27 octobre 2024

Le Clan des Belen

D'après les commentaires lus ici et là, plusieurs lecteurs ont beaucoup apprécié ce roman de Julia Castiel (que je ne connaissais pas, et pour cause, c'est son premier livre!), mais ont été déçus par la fin.  C'est bizarre parce que moi ce serait plutôt le contraire!  Enfin, sans vraiment m'ennuyer (l'ambiance de ce petit village isolé des Ardennes est bien décrite et les personnages sont attachants ou inquiétants selon le cas), je trouvais l'intrigue peu originale, et la plume de l'auteure ne me convenait pas complètement: un peu saccadée, de temps en temps des tournures de phrases un peu maladroite...

Mais cette fin!  Je ne l'ai pas vue venir du tout.  Enfin, j'en avais deviné une partie, c'était assez évident, mais une certaine révélation m'a jetée en bas de ma chaise!  Chapeau!   


Le Clan des Belen de Julia Castel, 2023, 209 p.

25 octobre 2024

Bonobo

Vous me connaissez, je ne lis jamais les quatrièmes de couverture.  J'avais noté ce roman sur ma liste il y a plus d'un an, mais je ne me souvenais que vaguement qu'il s'agissait d'une histoire mettant en scène quelqu'un qui s'occupe de bonobos, ces cousins plus sociaux et moins violents des chimpanzés.  Bon, j'avoue, c'est surtout cette couverture absolument craquante qui avait retenu mon attention!  Des fois, cette manie de me lancer dans une lecture à l'aveuglette me joue des tours: je tombe sur des romans d'un genre que je n'ai pas envie de lire à ce moment-là.  La plupart du temps, cela donne de bonnes surprises, comme ce fut le cas ici.

En effet, l'intrigue prend un tour fantastique que je n'ai pas du tout vu venir et que j'ai trouvé intéressant.  Il s'agit d'une histoire d'échange de personnalité entre une petite femelle bonobo et une soignante à l'emploi d'un centre d'étude des primates.  Comme dans tous les romans (ou les films, nombreux) de ce genre, il faut bien sûr accepter cette prémisse de départ, qui peut naturellement sembler tirée par les cheveux.  Une fois que c'est fait, on obtient ici de belles réflexions sur l'identité, sur la mort, sur ce qui différencie ou rapproche l'humain de ces animaux qui sont les plus proches de nous génétiquement parlant.  J'ai particulièrement apprécié les passages qui évoquent les souvenirs de la petite bonobo.  L'évolution des personnages principaux est également bien développée.

On remarquera aussi une dénonciation de la traite des animaux sauvages et de leur maltraitance -- il y a d'ailleurs une scène assez dure, les petits cœurs tendres sont avertis!   


Bonobo de Jeong You-jeong, traduit du coréen, 2021, 400 p.  Titre original: Jin-Yi & Jinny (2019).

20 octobre 2024

Vol de nuit

Oh là là!  On a frôlé l'abandon, là!

En effet, toute la première moitié de ce roman de Saint-Exupéry est très décousue.  On passe d'un personnage à l'autre sans s'attacher à aucun et on ne comprend pas où veut en venir l'auteur.  Alors que j'espérais retrouver la magie des descriptions de Terre des hommes, on s'embourbe plutôt dans le train-train du service de courrier de cet aéroport de Buenos Aires, avec ses absurdités administratives et ses injustices, le tout narré d'une plume assez détachée qui m'a rappelé celle de Louis-Ferdinand Céline. 

Heureusement, dans la deuxième moitié, on se concentre sur le personnage du Directeur du service, ce qui permet de mieux saisir les enjeux.  Pour lui, tout ce qui compte, c'est de prouver l'efficacité de son système de livraison de nuit, afin de concurrencer les autres moyens de transport.  Les employés, pilotes inclus, ne sont pour lui que des rouages de cette machine qui doit fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre, malgré les dangers de l'aviation nocturne.

Mais surtout, il y a dans cette partie de très belles pages sur les péripéties vécues durant un de ces vols.  C'est magnifique et poignant, et grâce à ces passages, je termine ce roman avec un avis plus positif que négatif. 


Vol de nuit de Saint-Exupéry, 1931, 188 p.

14 octobre 2024

The Crucible (Les Sorcières de Salem)

Première constatation: cette édition de la célèbre pièce du dramaturge américain Arthur Miller comprend des remarques de l'auteur qui sont bizarrement intégrées au texte de la pièce, comme si elles en faisait partie.  Cela m'a pris un moment pour comprendre qu'il ne s'agissait pas d'un texte qui serait dit en scène par un narrateur, ce qui me semblait assez particulier comme procédé.

Toujours est-il que dans ces remarques, Miller parle des faits et des personnages historiques qui ont inspiré la pièce.  J'ai tout de suite remarqué qu'il ne mentionnait pas du tout le côté misogyne des événements, comme on le fait généralement dès qu'il est question de chasse aux sorcières.  Il fait plutôt le parallèle avec le Maccarthysme, ce qui est normal puisque la chasse aux communistes bat son plein au moment de la création de la pièce.  D'ailleurs, le titre de la traduction française est trompeur.  Dans l'histoire, il n'y a pas que des femmes qui sont accusées.  Cela crée de fausses attentes par rapport à l'interprétation du texte. 

Une fois que mon cerveau a pu se réajuster, j'ai vraiment apprécié cette pièce qui démontre parfaitement comment les mécanismes de vengeance et de dénonciation se mettent en place dans cette petite société, avec en plus le rôle que jouent l'ignorance, la religion et les superstitions.  Brillant!


The Crucible d'Arthur Miller, 1952, 145 p.  Titre de la traduction: Les Sorcières de Salem.

13 octobre 2024

Les nouveaux classiques québécois

Avez-vous vu dans le journal La Presse cette liste de titres considérés comme les nouveaux classiques du XXIe siècle, regroupant des œuvres québécoises publiées entre 2000 et 2024 «qui ont laissé leur marque sur notre culture et notre imaginaire collectif»?  Je suis un peu surprise de ne pas y retrouver La trilogie du bonheur de Marie Laberge, qui a pourtant connu un immense succès; je me demande s'il n'y a pas là un certain snobisme, des œuvres plus «pointues» ayant été choisies.  Aussi, dans le cas de quelques œuvres très récentes, je trouve qu'il est un peu tôt pour juger l'impact qu'elles auront sur la culture québécoise.  Peut-être aurait-on dû se concentrer seulement sur les deux premières décennies du siècle?

