09 octobre 2025

Study for Obedience (Étude pour l'obéissance)

Alors heuuuuu….

J’ai rien compris à ce foutu bouquin!

Et j’aime pas quand un bouquin me fait sentir stupide!

Le fait que je l’ai lu en version originale n’a certainement pas aidé.  L’anglais est d’un niveau assez soutenu, merci.  Pourtant, la plupart du temps je comprenais le sens des mots, mais les phrases ne s’enregistraient pas dans mon cerveau parce que trop abstraites.  Alors je pense que même si je l’avais lu dans la traduction française, le résultat aurait été sensiblement le même.  C’est tout simplement trop plein de non-dits et de digressions vagues.

C’est dommage, car certains passages plus concrets (promenades dans la campagne, interactions avec les villageois) sont assez intéressants. 

J’ai bien failli abandonner, mais le mystère entourant le personnage principal a éveillé ma curiosité, assez en tous cas pour que je persévère. Sauf qu’à la fin je suis restée Gros-Jean comme devant!  Peut-être qu’on était sensé deviner le fin mot de l’histoire et que je ne suis pas assez intelligente.  Grrrr! 

 

Study for Obedience de Sarah Bernstein, 2023, 208 p.  Titre de la traduction française: Étude pour l'obéissance.  Paru en Europe sous le titre Obéissantes et assassines.   

27 septembre 2025

They Do It with Mirrors (Jeux de glaces)

Je continue de revisiter les romans d'Agatha Christie mettant en scène Miss Marple.  Tout comme il y a quelques mois dans Murder at the Vicarage, j'ai beaucoup apprécié ce personnage (que je trouvais décevant quand j'étais ado, je le rappelle).  C'est toute une fin finaude, cette Miss Marple, mais une fin finaude plus subtile qu'un Hercule Poirot, par exemple!  Avec son petit air naïf et son tricot, les méchants ne s'en méfient pas!

Une fois n'est pas coutume, j'ai deviné assez rapidement une partie de la solution, et je n'en suis pas peu fière!  Plusieurs éléments-clés ont tout de même su me surprendre.  L'intrigue est bien ficelée, il faut juste bien s'accrocher au début parce que les relations entre les divers personnages ne sont pas simples: qui est la demi-sœur de qui, untel est le combientième mari d'unetelle?  Heureusement, Agatha prend le soin de répéter souvent ces informations, et ça finit par rentrer!   

 

They Do It with Mirrors d'Agatha Christie, 1952, 224 p.  Titre de la traduction française: Jeux de glaces. 

26 septembre 2025

Neuromania

Vous croyez que les différentes fonctions du cerveau (langage, mémoire, etc) sont contrôlées par certaines régions bien spécifiques, comme semblent le démontrer les images par résonance magnétique qu'on nous montre pour le prouver?  Et bien c'est faux selon le neuroscientifique Albert Moukheiber; c'est le cerveau tout entier qui agit de concert pour chaque fonction.  Et cette histoire d'hémisphères gauche et droit où résident séparément la logique et la créativité, c'est bien vrai, n'est-ce pas? Eh bien non, ces deux aptitudes ne travaillent pas indépendamment mais plutôt en boucle, l'une influençant l'autre qui influence la première, etc.  Bon d'accord, mais le cerveau reptilien, celui qui nous vient de nos ancêtres dinosaures et qui constitue le centre de la peur, c'est bien vrai?  Et le rôle des hormones, la dopamine et les autres?  Et la dépression, l'addiction, la résistance au changement?

Vous me voyez venir...   

En gros, ce qu'on apprend dans cet essai très intéressant et bien vulgarisé (mais très déstabilisant puisqu'il faut remettre en question tout ce qu'on croyait savoir sur le cerveau), c'est que tout ne peut se réduire à ce seul organe, qu'il faut plutôt prendre en compte le corps en entier ainsi que le contexte social et culturel de chaque individu.   


Neuromania d'Albert Moukheiber, 2024, 250 p.

25 septembre 2025

La Blague du siècle

À la sortie de ce roman en 2023, je me souviens avoir lu dans le journal Le Devoir une entrevue avec Jean-Christophe Réhel dans laquelle il disait avoir eu peur quand Jean-Philippe Baril-Guérard a publié son livre qui mettait en scène lui aussi un aspirant humoriste.  Il avait même demandé à son éditeur s’il devait changer de sujet!

J’étais donc restée avec l’idée que le milieu de l’humour était le sujet principal de La Blague du siècle, alors que pas du tout!  C’est plutôt l’histoire d’un homme dans la trentaine qui travaille dans un Tim Hortons pour subvenir aux besoins de son père atteint d’un cancer du cerveau et de son frère schizophrène (et qui accessoirement aurait bien aimé devenir humoriste et aime assister à des spectacles d’humour).

Contrairement au roman précédent de l'auteur Ce qu’on respire sur Tatouine, que j’avais trouvé très drôle (mais avec des passages plus sérieux), ici c’est plutôt le contraire: on est dans une ambiance beaucoup plus touchante et dramatique, avec des passages plus légers, voire même rigolos.

 

La Blague du siècle de Jean-Christophe Réhel, 2023, 256 p.

17 septembre 2025

Ör

Sûrement le titre le plus court depuis le début du blogue!  Et pour ceux qui se posent la question, ör signifie cicatrice en islandais. 

Comme le titre le laisse supposer, on aura affaire ici à des personnages meurtris, qui tentent de panser leurs blessures; au premier chef, le personnage principal, qui a même décidé de mettre fin à ses jours, mais cela est plus compliqué qu'il n'y paraît!  

De l'Islande, on se déplacera vers un pays détruit par une guerre civile, et là, les notions de cicatrice et de reconstruction prendront un tout autre sens.

Si  j'ai trouvé l'intrigue un peu prévisible, j'ai beaucoup aimé l'ambiance établie par Audur Ava Olafsdottir, ainsi que sa plume, tout en douceur.  De plus, la construction est originale, grâce aux titres de chapitres qui sont des citations d'autres œuvres, soit de poètes (dont Leonard Cohen) ou de philosophes, mais aussi de la Bible. 

Mon préféré de cette auteure reste Rosa Candida, mais Ör arrive pas loin derrière (alors que je n'ai pas trop aimé Le Rouge vif de la rhubarbe). 


Ör de Audur Ava Olafsdottir, traduit de l'islandais, 2017, 236 p.  Titre de la version originale: Ör.

