des passages plus légers, voire même rigolos.

 

La Blague du siècle de Jean-Christophe Réhel, 2023, 256 p.

17 septembre 2025

Ör

Sûrement le titre le plus court depuis le début du blogue!  Et pour ceux qui se posent la question, ör signifie cicatrice en islandais. 

Comme le titre le laisse supposer, on aura affaire ici à des personnages meurtris, qui tentent de panser leurs blessures; au premier chef, le personnage principal, qui a même décidé de mettre fin à ses jours, mais cela est plus compliqué qu'il n'y paraît!  

De l'Islande, on se déplacera vers un pays détruit par une guerre civile, et là, les notions de cicatrice et de reconstruction prendront un tout autre sens.

Si  j'ai trouvé l'intrigue un peu prévisible, j'ai beaucoup aimé l'ambiance établie par Audur Ava Olafsdottir, ainsi que sa plume, tout en douceur.  De plus, la construction est originale, grâce aux titres de chapitres qui sont des citations d'autres œuvres, soit de poètes (dont Leonard Cohen) ou de philosophes, mais aussi de la Bible. 

Mon préféré de cette auteure reste Rosa Candida, mais Ör arrive pas loin derrière (alors que je n'ai pas trop aimé Le Rouge vif de la rhubarbe). 


Ör de Audur Ava Olafsdottir, traduit de l'islandais, 2017, 236 p.  Titre de la version originale: Ör.

14 septembre 2025

Diane demande un recomptage

Comme ce roman est la suite directe d'Autopsie d'une femme plate, je m'attendais à nager dans les mêmes eaux: un roman à l'intrigue plus ou moins originale, mais amusant et plaisant à lire.

Et c'est bien ce que j'y ai trouvé, mais comme cette fois je m'y attendais, je n'ai pas éprouvé cette petite déception ressentie à la lecture du premier tome.  J'ai pu savourer pleinement les dialogues très naturels et rigolos qui ont toujours été la grande force de cette écrivaine.

Dans ce tome-ci, Diane tente de reconstruire sa vie amoureuse et professionnelle après son divorce.  Heureusement qu'elle est bien entourée, sa meilleure amie et ses enfants étant toujours là pour la soutenir.  Sans oublier son chat à trois pattes, Steve! 

J'ai trouvé la fin un peu abrupte.  J'ai l'impression que c'est une stratégie pour nous donner envie de lire le troisième tome, et... ça fonctionne!

 

Diane demande un recomptage de Marie-Renée Lavoie, 2020, 274 p. 

  

12 septembre 2025

L'Inconnue du portrait

Aimant beaucoup le peintre Klimt, j'ai tout de suite été attirée par ce roman historique lors de sa sortie en 2024, et lorsqu'il a été mis en nomination pour le Prix Livraddict, ce fut l'occasion de m'y plonger.

Contrairement à ce que j'espérais, le peintre lui-même n'apparaît qu'un bref moment.  C'est plutôt l'histoire rocambolesque du tableau qui apparaît en couverture qui sert de fil rouge à l'intrigue. Ce portrait d'une jeune femme dont on ignore l'identité, peint en 1910, fut fortement remanié par Klimt sept ans plus tard pour une raison qu'on ignore.  On a cru longtemps qu'il y avait deux œuvres différentes dont l'une aurait disparu.  C'est une étudiante en Histoire de l'art qui arriva à prouver que les deux toiles n'en faisaient qu'une.  Le tableau fut ensuite volé, pour réapparaître vingt ans plus tard derrière un buisson du jardin du musée d'où il avait disparu.  Rocambolesque, je vous dis!

Camille de Peretti brode toute une saga familiale autour de cette histoire, nous emmenant de l'Autriche du début du XXe siècle jusqu'à New York, où se déroule la plus grande partie de l'intrigue.  

Quelques bémols: tout d'abord, j'ai relevé une invraisemblance.  Comme c'est au tout début du roman, je me permets de divulgâcher un peu: le personnage principal, un jeune cireur de chaussures, arrive en quelques années à économiser la coquette somme de mille dollars qu'il investira pour tenter de faire fortune.  Mille dollars à coup de dix cents la paire de souliers cirés?  J'ai eu de la difficulté à y croire, et donc à croire à tout ce qui s'ensuit.