D'autres absents: Le Plongeur de Stéphane Larue, Borderline de Marie-Sissi Labrèche (que je n'ai pas lu toutefois), les recueils de chroniques de Serge Bouchard, Un dimanche à la piscine à Kigali de Gil Courtemanche, pour ne nommer que ceux-là.

L'exercice reste tout de même intéressant (je suis toujours friande de ce type de listes!).  Voici la liste en question:


Le Podium:

  1. Putain, Nelly Arcand
  2. La Femme qui fuit, Anaïs Barbeau-Lavalette
  3. Là où je me terre, Caroline Dawson


Positions 4 à 10, en ordre alphabétique

  • Le ciel de Bay City, Catherine Mavrikakis
  • L’énigme du retour, Dany Laferrière
  • Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier
  • Kuessipan, Naomi Fontaine
  • Kukum, Michel Jean
  • Que notre joie demeure, Kev Lambert
  • Ru, Kim Thúy


Positions 11 à 25, en ordre alphabétique:

  • 1984, Éric Plamondon
  • Au péril de la mer, Dominique Fortier
  • La ballade de Baby, Heather O’Neill
  • Bâtons à message/Tshissinuatshitakana, Joséphine Bacon
  • Le boys club, Martine Delvaux
  • Ce que je sais de toi, Éric Chacour
  • La constellation du lynx, Louis Hamelin
  • La fiancée américaine, Éric Dupont
  • L’habitude des ruines, Marie-Hélène Voyer
  • Mille secrets mille dangers, Alain Farah
  • L’orangeraie, Larry Tremblay
  • Le poids de la neige, Christian Guay-Poliquin
  • Paul à Québec, Michel Rabagliati
  • Une réunion près de la mer, Marie-Claire Blais
  • Les villes de papier, Dominique Fortier


Que pensez vous de cette liste?  Lesquels avez-vous lus?  Êtes vous d'accord avec leur présence dans cette liste?  Vous y auriez vu d'autres titres?

Personnellement, j'ai lu:

  • Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier (Adoré!)
  • Ru, Kim Thúy (Beaucoup aimé)
  • 1984, Éric Plamondon (J'ai lu seulement le premier tome de la trilogie, je n'y ai rien compris)
  • Au péril de la mer, Dominique Fortier (Surprise que ce soit celui-ci qui ait été choisi, c'est celui que j'ai le moins aimé dans sa bibliographie)
  • La constellation du lynx, Louis Hamelin (Abandonné, je n'ai pas accroché, tout en reconnaissant les qualités littéraires de l’œuvre)
  • La fiancée américaine, Éric Dupont (Adoré!)
  • Mille secrets mille dangers, Alain Farah (Beaucoup aimé)
  • L’orangeraie, Larry Tremblay (Adoré!)
  • Paul à Québec, Michel Rabagliati (Adoré!)
  • Les villes de papier, Dominique Fortier (Adoré!)


12 octobre 2024

The Last Juror (Le Dernier Juré)

Encore un bon petit thriller de John Grisham!

Le personnage principal est un jeune journaliste fraîchement diplômé de l'université qui débarque dans une petite ville du Mississippi et prend en charge le journal hebdomadaire local.  Comme presque toujours chez Grisham, il y aura un crime et un procès, mais l'auteur en profite ici pour dresser un portrait du sud des États-Unis au début des années 70: ségrégation raciale, corruption des autorités, entraide entre voisins, omniprésence de la religion, évolution des mentalités; bref, le bon et le mauvais de la société américaine à l'époque.

L'intérêt principal du roman est la ribambelle de personnages secondaires hauts en couleur, notamment une dame dans la soixantaine très pieuse mais attachante par sa droiture, son courage et son amour de la bonne chère à la mode du Sud (certains passages m'ont mis l'eau à la bouche!), que je n'ai pu m'empêcher d'imaginer sous les traits de la poète afro-américaine Maya Angelou, dont elle possède la dignité et l'élocution parfaite.

Seul petit bémol: dans la deuxième moitié, l'intrigue principale effectue un saut de quelques années, et on dirait que Grisham a voulu faire du remplissage en nous racontant assez longuement des événements ayant peu d'intérêt pour l'histoire: élections municipales, achat et rénovation de la maison du héros, etc. 


The Last Juror de John Grisham, 2004, 487 p.  Titre de la traduction: Le Dernier Juré.

11 octobre 2024

Marcher à Kerguelen

Il y a quelques années, j'ai lu et beaucoup apprécié Ce qu'il advint du sauvage blanc de François Garde, une histoire de naufrage comme je les aime.

Quand j’ai vu par hasard que cet écrivain avait publié un récit de voyage sur sa traversée à pieds de l’île de Kerguelen, au sud de l'océan Indien, cela a attiré mon attention, surtout que je connaissais déjà un peu ce lieu pour l'avoir visité l'an dernier grâce au Voyage aux îles de la Désolation, magnifique roman graphique d’Emmanuel Lepage.

Je ne sais pas pourquoi, mais je suis vraiment attirée par ces paysages dénudés, désertiques et balayés par le vent.  Si on me donnait le choix entre un séjour dans un quartier animé de New York, dans une jungle grouillante de vie ou sur une de ces îles désolées, je n’hésiterais même pas. 

Bon, j’avoue que je changerais sûrement d’idée après quelques jours à déambuler dans des souliers mouillés ou à ne pas dormir parce que le vent risque d’emporter la tente!  D’ailleurs juste à l’idée de marcher toute la journée pendant 25 jours, ça me tente déjà beaucoup moins.  Vous l’aurez compris, c’est là tout l’intérêt des récits de voyage!

On peut déplorer dans ce récit un certain côté répétitif.  Il est donc préférable de le lire à petite dose, en parallèle avec un autre bouquin bien différent.  Il faut aussi aimer les descriptions de paysages, parce que celles-ci constituent 75% de l’histoire, le reste racontant surtout les interactions entre les quatre membres du groupe. 

Une lecture tranquille mais dépaysante! 


Marcher à Kerguelen de François Garde, 2020, 288 p.

02 octobre 2024

Méduse

Ce roman, qui narre les tribulations d'une jeune fille dont les yeux frappent d'horreur tous ceux qui les aperçoivent, m'a rendue pour le moins perplexe...  J'ai aimé ou pas?

J'ai aimé: la finesse de la plume, le vocabulaire recherché, les variations autour du thème de Méduse et des méduses, qu'on reconnaisse la ville de Québec à travers les indices donnés ici et là, le message sur la puissance féminine, sur la réappropriation du corps.