14 septembre 2025

Diane demande un recomptage

Comme ce roman est la suite directe d'Autopsie d'une femme plate, je m'attendais à nager dans les mêmes eaux: un roman à l'intrigue plus ou moins originale, mais amusant et plaisant à lire.

Et c'est bien ce que j'y ai trouvé, mais comme cette fois je m'y attendais, je n'ai pas éprouvé cette petite déception ressentie à la lecture du premier tome.  J'ai pu savourer pleinement les dialogues très naturels et rigolos qui ont toujours été la grande force de cette écrivaine.

Dans ce tome-ci, Diane tente de reconstruire sa vie amoureuse et professionnelle après son divorce.  Heureusement qu'elle est bien entourée, sa meilleure amie et ses enfants étant toujours là pour la soutenir.  Sans oublier son chat à trois pattes, Steve! 

J'ai trouvé la fin un peu abrupte.  J'ai l'impression que c'est une stratégie pour nous donner envie de lire le troisième tome, et... ça fonctionne!

 

Diane demande un recomptage de Marie-Renée Lavoie, 2020, 274 p. 

  

12 septembre 2025

L'Inconnue du portrait

Aimant beaucoup le peintre Klimt, j'ai tout de suite été attirée par ce roman historique lors de sa sortie en 2024, et lorsqu'il a été mis en nomination pour le Prix Livraddict, ce fut l'occasion de m'y plonger.

Contrairement à ce que j'espérais, le peintre lui-même n'apparaît qu'un bref moment.  C'est plutôt l'histoire rocambolesque du tableau qui apparaît en couverture qui sert de fil rouge à l'intrigue. Ce portrait d'une jeune femme dont on ignore l'identité, peint en 1910, fut fortement remanié par Klimt sept ans plus tard pour une raison qu'on ignore.  On a cru longtemps qu'il y avait deux œuvres différentes dont l'une aurait disparu.  C'est une étudiante en Histoire de l'art qui arriva à prouver que les deux toiles n'en faisaient qu'une.  Le tableau fut ensuite volé, pour réapparaître vingt ans plus tard derrière un buisson du jardin du musée d'où il avait disparu.  Rocambolesque, je vous dis!

Camille de Peretti brode toute une saga familiale autour de cette histoire, nous emmenant de l'Autriche du début du XXe siècle jusqu'à New York, où se déroule la plus grande partie de l'intrigue.  

Quelques bémols: tout d'abord, j'ai relevé une invraisemblance.  Comme c'est au tout début du roman, je me permets de divulgâcher un peu: le personnage principal, un jeune cireur de chaussures, arrive en quelques années à économiser la coquette somme de mille dollars qu'il investira pour tenter de faire fortune.  Mille dollars à coup de dix cents la paire de souliers cirés?  J'ai eu de la difficulté à y croire, et donc à croire à tout ce qui s'ensuit.

Deuxièmement, j'ai remarqué un petit tic d'écriture chez cette auteure.  Elle aime accoler deux phrases complètes, parfois même trois ou quatre, en les séparant par une virgule, sans conjonction pour les relier (dans le genre «Il faisait beau, Machin alla se promener, il rencontra Bidule.»).  Rien de bien grave, donc, mais c'est le genre de trucs qui m'agacent quand je me mets à les remarquer!

Heureusement, ces petits défauts ne m'ont pas empêchée d'apprécier ce roman.  L'intrigue est originale et, si l'on oublie la petite invraisemblance du début, bien ficelée.  Les personnages bien développés soutiennent notre intérêt jusqu'à la fin, surtout qu'au départ on ne sait pas quels sont les liens entre eux et avec le tableau.  Un bon roman historique! 


L'Inconnue du portrait de Camille de Peretti, 2024, 356 p. 

03 septembre 2025

Reliquary (Le Grenier des Enfers)

Pendergast, tome 2

Ce billet sera assez court puisque je reprends un peu les mêmes arguments que dans mon billet sur le tome 1 de cette série.  Le gros point fort du roman, c'est la description des lieux où l'intrigue se déroule.  Cette fois-ci, les deux écrivains nous emmènent dans les bas-fonds de NewYork.  Mais quand je dis bas-fonds, pensez baaaaaaas-fonds!  On visite plusieurs étages de tunnels labyrinthiques et nauséabonds, de stations de métro désaffectées,  d'égouts infestés de rats, d'aqueducs obsolètes et j'en passe.  Et tout cela peuplé par des milliers d'humains: sans-abris, drogués, vétérans de la guerre du Vietnam ayant rejeté la société.  En postface, les auteurs nous préviennent qu'ils ont modifié des détails, ajouté des trucs par-ci, par-là, mais qu'en gros, la plupart de ces lieux existent vraiment, de même que leurs habitants! 

De plus, on a le plaisir de retrouver plusieurs des personnages du tome 1!  En fait, je suis contente de n'avoir attendu que quelques mois entre les deux tomes, puisque celui-ci est la suite directe du précédent.  Comme dans ce dernier, j'ai parfois trouvé l'intrigue un peu tirée par les cheveux, mais si l'on décide d'accepter ces détails un peu invraisemblables, c'est une vraie partie de plaisir -- à condition d'aimer être assis au bord de son siège en retenant son souffle, bien sûr! 

(Concernant la traduction française, je me demande pourquoi la série s'intitule Inspecteur Pendergast... Ce cher homme est un agent du FBI, et ne porte donc pas le titre d'inspecteur, à ce que je sache!  Comptez sur moi pour remarquer ce genre de détails anodins!) 

 

Reliquary (Pendergast, tome 2) de Douglas Preston et Lincoln Child, 1997, 464 p.  Titre de la traduction française: Le Grenier des Enfers (Inspecteur Pendergast, tome 2).

01 septembre 2025

La Maison d'Hortense, tome 1: Printemps-été 1935

Après le rythme trépidant des Guerriers de l'hiver d'Oliver Norek, cela faisait du bien de souffler un peu dans une atmosphère plus reposante, celle d'un roman historique signé Maryse Rouy.  Dans le premier tome de cette nouvelle série, on se retrouve sur le Plateau Mont-Royal en 1935, et l'on suit un groupe de femmes de différentes générations.

Le sujet principal du roman est le choix qu'avaient à faire les jeunes femmes de l'époque: se conformer au diktat de la société en se préparant à devenir des épouses modèles (d'éventuelles études supérieures ne servant qu'à se trouver un bon parti) ou choisir d'exercer un métier, sachant qu'il faudra se battre bec et ongles pour se faire une place dans ce monde masculin.

