22 mars 2022

Chroniques du Pays des Mères

J'ai longtemps hésité à lire ce roman d'Élisabeth Vonarburg.  Je savais qu'il y était question d'une société matriarcale et que tout le vocabulaire y était féminisé, et je craignais que cela soit agaçant à lire.  Par contre, je m'attendais à aimer l'intrigue puisque je suis généralement bon public pour les romans d'anticipation ou post-apocalyptiques (on se situe ici à la frontière entre les deux sous-genres).

 Or, c'est exactement l'inverse qui s'est produit.  J'ai trouvé le travail sur la langue fort bien intégré; on s'habitue rapidement au féminin qui l'emporte sur le masculin, et à certains mots ayant changé de genre: une animale, une papillonne, etc.  Par contre, j'ai un peu honte d'avouer que je me suis ennuyée ferme durant la majeure partie du récit.  

Pour être juste, j'ai beaucoup aimé la première partie, alors que l'héroïne Lisbeï est enfant et qu'on découvre en même temps qu'elle le monde qui l'entoure et le fonctionnement de la société, dans une ambiance qui m'a un peu rappelé La Servante écarlate de Margaret Atwood, en moins glauque, toutefois.  

Mais par la suite, je suis allée de frustration en frustration: il ne se passe pas grand-chose!  Dès que la tension monte un peu et qu'il va peut-être y avoir de l'action, hop! on fait un saut dans le temps et les événements nous sont racontés en quelques lignes.  Le reste du temps, ce ne sont que palabres et discussions historico-philosophico-religieuses interminables.  Des chapitres entiers au sujet d'une religion fictive, ça me semble d'un intérêt discutable.  

La fin est bien trouvée, mais pour moi c'était trop peu, trop tard!


Chroniques du Pays des Mères d'Élisabeth Vonarburg, nouvelle édition de 1999, 628 p.

09 mars 2022

Tehanu

Earthsea (Terremer), tome 4

Je me répète, mais... que j'aime la plume d'Ursula Le Guin!  

Dans ce tome-ci, il n'y a pas énormément d'action mais quelle ambiance du tonnerre!  On alterne entre des moments de tension à couper le souffle et d'autres plus paisibles.  On s'attache énormément aux personnages, notamment aux deux héroïnes, Tenar (rencontrée d'abord dans le tome 2) et la petite Therru. Mine de rien, il y a un petit côté féministe au propos, plus développé que dans les autres histoires, peut-être parce que celle-ci a été écrite beaucoup plus tard, si je me fie à l'année de publication?  Et puis, il y a des dragons!  Inutile d'en dire plus, pas vrai?

J'ai donc terminé cette intégrale qui regroupe les quatre principaux romans de la série Earthsea.  Je ne sais pas encore si je lirai les contes et nouvelles reliés à ce monde, étant donné que ces genres littéraires m'attirent moins.  Pour continuer avec cette formidable auteure (c'est un scandale qu'elle ne soit pas plus connue, selon moi!), je vais essayer ses écrits en science-fiction, avec son roman au joli titre, La Main gauche de la nuit

Oh! mais après avoir écrit le paragraphe ci-dessus, je vois qu'un autre roman de la série Earthsea a été publié en 2001, je ne savais pas!  Je frétille de joie!  Mais je me demande pourquoi il ne fait pas partie de cette intégrale, c'est bizarre...  Il faut dire que les différentes éditions de cette série, c'est un vrai bordel.  Une chatte y perdrait ses petits!


Tehanu (Earthsea, tome 4), d'Ursula Le Guin, 1990, 212 p.  Titre de la traduction française: Tehanu (Terremer, tome 4).

04 mars 2022

Les chars meurent aussi

En voilà un, bon petit roman!  

J'ai toujours trouvé que la force de Marie-Renée Lavoie était dans ses dialogues, ceux en joual, en particulier.  Cela se confirme ici: amusants et fins, ces dialogues sont d'un grand réalisme.  Et cela, même lorsque les interlocuteurs sont des enfants, ce qui n'est pas facile à réussir. Cela fait de ce roman d'apprentissage, malgré un tournant plus dramatique qui a su me surprendre, une lecture légère et divertissante doublée d'un hommage à la littérature populaire. 

Petit bonus sympathique, on rencontre des personnages des autres romans de l'auteure, notamment Joe, l'adolescente de La Petite et le Vieux.  


Les chars meurent aussi de Marie-Renée Lavoie, 2018, 248 p.