J'ai moins aimé: l'ambiance vraiment trop glauque, et parfois un manque de subtilité dans la transmission du message mentionné ci-dessus, en particulier à la fin (on avait compris la métaphore, ce n'était pas nécessaire de l'appuyer de façon aussi littérale).

Alors, quel côté l'emporte?  Je crois bien que c'est 50-50!


Méduse de Martine Desjardins, 2020, 216 p.

30 septembre 2024

Le Restaurant des recettes oubliées

Ce roman du japonais Hisashi Kashiwai comporte deux gros points forts:

  1. Il y est beaucoup question de cuisine japonaise, ça met l'eau à la bouche!  D'ailleurs, j'ai lu un des chapitres en mangeant le restant des sushis de notre repas précédent (Gropitou en achète toujours trop!), j'étais vraiment dans l'ambiance!
  2. Il y a un chat nommé Roupillon!

Est-ce suffisant pour en faire un excellent roman?  Malheureusement non.  Tout se déroule très rapidement, on effleure à peine les différents thèmes abordés (le deuil, la nostalgie, la mémoire, etc) et les personnages ne sont qu'esquissés.  La structure n'est pas d'une grande originalité.  Il s'agit d'une suite de petites histoires séparées dans lesquelles le cuisinier du restaurant et sa fille tentent chaque fois de retrouver une recette perdue pour le compte d'un client.  L'idée est intéressante, mais la construction m'a donné une impression de déjà-vu en littérature japonaise.

Cela reste tout de même une lecture divertissante (et appétissante!), parfaite pour se reposer les neurones si c'est ce qu'on recherche (par exemple, après une grosse brique de Hard SF bien dense; oui, Liu Cixin, c'est à toi que je pense!), mais je commence déjà à mélanger les histoires entres elles alors que je l'ai terminée hier; c'est vous dire à quel point ce bouquin ne sera pas inoubliable.


Le Restaurant des recettes oubliées de Hisashi Kashiwai, 2023, 252 p.  Titre de la version originale: Kamogawashokudo (2013).

28 septembre 2024

La Mort immortelle

Trilogie des trois corps, tome 3

Troisième et dernier tome de cette trilogie de Hard SF, écrite par le Chinois Liu Cixin.  Qui dit Hard SF dit beaucoup de détails scientifiques et ce tome-ci n'y échappe pas!  Il y a même quelques notions qui font presque mal au cerveau quand on essaye de visualiser ce que ça donne concrètement...

Comme dans les deux premiers tomes, on peut déplorer quelques longueurs et une narration qui ne laisse pas beaucoup de place à l'émotion.  Par contre, il y a beaucoup moins de personnages, on se concentre principalement sur une jeune scientifique, qui tiendra le destin du système solaire entre ses mains, rien de moins! 

Mon principal bémol concernant cette fin de trilogie est qu'un pan de l'histoire reste en suspens: on ne sait pas ce qui est arrivé à l'un des personnages secondaires.  Enfin, on sait comment il finit, mais comment il en arrive là, ça reste très flou.  Je me suis même demandé si Liu Cixin n'avait pas volontairement omis toute cette partie-là pour en faire un roman à part!  En fouillant un peu, j'ai découvert qu'il y a en fait un roman écrit par un autre Chinois, d'abord une fan-fiction sur le Net mais maintenant traduit et publié officiellement chez Actes Sud/Babel, qui raconte justement cette histoire.  Selon ce que j'ai lu sur un blogue, Liu Cixin aurait approuvé cette publication, mais cela n'exclut pas qu'il ait d'abord eu l'idée de l'écrire lui-même et qu'il se soit fait damer le pion...  Allez savoir!


La Mort immortelle (Trilogie des trois corps, tome 3) de Liu Cixin, traduit du chinois, 2018, 944 p.  Titre de la version originale: Sǐshén yǒngshēng (2010)

14 septembre 2024

Du thé pour les fantômes

Une lecture en dents de scie...

J'ai beaucoup apprécié l'ambiance du roman, ce réalisme magique dans un décor de Provence.  Il y a également des idées très amusantes: les deux sœurs qui correspondent à distance en lisant dans les feuilles de thé, les théières qu'il faut apprivoiser, etc.  Quelques chapitres délicieux se déroulent en Espagne et rappellent, sûrement à dessein, l'œuvre de Gabriel Garcia Marquez.

Par contre, que de longueurs! Il m'a semblé que certains éléments ne faisaient que complexifier l'intrigue sans rien lui apporter.  On saute également beaucoup du coq à l'âne, particulièrement au début.  Et surtout, j'ai senti que l'auteure voulait qu'on s'attache aux personnages malgré leurs défauts, mais ça n'a pas fonctionné pour moi; une des sœurs m'a semblé trop égocentrique, et je n'ai ressenti que la pitié pour l'autre sœur, affligée d'un mal étrange.  C'est pourquoi la fin, si elle a su me surprendre et me satisfaire, ne m'a pas émue.

Bref, une lecture tout de même agréable mais qui ne me laissera pas un souvenir impérissable.
 

Du thé pour les fantômes de Chris Vuklisevic, 2023, 439 p.

31 août 2024

Un objet de beauté

Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, tome 6

Plus d'une semaine que j'ai terminé ce bouquin, qui clôt la série des Chroniques...  Je ne sais pas trop comment aborder ce billet, qui va être bien court!

Du Tremblay, ça ne peut pas être mauvais!  Pourtant, je n'ai pas vraiment aimé ce tome, tout en ayant de la difficulté à trouver pourquoi...  Il y a de très beaux passages, mais l'ensemble est triste, presque glauque.  On ne sent pas l'amour qui relie habituellement les membres de la famille, cela m'a fait de la peine.  J'aurais aimé finir cette série sur une note plus optimiste!


Un objet de beauté (Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, tome 6) de Michel Tremblay, 1997, 315 p.

18 août 2024

Jézabel

D'Irène Némirovsky, j'ai lu et beaucoup aimé Suite française il y a quelques années (mince alors, c'était en 2013, comme le temps file!).  Je la retrouve ici dans ce roman assez différent trouvé dans une boîte à livres! 

Dans ce roman-ci, Nemirovsky nous dresse un portrait impitoyable de la haute bourgeoisie française de la première moitié du XXe siècle à travers le destin d'une femme obsédée par sa beauté et sa peur de vieillir. 