Comme toujours chez cette auteure, la force du roman provient de deux sources: la reconstitution détaillée mais toujours très vivante, de la vie quotidienne de l'époque, et l'attachement que l'on développe pour plusieurs des personnages. Comme il s'agit d'un premier tome, certains portraits sont esquissés plus rapidement que d'autres;  nul doute qu'on en apprendra plus sur ces femmes dans les prochains tomes!

 

La Maison d'Hortense, tome 1: Printemps-été 1935 de Maryse Rouy, 2022, 344 p.  

30 août 2025

Jamaica Inn (L'Auberge de la Jamaïque)

Première surprise:  ça ne se déroule pas en Jamaïque!

Et donc, au lieu de me retrouver dans l'ambiance paradisiaque d'une île des Caraïbes, me voilà téléportée dans les landes froides et brumeuses de la Cornouailles.  Après l'Indochine étouffante de Duras*, ça fait un choc!

Ensuite, une constatation: on est dans la lignée des sœurs Brontë, mais en plus facile à lire!

J'ai vraiment adoré la plume de Daphne du Maurier, que je découvrais par le fait même.  Oh! bien sûr je la connaissais de nom, son Rebecca est très célèbre (trop même, on dirait que je connais déjà l'histoire sans l'avoir lu!) et l'une de ses nouvelles a inspiré Hitchcock pour The Birds.  

J'ai été épatée par la modernité de son héroïne, qui est une jeune femme forte de caractère et indépendante.  Elle envisage de ne pas se marier, ne pas avoir d'enfants, elle n'a pas froid aux yeux malgré toutes les péripéties qui lui arrivent...  Bon il y a bien un petit passage qui m'a déçue: elle arrive pour la première fois chez un célibataire endurci, sa maison est une vraie soue à cochon, elle se met à faire le ménage, et le dîner en prime!  Mais pour un roman publié en 1940, c'est quand même bien, passons-lui ce petit moment de faiblesse. 

Bref, ce ne sera pas ma dernière lecture dans sa bibliographie.  Dans ma ligne de mire: Ma Cousine Rachel


*Les billets ne sont pas publiés dans l'ordre où j'ai lu les romans. 

 

Jamaica Inn de Daphne du Maurier, 1941, 320 p.  Titre de la traduction française: L'Auberge de la Jamaïque.

28 août 2025

Les Guerriers de l'hiver

Les amis, je passe aux aveux.  Moi qui me targue de posséder d’assez bonnes bases en Histoire, je n’avais jamais entendu parler de cet épisode incroyable que fut la tentative d’invasion de la Finlande, un pays neutre, par la Russie, au tout début de la Deuxième Guerre mondiale.

Je ne vous en dis pas plus sur les événements racontés dans le roman d’Olivier Norek.  Quand on n’en connaît pas le dénouement, cette histoire se lit comme un thriller!  Pourtant, tous les faits sont véridiques, tous les personnages ont vraiment existé.   Et justement, les personnages sont ce qui font l’originalité du roman, puisqu’ils semblent plus grands que nature, en particulier le jeune Simo Häyhä, tireur d’élite à l'habileté presque surhumaine, et le chef de sa compagnie, le lieutenant Juutilainen, un ivrogne complètement barjo mais dont les tactiques de guérilla permirent aux Finlandais de résister plus longtemps que prévu à un ennemi aux forces immensément supérieures.

Un autre aspect intéressant est qu’on assiste au déroulement des opérations non seulement du côté des Finlandais mais aussi de celui des Russes.  On a donc les deux côtés de la médaille!

J’ai lu ce livre parce qu’il est en nomination pour le Prix Livraddict dans la catégorie Historique… Laissez-moi vous dire que les autres candidats auront fort à faire pour gagner mon vote!


Les Guerriers de l'hiver d'Olivier Norek, 2024, 424 p. 

16 août 2025

V13

Oh là là!  On a frôlé l'abandon, les amis!

Pas que ce livre soit mauvais, bien au contraire.   

Il s'agit d'un recueil des chroniques hebdomadaires qu'Emmanuel Carrère a écrites pour la revue L'Obs durant le procès des terroristes ayant participé aux attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Pour ceux qui s'interrogent sur le titre, ce 13 novembre était un vendredi, V13 est donc devenu le «nom de code» du procès.

Or, je croyais qu'on aurait surtout les réflexions de Carrère lui-même...  Mais dans la première partie, il transcrit textuellement de longs passages des témoignages des survivants ou des familles endeuillées.  C'est très touchant, mais l'accumulation de détails scabreux ou tragiques fait que cela devient pénible à lire, on a l'impression d'étouffer! 

J'ai donc ressorti le Zweig (Souvenirs et rencontres) que j'avais délaissé, trouvant un peu ennuyant (pardon, Stefan) le passage où j'étais rendue.  Ennuyant, c'est en plein ce qu'il me fallait dans les circonstances!  J'ai pu continuer les deux livres en parallèle, c'était parfait.

Heureusement, dans les parties suivantes, l'on suit la reconstitution des faits par les experts, l'interrogatoire des accusés, les plaidoiries, etc.  C'est beaucoup plus factuel, et donc beaucoup plus facile à lire.  L'auteur décrit également la relation de camaraderie, voire même d'amitié, qu'il a pu développer avec plusieurs personnes (journalistes, victimes) qui suivaient régulièrement le procès tout comme lui. Carrère étant Carrère, il arrive même à y glisser des touches d'humour de temps en temps!  Il présente également des réflexions intéressantes sur la justice, le deuil et plusieurs autres sujets.

J'ai trouvé cette lecture absolument fascinante!  Il faut juste s'attendre à passer un sale moment au début (ou lire les chroniques dans le désordre? À vous de voir!).    


V13 d'Emmanuel Carrère, 2022, 368 p. 

03 août 2025

Un barrage contre le Pacifique

Mon premier contact avec Marguerite Duras remonte à mon adolescence.  À l'école, on avait eu l'idée, mal inspirée selon moi, de nous faire lire à l'âge de 15-16 ans son roman L'Amant.  Je n'avais pas tellement apprécié-- en fait, je n'avais probablement pas tout compris -- et je suis restée toutes ces années avec l'idée que je n'aimais pas Duras.  

J'ai eu l'idée de revisiter l'écrivaine d'un œil adulte, avec un de ses premiers romans, Un barrage contre le Pacifique.  Cela m'a permis de comprendre pourquoi j'avais rejetée cette pauvre Marguerite!  À l'adolescence, on aime s'identifier aux personnages, on veut des intrigues qui nous font vibrer, nous remplissent d'émotions!  On se fiche pas mal de l'écriture, de la beauté des descriptions, etc.