Deuxièmement, j'ai remarqué un petit tic d'écriture chez cette auteure.  Elle aime accoler deux phrases complètes, parfois même trois ou quatre, en les séparant par une virgule, sans conjonction pour les relier (dans le genre «Il faisait beau, Machin alla se promener, il rencontra Bidule.»).  Rien de bien grave, donc, mais c'est le genre de trucs qui m'agacent quand je me mets à les remarquer!

Heureusement, ces petits défauts ne m'ont pas empêchée d'apprécier ce roman.  L'intrigue est originale et, si l'on oublie la petite invraisemblance du début, bien ficelée.  Les personnages bien développés soutiennent notre intérêt jusqu'à la fin, surtout qu'au départ on ne sait pas quels sont les liens entre eux et avec le tableau.  Un bon roman historique! 


L'Inconnue du portrait de Camille de Peretti, 2024, 356 p. 

03 septembre 2025

Reliquary (Le Grenier des Enfers)

Pendergast, tome 2

Ce billet sera assez court puisque je reprends un peu les mêmes arguments que dans mon billet sur le tome 1 de cette série.  Le gros point fort du roman, c'est la description des lieux où l'intrigue se déroule.  Cette fois-ci, les deux écrivains nous emmènent dans les bas-fonds de NewYork.  Mais quand je dis bas-fonds, pensez baaaaaaas-fonds!  On visite plusieurs étages de tunnels labyrinthiques et nauséabonds, de stations de métro désaffectées,  d'égouts infestés de rats, d'aqueducs obsolètes et j'en passe.  Et tout cela peuplé par des milliers d'humains: sans-abris, drogués, vétérans de la guerre du Vietnam ayant rejeté la société.  En postface, les auteurs nous préviennent qu'ils ont modifié des détails, ajouté des trucs par-ci, par-là, mais qu'en gros, la plupart de ces lieux existent vraiment, de même que leurs habitants! 

De plus, on a le plaisir de retrouver plusieurs des personnages du tome 1!  En fait, je suis contente de n'avoir attendu que quelques mois entre les deux tomes, puisque celui-ci est la suite directe du précédent.  Comme dans ce dernier, j'ai parfois trouvé l'intrigue un peu tirée par les cheveux, mais si l'on décide d'accepter ces détails un peu invraisemblables, c'est une vraie partie de plaisir -- à condition d'aimer être assis au bord de son siège en retenant son souffle, bien sûr! 

(Concernant la traduction française, je me demande pourquoi la série s'intitule Inspecteur Pendergast... Ce cher homme est un agent du FBI, et ne porte donc pas le titre d'inspecteur, à ce que je sache!  Comptez sur moi pour remarquer ce genre de détails anodins!) 

 

Reliquary (Pendergast, tome 2) de Douglas Preston et Lincoln Child, 1997, 464 p.  Titre de la traduction française: Le Grenier des Enfers (Inspecteur Pendergast, tome 2).

01 septembre 2025

La Maison d'Hortense, tome 1: Printemps-été 1935

Après le rythme trépidant des Guerriers de l'hiver d'Oliver Norek, cela faisait du bien de souffler un peu dans une atmosphère plus reposante, celle d'un roman historique signé Maryse Rouy.  Dans le premier tome de cette nouvelle série, on se retrouve sur le Plateau Mont-Royal en 1935, et l'on suit un groupe de femmes de différentes générations.

Le sujet principal du roman est le choix qu'avaient à faire les jeunes femmes de l'époque: se conformer au diktat de la société en se préparant à devenir des épouses modèles (d'éventuelles études supérieures ne servant qu'à se trouver un bon parti) ou choisir d'exercer un métier, sachant qu'il faudra se battre bec et ongles pour se faire une place dans ce monde masculin.

Comme toujours chez cette auteure, la force du roman provient de deux sources: la reconstitution détaillée mais toujours très vivante, de la vie quotidienne de l'époque, et l'attachement que l'on développe pour plusieurs des personnages. Comme il s'agit d'un premier tome, certains portraits sont esquissés plus rapidement que d'autres;  nul doute qu'on en apprendra plus sur ces femmes dans les prochains tomes!

 

La Maison d'Hortense, tome 1: Printemps-été 1935 de Maryse Rouy, 2022, 344 p.  

