13 juillet 2022

Libration

Les Voyageurs, tome 2

***Attention, gros divulgâcheur du tome 1***

Quelle déception!

Dans cette suite de l'excellent L'Espace d'un an de Becky Chambers, on suit les aventures de l'intelligence artificielle qui quitte le vaisseau dans un nouveau corps à la fin de ce précédent tome.  En parallèle, on découvre la jeunesse d'un autre personnage, dans des passages qui se déroulent une vingtaine d'années plus tôt.

Ce schéma de deux intrigues entremêlées qui généralement se rejoignent à la fin donne souvent de bons résultats.  Mais cela peut être une arme à double tranchant.  Si une des trames est plus intéressante que l'autre, cela peut devenir très frustrant pour le lecteur.

Malheureusement, c'est en plein ce qui se passe ici. Les péripéties vécues par la jeune fille sont assez bien menées, mais notre intérêt retombe chaque fois qu'on revient à la trame principale.  C'est pourtant un sujet qui m'attirait mais il est très mal traité.  L'intelligence artificielle a de la difficulté à s'adapter à son corps et elle apprend à vivre en société, c'est tout, c'est interminable et pétri de bons sentiments. 

En bref, c'est chiant comme la pluie.  Non, c'est injuste pour la pluie de dire cela!  Hier, justement comme je finissais ce roman, j'ai vu un très bel arc-en-ciel par la fenêtre.  

Du coup, je pense que je ne continuerai pas la série... 


Libration (Les Voyageurs, tome 2) de Becky Chambers, traduit de l'anglais en 2017, 348 p. Version originale: A Closed and Common Orbit (Wayfarers, tome 2), 2016.

12 juillet 2022

Premier sang

Grâce à ce court roman, Amélie Nothomb continue d'améliorer sa cote d'amour dans le classement des auteurs du blogue J'ai lu... (Ne cherchez pas, ce classement n'existe que dans ma tête!)  La proportion est maintenant de quatre aimés pour un détesté, ce n'est pas trop mal!

En effet, j'ai beaucoup apprécié cette biographie romancée de son père, écrite à la première personne et qui se concentre surtout sur son enfance peu ordinaire.  Délaissé par sa mère, il a été élevé par ses grands-parents maternels mais passait ses étés chez la famille Nothomb, cette «tribu de barbares» qui crevaient de faim dans un château du XVIIe siècle.  

Tour à tour amusée, émue ou choquée, je suis restée sous le charme durant toute ma lecture!


Premier sang d'Amélie Nothomb, 2021, 173 p.

10 juillet 2022

Travels with Charley in Search of America (Voyage avec Charley)

L'Amérique était un des sujets de prédilection de John Steinbeck.  Vers la fin de sa vie, il s'est dit qu'il devrait reprendre contact avec son pays au lieu de se fier seulement à sa mémoire.  En 1960, il a donc entrepris de faire le tour du pays à bord d'un genre de camion-roulotte bien équipé, en compagnie de son chien Charley (qui, détail amusant, ne ressemble pas du tout au chien blanc ornant l'édition française de ce livre, puisque c'est en fait un grand caniche noir!).

Lorsque Steinbeck décrit ce fameux camion-roulotte, qu'une compagnie a construit exprès pour lui, j'ai aussitôt pensé à cette tortue avançant sur la route poussiéreuse, transportant sa maison sur son dos, dans les premières pages des Raisins de la colère!

Ceux qui me connaissent ne seront pas surpris d'apprendre que mes passages préférés mettent en scène ce bon vieux Charley!  Quel bon gros toutou, si expressif!  Steinbeck aime souligner tous ses petits défauts et ses manies, mais on sent néanmoins la très grande affection qui les unit.  D'ailleurs, l'écrivain ne se gêne pas pour rire aussi des humains, incluant lui-même!