Or, si j'en juge d'après ce roman-ci, Duras c'est tout le contraire.  L'intrigue, si elle reste intéressante, présente tout de même beaucoup de longueurs.  Quant aux personnages, on ne s'y attache pas du tout, ils sont même carrément antipathiques par moment.  

Mais quelle plume!  Une plume qui arrive à être à la fois distante, presque froide, et très évocatrice.  J'ai adoré les descriptions de l'Indochine des années trente.  L'ambiance est extraordinaire, que ce soit lorsqu'on se trouve sur la plantation ou bien en ville.  L'exploitation des colons peu fortunés par les fonctionnaires corrompus nous fait rager, mais ce n'est rien par rapport à la situation des indigènes, dont les enfants tombent comme des mouches à cause de la malnutrition.  

Trop contente d'avoir renoué avec Marguerite! 

  

Un barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras, 1950, 365 p.

22 juillet 2025

La plus secrète mémoire des hommes (abandon)

Tiens, ça faisait un moment que je n'avais pas abandonné un livre...  La dernière fois, c'était en 2022!

Ce n'est pourtant pas faute d'avoir tenté de m'accrocher...  Je lisais ce roman de l'écrivain sénégalais Mohamed Mbougar Sarr, lauréat du Goncourt, dans le cadre d'une lecture commune avec des participantes du forum Livraddict, activité que j'ai moi-même organisée!  Cet abandon constitue donc un peu un faux-pas de ma part...  

Mais je n'en peux tout simplement plus du style pompeux, des personnages antipathiques et des discussions interminables sur la littérature.  Pourtant, d'habitude les «livres qui parlent de livres» sont tout à fait dans mes cordes, mais là c'est fait d'une façon à la fois très abstraite et condescendante.  

Il y a bien quelques passages que j'ai appréciés -- le Christ qui débarque de sa croix pour discuter le bout de gras avec le narrateur m'a bien fait rigoler!  Mais ces moments étaient trop rares à mon goût.  

Bref, la vie est trop courte, je passe à autre chose! 


La plus secrète mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr, 2021, 457 p. 

20 juillet 2025

Le Gardien du feu

Le roman Le Gardien du feu d'Anatole Le Braz a été choisi pour le club de lecture du forum Livraddict, édition spéciale «pépite méconnue».  Méconnue, c'est évident, je ne connaissais même pas cet écrivain de nom!  Pépite, ça restait à voir...

Eh bien, je confirme, c'est une pépite!  Cet auteur au nom de personnage de bande dessinée a toute une plume.  L'histoire, l'éternel triangle amoureux, pourrait sembler banale, mais elle se distingue par son décor (on est sur la côte bretonne) et son ambiance oppressante, presque gothique.  La Pointe du Raz est un lieu désolé, âpre, battu par les vents, et ses habitants ne sont pas spontanément chaleureux envers les étrangers (incluant toute personne venant d'une autre région de Bretagne), ou du moins ils ne l'étaient pas à la fin du XIXe siècle, selon Le Braz.  

La plume, très agréable, a un petit côté suranné sans jamais sembler désuète.  Quelques expressions bretonnes sont intégrées, faisant couleur locale, avec traduction dans les notes à la fin du volume.     

En bonus, j'ai toujours été fascinée par les phares, et une bonne partie de l'intrigue se déroule dans celui où le narrateur vient d'être engagé comme gardien (d'où le titre, vous l'aurez deviné!).  

Une excellente découverte!  Et la discussion au club de lecture a été fort intéressante, car la fin du roman se prête à différentes interprétations...

 

Le Gardien du feu d'Anatole Le Braz, 1900, 144 p. 

18 juillet 2025

Rocannon's World (Le Monde de Rocannon)

(L'édition offerte en prêt numérique est une intégrale contenant trois romans, et sa couverture n'est pas terrible... Je vous mets plutôt celle-ci, datant des années 70, qui reflète bien l'ambiance!)

Je continue mon exploration de l’œuvre d'Ursula Le Guin avec Rocannon's World, premier roman du Cycle de Hain.  Tout comme dans le célèbre The Left Hand of Darkness, on est ici dans un savant et délicieux mélange de science-fiction et de fantasy.  Ainsi, les personnages peuvent se déplacer à bord de vaisseaux spatiaux ou sur des gros félins ailés!  On se bat à l'épée ou au laser et à la bombe nucléaire! 

Rocannon, le personnage principal, est ethnologue de profession.  Cela donne lieu à d'intéressantes réflexions sur les différents peuples qu'il rencontre sur cette planète qu'il est venu explorer.  Gros coup de cœur pour les Fiia (Fian au singulier), petits humanoïdes joyeux qui m'ont fait penser à des hobbits, télépathie en bonus! 

J'ai toutefois constaté que les thèmes et les symboliques sont moins développés que dans The Left Hand of Darkness.  Il faut dire qu'il s'agit du tout premier roman de cette auteure!   Il faut donc le lire comme un très bon roman d'aventures.


Rocannon's World d'Ursula Le Guin, 1966, 258 p.  Titre de la traduction française: Le Monde de Rocannon. 

03 juillet 2025

Je vous ai vue, Marie

Quand j'étais ado (dans une autre ère géologique, donc), je me souviens avoir adoré le premier roman de François Barcelo, Agénor, Agénor, Agénor et Agénor.  Mes souvenirs de l'histoire elle-même sont flous (voire inexistants) mais j'avais trouvé très original ce type d'humour assez farfelu (humour déjanté, qu'il faut dire maintenant).  Je revisite maintenant l'auteur grâce à ce petit roman ramassé pour une bouchée de pain lors d'une vente de livres élagués de la Bibliothèque de Montréal.

J'ai plutôt apprécié le mélange de comédie satirique et de policier.  Les dialogues, notamment, sont assez amusants.  Seul petit défaut, il y a beaucoup de personnages, on s'y perd, en particulier entre les différents enquêteurs! Une petite liste n'aurait pas été de trop. 

Toutefois ce roman ne me laissera pas un souvenir indélébile.  J'ai l'impression que ce type d'humour semblait très original jadis, mais maintenant c'est beaucoup plus courant!

 

Je vous ai vue, Marie de François Barcelo, 1990, 249 p.

24 juin 2025

Patte de velours, œil de lynx

J'avoue, si j'ai eu envie de lire ce roman malgré les avis mitigés lus ici et là, c'est à cause de la couverture.  Quelle bouille il a ce minou! 