30 août 2025

Jamaica Inn (L'Auberge de la Jamaïque)

Première surprise:  ça ne se déroule pas en Jamaïque!

Et donc, au lieu de me retrouver dans l'ambiance paradisiaque d'une île des Caraïbes, me voilà téléportée dans les landes froides et brumeuses de la Cornouailles.  Après l'Indochine étouffante de Duras*, ça fait un choc!

Ensuite, une constatation: on est dans la lignée des sœurs Brontë, mais en plus facile à lire!

J'ai vraiment adoré la plume de Daphne du Maurier, que je découvrais par le fait même.  Oh! bien sûr je la connaissais de nom, son Rebecca est très célèbre (trop même, on dirait que je connais déjà l'histoire sans l'avoir lu!) et l'une de ses nouvelles a inspiré Hitchcock pour The Birds.  

J'ai été épatée par la modernité de son héroïne, qui est une jeune femme forte de caractère et indépendante.  Elle envisage de ne pas se marier, ne pas avoir d'enfants, elle n'a pas froid aux yeux malgré toutes les péripéties qui lui arrivent...  Bon il y a bien un petit passage qui m'a déçue: elle arrive pour la première fois chez un célibataire endurci, sa maison est une vraie soue à cochon, elle se met à faire le ménage, et le dîner en prime!  Mais pour un roman publié en 1940, c'est quand même bien, passons-lui ce petit moment de faiblesse. 

Bref, ce ne sera pas ma dernière lecture dans sa bibliographie.  Dans ma ligne de mire: Ma Cousine Rachel


*Les billets ne sont pas publiés dans l'ordre où j'ai lu les romans. 

 

Jamaica Inn de Daphne du Maurier, 1941, 320 p.  Titre de la traduction française: L'Auberge de la Jamaïque.

28 août 2025

Les Guerriers de l'hiver

Les amis, je passe aux aveux.  Moi qui me targue de posséder d’assez bonnes bases en Histoire, je n’avais jamais entendu parler de cet épisode incroyable que fut la tentative d’invasion de la Finlande, un pays neutre, par la Russie, au tout début de la Deuxième Guerre mondiale.

Je ne vous en dis pas plus sur les événements racontés dans le roman d’Olivier Norek.  Quand on n’en connaît pas le dénouement, cette histoire se lit comme un thriller!  Pourtant, tous les faits sont véridiques, tous les personnages ont vraiment existé.   Et justement, les personnages sont ce qui font l’originalité du roman, puisqu’ils semblent plus grands que nature, en particulier le jeune Simo Häyhä, tireur d’élite à l'habileté presque surhumaine, et le chef de sa compagnie, le lieutenant Juutilainen, un ivrogne complètement barjo mais dont les tactiques de guérilla permirent aux Finlandais de résister plus longtemps que prévu à un ennemi aux forces immensément supérieures.

Un autre aspect intéressant est qu’on assiste au déroulement des opérations non seulement du côté des Finlandais mais aussi de celui des Russes.  On a donc les deux côtés de la médaille!

J’ai lu ce livre parce qu’il est en nomination pour le Prix Livraddict dans la catégorie Historique… Laissez-moi vous dire que les autres candidats auront fort à faire pour gagner mon vote!


Les Guerriers de l'hiver d'Olivier Norek, 2024, 424 p. 

16 août 2025

V13

Oh là là!  On a frôlé l'abandon, les amis!

Pas que ce livre soit mauvais, bien au contraire.   

Il s'agit d'un recueil des chroniques hebdomadaires qu'Emmanuel Carrère a écrites pour la revue L'Obs durant le procès des terroristes ayant participé aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Pour ceux qui s'interrogent sur le titre, ce 13 novembre était un vendredi, V13 est donc devenu le «nom de code» du procès.

Or, je croyais qu'on aurait surtout les réflexions de Carrère lui-même...  Mais dans la première partie, il transcrit textuellement de longs passages des témoignages des survivants ou des familles endeuillées.  C'est très touchant, mais l'accumulation de détails scabreux ou tragiques fait que cela devient pénible à lire, on a l'impression d'étouffer! 

J'ai donc ressorti le Zweig (Souvenirs et rencontres) que j'avais délaissé, trouvant un peu ennuyant (pardon, Stefan) le passage où j'étais rendue.  Ennuyant, c'est en plein ce qu'il me fallait dans les circonstances!  J'ai pu continuer les deux livres en parallèle, c'était parfait.