Seul petit bémol, la description de ce personnage principal m'a parfois semblé  un peu caricaturale et répétitive (son long cou souple, sa peau blanche...).  J'ai toutefois grandement apprécié retrouver cette plume à la fois belle et sans pitié qui m'a rappelé Mauriac et Camus par moments.  Et cette fin inexorable, quel suspense alors qu'on connaît la conclusion depuis le premier chapitre!  Un vrai tour de force!


Jézabel d'Irène Némirovsky, 1936, 187 p.

13 août 2024

Walden

Que de péripéties pour arriver à lire dans une version potable le célèbre texte de H.D. Thoreau, racontant son séjour de deux ans dans une cabane près d'un lac!

Si vous suivez mon blogue depuis quelque temps, vous le savez:  je préfère généralement lire les auteurs anglophones dans la langue d'origine.  Je l'avoue, je suis assez capricieuse par rapport aux traductions, surtout en ce qui concerne la littérature américaine et canadienne-anglaise.  Dans les deux cas, les éditeurs devraient toujours choisir des traducteurs nord-américains, sinon on se retrouve trop souvent avec des aberrations. 

J'ai donc d'abord choisi le recueil Walden and Other Writings contenant, comme son nom l'indique, plusieurs textes de Thoreau, dont, en plus de Walden, son fameux Civil Disobedience (La Désobéissance civile).  Malheureusement, j'ai rapidement déchanté: même pour quelqu'un qui se débrouille assez bien en anglais, le style de Thoreau n'est pas du tout facile à lire!  Passe encore le vocabulaire du XIXe siècle, ça je m'y attendais et le dictionnaire de la liseuse me vient en aide au besoin, mais la construction des phrases est vraiment tarabiscotée!  En plus, il a choisi de commencer son récit avec un très long chapitre assez aride où il expose de façon dense et foisonnante ses idées sur différents aspects de la société (éducation, travail, alimentation, habillement, tout y passe).  Très mauvaise stratégie, H.D.; tu aurais dû appâter d'abord le lecteur avec un petit chapitre sur l'installation au bord du lac, la construction de la cabane, etc.  Je suis sûre que de nombreux lecteurs sont rebutés par cette entrée en matière interminable et abandonnent.

Tout ça pour dire que j'ai décidé d'abandonner la VO et de me tourner vers l'édition publiée chez Albin Michel, collection Espaces Libres, dans la traduction de Louis Fabulet.  J'ai d'abord été relativement contente, c'est beaucoup plus agréable à lire!  Bon, petit soupir en tombant sur des noms d'oiseaux qui n'existent pas ici, mais je m'attendais à ce genre de désagréments.  Toutefois, un peu plus loin, j'ai dû retourner à la version originale car tout un paragraphe était incompréhensible!  Il s'agissait d'un jeu de mots, qui aurait dû être expliqué par le traducteur dans une note!  Le dernier clou du cercueil a été l'expression coffee and rolls (café et petits pains) traduite par «café et roulette!!! 

J'ai donc décidé d'essayer une autre traduction, celle de Brice Matthieussent aux éditions Le Mot et le reste.  Cette fois, rien à dire sur la traduction, mais comme rien n'est parfait, le fichier que j'ai téléchargé sur ma liseuse est plein de bogues!  La table des matières ne fonctionne pas, et quand on veut aller voir les notes ou revenir à un chapitre précédent, on se retrouve n'importe où dans le livre ou encore on est carrément  éjecté du fichier!   

En désespoir de cause, j'ai voulu aller chercher une édition papier (qui aurait été dans une troisième traduction différente!) à la bibliothèque municipale, mais j'avais oubliée que celle-ci ferme plus tôt le lundi et je me suis cogné le nez sur la porte!  Finalement je me suis résignée et j'ai continué avec mon fichier défectueux.

Heureusement, toutes ces mésaventures ne m'ont pas empêchée d'apprécier cette lecture (surtout une fois passé ce premier chapitre vraiment trop long!).  Je dois tout de même dire que je n'ai pas tout aimé.  Il y a des passages vraiment longs, et Thoreau se contredit à l'occasion.  On dirait qu'il veut tellement pousser chacune de ses idées à l'extrême qu'il ne s'aperçoit pas qu'il dit le contraire de ce qu'il avait affirmé de façon tout aussi péremptoire quelques chapitres plus tôt!  Ses idées sur un mode de vie plus simple m'ont particulièrement rejointe, même si je ne partage pas son ascétisme concernant la bouffe!  Se nourrir de riz et de fèves, très peu pour moi.  Quant à ses idées sur la littérature, je ne les partage pas du tout.  Selon lui, les seules œuvres valables sont celles servant à «élever l'esprit» du lecteur.  La littérature dite populaire, se voulant amusante, distrayante, n'a aucune valeur à ses yeux!

Ce qui m'attirait surtout vers ce récit, c'est le côté Nature Writing, dont il est un des pionniers, souvent cité par d'autres écrivains du monde entier.  Et là, je peux dire que j'ai été servie!  J'ai adoré ses descriptions de la nature au fil des saisons.  L'humour et la poésie de certains chapitres m'ont ravie.  Juste pour ces passages, je suis contente d'avoir persévéré.  

En terminant, un petit extrait pour vous donner le goût?  Ceux qui ont souvent l'occasion d'observer des écureuils pourront confirmer que Thoreau a saisit l'essence même de celui-ci, s'approchant d'épis de maïs jetés dans la neige devant la cabane:

«L’un d’eux s’approchait d’abord avec prudence à travers les chênes nains, en effectuant de brèves courses saccadées sur la neige croûtée, telle une feuille emportée par le vent, tantôt quelques pas dans une direction, avec une vitesse et une dépense d’énergie merveilleuses, progressant incroyablement vite sur ses petites pattes, comme s’il avait fait un pari, tantôt autant de pas dans une autre direction, sans jamais avancer de plus d’une demi-verge à chaque fois ; s’arrêtant alors tout à trac avec une expression ridicule et une cabriole superflue, comme si tous les yeux de l’univers étaient fixés sur lui, – car tous les gestes de l’écureuil, même dans les recoins les plus isolés de la forêt, impliquent des spectateurs au même titre que ceux d’une danseuse –, perdant ainsi davantage de temps en arrêts et en circonspection qu’il n’en aurait fallu pour parcourir la distance tout entière –, je n’en ai jamais vu un seul marcher –, et soudain, avant que vous n’ayez eu le temps de dire ouf, il se retrouvait en haut d’un jeune pitchpin, remonté comme une pendule et tançant ses innombrables spectateurs imaginaires, monologuant tout en s’adressant à l’univers entier, pour nulle raison que j’aie jamais pu déterminer, ni que lui-même, je suppose, connaissait.»