Malheureusement, malgré ce que laisse supposer cette couverture et ce titre, le chat en question a finalement un rôle très secondaire.  Si j'avais lu la quatrième de couverture, j'aurais pu m'en douter, mais je ne les lis jamais de peur qu'elles ne contiennent des divulgâcheurs.  

C'est la relation avec les voisins humains qui prend le devant de la scène, le chat (ou plutôt les deux chats, chaque maisonnée ayant le sien) agissant seulement à titre de déclencheur.  Alors qu'on prévoyait un récit plutôt amusant (toujours à cause de cette couverture), la tension s'installe et on se retrouve dans un thriller sur le thème assez banal de la dispute entre voisins.

On peut m'expliquer le titre de la version française?  Il n'a aucun rapport avec l'intrigue.  Mon ami Google Traduction me dit que le titre original suédois signifie «Œil pour œil, patte pour patte»; tout en mettant encore trop l'emphase sur les félins, ce titre a au moins l'avantage d'annoncer l'ambiance conflictuelle du récit.  

Contrairement à plusieurs lecteurs, j'ai assez aimé la fin, mais je suis quand même déçue du reste.  Le personnage principal est peu attachant et, le roman étant très court, on passe trop rapidement de «ils sont sympas mais un peu bizarres, ces voisins!» à «ma voisine est une psychopathe!».

 

Patte de velours, œil  de lynx de Maria Ernestam, traduit du suédois, 2015, 128 p.  Titre de la version originale: Öga för öga, tass för tass (2014).

22 juin 2025

A Prayer for the Crown-Shy (Une prière pour les cimes timides)

Monk and Robot (Histoires de moine et de robot), tome 2

 (Cette couverture est si jolie, je la laisse en plus grande dimension que d'habitude!) 

Après une lecture un peu glauque (La Porte des Enfers de Laurent Gaudé), quelle bouffée de fraîcheur de se retrouver sur la lune Panga avec nos amis Dex et Mosscap pour la suite de leurs aventures!  

J'ai encore beaucoup apprécié leurs conversations, surtout grâce aux réparties parfois naïves, parfois remplies de bon sens de notre robot envoyé par ses congénères pour enquêter sur les humains.  Les deux personnages sont vraiment fort attachants, et l'amitié qui se développe entre eux est touchante.  

J'ai encore eu un peu de difficulté à m'habituer à l'écriture inclusive, mais je pense qu'en anglais cela passe tout de même mieux qu'en français, puisque cela se limite à l'utilisation du pronom they singulier, sans avoir à accorder les articles et les adjectifs!  N'empêche, je devais parfois relire une phrase pour comprendre si le they se rapportait seulement à Dex (le personnage non-binaire) ou à plusieurs personnes.    

Le tout est très mignon, mais, encore plus que dans le tome 1, il m'a manqué une certaine tension, un mystère ou à tout le moins un enjeu quelconque!  Là, nos deux héros ne font que se promener d'un endroit à l'autre en discutant.  Finalement, j'en suis même arrivée à m'ennuyer quelque peu! 

 

A Prayer for the Crown-Shy (Monk and Robot, tome 2) de Becky Chambers, 2022, 160 p.  Titre de la traduction française: Une prière pour les cimes timides (Histoires de moine et de robot, tome 2).

21 juin 2025

La Porte des Enfers

Oh là là!  En commençant ce roman, je ne m'attendais pas à une ambiance aussi glauque et à des scènes d'une telle violence!  Bien sûr, Laurent Gaudé aime aborder des sujets sérieux, mais je n'ai jamais ressenti cette impression d'étouffement dans les autres romans que j'ai lus -- et pourtant je me souviens de passages assez durs dans Eldorado, par exemple.  

Heureusement, il y a dans cette histoire un côté fantastique qui m’intriguait.  Le narrateur, qui dit être mort et revenu à la vie, est-il un fantôme, un revenant, un fou?  C'est ce qui m'a encouragée à continuer, et finalement, à partir du milieu du roman, j'ai pu apprécier la façon dont Gaudé aborde les thèmes de la mort, du deuil, de la vengeance, du sacrifice et de la mémoire.  

Une des grandes forces de ce roman, ce sont les personnages secondaires, notamment la prostituée transgenre (en 2008, ce genre de personnages n'était pas encore courant) et le vieux curé barricadé dans son église.  

Mais quelle vision sombre de la mort!  On est loin du champ d’asphodèles des Grecs...       


La Porte des Enfers de Laurent Gaudé, 2008, 266 p. 

20 juin 2025

Au revoir là-haut

Un roman historique que j'ai terminé il y a plus d'une semaine...  Pour diverses raisons, je n'ai pas pu rédiger cet avis dans les jours suivants, comme j'aime le faire habituellement.  Je vais donc m'en tenir à quelques remarques générales, et ce sera un billet plus court que ce que le livre mérite.   

Pour un premier contact avec Pierre Lemaitre, c'est une réussite!  J'ai adoré cette intrigue à la fois originale et en droite ligne avec les grands auteurs du XIXe siècle, avec leurs portraits sans pitié d'une société française pourrie par les magouilles, le copinage et le patriotisme à outrance.  D'ailleurs, un des personnages principaux m'a rappelé Bel-Ami de Maupassant!  

En parlant des personnages, tous sont finement décrits, qu'ils soient attachants ou détestables.  J'ai aussi beaucoup apprécié l'humour de l'auteur, que ce soit dans les dialogues ou dans la narration.  À part quelques moments où j'ai trouvé que l'histoire piétinait un peu, j'ai tout aimé de ce roman décrivant la période de l'entre-deux-guerres.

Pardon M. Lemaitre pour ce billet trop court, je tenterai de faire mieux à la lecture du deuxième volet de cette trilogie, Couleurs de l'incendie, ce qui ne saurait tarder!

 

Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre, 2013, 615 p.

06 juin 2025

Kukum

***Attention, je me permets de divulgâcher un peu, étant donné que ce sont des faits historiques assez connus...*** 

En mai, le thème du club de lecture du forum Livraddict était «les peuples autochtones».  J’ai donc suggéré ce roman du journaliste Michel Jean et à mon grand plaisir c’est lui qui a remporté le vote.  L’auteur y raconte la vie de son arrière-grand-mère, une femme blanche qui a épousé un Innu.

J’ai été surprise de constater que la narratrice du récit est l'aïeule elle-même.  C’est un choix audacieux de la part de l’écrivain, surtout que des scènes intimes sont racontées!