Heureusement, dans les parties suivantes, l'on suit la reconstitution des faits par les experts, l'interrogatoire des accusés, les plaidoiries, etc.  C'est beaucoup plus factuel, et donc beaucoup plus facile à lire.  L'auteur décrit également la relation de camaraderie, voire même d'amitié, qu'il a pu développer avec plusieurs personnes (journalistes, victimes) qui suivaient régulièrement le procès tout comme lui. Carrère étant Carrère, il arrive même à y glisser des touches d'humour de temps en temps!  Il présente également des réflexions intéressantes sur la justice, le deuil et plusieurs autres sujets.

J'ai trouvé cette lecture absolument fascinante!  Il faut juste s'attendre à passer un sale moment au début (ou lire les chroniques dans le désordre? À vous de voir!).    


V13 d'Emmanuel Carrère, 2022, 368 p. 

03 août 2025

Un barrage contre le Pacifique

Mon premier contact avec Marguerite Duras remonte à mon adolescence.  À l'école, on avait eu l'idée, mal inspirée selon moi, de nous faire lire à l'âge de 15-16 ans son roman L'Amant.  Je n'avais pas tellement apprécié-- en fait, je n'avais probablement pas tout compris -- et je suis restée toutes ces années avec l'idée que je n'aimais pas Duras.  

J'ai eu l'idée de revisiter l'écrivaine d'un œil adulte, avec un de ses premiers romans, Un barrage contre le Pacifique.  Cela m'a permis de comprendre pourquoi j'avais rejetée cette pauvre Marguerite!  À l'adolescence, on aime s'identifier aux personnages, on veut des intrigues qui nous font vibrer, nous remplissent d'émotions!  On se fiche pas mal de l'écriture, de la beauté des descriptions, etc.

Or, si j'en juge d'après ce roman-ci, Duras c'est tout le contraire.  L'intrigue, si elle reste intéressante, présente tout de même beaucoup de longueurs.  Quant aux personnages, on ne s'y attache pas du tout, ils sont même carrément antipathiques par moment.  

Mais quelle plume!  Une plume qui arrive à être à la fois distante, presque froide, et très évocatrice.  J'ai adoré les descriptions de l'Indochine des années trente.  L'ambiance est extraordinaire, que ce soit lorsqu'on se trouve sur la plantation ou bien en ville.  L'exploitation des colons peu fortunés par les fonctionnaires corrompus nous fait rager, mais ce n'est rien par rapport à la situation des indigènes, dont les enfants tombent comme des mouches à cause de la malnutrition.  

Trop contente d'avoir renoué avec Marguerite! 

  

Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras, 1950, 365 p.

22 juillet 2025

La plus secrète mémoire des hommes (abandon)

Tiens, ça faisait un moment que je n'avais pas abandonné un livre...  La dernière fois, c'était en 2022!

Ce n'est pourtant pas faute d'avoir tenté de m'accrocher...  Je lisais ce roman de l'écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, lauréat du Goncourt, dans le cadre d'une lecture commune avec des participantes du forum Livraddict, activité que j'ai moi-même organisée!  Cet abandon constitue donc un peu un faux-pas de ma part...  

Mais je n'en peux tout simplement plus du style pompeux, des personnages antipathiques et des discussions interminables sur la littérature.  Pourtant, d'habitude les «livres qui parlent de livres» sont tout à fait dans mes cordes, mais là c'est fait d'une façon à la fois très abstraite et condescendante.  

Il y a bien quelques passages que j'ai appréciés -- le Christ qui débarque de sa croix pour discuter le bout de gras avec le narrateur m'a bien fait rigoler!  Mais ces moments étaient trop rares à mon goût.  

Bref, la vie est trop courte, je passe à autre chose! 


La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr, 2021, 457 p. 

20 juillet 2025

Le Gardien du feu

Le roman Le Gardien du feu d'Anatole Le Braz a été choisi pour le club de lecture du forum Livraddict, édition spéciale «pépite méconnue».  Méconnue, c'est évident, je ne connaissais même pas cet écrivain de nom!  Pépite, ça restait à voir...