(Certains crieront sans doute au crime de lèse-majesté, mais si vous hésitez à vous lancer, je vous recommande de sauter le premier chapitre, quitte à y revenir ensuite si désiré... Mais chhuuut! Que cela reste entre nous!) 

 

Walden de Henry David Thoreau, traduit de l'anglais en 2013 (pour cette version chez Le Mot et le reste), 372 pages.  Titre de la version originale: Walden (1854).







01 août 2024

Vas-tu finir ton assiette?

Vous voulez rire un bon coup?  Procurez-vous ce recueil de courtes chroniques désopilantes sur le thème de l'alimentation.  Le sous-titre mentionne des essais et des facéties, je dirais que c'est 10% des uns et 90% des autres!

Il y a bien quelques chapitres où j'ai moins accroché, car il était question d'émissions de télé (Les Chefs et autres) que je ne connais pas, mais pour le reste je me suis bidonnée du début à la fin.  Et même l'utilisation de l'écriture inclusive (à laquelle je m'habitue difficilement, je l'avoue) ne m'a pas dérangée; je trouve que cela passe mieux dans ce genre littéraire que dans un roman, par exemple.

Je le recommande chaudement à tous mes lecteurs québécois. Hilarité garantie, sauf si vous n'appréciez pas ce style très oral, avec des anglicismes, du joual et des néologismes à la pelletée.  Lecteurs européens, c'est à vos risques et périls: je crains que vous ne saisissiez pas la plupart des références très locales.

 

Vas-tu finir ton assiette? de Caroline Décoste et Mathieu Charlebois, 2024, 288 p.

24 juillet 2024

La Lionne blanche

Décidément, cette série policière est en passe de devenir une de mes préférées dans ce genre littéraire!

D'abord j'aime beaucoup le personnage principal, le commissaire Wallander.  Il est loin d'être parfait, mais on n'est pas non plus dans le cliché du policier alcoolique et misogyne.  Il essaye d'être un bon père, un bon fils, sans toujours y parvenir.  Il se fâche parfois contre ses collaborateurs mais sait pourtant reconnaître leurs qualités.  D'ailleurs ceux-ci ont énormément de respect pour lui.  Il n'est pas non plus un super-héros; s'il doit escalader une clôture en pourchassant un méchant, ça se pourrait bien qu'il déchire son pantalon!

Mais ce que j'apprécie encore plus, c'est la façon qu'a Mankell de s'inspirer de  l'actualité de son époque, en variant les sujets à chaque tome.  Ici, on est en 1992, en Afrique du Sud.  Nelson Mandela vient de sortir de prison, l'Apartheid sera peut-être aboli, mais certains groupes de la population blanche résistent, en particulier les Boers, dont l'auteur nous rappelle l'histoire.  Un complot se trame dont les ramifications s'étendent jusqu'en Suède!  J'ai adoré que Mankell nous entraîne des bidonvilles jusqu'au bureau du président De Klerk, en passant par Ystad, la petite ville suédoise de ce cher Wallander.  Dépaysement garanti!

Il y a bien un petit truc que j'ai trouvé un peu tiré par les cheveux vers la fin, mais cela n'a pas gâché mon plaisir.  J'ai dévoré ce roman en quelques jours!  Après quelques lectures plus ardues, c'était très agréable de retrouver la plume nette et efficace de Mankell.


La Lionne blanche de Henning Mankell, traduit du suédois en 2004, 487 p. Titre de la version originale: Den vita lejoninnan (1993).

21 juillet 2024

Alexis - Le Coup de Grâce

Alors que j'ai beaucoup aimé mes deux premiers contacts avec Marguerite Yourcenar, ce recueil rassemblant deux courts romans constitue un premier semi-échec...

Alexis:

Même si j'admire toujours autant la plume de Yourcenar, il faut tout de même que la dite plume soit au service d'une histoire présentant un minimum d'intérêt... ce qui n'est pas le cas ici!  L'homosexualité n'étant pas un sujet qu'on pouvait discuter ouvertement à l'époque, le narrateur ne fait que tourner autour du pot pendant 125 pages.  Et comme il est peu sympathique, ses malheurs n'arrivent même pas à nous émouvoir.  J'ai failli abandonner un roman de Yourcenar!!!

Le Coup de Grâce:

Ce deuxième roman, l'histoire d'un amour impossible entre un soldat et la sœur de son meilleur ami, est heureusement plus intéressant.  Là encore, les personnages ne sont pas très sympathiques et l'on s'attache peu à eux, mais au moins il y a un peu d'action et l'ambiance est bien décrite.  J'aurais toutefois apprécié que le contexte historique soit plus à l'avant-plan: on est dans un château décrépi des pays baltes, durant la guerre entre les troupes bolchéviques et anti-bolchéviques germanophiles en 1918, un cadre fort original qui n'est exploité à son plein potentiel qu'à la toute fin du roman.

   

Alexis - Le Coup de Grâce de Marguerite Yourcenar, recueil de deux courts romans parus respectivement en 1929 et 1939, 248 p.

19 juillet 2024

Harrow the Ninth (Harrow la Neuvième)

 The Locked Tomb (Le Tombeau scellé), tome 2

Après un début difficile, une intrigue intelligente et l'humour des dialogues m'avaient permis d'apprécier le tome 1 de cette série au genre indéfinissable (fantastiquo-fantasy-SF?).

En commençant le tome 2, j'ai constaté que j'avais, là encore, un peu de difficulté à plonger dans cet univers.  Certains événements ne concordent pas du tout avec ce qui s'est passé dans le tome 1, et c'est très long avant qu'on commence à comprendre pourquoi. La narration à la deuxième personne du singulier, très étrange (on ne saisit la raison de ce choix que beaucoup plus loin) ne nous aide pas non plus.  J'étais très désarçonnée, mais j'espérais que la situation allait s'améliorer comme dans le cas du tome précédent.  

En général, j'aime beaucoup qu'un auteur nous fasse travailler un peu au lieu de tout expliquer en long et en large.  Mais ici, l'intrigue est tellement tarabiscotée que j'avais de la misère à suivre!  Il y a toutefois de très bons passages, drôles ou intrigants, et on retrouve avec plaisir certains personnages du tome 1.

Quant à l'épilogue, il est tellement bizarre que j'étais fâchée en le terminant!  J'imagine que l'intention de l'auteure était de nous appâter pour la suite, mais dans mon cas l'effet contraire s'est produit, et il y a de fortes chances pour que cette série s'arrête là pour moi...