Si le ton est généralement léger et humoristique, certains passages sont plus sérieux, choquants ou émouvants, en particulier ceux se déroulant dans le Sud, où la déségrégation raciale des écoles provoque de nombreux remous sociaux qui font ressortir le pire chez certains Blancs.  D'ailleurs, vu les controverses actuelles, je m'étonne que ce livre n'ait pas souffert de censure, puisque le mot en «n» y est abondamment utilisé -- de façon non péjorative, comme c'était normal à l'époque!

Tout ça est décrit de la plume magique de l'un des plus grands écrivains américains!


Travels with Charley in Search of America de John Steinbeck, 1962, 238 p.  Titre de la traduction française: Voyage avec Charley.

06 juillet 2022

Les ombres blanches

Comme j'avais adoré Les villes de papier, j'ai été enchantée d'apprendre que Dominique Fortier en avait écrit la suite, et je me suis empressée de la réserver à la bibliothèque numérique.  Le danger était bien sûr d'avoir de trop hautes attentes, mais heureusement je n'ai pas été déçue!  

J'ai beaucoup aimé suivre l'évolution de ces quatre femmes (enfin, trois femmes et une petite fille) affectées par la mort d'Emily Dickinson.  Si Les villes de papier était d'un genre inclassable, ici on est plus résolument dans un roman: plusieurs des personnages ont réellement existé, mais tout ce qui leur arrive est inventé et sert à célébrer la beauté des petites choses du quotidien et surtout le pouvoir des mots, des livres et de la poésie. 

Tout comme dans l’œuvre précédente, Dominique Fortier a inséré ici et là des réflexions tirées de sa propre vie.  Heureusement, ces passages sont plus courts, moins nombreux et surtout mieux intégrés dans le fil du récit.  Ils n'ont pas tendance à nous faire décrocher comme c'était le cas auparavant, car cette fois, on voit mieux le lien avec la partie principale.  

Je vous quitte avec un extrait: 

«Les poèmes d'Emily sont autant d'éclairs, des fulgurances auxquelles Susan se brûle les mains et les yeux.  Elle passe une matinée puis un après-midi à les relire lentement, gardant parfois les mêmes quelques lignes dans le creux de sa paume pendant vingt, trente minutes, serrant si fort qu'elle sent son cœur battre dans le bout de ses doigts.

Ils forment les versets d'un évangile secret.  Ce sont des formules magiques.  Prononcez-les dans le bon ordre, au rythme qu'il faut, une colombe apparaîtra, une flambée dans un chapeau, une guirlande de marguerites; dites-les à l'envers, il pleuvra des sauterelles, le Soleil se dédoublera, les astres s'éteindront dans le ciel, le monde s'abolira.»


Les ombres blanches de Dominique Fortier, 2022, 248 p.

27 juin 2022

État de terreur

Quand deux amies improbables, une auteure de polars anglo-québécoise et une ancienne secrétaire d'État américaine, décident d'écrire ensemble un bouquin, voilà ce que cela donne: un thriller géopolitique qui, sans révolutionner le genre, nous entraîne dans une aventure à travers le monde, de Washington à Islamabad, grâce à une intrigue captivante et bien ficelée, ponctuée de détails très réalistes. 

Celle qui est passée à un cheveu de devenir la première femme présidente des États-Unis en profite pour prendre sa revanche contre un certain ex-président -- qu'elle décrit (sous un pseudonyme transparent) comme un crétin fini, imbu de lui-même, qui a complètement viré sens dessus dessous les différents départements du gouvernement américain et mis en danger l'ordre mondial.  Good for you, girl!

J'ai l'impression qu'elle s'est également gâtée en dénonçant les hauts fonctionnaires qui levaient le nez sur une femme de soixante ans se croyant permis de leur donner des ordres ou peut-être simplement d'émettre des idées!  D'ailleurs, en tant que lectrice voyant poindre la soixantaine au loin là-bas, j'ai apprécié que le personnage principal d'un thriller soit une femme d'âge mur.