25 février 2022

Le Gentilhomme au pourpoint jaune

Le Capitaine Alatriste, tome 5

Un court billet puisqu'il s'agit d'un tome 5 et que vous savez déjà tout le bien que  je pense de cette série et de son auteur, l'écrivain Arturo Pérez-Reverte, qui a su moderniser les histoires de cape et d'épée à la Dumas...

Dans ce tome, j'ai trouvé l'intrigue un peu lente à démarrer.  Dans les cinquante premières pages, nos héros ne font que visiter différents lieux de Madrid et rencontrer divers personnages.  Heureusement par la suite cela devient tout à fait passionnant, lorsque les amours d'Inigo et de son maître, le capitaine Alatriste à la moustache imperturbable, les entraînent dans un complot aux ramifications politiques importantes.  Coups et bosses s'ensuivent.  


Le Gentilhomme au pourpoint jaune (Le Capitaine Alatriste, tome 5) d'Arturo Pérez-Reverte, 2004, 336 p.  Titre de la version originale: El caballero del jubón amarillo.

20 février 2022

Mort (Mortimer)

Discworld (Les Annales du Disque-Monde), tome 4

Toujours un plaisir de retrouver l'univers déjanté du Disque-Monde!  Comme dans les tomes précédents, j'ai adoré l'humour et l'intelligence de Pratchett.  Pour ne pas trop me répéter, je n'ajoute ici que quelques observations. 

1) J'ai été un peu déçue que le personnage de la Mort (tellement rigolo!) ne soit finalement pas si présent dans ce tome.  On y suit surtout les aventures de son apprenti, Mortimer.

2) Je suis plus que jamais convaincue qu'il faut lire Pratchett en version originale...  Dans la traduction, le cheval Binky s'appelle Bigadin! M'enfin!?!

3) Il y a plusieurs théories sur l'ordre de lecture à privilégier pour cette immense série.  On m'a déjà dit qu'à part les tomes 1 et 2, on pouvait les lire dans le désordre; d'autres pensent qu'il faut les lire par cycle (cycle de Rincevent, cycle des sorcières, etc.) ou encore par ordre de parution, sans tenir compte des cycles.  Je pensais y aller plus ou moins par cycle, c'est pourquoi j'ai lu le tome 5 après les tomes 1 et 2 et que maintenant je viens de lire le tome 4 (1er du cycle de la Mort) en mettant de côté le tome 3.  Mais j'ai remarqué que Pratchett faisait plusieurs clins d’œil aux personnages des tomes précédents et qu'on manque quelque chose si on ne les a pas lus.  Dorénavant je vais donc tenter de les lire par ordre de parution, en autant que je puisse mettre la main sur l'édition numérique ou papier à la bibliothèque.  Mon prochain sera donc le tome 3, Equal Rites (La Huitième Fille), premier du cycle des Sorcières.  (Désolée pour ce long aparté qui ne sera intelligible qu'aux amateurs!)

4) Pour tenter de comprendre le blabla du point 3, on peut se référer à ce plan.


 

Mort (Discworld, tome 4) de Terry Pratchett, 1987, 315 p. Titre de la traduction française: Mortimer (Les Annales du Disque-Monde, tome 4).

14 février 2022

Rationality (Rationalité)

Mince alors, je ne savais pas que je m'étais inscrite à un cours de mathématiques!

C'est la réflexion que je me suis faite à la lecture de cet essai, du moins durant les chapitres portant sur les probabilités et les statistiques.  Je comprends bien que ces notions sont nécessaires pour comprendre le reste du livre mais j'ai trouvé que c'était beaucoup trop long et trop développé pour le commun des mortels.  

Heureusement, les autres parties sont tout à fait passionnantes: Steven Pinker nous parle des différents types de biais cognitifs qui affectent notre jugement rationnel et réussit à nous rendre ces notions compréhensibles grâce à des exemples concrets.  Par exemple, le biais de confirmation, qui nous pousse à rechercher les preuves qui confirment notre opinion et à ignorer inconsciemment celles qui l'infirment.  De mauvaises connaissances en logique et en statistique peuvent aussi nous nuire et nous empêcher de remettre en question des fausses nouvelles, des théories du complot et autres rumeurs.  Encore plus inquiétant, bien des médecins se trompent en interprétant les résultats de tests diagnostics. (Note à moi-même: creuser davantage le théorème de Bayes, car je n'ai pas tout compris!)

L'auteur nous rappelle en conclusion l'importance du discours rationnel dans le progrès de la civilisation: fin de l'esclavage, démocratie, droits des femmes et des minorités, etc.  Bien souvent, ces avancées ont été précédées (souvent de plusieurs décennies) de textes scientifiques ou intellectuels remettant en question des idées qu'on considérait jusque-là dans l'ordre des choses. 