Harrow the Ninth (The Locked Tomb, tome 2) de Tamsyn Muir, 2020, 512 p.  Titre de la traduction française: Harrow la Neuvième (Le Tombeau scellé, tome 2)

24 juin 2024

La Forêt sombre

Trilogie des trois corps, tome 2

Qui dit deuxième tome d'une trilogie dit billet court sur le blogue.  On a l'impression de répéter ce qu'on a écrit sur le premier tome, et par ailleurs on n'a pas encore un avis général sur la trilogie dans son ensemble.

Donc, comme dans le premier tome, on a une intrigue pleine de rebondissements, beaucoup de détails scientifiques qu'il n'est pas nécessaire de comprendre parfaitement pour suivre l'histoire, une narration un peu froide, ce qui fait qu'on ne s'attache pas tant que cela aux personnages et qu'on en sait peu sur leur vie privée -- l'intérêt réside ailleurs.  Parlant de personnages, je vous recommande de vous dresser dès le début une petite liste car ils sont très nombreux (ma liste en compte quarante-deux) dont la plupart avec des noms chinois qui se ressemblent (Yang, Zhang, Zhuang...).

Il y a bien quelques passages que j'ai trouvés longuets (dont un qui m'a semblé ne pas apporter grand-chose à l'intrigue), mais dans l'ensemble, une lecture passionnante, vivement la suite!


La Forêt sombre (La Trilogie des trois corps, tome 2) de Liu Cixin, traduit du chinois, 2017, 736 p.  Titre de la version originale: Hēi'àn sēnlín (2008)

03 juin 2024

The Hours (Les Heures)

J'ai hésité quelques temps avant de me lancer dans ce roman trouvé dans une boîte à livres.  C'est que j'ai vu l'adaptation cinématographique et que je m'en souviens assez bien, ce qui a souvent tendance à gâcher ma lecture...  Mais ici, cela ne s'est pas produit, et ce, pour trois raisons: 

1) La plume de Michael Cunningham est magnifique et très agréable à lire et la construction du roman est astucieuse.  

2) Lors du visionnement du film, je n'avais pas encore lu le roman Mrs Dalloway de Virginia Woolf.  Même si j'ai plus ou moins aimé ce roman, je pense que sa lecture est essentielle pour apprécier toutes les références qui y sont faites ici.  En effet, chacune des trois femmes qu'on suit dans des chapitres alternés qui se répondent et se complètent a un lien avec l’œuvre de Woolf.  

3) En fait, je me souvenais mal de la fin, si bien que la surprise fut totale!


The Hours de Michael Cunningham, 1999, 226 pages.  Titre de la traduction française: Les Heures.

25 mai 2024

Le Nœud de vipères

Comme j'avais beaucoup aimé Thérèse Desqueyroux, lu pour le club de lecture Livraddict l'an dernier, je n'ai pas hésité une seconde à m'emparer de cet autre roman de François Mauriac, trouvé par ma mère dans la boîte à livres de son quartier!

De sa chambre dans sa maison de la région des Landes, dans le Sud-Ouest de la France, sentant arriver la mort, un vieil homme acariâtre et avare écrit à son épouse et à ses enfants une longue lettre mi-confession, mi-accusation.  Une histoire de vengeance ruminée toute une vie...  Des personnages dignes de Zola, un style sobre, une ambiance du tonnerre, des révélations, des non-dits, une fin qui laisse place à l'interprétation, tout pour me plaire, quoi!


Le Nœud de vipères de François Mauriac, 1932, 216 p.

24 mai 2024

Ten Days in a Mad-House (10 Jours dans un asile)

Quelle femme fascinante elle a dû être, cette Nellie Bly!  Pionnière du journalisme d'enquête, elle s'est fait interner incognito dans un asile pour y observer les conditions de vie des patientes.  Ce qu'elle y a vu l'a horrifiée: nourriture immangeable, bains glacés, chambres non chauffées, et surtout torture physique et mentale.  Sans oublier que la plupart des patientes n'auraient pas dû être là...  Au XIXe siècle, dès qu'une femme dérangeait un tant soit peu, on pouvait facilement s'en débarrasser en l'accusant d'être folle!

Cela dit, une fois qu'on a admiré le courage de cette journaliste, le texte lui-même est plus ou moins intéressant.  Son style est très factuel.  J'aurais aimé un peu plus d'analyse, en particulier dans la dernière partie, qui parle de l'enquête judiciaire déclenchée à la suite de la publication de l'article, et des améliorations apportées aux conditions de vie dans l'asile.  Bien sûr, ces Grand Jury Investigations se font à huis clos, donc elle n'a pu raconter que la séance où elle a elle-même témoigné, mais je suis tout de même restée sur ma faim.

Par contre, je lirai sans doute un jour son récit de voyage Around the World in Seventy-Two Days (elle a battu le record de ce bon vieux Phileas Fogg!), ça doit être passionnant!


Ten Days in a Mad-House de Nellie Bly, 1887, 81 p.  Titre de la traduction française: 10 jours dans un asile.

14 mai 2024

The Narrow Road to the Deep North (La Route étroite vers le Nord lointain)

Comme la prochaine vente de livres élagués des Bibliothèques de Montréal a lieu dans un mois, j'ai pensé que ce serait une bonne idée d'avoir lu au moins un de ceux acquis l'an dernier!  Mon choix s'est porté sur The Narrow Road to the Deep North de Richard Flanagan.  Je n'avais jamais entendu parler ni du livre, ni de cet auteur australien, je l'ai acheté pour la seule mention «gagnant du Booker Prize» en couverture.  Je ne me préoccupe pas tant que cela des prix littéraires, mais celui-là me déçoit rarement (citons notamment Life of Pi (Histoire de Pi) de Yann Martel et The Remains of the Day (Les Vestiges du jour) de Kazuo Ishiguro). 

Je me suis donc lancée à l'aveuglette, n'ayant même pas lu la quatrième de couverture, et le titre et la couverture donnant peu d'indices du sujet...  Il s'agit en fait d'un roman historique qui se déroule pour la plus grande partie dans un camp de prisonniers de guerre au Siam (la Thaïlande, aujourd'hui), mais aussi en Australie et brièvement au Japon.

La partie centrale du roman, celle qui se déroule au Siam, est vraiment excellente.  C'est un pan de l'histoire que je ne connaissais pas: l'utilisation de prisonniers de guerre (ici, des Australiens) comme esclaves pour tenter de construire un chemin de fer à travers la jungle, dans des conditions épouvantables et avec des moyens rudimentaires.  