J’ai beaucoup apprécié découvrir le mode de vie des Innus au début du XXe siècle dans la région du lac St-Jean.  Leur vie quotidienne est décrite en détail: organisation sociale, migration selon les saisons, chasse, vie en famille, etc.  La nature sauvage tient une grande place dans le récit, ce qui lui donne un côté Nature Writing fort réussi.

Toutefois, je me suis demandé s’il n’y avait pas une certaine idéalisation de la réalité.  Est-il possible qu’une femme blanche ait été acceptée si facilement dans la communauté autochtone, au point qu’il semble n'y avoir eu aucun commentaire négatif, aucun questionnement?

Comme on pouvait s'y attendre, la fin du roman est triste puisque, à mesure que les Blancs envahissent le territoire, les Innus ont de plus en plus de difficulté à vivre selon leurs coutumes.  L’épisode des enfants amenés de force dans les pensionnats est particulièrement marquant, de même que la description de l'impact des barrages hydroélectriques sur les populations.  Le tout est narré avec une plume efficace qui évite de tomber dans le pathos. 

En bref, une très bonne première rencontre avec cet écrivain.  Maintenant j'ai bien envie de le retrouver dans un autre registre avec Envoyé spécial, où il raconte son expérience de correspondant à l'étranger. 

 

Kukum de Michel Jean, 2019, 224 p. 

27 mai 2025

Olympos

Duologie Ilium/Olympos, tome 2

***Attention, GROS DIVULGÂCHEUR du tome 1!!!***

Quel grand bonheur de retrouver tous ces personnages, en particulier mes deux préférés, les robots Mahnmut et Orphu!  J'avais presque les larmes aux yeux en constatant qu'Orphu avait pu être réparé presque à 100%!

Dans ce tome, Simmons apporte des éclaircissements au sujet des différents aspects de l'univers mis en place dans le tome 1.  On verse donc parfois du bord de la Hard SF (avec beaucoup d'explications scientifiques, donc), mais ce n'est pas gênant si on ne comprend pas absolument tout.

J'ai toutefois quelques bémols qui font que ce tome m'a légèrement moins enthousiasmée que le premier.  Tout d'abord, il y a quelques longueurs dans la deuxième moitié.  Il m'a semblé que l'intrigue piétinait un peu.  

Ensuite, il m'a semblé que certaines technologies permettaient parfois des facilités scénaristiques:  tout comme en fantasy cela peut devenir agaçant lorsque la magie est utilisée pour expliquer une incohérence (le fameux «ta gueule, c'est magique!»), ici j'ai trouvé que certains gadgets étaient un peu tirés par les cheveux.  Une combinaison en tissu fin comme une membrane, qui permet de résister autant au froid qu'au chaud extrêmes, de respirer dans le vide et sous l'eau, de ne pas être affecté par les gaz toxiques et acides et par des écarts de pression allant du vide spatial aux fonds marins jusqu'à huit atmosphères!  Pousse, mais pousse égal!

Enfin, il y a une scène sexuelle vraiment malaisante; j'avoue que j'ai lu ces quelques pages en diagonale tant je trouvais cela désagréable.  Je ne veux rien divulgâcher mais je pense que vous saurez de quel passage je parle quand vous y serez...

Mais je chipote, dans l'ensemble j'ai vraiment beaucoup aimé et  j'ai apprécié la toute fin, contrairement à certains lecteurs qui ont trouvé qu'elle tombait un peu à plat.  Il s'agit toutefois d'une intrigue complexe, il faudrait presque tout reprendre du début pour bien assimiler le tout!

 

Olympos de Dan Simmons, 2005, 690 p.  Titre de la traduction française: Olympos

30 avril 2025

The Murder at the Vicarage (L'Affaire Protheroe)

Adolescente, j'ai dévoré tous les romans d'Agatha Christie qui étaient offerts à la bibliothèque municipale ainsi que les cinq ou six qui se trouvaient sur l'étagère du petit chalet où nous passions nos étés (ceux-là je les ai mêmes relu et re-relus -- oui, à cette époque j'avais déjà une mémoire de poisson rouge et d'une année à l'autre je ne me souvenais pas du coupable!).  Parmi tous les personnages récurrents, mes préférés étaient Tommy et Tuppence Beresford, mais j'adorais aussi Hercule Poirot, qui me faisait bien rigoler avec son sentiment de supériorité à toute épreuve.  Miss Marple, elle, me décevait toujours un peu, je la trouvait un peu terne par rapport aux autres personnage si hauts en couleur.

Récemment, j'ai eu l'idée de lui donner une deuxième chance, me disant que j'aurais peut-être un regard différent maintenant que je commence à m'approcher un peu de l'âge de cette vieille dame (je souligne le «un peu», hein?).  Grand bien m'en fit, j'ai adoré son humour pince-sans-rire, non dénué d'autodérision (faculté dont Poirot, lui, est complètement dépourvu!).

Fait à noter, la demoiselle est un personnage secondaire dans cette intrigue, ce qui m'a surprise.  Il s'agit de sa première apparition dans l’œuvre de l'auteure, et je me suis donc demandé si Agatha savait déjà que le personnage serait récurrent ou si cela s'est décidé plus tard, peut-être en réponse aux bons commentaires qu'elle a reçus à son sujet... 


The Murder at the Vicarage d'Agatha Christie, 1930, 224 p.  Titre de la traduction française:  L'Affaire Protheroe.

25 avril 2025

Brown Dog (Chien Brun)

En commençant ce roman court (ce que les anglos appellent une novella) inclus dans un gros recueil qui en contient six mettant en scène le même personnage, j'ai été surprise du ton léger et humoristique adopté ici par Jim Harrison.  Il y a bien des années que j'ai lu un autre de ses recueils, Legends of the Fall (Légendes d'automne), mais de mémoire l'ambiance était plus sombre, voire dramatique.

Ici, l'on est au Michigan et l'on suit les aventures de Brown Dog, un énergumène toujours emberlificoté dans des manigances louches, qui n'hésite pas à se faire passer pour un autochtone de la tribu Chippewa lorsque cela l'arrange et qui ne pense qu'à baiser, boire et manger.  Bien qu'on ne puisse pas dire qu'il soit attachant, ses réflexions sont souvent hilarantes (mais pas du tout correctes politiquement, vous voilà avertis!).

Même si je me suis bien amusée durant la lecture de ce récit, je n'enchaînerai pas toute de suite avec la suite.  J'ai l'impression qu'on pourrait facilement se lasser du personnage, je vais donc attendre quelques mois avant de continuer! 


Brown Dog de Jim Harrison, roman court inclus dans le recueil du même nom, 77 pages, 1990.  Titre de la traduction française: Chien Brun.