Eh bien, je confirme, c'est une pépite!  Cet auteur au nom de personnage de bande dessinée a toute une plume.  L'histoire, l'éternel triangle amoureux, pourrait sembler banale, mais elle se distingue par son décor (on est sur la côte bretonne) et son ambiance oppressante, presque gothique.  La Pointe du Raz est un lieu désolé, âpre, battu par les vents, et ses habitants ne sont pas spontanément chaleureux envers les étrangers (incluant toute personne venant d'une autre région de Bretagne), ou du moins ils ne l'étaient pas à la fin du XIXe siècle, selon Le Braz.  

La plume, très agréable, a un petit côté suranné sans jamais sembler désuète.  Quelques expressions bretonnes sont intégrées, faisant couleur locale, avec traduction dans les notes à la fin du volume.     

En bonus, j'ai toujours été fascinée par les phares, et une bonne partie de l'intrigue se déroule dans celui où le narrateur vient d'être engagé comme gardien (d'où le titre, vous l'aurez deviné!).  

Une excellente découverte!  Et la discussion au club de lecture a été fort intéressante, car la fin du roman se prête à différentes interprétations...

 

Le Gardien du feu d'Anatole Le Braz, 1900, 144 p. 

18 juillet 2025

Rocannon's World (Le Monde de Rocannon)

(L'édition offerte en prêt numérique est une intégrale contenant trois romans, et sa couverture n'est pas terrible... Je vous mets plutôt celle-ci, datant des années 70, qui reflète bien l'ambiance!)

Je continue mon exploration de l’œuvre d'Ursula Le Guin avec Rocannon's World, premier roman du Cycle de Hain.  Tout comme dans le célèbre The Left Hand of Darkness, on est ici dans un savant et délicieux mélange de science-fiction et de fantasy.  Ainsi, les personnages peuvent se déplacer à bord de vaisseaux spatiaux ou sur des gros félins ailés!  On se bat à l'épée ou au laser et à la bombe nucléaire! 

Rocannon, le personnage principal, est ethnologue de profession.  Cela donne lieu à d'intéressantes réflexions sur les différents peuples qu'il rencontre sur cette planète qu'il est venu explorer.  Gros coup de cœur pour les Fiia (Fian au singulier), petits humanoïdes joyeux qui m'ont fait penser à des hobbits, télépathie en bonus! 

J'ai toutefois constaté que les thèmes et les symboliques sont moins développés que dans The Left Hand of Darkness.  Il faut dire qu'il s'agit du tout premier roman de cette auteure!   Il faut donc le lire comme un très bon roman d'aventures.


Rocannon's World d'Ursula Le Guin, 1966, 258 p.  Titre de la traduction française: Le Monde de Rocannon. 

03 juillet 2025

Je vous ai vue, Marie

Quand j'étais ado (dans une autre ère géologique, donc), je me souviens avoir adoré le premier roman de François Barcelo, Agénor, Agénor, Agénor et Agénor.  Mes souvenirs de l'histoire elle-même sont flous (voire inexistants) mais j'avais trouvé très original ce type d'humour assez farfelu (humour déjanté, qu'il faut dire maintenant).  Je revisite maintenant l'auteur grâce à ce petit roman ramassé pour une bouchée de pain lors d'une vente de livres élagués de la Bibliothèque de Montréal.

J'ai plutôt apprécié le mélange de comédie satirique et de policier.  Les dialogues, notamment, sont assez amusants.  Seul petit défaut, il y a beaucoup de personnages, on s'y perd, en particulier entre les différents enquêteurs! Une petite liste n'aurait pas été de trop. 

Toutefois ce roman ne me laissera pas un souvenir indélébile.  J'ai l'impression que ce type d'humour semblait très original jadis, mais maintenant c'est beaucoup plus courant!

 

Je vous ai vue, Marie de François Barcelo, 1990, 249 p.

24 juin 2025

Patte de velours, œil de lynx

J'avoue, si j'ai eu envie de lire ce roman malgré les avis mitigés lus ici et là, c'est à cause de la couverture.  Quelle bouille il a ce minou! 

Malheureusement, malgré ce que laisse supposer cette couverture et ce titre, le chat en question a finalement un rôle très secondaire.  Si j'avais lu la quatrième de couverture, j'aurais pu m'en douter, mais je ne les lis jamais de peur qu'elles ne contiennent des divulgâcheurs.  