La première partie, où l'on fait des allers-retours entre différentes époques, m'a beaucoup moins intéressée, surtout parce que les personnages sont peu attachants, mais aussi parce que le style très littéraire de l'auteur rend leurs motivations peu évidentes (ou alors c'est moi qui n'ai pas su lire entre les lignes?).

Quant à la dernière partie, il s'agit d'un long épilogue où l'on découvre ce qu'il advient de chacun des personnages une fois la guerre terminée.  J'ai beaucoup aimé les passages se déroulant au Japon; encore là, c'est un sujet sur lequel je n'ai jamais rien lu -- je ne savais pas, par exemple, que Tokyo avait été intensivement bombardée!  Mais j'ai tout de même trouvé toute cette partie un peu trop longue.

Dans l'ensemble, une bonne découverte, même si à la fin j'avais hâte de passer à autre chose! 


The Narrow Road to the Deep North de Richard Flanagan, 2014, 334 p.  Titre de la traduction française: La Route étroite vers le Nord lointain.

02 mai 2024

20 ans avec mon chat

Quelle est mignonne cette petite chatte prénommée Mî!  Elle me fait beaucoup penser à ma petite Mina, elle aussi une chatte calicot (ce qu'on appelle «chatte d'Espagne» au Québec, pour une raison que j'ignore), elle aussi une chatte abandonnée en bas âge. 

Toutefois, je ne me suis pas autant attachée à la narratrice, que j'ai trouvée un peu froide (envers les humains, parce que pour ce qui est de sa minette, on sent bien qu'elle l'adore!).  Lors de son divorce, notamment, on la sent très détachée, presque indifférente.  J'ai par contre bien aimé lorsqu'elle raconte comment sa relation avec Mî lui a permis de prendre conscience du monde  qui l'entoure, de la nature, des saisons, ce qui lui a permis de réaliser son rêve de devenir écrivain.

J'ai toutefois été troublée par la fin, qui est pénible à cause des graves problèmes de santé de la petite féline.  À la place de sa maîtresse, j'aurais pris des décisions différentes -- mais l'euthanasie est-elle envisageable au Japon?  Ça ne semble même pas avoir été une option ici, en tous cas.

Malgré ces petits bémols, j'ai quand même bien aimé ce récit touchant, lumineux et rempli d'amour.  Pour passionnés des chats seulement!


(N.B. Inaba est le nom de famille de l'auteure, je classe donc ce livre dans les I)


20 ans avec mon chat de Inaba Mayubi, traduit du japonais, 2014, 208 p.  Titre de la version originale: Mi i no inai asa (1999)

30 avril 2024

Carnets du Nil Blanc

C'est une copine du forum Livraddict qui m'a fait découvrir ce récit de voyage de John Hopkins, jeune américain fraîchement diplômé de Princeton qui décide de traverser avec son copain Joe une partie de l'Afrique sur sa moto, une BMW d'un blanc étincelant surnommée «The White Nile».

Après un début un peu longuet (le passage où il raconte sa dernière relation amoureuse m'a semblé de bien peu d'intérêt), le récit devient beaucoup plus enlevant lorsque les deux zigotos arrivent en Afrique.  Je les traite de zigotos parce qu'ils sont tellement imprudents qu'ils ont failli mourir plusieurs fois, n'apprenant jamais de leurs erreurs! 

Ce que j'ai aimé surtout ce sont les descriptions des endroits visités: villes africaines, ruines romaines, paysages du Sahara qui m'ont rappelé le magnifique Terre des Hommes de Saint-Exupéry!  J'ai également trouvé sympa que les deux amis soient amateurs de littérature française, citant régulièrement Proust, Gide, Flaubert et autres.  

Il y a bien quelques phrases d'un goût douteux qu'il faut remettre dans leur contexte -- on est dans les années soixante, même si ce journal de voyage a été publié beaucoup plus tard -- mais également d'autres réflexions qui m'ont semblé très modernes.  Toutefois c'est surtout pour le dépaysement total qu'ils proposent que je recommande la lecture de ces carnets!


Carnets du Nil Blanc de John Hopkins, 2012, 250 p.  Titre de la version originale: The White Nile Diaries.

28 avril 2024

11/22/63 (22/11/63)

Science-fiction, roman historique, roman d'amour, thriller et même une petite touche de fantastique...  C'est bien connu, Stephen King aime mélanger les genres, et le mélange est ici très réussi!

Il est de notoriété publique que ce roman raconte l'histoire d'un voyageur temporel qui tente d'empêcher l'assassinat de John F. Kennedy.  La grosse surprise réside dans le fait que cela ne constitue en fait que la toile de fond des premiers deux tiers du roman.  En effet, notre héros est transporté cinq années avant la date fatidique et vivra toutes sortes de péripéties avant de pouvoir essayer de changer le cours du Destin.  Entretemps, il devra s'adapter à cette époque bien différente de la sienne, rencontrera des gens fort sympathiques ou plutôt inquiétants, le tout en tentant de ne pas trop se faire remarquer! 

Je pense que ce long délai avant d'arriver au sujet évoqué par le titre a pu déplaire aux quelques détracteurs de ce roman.  Quant à moi, une fois accepté qu'on allait faire un long détour, j'ai adoré!  King dresse ici un formidable portrait de l'Amérique des années 50-60.  Seul petit bémol, quelques répétitions dans les premiers chapitres (tout le monde fumait à cette époque, on a compris!).  

King fait même un gros clin d’œil à un autre de ses romans, It (Ça), puisqu'une partie de l'intrigue se déroule à Derry, dans le Maine.  Je vous recommande donc de lire ce roman-là en premier si vous voulez notamment saisir les allusions à un certain clown...


11/22/63 de Stephen King, 2011, 849 p.  Titre de la traduction française: 22/11/63.

26 avril 2024

Piranesi (Piranèse)

Avec ce genre de roman, c’est tout ou rien.  C’est-à-dire qu’on aime beaucoup ou pas du tout.  Heureusement pour moi, j’ai été dans la première catégorie, et pas qu’un petit peu! 

L’histoire?  Je préfère ne rien vous en dire. La longueur de ce billet sera donc inversement proportionnelle au plaisir ressenti durant cette lecture.  Le narrateur, un être bizarre, naïf mais attachant, vous fera découvrir son étrange univers, petit à petit.  Vous ne comprenez rien au début?  C’est normal.  Lisez le moins possible de commentaires avant de commencer.  Déjà, de savoir dans quelle thématique on se trouvait, étant donné qu'il a été sélectionné pour le club de lecture Livraddict, c’était déjà un peu divulgâcheur, j’aurais préféré ne rien savoir du tout! 