Malgré le côté aride d'une partie de cet essai, je suis bien contente de l'avoir lu, car il présente des réflexes intellectuels qu'on devrait absolument développer.  Il m'a rappelé l'excellent Petit Cours d'auto-défense intellectuelle de Normand Baillargeon.  D'ailleurs, M. Baillargeon, ne serait-il pas temps d'une édition revue et augmentée de ce manuel si utile, avec de nouveaux chapitres sur les réseaux sociaux et les fausses nouvelles?

 

Rationality de Steven Pinker, 2021, 369 p.  Titre de la traduction française: Rationalité.

08 février 2022

La délicatesse

Après avoir beaucoup aimé le film Le Mystère Henri Pick, basé sur un roman de David Foenkinos, je m'étais dit que je devrais lire un de ses livres, mais le projet ne s'était jamais concrétisé.  Jusqu'à ce que, il y a quelques semaines, j'aie besoin d'un bouquin dont le nombre de pages se termine par dix (c'est une consigne du jeu de Scrabble littéraire auquel je participe sur le forum Livraddict) et qu'on me suggère La Délicatesse et ses 210 pages!  De plus, cela me permettait de faire une courte pause dans la lecture d'un essai un peu lourd.  Le destin prend parfois des chemins tortueux pour nous faire rencontrer un écrivain, n'est-ce pas?

Et ce fut une très belle rencontre!  

L'intrigue en elle-même ne m'a pas épatée et je ne me suis pas tellement attachée au personnage principal, une jeune femme qui doit se reconstruire après un deuil.  Je crois qu'elle était trop belle, trop parfaite.  J'ai trouvé le personnage masculin plus sympathique, mais il ne fait son apparition qu'au milieu du récit.  

C'est la plume de l'écrivain que j'ai trouvée délicieuse et d'une grande... délicatesse! (J'étais très fière de cette petite blague jusqu'à ce que je constate que la moitié des commentateurs l'avaient faite avant moi.)  J'ai adoré son humour pince-sans-rire, ces petites pointes qui arrivent de façon tout à fait inattendue!  Le texte est découpé en très courts chapitres, ce qui lui donne beaucoup de rythme, et il comporte de temps en temps d'amusantes listes: les trois livres préférés de Nathalie, les gagnants du championnat mondial de puzzle en 2008, exemples de dictons ridicules que les gens aiment répéter, etc.  D'ailleurs cela m'a rappelé un autre excellent roman utilisant un procédé similaire, High Fidelity (Haute Fidélité) de Nick Hornby (dans son cas, c'était toujours sous la forme de Top 5).  

Seul petit hic (et là, je m'adresse à l'éditeur de la version numérique): le texte comporte quelques notes de bas de page, mais celles-ci, au lieu d'être en bas de page comme dans la version papier, ou en fin de chapitre, sont regroupées en plein milieu du livre (à la fin du chapitre 63, et cela n'est nullement indiqué dans la table des matières) pour la première moitié des notes, et à la toute fin pour la deuxième moitié, mais sur la même page que la dernière phrase du roman, qu'on ne peut donc s'empêcher de lire.  C'est vraiment mal fait, je ne suis pas fière de vous, monsieur l'éditeur.

Je n'en resterai pas là avec David Foenkinos et je suis ouverte à vos suggestions...  En terminant, je vous laisse avec un petit extrait qui m'a plu: 

[Markus est nerveux avant son premier rendez-vous avec Nathalie] «Surtout, il ne fallait pas parler travail.  Interdiction d'évoquer le dossier 114.  Ne pas laisser déteindre l'après-midi sur leur soirée.  Mais qu'est-ce qu'ils allaient se dire alors?  On ne change pas comme ça d'environnement.  Ils allaient être comme deux bouchers à un congrès de végétariens.  Non, c'était absurde.  Le mieux était peut-être d'annuler.  Il était encore temps.  Problème de force majeure.  Oui, je suis désolé, Nathalie.  J'aurais tellement aimé, vous le savez bien, mais bon, c'est juste qu'aujourd'hui maman est morte.  Ah non, pas bon, ça, trop violent.  Et trop Camus, pas bon le Camus pour annuler.  Sartre, bien mieux.  Je ne peux pas ce soir, vous comprenez, l'enfer c'est les autres.  Une petite tonalité existentialiste dans la voix, ça passerait bien.»


La délicatesse de David Foenkinos, 2009, 210 p.