C'est la relation avec les voisins humains qui prend le devant de la scène, le chat (ou plutôt les deux chats, chaque maisonnée ayant le sien) agissant seulement à titre de déclencheur.  Alors qu'on prévoyait un récit plutôt amusant (toujours à cause de cette couverture), la tension s'installe et on se retrouve dans un thriller sur le thème assez banal de la dispute entre voisins.

On peut m'expliquer le titre de la version française?  Il n'a aucun rapport avec l'intrigue.  Mon ami Google Traduction me dit que le titre original suédois signifie «Œil pour œil, patte pour patte»; tout en mettant encore trop l'emphase sur les félins, ce titre a au moins l'avantage d'annoncer l'ambiance conflictuelle du récit.  

Contrairement à plusieurs lecteurs, j'ai assez aimé la fin, mais je suis quand même déçue du reste.  Le personnage principal est peu attachant et, le roman étant très court, on passe trop rapidement de «ils sont sympas mais un peu bizarres, ces voisins!» à «ma voisine est une psychopathe!».

 

Patte de velours, œil  de lynx de Maria Ernestam, traduit du suédois, 2015, 128 p.  Titre de la version originale: Öga för öga, tass för tass (2014).

22 juin 2025

A Prayer for the Crown-Shy (Une prière pour les cimes timides)

Monk and Robot (Histoires de moine et de robot), tome 2

 (Cette couverture est si jolie, je la laisse en plus grande dimension que d'habitude!) 

Après une lecture un peu glauque (La Porte des Enfers de Laurent Gaudé), quelle bouffée de fraîcheur de se retrouver sur la lune Panga avec nos amis Dex et Mosscap pour la suite de leurs aventures!  

J'ai encore beaucoup apprécié leurs conversations, surtout grâce aux réparties parfois naïves, parfois remplies de bon sens de notre robot envoyé par ses congénères pour enquêter sur les humains.  Les deux personnages sont vraiment fort attachants, et l'amitié qui se développe entre eux est touchante.  

J'ai encore eu un peu de difficulté à m'habituer à l'écriture inclusive, mais je pense qu'en anglais cela passe tout de même mieux qu'en français, puisque cela se limite à l'utilisation du pronom they singulier, sans avoir à accorder les articles et les adjectifs!  N'empêche, je devais parfois relire une phrase pour comprendre si le they se rapportait seulement à Dex (le personnage non-binaire) ou à plusieurs personnes.    

Le tout est très mignon, mais, encore plus que dans le tome 1, il m'a manqué une certaine tension, un mystère ou à tout le moins un enjeu quelconque!  Là, nos deux héros ne font que se promener d'un endroit à l'autre en discutant.  Finalement, j'en suis même arrivée à m'ennuyer quelque peu! 

 

A Prayer for the Crown-Shy (Monk and Robot, tome 2) de Becky Chambers, 2022, 160 p.  Titre de la traduction française: Une prière pour les cimes timides (Histoires de moine et de robot, tome 2).

21 juin 2025

La Porte des Enfers

Oh là là!  En commençant ce roman, je ne m'attendais pas à une ambiance aussi glauque et à des scènes d'une telle violence!  Bien sûr, Laurent Gaudé aime aborder des sujets sérieux, mais je n'ai jamais ressenti cette impression d'étouffement dans les autres romans que j'ai lus -- et pourtant je me souviens de passages assez durs dans Eldorado, par exemple.  

Heureusement, il y a dans cette histoire un côté fantastique qui m’intriguait.  Le narrateur, qui dit être mort et revenu à la vie, est-il un fantôme, un revenant, un fou?  C'est ce qui m'a encouragée à continuer, et finalement, à partir du milieu du roman, j'ai pu apprécier la façon dont Gaudé aborde les thèmes de la mort, du deuil, de la vengeance, du sacrifice et de la mémoire.  

Une des grandes forces de ce roman, ce sont les personnages secondaires, notamment la prostituée transgenre (en 2008, ce genre de personnages n'était pas encore courant) et le vieux curé barricadé dans son église.  

Mais quelle vision sombre de la mort!  On est loin du champ d’asphodèles des Grecs...       


La Porte des Enfers de Laurent Gaudé, 2008, 266 p. 