En bref, j’ai vraiment adoré cette histoire très originale, tout comme j’avais adoré le premier roman de l’auteure, Jonathan Strange & Mr. Norrell, pourtant complètement différent de celui-ci!  Quel tour de force de Susanna Clarke d’avoir su soutenir notre attention en distillant les informations au compte-goutte!  C’est toujours un jeu risqué, mais le pari est gagné selon moi!  

 

Piranesi de Susanna Clarke, 2020, 245 p.  Titre de la traduction française: Piranèse.

 

01 avril 2024

Proust, roman familial

Quel excellent essai!  Enfin, je dis «essai» mais, en même temps, il s'agit aussi d'un récit autobiographique.  L'auteure raconte en effet comment la lecture d'À la recherche du temps perdu de Marcel Proust lui a ouvert les yeux sur ses relations avec sa famille (elle est issue de deux lignées nobles, l'une remontant au Moyen-Âge, l'autre, les Murat, beaucoup plus récente), en particulier avec sa mère, avec laquelle elle a eu une relation très conflictuelle, mais aussi sur son homosexualité et sur plusieurs autres sujets.

Certains passages trop intellos à mon goût m'ont frustrée (euphémisme pour: j'ai rien compris!), mais l'ensemble se lit très bien, d'ailleurs je l'ai dévoré en quelques jours.  Je crois toutefois qu'il est préférable d'avoir lu toute La Recherche auparavant, et ce, pour deux raisons:  de un, Murat divulgâche allègrement (mais c'est bien sûr inévitable dans ce genre d'essai), incluant la toute fin de l’œuvre; et de deux, ce serait sûrement beaucoup moins intéressant pour quelqu'un qui ne saisirait pas la multitude de références.

Souvent drôle ou touchante, une excellente lecture, peut-être ma meilleure de ce premier trimestre de 2024! 


Proust, roman familial de Laure Murat, 2023, 256 p.

29 mars 2024

The Glass Hotel (L'Hôtel de verre)

Vous commencez à me connaître, je ne lis jamais les quatrièmes de couverture...  Cela me permet d'éviter les résumés trop bavards et d'aborder les œuvres d'un œil frais et sans a priori.  Mais des fois cela me joue des tours!  Comme le roman précédent d'Emily St. John Mandel que j'ai lu était de la SF (Station Eleven, un gros coup de cœur!), je pensais que celui-ci ferait également partie des littératures de l'imaginaire...  J'ai donc passé les cinquante premières pages à attendre que quelque chose de fantastique survienne!  

Remarquez que si j'avais lu la quatrième de couverture en français, j'aurais été tout aussi décontenancée puisque celle-ci laisse croire que toute l'intrigue se déroulera dans l’hôtel du titre, en huis clos.  Or ce n'est pas du tout le cas!  Quant à la présentation en anglais, elle est extrêmement divulgâcheuse, dévoilant un fait qui se passe dans le dernier quart du roman! 

Bref, on dirait qu'il n'y avait aucun scénario parfait.  Heureusement, une fois effectuée la petite gymnastique de cerveau recadrant mes attentes, j'ai pu enfin apprécier ce roman à sa juste valeur.  L'intrigue nous promène d'une île au large de Vancouver jusqu'à New York, dans les milieux financiers en pleine crise économique de 2008, en passant par Toronto et Dubaï.  C'est vraiment très intéressant, même si la quantité de personnages secondaires et les allers-retours dans le temps demandent une certaine concentration.

Un très bon roman, mais qui ne sera pas aussi marquant que Station Eleven.  Ah!  En se quittant, un petit avertissement: il paraît que le plus récent roman de St. John Mandel, Sea of Tranquility, divulgâche The Glass Hotel.  Vous voilà prévenus!


The Glass Hotel d'Emily St. John Mandel, 2020, 320 p.  Titre de la traduction française: L'Hôtel de verre.

20 mars 2024

La Collision des récits

J'ai fait la connaissance de Philippe de Grosbois dans l'excellent balado La Balado de Fred Savard (oui, Fred a décidé que le mot balado était féminin!) dont il est un collaborateur régulier.  Cela m'a donné envie de lire un de ses essais, voilà la chose faite!

Cet essai sur le journalisme et la désinformation est très intéressant car il déboulonne de nombreux mythes et idées reçues.  Par exemple, la désinformation existe depuis longtemps, elle n'est pas causée par les médias sociaux; ceux-ci n'ont fait qu'amplifier le problème.  Également, l'objectivité journalistique n'existe pas.  Même lorsqu'il présente des faits vérifiés, le journaliste fait des choix en ce qui concerne la façon de présenter la nouvelle, à qui il donne la parole (ou pas), etc., et ces choix sont influencés par différents facteurs reliés à sa classe sociale, sa race, son genre, le média pour lequel il travaille, etc.  D'ailleurs, l'auteur lui-même ne se targue pas de neutralité, affichant clairement ses convictions de gauche.

Ce que j'ai aimé surtout, c'est combien cet essai a eu des liens avec l'actualité pendant que je le lisais.  Ainsi, le ministre Pierre Fitzgibbons a traité des journalistes de La Presse et du Devoir de «militants» (sous-entendu: non objectifs) parce qu'ils ont relevé la contradiction de ses propos avec ceux du ministre de l'Environnement concernant le projet d'usine de batteries de Northvolt.  Or, Grosbois parle justement de cette tendance à qualifier de militants les journalistes qui remettent en question les messages des gouvernements ou des grandes compagnie, alors que ceux qui les relaient servilement sont considérés objectifs! 

Il y a eu aussi un article d'Isabelle Hachey dans La Presse (27 janvier) où elle critique le dernier livre de Mathieu Bock-Côté, Le Totalitarisme sans le goulag, publié l'automne dernier.  Mme Hachey a vérifié plusieurs affirmations faites par MBC et a constaté que plusieurs étaient soit fausses, soit grandement exagérées ou prises complètement hors contexte.  Philippe de Grosbois déplore justement qu'on laisse le sociologue chéri de la droite dire les pires énormités sans les contester...  Voilà, Philippe, ton message a été entendu!

Seul petit bémol, j'ai trouvé qu'il y avait quelques répétitions d'un chapitre à l'autre.  C'est sans doute pourquoi j'ai étiré cette lecture sur plusieurs mois!


La Collision des récits de Philippe de Grosbois, 2022, 200 p.