18 avril 2025

Les Vivants et les Ombres

Voici un roman historique fort intéressant, dont l'originalité tient principalement à deux éléments.

Premièrement, l'intrigue se déroule en Pologne au XIXe siècle, plus précisément en Galicie, région occupée à cette époque par l'Empire austro-hongrois.  On a donc en toile de fond la montée de l'indépendantisme polonais, mais aussi les luttes pour la fin du servage, puis celles pour l'amélioration des conditions de vie des travailleurs en usine et des paysans. 

Deuxièmement, la narratrice est l'âme du manoir de la famille dont on suit les tribulations sur plusieurs générations.  Le gros de l'action se déroule donc dans et autour de la maison, ce qui donne une ambiance intéressante, parfois un peu étouffante, proche du huis clos.  Cela demande toutefois un peu de concentration au début du roman, car cette narratrice n'a pas la même notion de la linéarité du temps que nous et fait donc des allers retours d'une période à l'autre.

De plus, la plume est élégante et la psychologie des personnages est bien développée.  On peut seulement déplorer certaines longueurs dans la deuxième moitié.  

En passant, ne faites pas l'erreur de regarder l'arbre généalogique inclus au début du livre, il divulgâche beaucoup trop: qui épousera qui, qui aura des enfants avec qui, qui n'en aura pas...  alors qu'une bonne partie de l'intrigue repose sur les manigances entourant ces différentes unions!


Les Vivants et les Ombres de Diane Meur, 2007, 711 p.

30 mars 2025

The Book of Skulls (Le Livre des crânes)

De Robert Silverberg, écrivain faisant partie des «Grands» de la science-fiction, j'ai lu il y a quelques années l'uchronie Roma Eterna.  J'en garde un assez bon souvenir, même si j'avais noté quelques défauts.  Malheureusement, pour The Book of Skulls, mon avis est beaucoup plus mitigé.

En plus de sa classification en SF (les personnages sont en quête de l'immortalité), j'ai vu l'étiquette «Horreur» accolée à ce roman.  Je m'attendais donc à ce qu'il y ait un côté Fantastique assez prononcé. Or, ce n'est le cas.  On est plutôt dans un genre de voyage initiatique.  Mais si le seul problème était cette idée préconçue, j'aurais très bien pu m'ajuster et finalement bien apprécier l’œuvre. 

Tout d'abord, quelques points positifs.  Je suis généralement bon public pour les romans choraux (où l'on alterne entre plusieurs narrateurs).  J'ai donc bien aimé la construction de celui-ci, qui permet d'avoir différents points de vue sur les événements.  J'ai aussi aimé le côté «road trip» de la première moitié, alors que j'ai constaté dans différents commentaires que plusieurs lecteurs avaient trouvé cette partie trop longue.  Surtout, j'ai apprécié le décor de la deuxième partie, cet étrange monastère situé en plein cœur d'un désert en Arizona, ainsi que toute la légende entourant ce lieu et l'étrange secte y résidant.

Après les fleurs, voici le pot.  Les personnages sont très antipathiques.  Ils sont censés être amis mais n'ont que des pensées désobligeantes (antisémites, homophobes, snobs, etc) les uns envers les autres.  Comme on entre dans la tête de chacun d'eux à tour de rôle, impossible de leur donner le bénéfice du doute!  Au bout d'un moment, j'en aurais pris un pour frapper les autres, je vous jure!  Il devient donc de plus en plus difficile de s'intéresser à leur sort.

Deuxième défaut, certains aspects ont très mal vieilli, notamment le rôle des femmes.  D'habitude j'arrive sans peine à replacer l’œuvre dans son contexte et à l'apprécier quand même.  Je ne suis pas du genre à reprocher à Bilbo le Hobbit de manquer de personnages féminins!  (D'ailleurs, le personnage de la princesse elfe qui apparaît comme un cheveu sur la soupe dans l'adaptation cinématographique m'a fait lever les yeux au ciel, mais c'est une autre histoire!)  Ici le problème est à une tout autre échelle.  Les femmes ne servent que de réceptacle à sperme!  Dans la partie qui se déroule dans le monastère, je me suis carrément demandé si en fait les étranges prêtresses n'étaient pas des androïdes, vu leur impassibilité et leur mutisme.

Grâce aux quelques qualités énoncées ci-dessus, ce livre échappera peut-être au Prix Citron de mon bilan annuel, mais ce sera de justesse! 


The Book of Skulls de Robert Silverberg, 1972, 224 p.  Titre de la traduction française: Le Livre des crânes.

27 mars 2025

La Nostalgie heureuse

Dans ce roman autobiographique, Amélie Nothomb nous raconte un voyage au Japon effectué en 2012 en compagnie d'une équipe de tournage filmant un documentaire sur elle. 

Malgré ce que laisse croire le titre, le ton adopté par l'auteure est généralement mélancolique; cette «nostalgie heureuse» est plutôt un état d'âme typiquement japonais auquel aspire Nothomb sans y parvenir tout à fait.

Ce que je n'avais pas réalisé en commençant cette lecture, c'est que ce voyage se déroule un an après le terrible tremblement de terre/tsunami/accident nucléaire de 2011.  Amélie retrouve donc un Japon qu'elle ne reconnaît pas: sa maison d'enfance a disparu, de même que le grand parc où elle allait se promener avec son fiancé. Je crois que si j'avais su cela a priori, j'aurais été dans un état d'esprit plus favorable.  Là, je m'attendais à beaucoup plus de franche rigolade, comme on en trouve dans Ni d'Ève ni d'Adam, par exemple. 

Heureusement, il y a quand même plusieurs pointes d'humour, arrivant parfois en plein milieu d'un épisode émouvant, comme lorsqu'elle éclate en sanglots en étreignant sa vieille nourrice japonaise pour s'apercevoir ensuite qu'un gros motton de morve a coulé dans la chevelure de la digne dame!  Les conversations avec son ex sont assez amusantes également.  J'en aurais pris plus, de ces moments-là!

Bref, j'ai quand même apprécié ce roman mais ce n'est pas mon préféré de l'auteure.  Il m'a toutefois donné envie de lire Métaphysique des tubes puisque, si j'ai bien compris, c'est là qu'on fait la connaissance de cette fameuse nourrice!

 

La Nostalgie heureuse d'Amélie Nothomb, 2013, 152 p.