20 juin 2025

Au revoir là-haut

Un roman historique que j'ai terminé il y a plus d'une semaine...  Pour diverses raisons, je n'ai pas pu rédiger cet avis dans les jours suivants, comme j'aime le faire habituellement.  Je vais donc m'en tenir à quelques remarques générales, et ce sera un billet plus court que ce que le livre mérite.   

Pour un premier contact avec Pierre Lemaitre, c'est une réussite!  J'ai adoré cette intrigue à la fois originale et en droite ligne avec les grands auteurs du XIXe siècle, avec leurs portraits sans pitié d'une société française pourrie par les magouilles, le copinage et le patriotisme à outrance.  D'ailleurs, un des personnages principaux m'a rappelé Bel-Ami de Maupassant!  

En parlant des personnages, tous sont finement décrits, qu'ils soient attachants ou détestables.  J'ai aussi beaucoup apprécié l'humour de l'auteur, que ce soit dans les dialogues ou dans la narration.  À part quelques moments où j'ai trouvé que l'histoire piétinait un peu, j'ai tout aimé de ce roman décrivant la période de l'entre-deux-guerres.

Pardon M. Lemaitre pour ce billet trop court, je tenterai de faire mieux à la lecture du deuxième volet de cette trilogie, Couleurs de l'incendie, ce qui ne saurait tarder!

 

Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, 2013, 615 p.

06 juin 2025

Kukum

***Attention, je me permets de divulgâcher un peu, étant donné que ce sont des faits historiques assez connus...*** 

En mai, le thème du club de lecture du forum Livraddict était «les peuples autochtones».  J’ai donc suggéré ce roman du journaliste Michel Jean et à mon grand plaisir c’est lui qui a remporté le vote.  L’auteur y raconte la vie de son arrière-grand-mère, une femme blanche qui a épousé un Innu.

J’ai été surprise de constater que la narratrice du récit est l'aïeule elle-même.  C’est un choix audacieux de la part de l’écrivain, surtout que des scènes intimes sont racontées!

J’ai beaucoup apprécié découvrir le mode de vie des Innus au début du XXe siècle dans la région du lac St-Jean.  Leur vie quotidienne est décrite en détail: organisation sociale, migration selon les saisons, chasse, vie en famille, etc.  La nature sauvage tient une grande place dans le récit, ce qui lui donne un côté Nature Writing fort réussi.

Toutefois, je me suis demandé s’il n’y avait pas une certaine idéalisation de la réalité.  Est-il possible qu’une femme blanche ait été acceptée si facilement dans la communauté autochtone, au point qu’il semble n'y avoir eu aucun commentaire négatif, aucun questionnement?

Comme on pouvait s'y attendre, la fin du roman est triste puisque, à mesure que les Blancs envahissent le territoire, les Innus ont de plus en plus de difficulté à vivre selon leurs coutumes.  L’épisode des enfants amenés de force dans les pensionnats est particulièrement marquant, de même que la description de l'impact des barrages hydroélectriques sur les populations.  Le tout est narré avec une plume efficace qui évite de tomber dans le pathos. 

En bref, une très bonne première rencontre avec cet écrivain.  Maintenant j'ai bien envie de le retrouver dans un autre registre avec Envoyé spécial, où il raconte son expérience de correspondant à l'étranger. 

 

Kukum de Michel Jean, 2019, 224 p. 

27 mai 2025

Olympos

Duologie Ilium/Olympos, tome 2

***Attention, GROS DIVULGÂCHEUR du tome 1!!!***

Quel grand bonheur de retrouver tous ces personnages, en particulier mes deux préférés, les robots Mahnmut et Orphu!  J'avais presque les larmes aux yeux en constatant qu'Orphu avait pu être réparé presque à 100%!

Dans ce tome, Simmons apporte des éclaircissements au sujet des différents aspects de l'univers mis en place dans le tome 1.  On verse donc parfois du bord de la Hard SF (avec beaucoup d'explications scientifiques, donc), mais ce n'est pas gênant si on ne comprend pas absolument tout.

J'ai toutefois quelques bémols qui font que ce tome m'a légèrement moins enthousiasmée que le premier.  Tout d'abord, il y a quelques longueurs dans la deuxième moitié.  Il m'a semblé que l'intrigue piétinait un peu.  