J'ai également bien aimé que la traduction soit faite par des Québécois (on salue Lori Saint-Martin et Paul Gagné).  J'ai été enchantée notamment d'y trouver le québécisme «courriel», au lieu de l'horrible mail utilisé par les Français, qui n'a aucun sens puisqu'en fait ce mot désigne en anglais la poste traditionnelle, avec les enveloppes, les timbres, tout ça.  Pour le courrier électronique, les anglos disent plutôt email.  Désolée les cousins, il fallait que ça sorte, maintenant je descends de mes grands chevaux.

 

État de terreur de Hillary Rodham Clinton et Louise Penny, traduit de l'anglais, 2022, 525 p.  Titre original: State of Terror.

23 juin 2022

Marie Stuart

Attention, ce livre pourrait contenir des traces de sexisme et de misogynie.  Nous préférons vous en avertir.

Apprêtez-vous à lever les yeux au ciel quelques fois...  Ce bon vieux Zweig a beaucoup de qualités, on lui pardonnera donc ses quelques remarques au sujet du «sexe faible» et autres notions complètement dépassées.  

Oui, pardonnons-lui, car cette biographie de Marie Stuart, reine d'Écosse au destin tragique, est absolument fascinante!  Il faut presque se pincer tellement on pense être plongé dans un roman d'Alexandre Dumas.  Complots, trahisons, meurtres, enlèvements, messages codés cachés dans des tonneaux de vin, c'est tout simplement abracadabrant!  Et pourtant minutieusement documenté et présenté dans un récit dense mais jamais lourd.

Dans cette lutte entre deux reines, Marie Stuart et Élisabeth I, Zweig prend clairement partie pour la première, mais j'ai apprécié qu'il tente toujours de nous montrer les deux côtés de la médaille, d'expliquer les agissements pas toujours réglo de la reine d'Angleterre, dont il dresse un portrait nuancé mais très sombre, et fort éloigné de celui qu'on trouve dans l'excellent film Elizabeth avec Cate Blanchett. 

Vous avez aimé La Reine Margot?  Jetez-vous sur cette biographie, c'est tout à fait la même ambiance!


Marie Stuart de Stefan Zweig, traduit de l'allemand, 1935, 336 p.  Titre original: Maria Stuart.

14 juin 2022

This Is How You Lose the Time War (Les Oiseaux du temps)

Ouille ouille ouille, les amis, on a frôlé de près l'abandon pur et simple!

Dans la première moitié du livre, je trouvais la plume des deux auteurs trop sophistiquée, très froide, voire même désincarnée (et vraiment difficile à lire en VO).  Les deux héroïnes sont d'abord insaisissables, c'est voulu, mais cela m'empêchait de m'y intéresser.  Lorsque j'arrivais à me les représenter le moindrement (sachant qu'en plus elles changent d'apparence régulièrement), je les trouvais antipathiques.  Comme en plus l'univers où se déroule l'histoire est presque incompréhensible de prime abord (encore là, c'est voulu; les histoires de voyages temporels, c'est souvent difficile à suivre, mais ici c'est encore plus embrouillé que d'ordinaire), je n'avais rien pour m'aider.

Heureusement, les deux personnages évoluent, deviennent de plus en plus attachants, et l'on arrive peu à peu à assembler les pièces du casse-tête.  Et à partir de là c'était gagné, j'ai beaucoup aimé la suite et la fin m'a ravie.  C'est drôle, c'est poétique, c'est émouvant, c'est intrigant, c'est intelligent, c'est surprenant...  Ça ne ressemble à rien de tout ce que j'ai pu lire dans ma vie! 

Je me demande si cela m'est déjà arrivé d'aussi peu accroché au début d'un roman, au point d'avoir failli l'abandonner, pour finalement l'adorer.  Je crois que c'est une première!


This Is How You Lose the Time War de Amal El-Mohtar et Max Gladstone, 2019, 208 p. Titre de la traduction française: Les Oiseaux du temps.