17 mars 2025

La Femme du deuxième étage

Ce roman de l'écrivain croate Jurica Pavičić est classé un peu partout comme un roman policier...  C'est un brin trompeur, puisque, s'il y a bien un meurtre, la partie enquête policière et procès est très courte.  Je trouve qu'on est plus dans un mélange de drame psychologique et de thriller domestique (i.e. un de ces thrillers qui se déroulent au sein d'une famille).  

En effet, on alterne entre des chapitres qui se déroulent en prison, où le personnage principal est incarcéré, et des chapitres prenant place une dizaine d'années plus tôt, alors qu'un couple de jeunes mariés vient s'installer au deuxième étage de la maison familiale du mari.  C'est surtout cette partie-là qui fait penser à un thriller, puisqu'on observe les engrenages qui se mettent en place pour mener au drame, inéluctable.  On sent la tension qui monte, qui monte, c'est très habilement construit. 

J'ai aussi bien apprécié le fait que l'histoire se déroule en Croatie, c'est très original et donne lieu à d'intéressantes descriptions des villes et villages, de l'alimentation, etc.  Apparemment, ils mangent beaucoup de bettes à carde (que les Français appellent «blettes)!

En terminant ma lecture, j'étais un peu déçue de la fin, qui me semblait tomber un peu à plat...  En se disant que ce roman est plutôt un drame psychologique, cette conclusion douce-amère devient beaucoup plus satisfaisante.


La Femme du deuxième étage de Jurica Pavičić, traduit du croate en 2022, 223 pages.  Titre de la version originale: Žena s drugog kata (2015)

14 mars 2025

Wilderness

Dans le contexte de nos démêlés actuels avec notre voisin du sud et son Intimidateur en chef, il est de bon ton de boycotter ou de déprécier tout ce qui vient des États-Unis...  J'aimerais donc vous dire que j'ai détesté ce roman très américain dans son essence même.  Malheureusement c'est tout le contraire: je l’ai adoré, au point qu'il pourrait bien se retrouver dans mon Top 3 lors du prochain bilan annuel!

Il s'agit d'un roman historique qui se déroule en alternance durant deux périodes.  On suit les terribles épreuves du personnage principal durant la Guerre de Sécession, en particulier pendant la bataille de la Wilderness, une forêt de la Virginie.  On retrouve ensuite l'ancien soldat trente ans plus tard, dans une cabane où il vit en ermite, au bord de l'océan Pacifique, avec son chien  pour seule compagnie. 

La plume de Lance Weller, qui en était à son premier roman, est assez exigeante, surtout en version originale, notamment à cause d'un vocabulaire assez recherché.  Mais l'effort demandé en vaut la peine!  J'ai particulièrement aimé les descriptions de la nature sauvage (le titre Wilderness a donc un double sens, vous l'aurez compris) de l'État de Washington, ainsi que le développement des personnages, tant le principal que les secondaires.  Ceux-ci sont loin d'être unidimensionnels ou caricaturaux.  Le vieux vétéran m'a d'ailleurs un peu rappelé le personnage de The Old Man and the Sea (Le Vieil Homme et la mer) d'Hemingway par sa dignité et sa ténacité.  Le mélange de roman historique et de nature writing, quant à lui, m'a fait penser à Legends of the Fall (Légendes d'automne) de Jim Harrison.  L'adjectif qui me vient en tête pour décrire le ton adopté par l'auteur est «solennel».

Un roman magnifique sur la guerre, la violence des hommes mais aussi l'entraide, la loyauté et, ultimement, la rédemption.  En bonus, il y a un brave pitou nommé Buster.


Wilderness de Lance Weller, 2012, 304 p.  Titre de la traduction française: Wilderness.

04 mars 2025

Cataonie

Encore une fois, François Blais nous a pondu une drôle de bibitte!

Après avoir pris ce livre au prêt numérique de la bibliothèque municipale, j'ai été un peu déçue de constater qu'il s'agit d'un recueil de nouvelles.  J'hésite toujours devant ce format qui parfois me laisse sur ma faim. Heureusement, ce sont des histoires dont les personnages principaux sont récurrents, notamment le narrateur, donc ça se lit comme un roman.

Parlant du narrateur, celui-ci est une vraie tête à claques!  Imbu de lui-même jusqu'à l'absurde, il m'a bien fait rigoler.  Et il n'y a pas que lui d'absurde...  Les histoires se déroulent à Shawinigan, mais les personnages parlent comme des gens de la haute bourgeoisie, se vouvoyant entre amis et amants et utilisant l'imparfait du subjonctif pour dire les pires énormités!

Le thème commun de ces nouvelles est l'obsession et, encore là, Blais pousse cela jusqu'à l'absurde.  Ma nouvelle préférée est celle où le narrateur tente de trouver la chute d'une blague mettant en scène un petit cochon  qui survit à la chaise électrique (d'où l'illustration de la couverture, signée Iris, pour ceux qui connaissent cette dessinatrice), blague qu'il a lue dans une revue dont une page est déchirée.  J'y ai notamment apprécié quelques allusions à Camus («quelle peste ce Camus!») alors que pourtant l'histoire n'a rien à voir avec le célèbre écrivain!

Et le titre?  J'ai cherché: la Cataonie est une région de l'ancienne Asie mineure, ce qui n'a absolument aucun lien avec l'intrigue.  On dirait que Blais a tout simplement pris un mot au hasard dans le Robert des noms propres, ce qui est tout à fait son genre!  Si vous avez une autre théorie, je suis preneuse...


Cataonie de François Blais, 2015, 180 p.

02 mars 2025

L'Énigme du retour

La démarche indolente
d'une vache
pendant sa promenade du soir.
La nuit devient
chagallienne.

Je retrouve mon cher Dany Laferrière avec ce récit de son retour à Haïti après la mort de son père, exilé lui aussi et qu'il a peu connu.

Comme toujours chez cet écrivain, on est devant une construction désordonnée qui peut désarçonner quand on ne s'y attend pas.  Cette impression est exacerbée ici par la forme du texte qui alterne sans prévenir entre la poésie et la prose.  La réflexion s'imbrique dans l'anecdote, les souvenirs dans le quotidien. L'humour, la tendresse  succèdent à la tristesse, au drame.

J'ai apprécié les clins d’œil à ses œuvres précédentes: des oiseaux fous, des après-midi sans fin, des hommes sans chapeau...  Il parle également de différents artistes et écrivains haïtiens, dont notamment Frankétienne, dont on vient malheureusement d'apprendre le décès ces jours-ci. 

Un très beau roman sur le thème de l'exil et du retour.

 

L'Énigme du retour de Dany Laferrière, 2009, 296 p.