Ensuite, il m'a semblé que certaines technologies permettaient parfois des facilités scénaristiques:  tout comme en fantasy cela peut devenir agaçant lorsque la magie est utilisée pour expliquer une incohérence (le fameux «ta gueule, c'est magique!»), ici j'ai trouvé que certains gadgets étaient un peu tirés par les cheveux.  Une combinaison en tissu fin comme une membrane, qui permet de résister autant au froid qu'au chaud extrêmes, de respirer dans le vide et sous l'eau, de ne pas être affecté par les gaz toxiques et acides et par des écarts de pression allant du vide spatial aux fonds marins jusqu'à huit atmosphères!  Pousse, mais pousse égal!

Enfin, il y a une scène sexuelle vraiment malaisante; j'avoue que j'ai lu ces quelques pages en diagonale tant je trouvais cela désagréable.  Je ne veux rien divulgâcher mais je pense que vous saurez de quel passage je parle quand vous y serez...

Mais je chipote, dans l'ensemble j'ai vraiment beaucoup aimé et  j'ai apprécié la toute fin, contrairement à certains lecteurs qui ont trouvé qu'elle tombait un peu à plat.  Il s'agit toutefois d'une intrigue complexe, il faudrait presque tout reprendre du début pour bien assimiler le tout!

 

Olympos de Dan Simmons, 2005, 690 p.  Titre de la traduction française: Olympos

30 avril 2025

The Murder at the Vicarage (L'Affaire Protheroe)

Adolescente, j'ai dévoré tous les romans d'Agatha Christie qui étaient offerts à la bibliothèque municipale ainsi que les cinq ou six qui se trouvaient sur l'étagère du petit chalet où nous passions nos étés (ceux-là je les ai mêmes relu et re-relus -- oui, à cette époque j'avais déjà une mémoire de poisson rouge et d'une année à l'autre je ne me souvenais pas du coupable!).  Parmi tous les personnages récurrents, mes préférés étaient Tommy et Tuppence Beresford, mais j'adorais aussi Hercule Poirot, qui me faisait bien rigoler avec son sentiment de supériorité à toute épreuve.  Miss Marple, elle, me décevait toujours un peu, je la trouvait un peu terne par rapport aux autres personnage si hauts en couleur.

Récemment, j'ai eu l'idée de lui donner une deuxième chance, me disant que j'aurais peut-être un regard différent maintenant que je commence à m'approcher un peu de l'âge de cette vieille dame (je souligne le «un peu», hein?).  Grand bien m'en fit, j'ai adoré son humour pince-sans-rire, non dénué d'autodérision (faculté dont Poirot, lui, est complètement dépourvu!).

Fait à noter, la demoiselle est un personnage secondaire dans cette intrigue, ce qui m'a surprise.  Il s'agit de sa première apparition dans l’œuvre de l'auteure, et je me suis donc demandé si Agatha savait déjà que le personnage serait récurrent ou si cela s'est décidé plus tard, peut-être en réponse aux bons commentaires qu'elle a reçus à son sujet... 


The Murder at the Vicarage d'Agatha Christie, 1930, 224 p.  Titre de la traduction française:  L'Affaire Protheroe.

25 avril 2025

Brown Dog (Chien Brun)

En commençant ce roman court (ce que les anglos appellent une novella) inclus dans un gros recueil qui en contient six mettant en scène le même personnage, j'ai été surprise du ton léger et humoristique adopté ici par Jim Harrison.  Il y a bien des années que j'ai lu un autre de ses recueils, Legends of the Fall (Légendes d'automne), mais de mémoire l'ambiance était plus sombre, voire dramatique.

Ici, l'on est au Michigan et l'on suit les aventures de Brown Dog, un énergumène toujours emberlificoté dans des manigances louches, qui n'hésite pas à se faire passer pour un autochtone de la tribu Chippewa lorsque cela l'arrange et qui ne pense qu'à baiser, boire et manger.  Bien qu'on ne puisse pas dire qu'il soit attachant, ses réflexions sont souvent hilarantes (mais pas du tout correctes politiquement, vous voilà avertis!).

Même si je me suis bien amusée durant la lecture de ce récit, je n'enchaînerai pas toute de suite avec la suite.  J'ai l'impression qu'on pourrait facilement se lasser du personnage, je vais donc attendre quelques mois avant de continuer! 


Brown Dog de Jim Harrison, roman court inclus dans le recueil du même nom, 77 pages, 1990.  Titre de la traduction française: Chien Brun.